CHAPITRE XII THÉRAPIE PHOTODYNAMIQUE B. GATTEGNO - D. CHOPIN 1117 PLAN I. PRINCIPES DU TRAITEMENT PHOTODYNAMIQUE IV. TOXICITE DE LA PHOTOTHERAPIE II. APPLICATION CLINIQUE DE LA THERAPIE PHOTODYNAMIQUE POUR LE TRAITEMENT DES TUMEURS SUPERFICIELLES DE LA VESSIE V. L’AVENIR DE LA PHOTOTHERAPIE REFERENCES III. LES RESULTATS CLINIQUES 1118 Progrès en Urologie (2001), 11, N°5, 1117-1124 CHAPITRE XII Thérapie photodynamique B. G ATTEGNO - D. CHOPIN Le premier traitement photodynamique d’une tumeur superficielle de la vessie a été réalisé en 1975 par Kelly et Snell au Saint Mary’s hospital à Londres [1], mais le concept existait depuis le début du vingtième siècle. A cette époque, le traitement photodynamique avait été réalisé en utilisant un dérivé de l’hématoporphyrine administré par voie intraveineuse puis activé par une lumière au mercure. Depuis cette date plus de 495 patients, dont le traitement a fait l’objet d’une publication, ont été traités par cette méthode [1-12]. Le taux de réponses complètes à 3 mois est globalement évalué entre 57 % et 100 % suivant les séries. Parmi ces succès, de nombreux patients répondeurs avaient bénéficié de la thérapie photodynamique après un échec des instillations intra vésicales de BCG ou de mitomycine C [3-4-10-13-19]. Après injection intraveineuse, 88 % de la Photofrine est transportée dans le sang par des lipoprotéines [23-26], les 12 % restant sont transportés par l’albumine. La demie vie de la Photofrine est estimée à 22 heures [27]. La partie active de ces complexes pénètre dans les tissus à croissance rapide comme les tumeurs malignes et les cellules inflammatoires. La Photofrine a pour propriété d’être fluorescente lorsqu’elle est excitée par un rayonnement ultraviolet (400 nm) ou bleu (510 nm), cette caractéristique a été utilisée pour détecter précocement les tumeurs malignes avant qu’elles soient décelables macroscopiquement [2]. 2. LA LOCALISATION ET LE STOCKAGE TISSULAI- I. PRINCIPES DU TRAITEMENT PHOTODYNAMIQUE RE DU PHOTOSENSIBILISATEUR L’objectif de la photothérapie dynamique est d’obtenir la mort des cellules tumorales grâce à leur sensibilisation photochimique. Il est nécessaire de disposer de trois éléments pour obtenir une sensibilisation photochimique et la mort cellulaire : un photosensibilisateur, de la lumière et de l’oxygène [20-21]. 1. IL elle est purifiée à partir d’un dérivé de l’hematoporphyrine [22]. EXISTE PLUSIEURS TYPES DE PHOTOSENSI- BILISATEURS Les photosensibilisateurs les plus étudiés sont les porphyrines, les naphtalocyanines, les purpurines, les chlorines et les bactériochlorines. La Photofrine II (sodium porfimer) est la plus utilisée en clinique, Vingt deux heures après son injection intraveineuse, la Photofrine II se fixe en premier lieu sur le foie, la rate et les reins (cellules réticulo-endothéliales). Puis, elle se fixe secondairement sur la peau, les mastocytes, les macrophages et les cellules de Langerhans [22]. La fixation préférentielle e t prolongée de la Photofrine II dans les tumeurs peut être attribuée à ses propriétés chimiques qui sont lipophile et hydrophobe. Les caractéristiques des tissus tumoraux sont aussi probablement importantes pour expliquer cette fixation élective de la Photofrine II, en effet les tissus tumoraux présentent une augmentation de la néo vascularisation et de la perméabilité vasculaire, un 1119 B. GA TTEGNO - D. CHOPIN - Progrès en Urologie (2001), 11, N°5, 1117-1124 drainage lymphatique faible et une altération du collagène tissulaire. La Photofrine qui est fixée dans les tissus tumoraux est activée par la lumière rouge. La longueur d’onde de la lumière rouge qui est de 630 + 3 nm, a été choisie en raison de sa pénétration entre 0.5 à 1 cm dans la profondeur de la tumeur [11]. 3. LE LASER EST LA SOURCE DE LUMIÈRE PRIN- CIPALE UTILISÉE POUR LA THÉRAPIE PHOTODYNAMIQUE EN RAISON DE SON EXCELLENTE TRANSMISSION PAR LES FIBRES OPTIQUES Le rayonnement laser peut être conduit par des microfibres pour un traitement focalisé d’une tumeur vésicale, ou par une fibre à terminaison sphérique qui permet alors de traiter toute la vessie en cas de tumeur diffuse. Le laser photodynamique n’entraîne aucun effet thermique pour détruire la tumeur, comme le font les lasers à CO2 ou les lasers ND : YAG qui agissent par un mécanisme d’action totalement différent. 4. TROIS MÉCANISMES DE LA DESTRUCTION TUMORALE SONT POSSIBLES a) Dans le premier mécanisme, la destruction tumorale est provoquée par la production de radicaux libres et d’oxygène à un seul radical libre (1 O2 *) qui sont cytotoxiques [28-30]. L’oxygène (1 O2* ) entraîne une destruction du tissu visé, en particulier au niveau des mitochondries, des lysosomes et de la paroi cellulaire. b) Il peut se produire aussi une destruction indirecte de la tumeur provoquée par des lésions de son endothélium vasculaire ce qui conduit à l’hypoxie puis à la mort cellulaire. c) Le troisième mécanisme possible est une immunosuppression cytotoxique [31]. II. APPLICATION CLINIQUE DE LA THERAPIE PHOTODYNAMIQUE POUR LE TRAITEMENT DES TUMEURS SUPERFICIELLES DE LA VESSIE 1. LES INDICATIONS Les indications urologiques de la photothérapie dynamique sont essentiellement les tumeurs superficielles de la vessie et les tumeurs infiltrantes de stade égal ou supérieur à pT2. Les tumeurs présentant une atteinte de l’urètre prostatique ne sont pas concernées par ce type de traitement. Le carcinome in situ de la vessie est la meilleure indication en raison de la faible épaisseur de la tumeur. Les autres indications sont les tumeurs pTa et pT1 récidivées après résection endoscopique et chimiothérapie ou immunothérapie intra vésicale. La thérapie photodynamique peut aussi être utilisée comme traitement préventif des récidives après résection endoscopique de la tumeur macroscopiquement visible, en détruisant les cellules tumorales non décelables en cystoscopie conventionnelle [11]. 2. LES MODALITÉS DU TRAITEMENT a) Le patient reçoit, par voie intraveineuse, de la Photofrine II à la dose de 2 mg/kg de poids corporel. Il est conseillé au patient d’éviter une exposition à la lumière forte pendant 4 semaines après l’injection, en raison du risque de photosensibilisation cutanée. b) Le traitement endovésical est appliqué 2 à 3 jours après l’injection, sous anesthésie locorégionale ou générale afin d’éviter les mouvements du corps du patient et ainsi obtenir une position fixe de la vessie, par rapport à la fibre optique, au cours de la photothérapie. La lumière est introduite dans la vessie par l’intermédiaire d’un cystoscope souple ou rigide. c) Deux techniques de traitement sont possibles : - Le traitement focalisé s’applique à des tumeurs de moins de 2 cm de diamètre. La fibre conduisant la lumière est introduite dans la vessie par l’intermédiaire d’un cystoscope rigide ou souple. La dose de lumière administrée est comprise entre 100 et 200 J/cm2, à une puissance inférieure à 150 mW/cm2 afin d’éviter une hyperthermie locale. - Le traitement de l’ensemble de la muqueuse vésicale est surtout utilisé dans les carcinomes in situ et la prophylaxie des récidives des tumeurs superficielles. Il ne doit être appliqué qu’au moins 4 semaines après la résection endoscopique de la tumeur afin de minimiser le risque de réaction inflammatoire de la vessie [32]. L’extrémité de la fibre doit être placée au centre anatomique de la vessie qui est déterminé par une échographie sus pubienne per opératoire [33]. 1120 B. GA TTEGNO - D. CHOPIN - Progrès en Urologie (2001), 11, N°5, 1117-1124 III. LES RESULTATS CLINIQUES 1. LE TRAITEMENT PHOTODYNAMIQUE DU CAR - CINOME IN SITU Il permet d’obtenir un taux de réponse globale de 66%. Le tableau 1 reproduit les résultats des principales séries de la littérature. Les patients traités étaient le plus souvent en phase d’échappement à un traitement conventionnel. Le délai moyen de la récidive, après la photothérapie, varie entre 37 et 84 mois, mais les séries présentant un suivi à long terme sont peu nombreuses [3-12-18]. 2. LE TRAITEMENT PHOTODYNAMIQUE DES TUMEURS PAPILLAIRES DE LA VESSIE Il entraîne un pourcentage de réponses globales de 51 %. Le tableau 2 reproduit les résultats des principales séries de la littérature. Ce traitement est proposé aux patients échappant au traitement conventionnel. Le délai moyen d’apparition d’une récidive est de 25 à 48 mois [12-14]. 3. L’ANALYSE DES RÉSULTATS L’analyse de ces séries montre que le traitement des CIS permet d’obtenir de meilleurs résultats globaux (66 %) que celui des tumeurs papillaires (51 %). Ces données sont vraisemblablement expliquées par la faible épaisseur tumorale du CIS qui permet au rayonnement appliqué dans la vessie, de pénétrer dans toute la tumeur et donc de la détruire en totalité. IV. TOXICITE DE LA PHOTOTHERAPIE Les complications sont relativement fréquentes lors de la photothérapie dynamique, mais ce traitement est appliqué sur une vessie fragilisée car ayant déjà subi de nombreux traitements locaux sans succès, ce qui laisse penser que la photothérapie n’est peut être pas entièrement responsable des complications locales. Le tableau 3 reproduit les complications des principales séries de la littérature. Tableau 1 : Résultats de la thérapie photodynamique dans les carcinomes in situ [35] Séries Réponse complète/nombre de patients (%) Durée médiane de la réponse (mois) 2/2 3+ Benson [40] 8/12 6+ Shumaker [17] 11/14 9 Prout [2] 3/3 3+ Jocham [41] 9/15 24+ Harty [4] 1/2 3+ Naito [15] 20/29 Manyak [42] 3/11 - Windahl et Lofgren [19] 7/7 7 Uchibayashi [18] 25/34 9 D’Hallewin et Baert [13] 15/15 31+ Kriegmair [14] 4/5 22+ Kriegmair [43] 2/4 20+ Walther [35] 1/6 56+ Nseyo [12] 10/20 82 Nseyo [44] 21/36 12+ Hisazumi [39] Total 142/215 (66 %) 1121 B. GATTEGNO - D. CHOPIN - Progrès en Urologie (2001), 11, N°5, 1117-1124 Tableau 2 : Résultats de la photothérapie photodynamique dans le traitement des tumeurs vésicales papillaires [35] Séries Réponse complète/nombre de patients traités (%) Durée médiane de la réponse (mois) Tsuchiya [45] 1/9 18+ Prout [2] 9/17 3+ Harty [4] 4/5 3+ Naito [15] 15/24 Windahl et Lofgren [19] 3/4 6 Kriegmair [9] 8/16 3 Kriegmair [8] 2/6 12 Walther [46] 8/14 7 Nseyo [12] 10/19 48 Total 60/114 (52 %) Tableau 3 : Les principales complications de la thérapie photodynamique. Séries de 1995 à 1999 [35] Séries Irritabilité de la vessie Hématuries Uchibayashi [18] 34/34 34/34 D’Hallewin [13] Rétraction vésicale Photosensibilisation cutanée 6/23 5/34 18/18 3/18 0/18 Kriegmair [9] 19/21 1/21 5/21 Kriegmair [14] 10/10 6/10 0/20 0/10 Walther [36] 20/20 20/20 1/20 2/20 Nseyo [11] 36/36 23/36 7/36 11/36 Nseyo [16] 58/58 14/58 14/58 15/58 19/78 (99 %) 32/196 (16%) 38/197 (19 %) Total 1. LE 195/197 (99 %) Reflux vésico-rénal 83/100 (83 %) TRAITEMENT PHOTODYNAMIQUE PEUT ENTRAÎNER DES COMPLICATIONS LOCALES a) Une irritation vésicale plus ou moins importante est très fréquente. Celle ci peut durer plusieurs semaines et entraîner le « syndrome post photothérapique » associant pollakiurie, impériosité, nycturie et douleurs vésicales [4-11-34]. b) La complication la plus grave est la rétraction vésicale définitive qui a été rapportée dans 10 à 16 % des cas. Néanmoins il est difficile de faire porter l’entière responsabilité à la photothérapie car ces patients ont souvent subi auparavant, de nombreux 5/20 traitements intra vésicaux qui par eux mêmes peuvent entraîner une fibrose de la paroi vésicale [1135]. c) La survenue d’une fistule recto vésicale a été décrite lors d’une photothérapie appliquée sur une vessie radique [19]. d) Des dépôts cristallins dans la vessie ont été décrits après brûlure de la muqueuse vésicale [36]. 2. LA PHOTOTOXICITÉ CUTANÉE Elle a été rapportée dans 20 à 50 % des cas. Ces brûlures cutanées, favorisées par une exposition à une 1122 B. GATTEGNO - D. CHOPIN - Progrès en Urologie (2001), 11, N°5, 1117-1124 forte lumière, sont transitoires et disparaissent spontanément sans séquelles. Ces complications peuvent survenir même en cas d’application d’une faible dose de Photofrine et de rayonnement, mais leur intensité est moindre [35]. V. L’AVENIR DE LA PHOTOTHERAPIE Les meilleures indications actuelles de la photothérapie semblent être les tumeurs vésicales superficielles récidivantes et surtout le CIS. La recherche porte sur de nouveaux photosensibilisateurs qui permettraient une meilleure cytotoxicité et pénétration tumorale. Les photosensibilisateurs en évaluation sont les chlorines, les phtalocyanines et les porphines [21-37]. Ces photosensibilisateurs ont une répartition plus uniforme que les dérivés de l’hématoporphirine, entraînent moins de sensibilisation cutanée, sont absorbés et éliminés plus rapidement et semblent moins irritants pour la vessie [9]. Récemment Waidelich [38] a étudié chez l’homme l’efficacité de l’acide 5-aminolévulinique administré par voie orale chez 24 patients, présentant une tumeur vésicale pTa, pT1 ou un CIS ne répondant pas au BCG intra vésical, avec un recul médian de 36 mois (écart de 12 à 51 mois). La progression de la tumeur vésicale a été arrêtée dans 75 % des cas, sans entraîner d’effet secondaire cutané phototoxique ni de réduction de capacité vésicale. Ces résultats doivent être confirmés par d’autres séries cliniques, mais ils semblent d’emblée très prometteurs. L’autre voie de recherche est l’optimisation du traitement, il semble que le fractionnement des doses améliore l’effet thérapeutique et diminue la toxicité [35]. Ainsi, la photothérapie dynamique est une tech nique dont la diffusion est encore restreinte en raison de la nécessité de disposer d’un matériel spécifique et de la fréquence des complications secondaires au traitement. L’indication idéale semble être les tumeurs vésicales superficielles et surtout les CIS récidivants malgré les traite ments locaux conventionnels. L’amélioration de l’efficacité de ce traitement et la diminution de ses effets secondaires devraient permettre une plus grande diffusion de la thérapie photodyna mique. REFERENCES 1. KELLY J.F., S NELL M.E. and B ERENBAUM M.C., Photodynamic destruction of human bladder carcinoma. Br J Cancer, 1975. 31(2): p. 237-44. 2. PROUT G.R., JR ., LIN C.W., BENSON R., JR ., N SEYO U.O., DALY J.J., GRIFFIN P.P., K INSEY J., T IAN M.E., LAO Y.H., MIAN Y.Z., and ET AL., Photodynamic therapy with hematoporphyrin derivative in the treatment of superficial transitional-cell carcinoma of the bladder. N Engl J Med, 1987. 317(20): p. 1251-5. 3. 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