chapitre 2

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2 Arithmétique dans Z
1 Divisibilité
1.1 Division euclidienne
On commence par rappeler ce qu’est la division euclidienne de deux entiers.
Proposition 10. Soient a et b deux entiers relatifs. Si b Ó= 0, il existe un unique couple (q, r)
d’entiers relatifs tels que :
a = bq + r
et
0 6 r < |b|
Le nombre q s’appelle le quotient et r est le reste de la division euclidienne de a par b.
Démonstration. Prenons a et b Ó= 0 dans N. L’idée est de coincer a entre deux multiples
consécutifs de b. Soit
A = {q ∈ N | bq 6 a}
C’est une partie non vide et minorée (par 0), donc elle admet un plus grand élément q. Mais
alors q + 1 n’est pas dans A et donc
bq 6 a < b(q + 1)
Si on pose r = a − bq, on a bien 0 6 r < b. D’où l’existence. par ailleurs, si
a = bq + r = bq ′ + r′ ⇒ b|q − q ′ | = |r′ − r|
Si l’on suppose 0 6 r < b et 0 6 r′ < b alors
0 6 |r′ − r| < b
et l’égalité précédente ne peut avoir lieu que si r = r′ et b = b′ .
Exemples :
Division euclidienne de ±17 par ±5.
17 = 5 × 3 + 2,
−17 = 5 × (−4) + 3
17 = (−5) × (−3) + 2,
−17 = (−5) × 4 + 3
Montrer que, si b est non nul, on a :
a = bq + r
et
0 6 |r| 6
|b|
2
Y a-t-il unicité ?
15 = 10 × 1 + 5 = 10 × 2 − 5
13
2 Arithmétique dans Z
1.2 Divisibilité
Si a et b sont des éléments de Z, on dit que a divise b, ou que b est un multiple de a s’il existe
k dans Z tel que b = ak. Cela s’écrit a | b.
Définition 6. L’ensemble des a ∈ Z tels que a|b est l’ensemble des diviseurs de b. On le notera
D(b).
D(15) = {−15, −5, −3, −1, 1, 3, 5, 15}
L’ensemble des b tels que a|b est l’ensemble des multiples de a. On le note aZ.
6Z = {. . . , −72, . . . , −12, −6, 0, 6, 12, 18, . . .}
Remarque : 0Z = {0} et D(0) = Z. À part ce cas particulier affligeant, l’ensemble des diviseurs
de b Ó= 0 est fini (pourquoi ?) et l’ensemble des multiples de a Ó= 0 est infini.
Par ailleurs, et pour a et b quelconques :
Proposition 11.
a | b ⇐⇒ bZ ⊂ aZ
a | b et b | a ⇐⇒ a = ±b ⇐⇒ D(a) = D(b) ⇐⇒ aZ = bZ
a | b et a | c ⇒ a | bu + cv
où u et v sont des éléments quelconques de Z
La relation « divise » est donc synonyme de la relation d’inclusion dans les sous-groupes aZ. Il
est intéressant d’observer le dessin qui suit.
1.3 Les idéaux de Z
On sait que Z est un groupe commutatif pour l’addition (loi associative et commutative,
il existe un élément neutre 0 et tout élément a un symétrique pour l’addition, appelé son
opposé). Il existe des sous-ensembles de Z qui sont aussi des groupes pour + : ce sont les sousgroupes de Z.
Théorème 12. Les ensembles de la forme aZ sont les seuls sous-groupes de Z.
La démonstration est un « modèle » de démonstration. Il est important de bien la connaître.
Démonstration. Dans une première étape, on vérifie que aZ est bien un sous-groupe de Z. Il
suffit de vérifier que c’est un ensemble non vide stable pour l’addition et pour l’opposition (cf.
les critères de sous-espace vectoriel).
Soit maintenant G un sous-groupe quelconque de Z. S’il ne contient que 0, il coïncide avec
0Z. Sinon, il contient b non nul, et donc −b puisque c’est un sous-groupe. L’un des deux est
strictement positif, donc G ∩ Z∗+ est non vide, soit a son plus petit élément (cela fait partie des
propriétés de N, toute partie non vide de N a un plus petit élément). G est stable par addition,
il contient tout les multiples de a. Soit maintenant n un élément quelconque de G et n = aq + r
sa division euclidienne par a. Comme r = n − aq est la différence de deux éléments de G il est
dans G. Ce reste r est positif, strictemment plus petit que a, il est donc nul par définition de a.
Ainsi tout élément n de G est un multiple de a et G = aZ.
14
1 Divisibilité
Les sous-groupes de Z ont une propriété supplémentaire : si n est un entier,
∀a ∈ Z, ∀b ∈ nZ, ab ∈ nZ
Autrement dit, nZ est un sous-groupe de (Z, +) qui est aussi stable par le produit d’un élément
quelconque de Z. On dit que nZ est un idéal de Z. Nous retrouverons cette notion dans le cas
général d’un anneau.
1.4 Bézout et Gauss
Deux entiers de Z sont premiers entre eux (on dit aussi étrangers) s’ils n’ont d’autres diviseurs
communs que 1 et −1. On écrit alors a ∧ b = 1. Il existe une façon « simple » de le décider : on
dresse les listes finies de tous les diviseurs de a et de b....
Théorème 13 (de Bezout). ax + by = 1 admet au moins une solution (x, y) dans Z2 si et
seulement si a et b sont premiers entre eux.
Démonstration. Commençons par observer que aZ + bZ (ensemble des sommes d’un multiple
de a et d’un multiple de b) est un sous-groupe de Z : c’est d’ailleurs le plus petit sous-groupe
de Z qui contient a et b. Il est donc de la forme dZ (avec d positif). Mais alors aZ ⊂ dZ donc d
divise a. De même d divise b. Si donc a et b sont premiers entre eux, d = 1 et 1 s’écrit comme
somme d’un multiple de a et d’un multiple de b. Réciproquement, si ax + by = 1, alors tout
diviseur commun de a et de b divise 1 : a et b sont premiers entre eux.
Le théorème de Gauss relie divisibilité et nombres premiers entre eux :
Théorème 14 (de Gauss). Pour tout a, b et c,
I
a | bc
a∧b=1
⇒a|c
Démonstration.
au + bv = 1 ⇒ a(uc) + (bc)v = c
À l’aide du théorème de Bezout et du théorème de Gauss, on peut montrer que lorsque a et b
sont premiers entre eux, l’équation de Bezout au + bv = 1 a une infinité de solutions.
1.5 p.g.c.d. et p.p.c.m.
On généralise le paragraphe précédent.
Définition 7. Si a et b sont dans Z, leur p.g.c.d. est l’entier naturel d défini par aZ + bZ = dZ,
et leur p.p.c.m. est l’entier naturel m défini par aZ ∩ bZ = mZ.
Proposition 15. Le p.g.c.d. est le plus grand commun diviseur en ce sens que si d′ divise
à la fois a et b alors d′ divise d.
Le p.p.c.m. est le plus petit des multiples communs de a et b, et tout multiple commun de a et b
est multiple du p.p.c.m.
15
2 Arithmétique dans Z
Le p.g.c.d. est aussi le plus grand diviseur commun au sens habituel : si l’on note D(a, b) l’ensemble des diviseurs communs de a et de b, alors D(a, b) = D(a) ∩ D(b) et d en est le plus grand
élément.
Remarque 3. Si a est un entier naturel, a ∧ 0 = a. De même,
a ∧ b = a ⇐⇒ a|b
De la même façon, m est le plus petit commun multiple. On écrit a ∧ b = d pour désigner le
p.g.c.d. et deux nombres sont premiers entre eux si leur p.g.c.d. est égal à 1. On écrit a ∨ b = m
pour désigner le p.p.c.m. Résultats utiles :

′
′

∃a ∈ Z, a = a d
a ∧ b = d ⇐⇒ ∃b′ ∈ Z, b = b′ d

 ′
a ∧ b′ = 1
(a ∧ b)(a ∨ b) = |ab|
Il est possible de généraliser ces définitions à plus de deux éléments. Remarque : la seconde
propriété se démontre à l’aide des nombres premiers.
1.6 Algorithme d’Euclide
C’est un procédé qui permet d’obtenir rapidement le p.g.c.d de deux entiers. Une version permet
également d’obtenir en même temps une solution particulière de l’équation de Bezout (ou sa
généralisation quand les deux nombres ne sont pas premiers entre eux). Donnons nous deux
entiers naturels a et b : Tout repose sur le lemme :
Lemme 16. Si a = bq + r, alors a ∧ b = b ∧ r
Il suffit de vérifier, ce qui est immédiat, qu’avec ces hypothèses D(a, b) = D(b, r). Le lemme peut
s’appliquer au cas de la division euclidienne de a par b. On peut ensuite réappliquer le lemme en
faisant la division euclidienne de b par r, etc : c’est le principe de l’algorithme d’Euclide. Plus
précisément
Théorème 17. Soit a et b dans N∗ . Il existe n > 1 unique et deux uniques suites finies
(q1 , . . . , qn ) et (r1 , r2 , . . . , rn+2 ) telles que :
1. r1 = a, r2 = b.
2. rk = rk+1 qk + rk+2 pour k = 1..n.
3. r2 > r3 > . . . > rn+2 = 0.
Le p.g.c.d. de a et b est alors rn+1 , dernier reste non nul.
On peut faire une démonstration rigoureuse, par exemple par récurrence sur b. L’algorithme
d’Euclide ainsi décrit peut s’écrire sous forme algorithmique.
PGCD(a,b)
x:=a;y:=b;
tant que y>0 faire
(x,y):=(y,x mod y);
rendre(x);
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2 Relation d’équivalence et ensembles quotients
1.7 Nombres premiers
Un entier naturel p est premier s’il n’a pas d’autre diviseur dans N que 1 et lui-même (dans Z, ce
sera ±1 et ±p). L’ensemble P des nombres premiers est assez mystérieux, sujet de nombreuses
conjectures ; il y a une infinité de nombres premiers (résultat du à Euclide), ils se raréfient mais
on ignore par exemple s’il existe une infinité de nombres premiers jumeaux, c’est-à-dire de la
forme n, n + 2 comme 11 et 13. Une autre propriété.
Proposition 18. Lemme d’Euclide.
Si p est premier, alors p | ab ⇒ p | a ou p | b.
Démonstration. Si p est premier et si a est dans Z, alors p ∧ a = 1 ou p ∧ a = p, car p n’a que
1 et p comme diviseur dans N. Si donc p divise ab et ne divise pas a, il est premier à a et, par le
théorème de Gauss, il divise b.
Rappelons enfin le théorème fondamental de l’arithmétique :
Théorème 19. Tout entier naturel non nul et différent de 1 s’écrit de façon unique (à l’ordre
près) comme produit de nombre premiers.
La démonstration de l’existence d’une telle décomposition se fait par récurrence forte, l’unicité
utilise le lemme précédent.
2 Relation d’équivalence et ensembles quotients
2.1 Congruence dans Z
On dit que a et b sont congrus modulo n lorsque a − b est divisible par n. Cela s’écrit a ≡
b (mod n). La congruence modulo n est une relation d’équivalence et l’ensemble des classes
d’équivalence est noté Z/nZ. Cette relation de congruence est compatible avec les opérations +
et × de Z :
I
a ≡ a′ (mod n)
⇒ a + b ≡ a′ + b′ (mod n) et ab ≡ a′ b′ (mod n)
b ≡ b′ (mod n)
Exercice 1. Quels sont les derniers chiffres possibles du carré d’un entier naturel ? Réponse,
0, 1, 4, 9, 6, 5.
2.2 Ensemble quotient
L’ensemble formé par les classes d’équivalence s’appelle le quotient de E par R, il est noté E/R.
Ce vocabulaire s’explique aisément : on a divisé l’ensemble E en faisant des regroupements, dans
le quotient, des éléments équivalents sont considérés comme identiques. Ce passage au quotient
est extrêmement fréquent en algèbre, nous en verrons des exemples dans la suite du cours.
Supposons que E soit muni d’une loi de composition, c’est-à-dire d’une application :
E×E
(x, y)
−→
Ô−→
E
x∗y
17
2 Arithmétique dans Z
alors on dit que la loi est compatible avec la relation dès que :
I
a R a′
′
′
4
∀(a, a , b, b ) ∈ E ,
⇒ (a ∗ b) R (a′ ∗ b′ )
b R b′
On en déduit alors, comme ci-dessus, une loi de composition induite dans l’ensemble quotient
E/R, définie par :
a∗ b = a ∗ b
Ce qu’il faut vérifier, c’est que cette définition a un sens : l’idée est simple, le résultat de a ∗ b ne
doit pas dépendre de a et b qui sont de simples représentant de leur classe. Il faut donc que
a ∗ b = a′ ∗ b′ dès que a = a′ et b = b
′
C’est exactement ce que dit la définition précédente.
2.3 Les quotients Z/nZ
Nous allons maintenant appliquer la construction abstraite précédente à Z muni de la congruence
modulo n. Commençons par dénombrer les classes d’équivalences.
Théorème 20. Soit n Ó= 0. Pour la congruence modulo n, Z se partage en n classes d’équivalences, dont les représentants sont les entiers 0, 1, . . . , n − 1.
L’ensemble de ces classes d’équivalence est noté Z/nZ. On a donc
Z/5Z = {0, 1, 2, 3, 4}
Démonstration. Tout nombre est congru à son reste dans la division euclidienne par n. Deux
restes distincts ne sont pas dans la même classe d’équivalence.
Remarque 4. Z/0Z = Z car la congruence modulo 0 est l’égalité.
Z/1Z = {0}.
2.4 Les anneaux Z/nZ
La construction générale ci dessus conduit à :
Théorème 21. Z/nZ muni des applications induites par + et × de Z est un anneau commutatif,
d’éléments neutres 0 et 1. C’est un corps si et seulement si n est un nombre premier.
Démonstration. Seul la dernière partie nécessite une démonstration : Soit a ∈ Z/nZ. C’est un
élément inversible s’il existe b tel que
ab = 1 ⇐⇒ ab = 1 (mod n) ⇐⇒ ∃k ∈ Z, ab − kn = 1
Il suffit donc que a soit premier à n. Si donc n est premier, tous les éléments non nuls seront
inversibles (car tout entier entre 1 et n − 1 est premier à n car...). Tandis que si n n’est pas
premier, il existe d diviseur de n tel que 0 < d < n, et sa classe ne sera pas inversible.
18
2 Relation d’équivalence et ensembles quotients
2.5 Un autre exemple : la construction de Q
Si on prend pour E l’ensemble Z × Z∗ et la relation (d’équivalence)
(a, b) ≡ (a′ , b′ ) ⇐⇒ ab′ − a′ b = 0
alors on aura par exemple
(1, 2) ≡ (2, 4) ≡ (−3, −6) . . .
On note ab la classe d’équivalence d’un couple. Chaque classe d’équivalence s’appelle un rationnel,
et tout représentant d’un rationnel s’appelle une fraction.
Proposition 22. Chaque rationnel a un représentant particulier unique de la forme ± pq où p et
q sont des naturels positifs premier entre eux (cas particulier pour 0) Les opérations
(a, b) + (a′ , b′ ) = (ab′ + a′ b, bb′ )
(a, b) × (a′ , b′ ) = (aa′ , bb′ )
sont compatibles avec la relation d’équivalence. L’ensemble des classes d’équivalence est l’ensemble des rationnels, noté Q ; muni des opérations induites, c’est un corps commutatif.
Dans ce chapitre, le théorème à savoir est : Le théorème de Bezout, avec son application au
théorème de Gauss. (paragraphe 1.4)
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