dans notre série (0,44%) [3, 9, 14]. Enfin, une analyse statistique
détaillée a permis de comparer l'incidence de ces tumeurs chez les
neurologiques par rapport à celle de la population générale. Les
résultats sont a priori similaires dans ces deux populations [5].
En réalité, la particularité des cancers de la vessie chez les patients
neurologiques est liée à la fréquence accrue des carcinomes épider-
moïdes. Ce type histologique est rare dans les pays occidentaux (1,2
à 4,5% des tumeurs), éloignées des zones d'endémie bilarzhiennes.
Nous en avons diagnostiqué 37,5% à partir de notre population d'o-
rigine. Le cancer épidermoïde peut représenter jusqu'à 52% des cas
de tumeurs chez les blessés médullaires [8, 11]. Parmi les facteurs
de risque incriminés, l'inflammation chronique du réservoir vésical
(cathétérisme permanent ou intermittent, lithiase vésicale, bactériu-
rie asymptomatique, …) semble en partie responsable de la propor-
tion importante de carcinomes épidermoïdes [3, 7, 15]. En effet, le
risque de développer un cancer épidermoïde de vessie serait de 10%
après 10 années de sonde à demeure [7, 11, 15]. Les traumatismes
locaux liés aux sondages intermittents itératifs seraient moins sus-
ceptibles d'être responsables d'une métaplasie capable de progres-
ser vers un carcinome épidermoïde [10, 16]. Il faut souligner que le
sondage intermittent demeure un facteur de risque par rapport à la
miction naturelle [6]. D'autre part, le cyclophosphamide est de plus
en plus utilisé en traitement de fond des formes progressives de
sclérose en plaques résistantes à l'interféron. Cela n'apparaît pas
explicitement dans notre série rétrospective de patients neurolo-
giques car cette approche thérapeutique est récente. Cependant, les
patients ayant une sclérose en plaques avec des troubles miction-
nels nécessitant des sondages évacuateurs itératifs et traités par
cyclophosphamides, cumulent donc les risques carcinologiques [6].
Il faudra être particulièrement vigilant dans ces populations à l'ave-
nir et l'histologie de ces tumeurs pourrait être différente de celles
observées jusque-là [1, 2].
La plupart des tumeurs de notre série ont été révélées par une héma-
turie macroscopique. Ce symptôme est pour le moins banal chez les
neurologiques porteurs d'une sonde vésicale, d'une lithiase ou d'une
infection chronique. Pour autant, l'hématurie ne doit jamais être
négligée dans cette population où le diagnostic carcinologique est
souvent tardif [5, 14, 17]. En effet, quatre de nos patients ayant eu
des épisodes de saignement ont été diagnostiqués avec des tumeurs
invasives et de haut grade. Il faut souligner que la cytologie urinai-
re a une mauvaise sensibilité pour la détection des tumeurs épider-
moïdes [4, 8]. Elle reste toutefois rentable pour les cas de carcino-
mes urothéliaux. Certains outils de biologie moléculaire utilisés
dans les urines comme le Bladder Tumor Antigen ne sont pas plus
fiables car leur fonctionnement est altéré par la présence d'une leu-
cocyturie chronique [18].
Le rythme et la méthode de suivi des patients neurologiques ne
sont pas consensuels pour autant et demeurent très hétérogènes
[15, 19]. Des protocoles de diagnostic précoce ont été proposés par
quelques équipes spécialisées sans pour autant faire la preuve de
leur efficacité. Cette surveillance repose notamment sur une cys-
toscopie annuelle et une cytologie chez les patients paraplégiques
àpartir de 10 ans d'évolution de la vessie neurologique [11, 14,
19]. Les surcoûts engendrés par ces protocoles sont parfois criti-
qués compte tenu de leur faible rentabilité diagnostique. Concer-
nant les sociétés savantes ou les comités d'experts, seul le Groupe
d'Etudes de Neuro-Urologie de Langue Française (GENULF) a
émis des recommandations pour la réalisation d'une surveillance
complémentaire chez les patients à risque carcinologique dans le
cadre des vessies neurogènes (blessé médullaire, spina bifida). Sur
le plan vésical, la surveillance se base sur l'association de la cys-
toscopie associée à des biopsies au moindre doute, complétée par
cytologie urinaire. En l'absence de preuve d'une efficacité des pro-
grammes de dépistage dans les populations à risque, il apparaît
logique de proposer ces examens de façon annuelle chez les
patients ayant un ou plusieurs des facteurs de risque suivants :
tabagisme et âge supérieur à 50 ans, entérocystoplastie ou agran-
dissement vésical depuis plus de 10 ans, neuro-vessie évoluant
depuis plus de 15 ans [20].
CONCLUSION
Les cancers de la vessie chez les patients neurologiques ont finale-
ment une incidence assez proche de celle de la population généra-
le. En revanche, on détecte davantage de carcinomes épidermoïdes
invasifs d'emblée, nécessitant des traitements agressifs. Il semble
légitime de surveiller étroitement les patients qui ont une neuro-
vessie ancienne et qui doivent avoir recours au sondage (auto ou
hétéro) fréquemment. En attendant la position des comités de can-
cérologie ou de neuro-urologie de l'Association Française d'Urolo-
gie, la seule recommandation scientifique dans ce domaine a été
émise à ce jour par le GENULF qui préconise au moins une cys-
toscopie annuelle et une cytologie au-delà de 15 ans d'évolution de
la vessie neurogène.
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Figure 1. Courbe de survie selon Kaplan-Meier pour les 8 patients
neurologiques ayant présenté un cancer de la vessie.