Existence de la fonction exponentielle
Avec la complexe.
Prérequis. On appelle fonction exponentielle une fonction f(l'unicité reste à prouver) qui est
continue sur Ret telle à la fois que :
f(0) = 1 (1)
8x2Rf0(x) = f(x)(2):
Démontrons qu'il existe une fonction de Rdans Rtelle que l'image de 0 par cette fonction soit 1,
dérivable et identique à sa fonction dérivée.
Lemme. 8n2N8x2R; x > ¡1 (1 + x)n>1 + nx. (Inégalité de Bernoulli)
Démonstration. Nous raisonnons par induction sur N. Soient d'une part xun réel strictement
supérieur à ¡1, et d'autre part la proposition dépendant de n,Pn: « (1 + x)n>1 + nx ».
Initialisation : pour n= 1,(1 + x)n= (1 + x)1=1+x. En outre, 1 + nx = 1 + 1 ×x=1+xpour tout
x > ¡1, or 1>1, donc P1:
Hérédité : montrons ici que pour un n2N,si(1 + x)n>1 + nx, alors (1 + x)n+1 >1 + (n+ 1)x.
Par hypothèse de récurrence, (1 + x)n>1 + nx, donc (1 + x)n×(1 + x)>(1 + nx)(1 + x), car x > ¡1
donc (1 + x)>0; on a donc (1 + x)n+1 >1 + nx +x+nx2, or nx2>0, car n2N, donc on a de
surcroît 1 + nx +x+nx2>1 + nx +x, donc par transitivité (1 + x)n+1 >1 + nx +x, c'est-à-dire
(1 + x)n+1 >1 + (n+ 1)x, donc 8n2NPn)Pn+1, ce qu'on voulait montrer.
Ainsi, par principe de récurrence, pour tout n2N,Pnest vérifiée.
On pouvait également étudier une fonction.
On pouvait également utiliser la formule du binôme.
Définition. Soient (un(x))n>n0et (vn(x))n>n0deux suites numériques dépendant de x2R, défi-
nies respectivement par un(x) = ¡1 + x
nnet vn(x) = ¡1¡x
n¡nà partir de n0=djxje + 2 2N.
On note Nl'ensemble Jn0; +1K.
Proposition. Pour tout xréel, la suite (un(x))n>n0est croissante.
Démonstration. Pour tout n2Net pour tout x2R,un(x) = ¡1 + x
nn.
De plus, pour tout n2NNet pour tout x2R,1 + x
n+ 1 =¡1 + x
n1¡x
n(n+ 1)¡1 + x
n, car alors
1 + x
n=/ 0, car x
n=/ ¡1, puisque n=/ ¡x, étant donné que n > ¡x.
En effet, ¡1 + x
n1¡x
n(n+ 1)¡1 + x
n=¡1 + x
n×1¡¡1+ x
n×x
n(n+ 1)¡1 + x
n= 1 + x
n¡x
n(n+ 1) , d'où
¡1 + x
n1¡x
n(n+ 1)¡1 + x
n= 1 + (n+ 1)x¡x
n(n+ 1) = 1 + nx
n(n+ 1) = 1 + x
n+ 1 , ce qu'on voulait obtenir.
Par définition, pour tout n2Net pour tout x2R,un(x) =¡1 + x
nn, ce qui implique en particulier
un+1(x) = 1 + x
n+ 1 n+1 au rang suivant. Or, d'après ce qui précède, on peut remplacer avec
un+1(x) =¡1 + x
n1¡x
n(n+ 1)¡1 + x
nn+1
, donc, un+1(x) =¡1 + x
nn+11¡x
n(n+ 1)¡1 + x
nn+1
.
Afin d'appliquer à présent l'inégalité de Bernoulli au deuxième facteur de l'expression obtenue,
on cherche à montrer que ¡x
n(n+ 1)¡1 + x
n>¡1, pour tout xréel et tout n2N. Or, n > ¡xdonc
n+x > 0, donc n+x
n>0donc 1+ x
n>0. D'autre part, n > ¡ximplique n >¡x¡1, d'où n+1+x > 0,
donc n2+n+nx > 0, donc x < n2+n+nx +x, donc x < (n+ 1)(n+x), donc x < n(n+ 1)¡1 + x
n,
donc x
n(n+ 1)¡1 + x
n<n(n+ 1)¡1 + x
n
n(n+ 1)¡1 + x
n, car 1 + x
n>0et n > 0et n+ 1 >0. On en déduit en multipliant
par ¡1de chaque côté, ¡x
n(n+ 1)¡1 + x
n>¡1.
1
Appliquons donc notre lemme à notre expression. On obtient ainsi l'inégalité intermédiaire
1¡x
n(n+ 1)¡1 + x
nn+1
>1 + (n+ 1)¡x
n(n+ 1)¡1 + x
ndonc, en simplifiant du côté droit,
1¡x
n(n+ 1)¡1 + x
nn+1
>1 + ¡x
n¡1 + x
n, or 1 + ¡x
n¡1 + x
n= 1 ¡x
n+x=n
n+x, ce qui nous donne
1¡x
n(n+ 1)¡1 + x
nn+1
>n
n+x. Or un+1(x) = ¡1 + x
nn+11¡x
n(n+ 1)¡1 + x
nn+1
d'après le
résultat surprécédent, donc un+1(x)>¡1 + x
nn+1n
n+x; or ¡1 + x
nn+1n
n+xs'écrit aussi
¡n+x
nn+1n
n+x=¡n+x
nn+1 ÷¡n+x
n=¡n+x
nn=¡1 + x
nn=un(x), ce qui nous permet d'éta-
blir que pour tout x2R,un+1(x)>un(x), donc la suite est croissante sur N.
Corollaire. Pour tout xréel, la suite v(x)est décroissante.
Démonstration. Quel que soit le réel x, la suite un(x)ne s'annule pas, car¡1+ x
nn=0 ,1+ x
n=0,
ce qui entraîne n=¡x, ce qui est impossible, car n>n0. Si l'on remarque que vn(x) = 1
un(¡x)
pour tout xréel et pour tout n2N(en effet un(x) = ¡1 + x
nn, donc un(¡x) = ¡1¡x
nn;donc
1
un(¡x)=¡1¡x
n¡n=vn(x)), il suffit d'utiliser la croissance de (un(x)) démontrée pour tout x2R,
donc en particulier pour ¡x2R. On a ainsi pour tout xréel un+1(¡x)>un(x), donc en inversant
1
un+1(¡x)61
un(x), c'est-à-dire que pour tout n2N, pour tout x2Rvn+1(x)6vn(x), donc la
deuxième suite est décroissante.
Théorème. Pour tout réel x, (un(x)) et (vn(x)) sont adjacentes.
Démonstration. Pour n2N,vn(x) = 1
un(¡x)n'est pas nul en tant qu'inverse, ce qui nous permet
d'écrire un(x)
vn(x)=¡1 + x
nn
¡1¡x
n¡n=¡1 + x
nn¡1¡x
nn=¡¡1 + x
n¡1¡x
nn=12¡x2
n2n=1¡x2
n2n.
De plus, la condition que n>djxje + 2 induit que jxj
n<1(n=/ 0) d'où x2
n2<1et ¡x2
n2>¡1, donc
en appliquant l'inégalité de Bernoulli, on obtient 1¡x2
n2n
>1¡x2
n. Par ailleurs, comme n > jxj,
alors de même 1¡x2
n261, donc 1¡x2
n2n
61.
Avec les deux derniers résultats, on peut encadrer de cette manière 1¡x2
n6un(x)
vn(x)61donc 06
1¡un(x)
vn(x)6x2
n; d'autre part vn(x)¡un(x) = vn(x)1¡un(x)
vn(x), quel que soit x2R, donc 06
vn(x)¡un(x)6x2
nvn(x)ou 0>vn(x)¡un(x)>x2
nvn(x).
En outre, on a montré que la suite (vn(x)) était décroissante, ce qui implique qu'elle est majorée.
Soit Ml'un de ses majorants. On a 06vn(x)¡un(x)6x2
nMou 0>vn(x)¡un(x)>x2
nM, or la
quantité x2Mest une constante, donc lim
n!+1
x2
nM= 0, car lim
n!+1
1
n= 0.
Dans les deux cas, le théorème des gendarmes permet de conclure lim
n!+1vn(x)¡un(x) = 0, ou ce
qui revient au même lim
n!+1un(x)¡vn(x) = 0. Comme les suites (un(x))n>n0et (vn(x))n>n0sont
respectivement croissante et décroissante, et que leur différence tend vers 0, elles sont adjacentes.
L'adjacence des deux suites impliquant leur convergence, il nous est permis de définir la fonction
comme suit :
Définition. Soit f : R!Rfinie par f(x) = lim
n!+1un(x).
Proposition. f(0) = 1.
Démonstration. f(0) = lim
n!+1un(0). Or, pour tout entier naturel supérieur à n0, on définit
la suite (un(0)) par un(0) = ¡1 + 0
n
n
= 1n= 1, c'est-à-dire que c'est une suite constante, donc
convergente en la seule valeur qu'elle prenne, donc lim
n!+1un(0) = 1.
2
Théorème. f est dérivable sur Ret f0=f.
Démonstration. Il nous faut étudier la limite de l'expression f(x+h)¡f(x)
h, où hest un réel non
nul, quand htend vers 0, pour un réel xfixé.
Pour n2N, on a 1 + x+h
nn=¡1 + x
nn1 +
h
n
1 + x
nn
. En effet, ¡1 + x
n1 +
h
n
1 + x
nest égal à
¡1 + x
n+¡1 + x
nh
n
1 + x
n
=n+x
n+h
n=¡n+x
n1 + h
n+x=¡n+x
nn+x+h
n+x=n+x+h
n= 1 + x+h
n, donc
¡1 + x
n1 +
h
n
1 + x
nn
=1 + x+h
nn, ce qu'on voulait obtenir.
Supposons hstrictement compris entre ¡1et 1, c'est-à-dire jhj<1:On a de plus n>djxje + 2,
donc n > djxje + 1 donc n > jxj+ 1, donc n¡ jxj>1, donc n+x > 1.
On en déduit que n+x
n>1
nc'est-à-dire 1 + x
n>1
n. On a donc 1
1 + x
n
> n, donc
1
1 + x
n
> n.
De plus, jhj<1entraîne
h
n
<1
n, ce qui nous donne
h
n
1 + x
n
=
h
n
1
1 + x
n
<1
n×n=1 par produit. Cela
induit
h
n
1 + x
n
>¡1, ce qui nous permet d'appliquer le lemme : 1 +
h
n
1 + x
nn
>1 + n
h
n
1 + x
n
, ou encore
1 +
h
n
1 + x
nn
>1 + h
1 + x
n
, d'où 1 + x+h
nn
>¡1 + x
nn
1 + h
1 + x
ngrâce au résultat précédent.
En passant à la limite, il vient lim
n!+11 + x+h
nn
>lim
n!+1¡1 + x
nnlim
n!+11 + h
1 + x
n, or on a
lim
n!+11 + x
n= 1, donc lim
n!+11 + h
1 + x
n=1+h; pour les deux autres expressions, la définition de
la fonction entraîne f(x+h)>f(x)(1 + h).
jhj<1, j¡hj<1, ce qui signifie que la formule est aussi valable pour ¡h. Elle est aussi valable
pour tout réel, donc si x0est un réel, f(x0¡h)>f(x0)(1 ¡h). En prenant en particulier x0=x+h,
on obtient f(x+h¡h)>f(x+h)(1 ¡h)donc f(x)>f(x+h)(1 ¡h), donc f(x+h)6f(x)
1¡h.
On peut ainsi encadrer par f(x)(1 + h)6f(x+h)6f(x)
1¡h, donc f(x) + hf(x)6f(x+h)6f(x)
1¡h,
donc hf(x)6f(x+h)¡f(x)6f(x)
1¡h¡f(x), donc si h > 0, on a hf (x)6f(x+h)¡f(x)6hf(x)
1¡h;
deux cas se présentent : si h > 0, alors f(x)6f(x+h)¡f(x)
h6f(x)
1¡h, ou alors, si h < 0, on aura
f(x)>f(x+h)¡f(x)
h>f(x)
1¡h. Or lim
h!0
f(x)
1¡h=f(x), donc dans tous les cas, en passant à la limite, il
vient par pincement lim
h!0
f(x+h)¡f(x)
h=f(x)2R, donc fest dérivable, et 8x2Rf0(x) = f(x).
Pour conclure, la fonction définie pour tout x2Rpar f(x) = lim
n!+1¡1 + x
nn, puisqu'on a montré
que, pour tout xréel, cette suite converge, a les propriétés d'avoir 1 pour image de 0 et d'être égale
à sa dérivée, donc la fonction exponentielle existe.
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