Probabilités sur un ensemble fini
Danièle Gerard
IUFM Midi-Pyes CAPES Interne de Mathématiques
Octobre 2007
L’objectif des probablités est, lors d’une expérience étudiée, de quantifier le fait qu’un
résultat possible a plus de “chances” de se produire qu’un autre résultat possible.
Ainsi, faire des probabilités nécessite de modéliser chaque expérience étudiée afin de
préciser ce qu’on entend par “chances” ; pour cela, une théorie a été élaborée, avec un
vocabulaire propre et des méthodes et techniques spécifiques.
1 Introduction
1.1 Vocabulaire des probabilités
Lors d’une expérience donnée :
on se place dans un ensemble, noté le plus souvent ,qui représente l’ensemble de tous
les résultats possibles de cette expérience ; cet ensemble est appelé l’univers des possibles,
chaque partie de ,qui est intéressante pour l’expérience, est appelée événement,
est lui-même une partie de ,c’est un événement, appelé événement certain ; de même
est un événement, appelé événement impossible
chaque événement formé d’un seul élément est appelé événement élémentaire,
pour tout événement Ade ,on note Ale complémentaire de Adans ,et cet ensemble
est appelé événement contraire de A,
si deux événements Aet Bvérifient AB=,on dit que Aet Bsont incompatibles.
Ainsi, un événement et son événement contraire sont toujours incompatibles.
1.2 Exemples
(a)Expérience 1
On lance un dé numéroté de 1 à 6, et on s’intéresse au numéro obtenu sur la face supérieure
du dé. Dans ce cas, il y a six résultats possibles ; c’est pourquoi on modélise l’expérience
en notant Ω = {1,2,3,4,5,6}.
On peut s’intéresser aux événements suivants :
-Aest “obtenir le 2”, que l’on note A={2};ainsi Aest un événement élémentaire
-Best “obtenir un résultat pair”, que l’on note B={2,4,6},
-Cest “obtenir un résultat impair, que l’on note C={1,3,5}.
Remarquer que Bet Csont des événements contraires.
(b)Expérience 2
Une urne contient 10 boules dont 4 blanches et 6 vertes.
L’expérience consiste à :
- tirer une boule de l’urne et regarder sa couleur : si elle est blanche, l’expérience
s’arrête, et si elle est verte, on la remet dans l’urne ;
- et ainsi de suite ; on s’arrête à la première boule blanche tirée ;
et dans cette expérience, on s’inresse au nombre des tirages effectués avant de s’arrêter.
L’univers des possibles est l’ensemble des nombres de tirages possibles, c’est donc Ω =
{1,2,3, ...},ou encore Ω = N
,l’ensemble des entiers naturels non nuls.
On peut s’intéresser aux événements suivants :
1
-Aest “effectuer un seul tirage”, c’est-à-dire “s’arrêter à l’issue du premier tirage”,
que l’on note A={1};ainsi Aest un événement élémentaire,
-Best “effectuer au plus trois tirages”, c’est-à-dire “s’arrêter au plus tard à l’issue du
troisième tirage” ou encore “obtenir une boule blanche à l’un des trois premiers tirages”,
que l’on note B={1,2,3},
- l’événement contraire de Best “effectuer au moins 4 tirages avant d’obtenir une
boule blanche”, que l’on note B={4,5,6, ...}.
(c)Expérience 3
Lancer une fléchette sur une cible carrée abcd et s’intéresser à l’endroit où est enfoncée la
pointe de la flèchette. En supposant que la pointe de la fléchette est suffisamment effilée
pour être assimilée à un point, on peut modéliser l’expérience en prenant pour univers
des possibles l’ensemble des positions possibles de la pointe de la fléchette, c’est-à-dire de
tous les points intérieurs au carré. Et, si Eest une zone donnée de l’intérieur de carré,
on peut considérer l’événement A
E
: “la pointe de la fléchette est située dans la zone E.
Voir la figure 1.
(d)Bilan
Ces trois exemples mettent en évidence trois types de modélisation :
1.l’ensemble est un ensemble fini
2.l’ensemble est un ensemble infini dénombrable
3.l’ensemble est un ensemble infini non dénombrable.
Les deux premiers regroupent les cas dits “discrets”, et le dernier regroupe les cas dits
“non discrets” ou aussi “continus”.
Remarque En modélisant différemment l’expérience 3, on peut traiter cette étude en la
considérant comme un cas fini. En effet, supposons que la cible fasse apparaître des zones
prédéfinies, par exemple suivant le schéma de la figure 1 où les zones sont numérotées de
1 à 8, on peut alors s’intéresser à la position de la pointe de la fléchette par rapport à ces
zones, et, sur notre exemple, on peut considérer l’ensemble
={1,2,3,4,5,6,7,8}pour
univers des possibles.
1
2
3
5
4
6
7
8
E
a
b c
da
bc
d
F. 1 — Cible sans ou avec zones prédéfinies
2 Probabilité sur un ensemble fini
Dans tout ce qui suit, on va s’intéresser aux expériences modélisées de telle sorte que
l’ensemble est un ensemble fini. Dans ce cas, l’ensemble des événements considérés est
l’ensemble des toutes les parties de ,c’est-à-dire P(Ω) .
2.1 Dénition
Lors d’une expérience, on voudrait préciser de quelle manière un événement a “plus de
chances” de se produire qu’un autre ; on cherche à quantifier ce “plus de chances”, c’est-
à-dire à affecter aux différents événements susceptibles de se produire un nombre plus ou
2
moins grand suivant que l’événement a plus ou moins de “chances” de se produire. On est
alors amené à introduire la définition suivante :
Définition 1 Soit un ensemble fini. On appelle probabilisur toute application
P:P(Ω) [0,1] vérifiant
(i)P(Ω) = 1
(ii)A, B P (Ω) ,(AB=∅ ⇒ P(AB) = P(A) + P(B))
On appelle espace probabilisé fini (Ω, P )tout ensemble fini sur lequel est définie une
probabilité P.
Terminologie Si Pest une probabilité sur ,pour tout événement A, le réel P(A)
est appelé “probabilité de A.
Remarque Cette définition d’une probabilité traduit que la probabilité d’un événement est
un réel positif ou nul, et inférieur ou égal à 1, que la probabilité de l’événement certain est
la valeur maximale 1, et que si deux énements sont incompatibles alors la probabili
de leur réunion est la somme de leurs probabilités respectives.
2.2 Propriétés
Dans ce paragraphe, on se place dans un espace probabilisé fini (Ω, P ).
(a)Relation entre P(A)et PA
Par définition de A, on a : Ω = AAet AA=,d’après (ii),on obtient
P(Ω) = P(A) + PA,avec P(Ω) = 1.D’où le résultat suivant :
A P (Ω) , P A= 1 P(A)
(b)Puisque l’événement contraire de est , de (a)on déduit
P() = 0
(c)Soient Aet Bdeux événements tels que AB. On peut alors écrire B=A(B\A),
Aet B\Asont deux événements incompatibles ; on en déduit
P(B) = P(A(B\A)) = P(A) + P(B\A),avec P(B\A)0par définition de P. D’où
le résultat suivant :
A, B P (Ω) ,(ABP(A)P(B))
(d)Généralisation de (ii)à plus de deux ensembles
Montrons, par récurrence, que la propriété (ii)se généralise à plusieurs événements in-
compatibles deux à deux.
Pour nN\ {0,1},soit P
n
la proposition “ pour tous A
1
, A
2
, ..., A
n
événements incom-
patibles deux à deux, P(A
1
A
2
... A
n
) =
n
k=1
P(A
i
) ”.
La propriété (ii)traduit que P
2
est vraie.
Soit nN\ {0,1}; supposons P
n
vraie, et regardons si P
n+1
est vraie. Soient donc
A
1
, A
2
, ..., A
n
, A
n+1
des événements incompatibles deux à deux, c’est-à-dire tels que
A
i
A
j
=dès que iet jsont distincts. Or par propriété des lois et ,
(A
1
A
2
... A
n
)A
n+1
= (A
1
A
n+1
)(A
2
A
n+1
)... (A
n
A
n+1
),avec
A
i
A
n+1
=pour tout i, 1in; on en déduit que les événements (A
1
A
2
... A
n
)
et A
n+1
sont incompatibles, donc, d’après (ii),on a
P(A
1
A
2
... A
n
A
n+1
) = P(A
1
A
2
... A
n
)+P(A
n+1
),puis, en utilisant l’hy-
pothèse de récurrence, on obtient
P(A
1
A
2
... A
n
A
n+1
) =
n
k=1
P(A
i
) + P(A
n+1
) =
n+1
k=1
P(A
i
).
Ce qui prouve que P
n+1
est vraie dès que P
n
est vraie. Puisque P
2
est vraie, on en déduit
que P
n
est vraie pour tout n2.D’où le résultat :
(A
1
, A
2
, ..., A
n
incompatibles deux à deux) P(A
1
A
2
... A
n
) =
n
k=1
P(A
i
)
3
(e)Cette propriété permet d’énoncer le résultat suivant :
Toute probabilité sur un ensemble fini est entièrement déterminée par la donnée des
probabilités des événements élémentaires.
En effet, puisque est un ensemble fini, notons Ω = {ω
1
, ω
2
, ..., ω
m
}; supposons que l’on
connaisse P({ω
1
}), P ({ω
2
}),...,P({ω
m
}),et montrons alors que P(A)est déterminé,
ceci pour tout Ade P(Ω) .Si A=,on sait que P(A) = 0.Si Aest un événement non
impossible quelconque, puisque A,Aest formé d’éléments pris parmi ω
1
, ω
2
, ..., ω
m
,
notons A=ω
k
1
, ω
k
2
, ..., ω
k
q
,avec ω
k
i
=ω
k
j
pour i=j; or Apeut aussi être vu comme
la réunion des événements élémentaires {ω
k
1
},{ω
k
2
},..., ω
k
q
,qui sont incompatibles
deux à deux. D’après la propriété précédente, on obtient P(A) =
q
i=1
P({ω
k
i
}),et donc
P(A)est bien déterminé.
Notation Pour simplifier les écritures, la probabilité de l’événement élémentaire {ω
k
}ne
sera pas notée P({ω
k
}),mais simplement P(ω
k
).
(f)Généralisation de (ii)au cas où les événements ne sont pas incompatibles
Soient Aet Bdeux événements quelconques de ; la réunion ABpeut toujours être
exprimée comme une réunion de deux ensembles disjoints : AB=A(B\A).
U
A B
E
A
B
B A
F. 2 —
On en déduit, d’après (ii), la relation P(AB) = P(A) + P(B\A).Pour déterminer
P(B\A),exprimons cette fois Bcomme une réunion de deux ensembles disjoints ; en
effet, on a :
B= (B\A)(AB),avec (B\A)(AB) = , par définition de B\A, ce qui donne
P(B) = P(AB) + P(B\A).Finalement, on obtient P(B\A) = P(B)P(AB),
d’où le résultat :
A, B ∈ P (Ω) , P (AB) = P(A) + P(B)P(AB)
Remarque Toutes les propriétés sauf la propriété (e)sont encore valables si n’est pas
un ensemble fini.
2.3 Equiprobabilité
Nous avons vu que toute probabilité sur un ensemble fini est entièrement déterminée
par la donnée des probabilités des événements élémentaires. Nous allons voir que dans un
cas bien précis, cela va permettre de ramener les calculs de probabilités à des calculs de
dénombrement. Il s’agit de la situation décrite par la définition suivante :
Définition 2 Soit un ensemble fini. On dit qu’il y a équiprobabilité sur si est
muni d’une probabilité Ptelle que la probabilité de tous les événements élémentaires soit
constante, indépendante de l’événement élémentaire considéré.
Ainsi dans une situation d’équiprobabilité, il existe un réel pde [0,1] tel que pour tout
ωde ,on ait P(ω) = p.
4
Remarque Dans les exercices, cette hypothèse est implicitement supposée lorsque les
tirages sont effectués “au hasard”, lorsque les instruments utilisés pour l’expérience (dés,
boules, etc ...) sont “non truqués” ou “équilibrés”, ou encore lorsque les tirages sont
effectués avec des éléments (boules, jetons, etc...) qui sont ìndiscernables au toucher”, ou
...
Proposition 1 Dans l’hypothèse d’équiprobabilité sur ,pour tout événement Ade ,
on a P(A) = card (A)
card (Ω).
Démonstration Reprenons les notations utilisées pour démontrer la propriété (e):
Ω = {ω
1
, ω
2
, ..., ω
m
},et ainsi card (Ω) = m, et pour toute partie non vide Ade telle
que card (A) = q, A =ω
k
1
, ω
k
2
, ..., ω
k
q
.On a vu qu’alors P(A) =
q
k=1
P(ω
k
i
);
avec l’équiprobabilité, on obtient P(A) = qp. Il reste donc à déterminer p; or ce même
raisonnement s’applique à ,ainsi P(Ω) = mp, et sachant que P(Ω) = 1,on en déduit
p=1
m,et ainsi, pour tout Anon vide avec card (A) = q,P(A) = q
m=card (A)
card (Ω) .Si A
est vide, on sait que l’on a P(A) = 0,et donc la formule est encore vraie puisque, par
convention, card () = 0.
Ainsi dans les cas d’équiprobabilité, le calcul des probabilités se ramène à des calculs de
dénombrement ; c’est pourquoi nous allons rappeler les principaux résultats concernant le
dénombrement.
3 Eléments de dénombrement
3.1 Principes
Faire du dénombrement consiste à “compter” le nombre des éléments d’un ensemble
fini donné.
Cela nécessite d’abord de formaliser la notion d’ensemble fini ; elle repose sur la notion
d’ensembles équipotents : deux ensembles Eet Fsont dits équipotents s’il existe une
bijection de Evers F.
Remarque On peut vérifier que la relation d’équipotence est une relation d’équivalence
sur les ensembles.
Définition 3 Un ensemble non vide Eest dit fini s’il existe un entier naturel npour
lequel [[1, n]] et Esont équipotents.
Remarque Une vision intuitive de cette notion est la suivante : établir une bijection
de [[1, n]] dans E, c’est indicer les éléments de Ede 1àn, c’est-à-dire les numéroter de 1
àn.
Convention L’ensemble vide est considéré comme un ensemble fini. Ainsi, un ensemble
est fini si et seulement si ou bien il est vide, ou bien il existe un entier naturel ntel que
[[1, n]] et Esoient équipotents.
Remarque On peut vérifier que si Eest un ensemble fini non vide, alors l’entier naturel
ntel que [[1, n]] et Esont équipotents est unique. D’où la définition suivante :
Définition 4 Soit Eun ensemble fini. Si Eest non vide, on appelle cardinal de E, et
on note card (E), l’entier naturel ntel que [[1, n]] et Esont équipotents. Si Eest vide, E
est un ensemble fini de cardinal 0.
Les deux propositions suivantes sont essentielles pour effectuer des dénombrements :
Proposition 2 Soient E
1
et E
2
deux ensembles finis non vides. Alors :
E
1
et E
2
sont équipotents card (E
1
) = card (E
2
)
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