École des Mines de Douai — FIAASMathématiques Intégrales multiples
Chapitre 2
Intégrales multiples
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 10 septembre 2010
Introduction
Présentation et objectifs
Les intégrales multiples constituent la généralisation des intégrales dites simples, c’est-
à-dire des intégrales de fonctions d’une variable réelle. On s’attache ici à la généralisation
à des fonctions dont le nombre de variables est plus important (deux ou trois, rarement
plus). On se place ici dans le cadre de l’intégrale de Riemann.
Notons que d’autres généralisations sont possibles, comme les intégrales de Riemann
généralisées (cf. chapitre 4), l’intégrale de Lebesgue (liée à la théorie de la mesure), les
intégrales curvilignes, l’intégrale de formes différentielles. . .
Au niveau des applications les plus directes, on trouve les calculs d’aires, volumes,
masse, centre de gravité, moments. . .
Les résultats présentés dans ce chapitre ne sont qu’un aperçu de la théorie générale.
On pourra consulter à ce sujet tout traité d’analyse.
Prérequis:
Chapitre 1
Analyse et topologie (limites, continuité, dérivation, développements limités) (SUP)
Intégration (SUP)
Suites:
Chapitre 15
Analyse 1ère année (transformations intégrales, fonctions spéciales, EDP,. . .)
Analyse numérique, analyse complexe
Thermodynamique, Electromagnétisme, Mécaniques classique, quantique et relativiste
Exemples
Exemple 1
Pour optimiser la puissance d’un chauffage à installer, un chauffagiste est amené
à estimer le volume d’un bâtiment. Ce bâtiment, ayant bénéficié d’une architecture
moderne, a une base rectangulaire mais un toit d’une forme compliquée. Comment
connaître son volume ?
L’installateur commence par quadriller (virtuellement) le sol et mesure la hauteur
du toit en chaque point de la grille. Comment l’ensemble de ces mesures permet-il
de donner une approximation du volume du bâtiment ? Quels paramètres permettent
d’améliorer la qualité de cette approximation ?
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Chapitre 2 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Cet exemple touche à la définition même d’une intégrale multiple. En effet, le volume
du bâtiment n’est autre que l’intégrale triple de la fonction constante 1sur toute la zone
d’espace délimitée par le bâtiment. Comme on le verra dans ce chapitre, cette intégrale est
définie comme une forme de limite : on « remplit » cette portion d’espace par des pavés
(des parallélépipèdes rectangles) de plus en plus petits et on ajoute leurs volumes.
Cette définition assure donc que l’intégrale en question peut être approchée en considé-
rant la somme des volumes de parallélépipèdes basés sur le quadrillage dont il est question.
Cette méthode fournit l’analogue, pour une intégrale double, de la méthode des rectangles,
fréquemment utilisée pour calculer une approximation des intégrales simples.
Exemple 2
Dans les papiers laissés par l’architecte, le propriétaire du bâtiment précédent retrouve
la spécification précise de la forme du toit, sous forme d’une surface d’équation carté-
sienne z=P(x, y)Pest une fonction polynôme (connue) du 4ème degré en deux
variables. Comment ce renseignement permet-il au chauffagiste de calculer de manière
exacte le volume du bâtiment sans recourir à de nombreuses mesures ?
Pour la suite de cet exemple, on est amené à utiliser une méthode de calcul exact
d’une intégrale double d’une fonction assez simple (un polynôme). Pour ce type de calcul
on est amené à invoquer le théorème de Fubini, qui consiste, sous certaines conditions
bien précises, à intégrer selon une variable à la fois. La possibilité d’utiliser ce théorème
dépend fortement de la forme du domaine d’intégration.
Une autre méthode explicite est celle du changement de variable, qui sera illustrée
plus loin.
1 Intégrales doubles
1.1 Intégrale sur un pavé
Définition 3
Un pavé de R2est le produit cartésien de deux intervalles compacts [a, b]×[A, B](cf.
figure 1). Son aire est (BA)(ba).
y
x
B
A
a b0
Δ
Figure 1 – Pavé dans R2
Soit fune fonction continue sur un pavé ∆=[a, b]×[A, B]. On sait alors que fest
bornée (en tant que fonction continue sur un compact, cf. chapitre 1) et que, pour tout
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École des Mines de Douai — FIAASMathématiques Intégrales multiples
x[a, b], l’application partielle
[A, B]R
y7−f(x, y)
est continue sur [A, B], donc intégrable sur cet intervalle. Notons
F: [a, b]R
x7−ZB
A
f(x, y)dy
Lemme 1
La fonction Fdéfinie ci-dessus est uniformément continue sur [a, b].
Preuve. Soit ε > 0. Comme fest continue sur le compact , d’après le théorème de
Heine, elle est uniformément continue sur . Il existe donc η > 0tel que, pour tous
(x, y),(x0, y0), on ait
(k(x, y)(x0, y0)k< η) =f(x, y)f(x0, y0)<ε
BA
Soit un tel ηet x, x0[a, b]tels que |xx0|< η. Alors, pour tout y[A, B], on a (en
choisissant y0=y) :
k(x, y)(x0, y)k=|xx0|
de sorte que l’inégalité précédente peut être intégrée de AàB:
F(x)F(x0)=ZB
A[f(x, y)f(x0, y)] dy
6ZB
Af(x, y)f(x0, y)dy 6ZB
A
ε
BAdy =ε.
Ainsi, pour ε > 0arbitraire, on a prouvé l’existence de η > 0tel que dès que xet
x0vérifient |xx0|< η on a F(x)F(x0)
6ε. Ceci signifie que Fest uniformément
continue sur [a, b].
La fonction Fest en particulier continue sur [a, b], donc intégrable sur [a, b]. Ceci
justifie la définition 4 suivante.
Définition 4
Avec les notations précédentes, on appelle intégrale double de fsur le nombre
ZZ
f(x, y)dx dy =Zb
a"ZB
A
f(x, y)dy#dx.
Remarques
1. La notation « dx dy » ne désigne pas la « multiplication de dx par dy » (c’est en
fait un produit tensoriel de mesures).
2. On prouve assez facilement que l’on a aussi
ZZ
f(x, y)dx dy =ZB
A"Zb
a
f(x, y)dx#dy.
3
Chapitre 2 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
3. On écrit parfois Rau lieu de RR(surtout dans un contexte théorique), la défi-
nition de et le dx dy ne laissant aucune ambiguïté quant à la dimension.
Proposition 2 (Linéarité et croissance de l’intégrale sur un pavé)
L’application
I:C0(∆,R)R
f7−ZZ
f(x, y)dx dy,
C0(∆,R)désigne le R-espace vectoriel des fonctions continues sur , est une forme
linéaire croissante.
Que signifie « forme linéaire croissante » ?
Démontrer cette proposition.
1.2 Intégrale sur un domaine quarrable
Définition 5
Deux pavés [a1, b1]×[A1, B1]et [a2, b2]×[A2, B2]de R2sont quasi-disjoints si leurs
intérieurs ]a1, b1[×]A1, B1[et ]a2, b2[×]A2, B2[sont disjoints.
Un compact Kde R2est quarrable si, pour tout η > 0, il existe deux familles
finies de pavés quasi-disjoints deux à deux (∆i)n
i=1 et (∆0
j)m
j=1 telles que
n
[
i=1
iK
m
[
j=1
0
j
m
X
j=1
Aire(∆0
j)
n
X
i=1
Aire(∆i)< η
Figure 2 – Un compact quarrable
Dans l’exemple de la figure 2, on a représenté deux fois le même compact K. A gauche,
il est rempli « par l’intérieur » par la famille des i. À droite, il est contenu « au plus
près » dans la réunion des 0
j. La définition 5 exige donc que ceci soit possible quelle que
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soit la précision ηexigée, celle-ci servant à majorer la différence d’aire des deux familles
de pavés.
Remarques
1. Il existe des algorithmes permettant de construire de telles familles de pavés. Ils
sont utilisés dans les techniques de traitement d’image par ordinateur.
2. Il est assez difficile de présenter simplement un exemple de compact non quar-
rable. De tels exemples sont en général de nature fractale. En conséquence, cette
définition est de nature technique et sert principalement à définir l’intégrale, son
usage pratique étant limité.
3. Il s’agit d’une notion ayant trait à la « théorie de la mesure ». Dans le cadre de
cette théorie, un tel compact est également dit « mesurable ». Cette notion est
en fait subordonnée à un choix. On retrouvera ces phénomènes en théorie des
probabilités (chapitre 12).
Théorème 3
Soit fune fonction continue et bornée sur un ouvert de R2et Kun compact
quarrable inclus dans . Alors il existe un unique réel Itel que, pour tout ε > 0, il
existe η > 0tel que pour toutes familles de pavés quasi-disjoints (∆i)n
i=1 et (∆0
j)m
j=1
vérifiant les conditions de la définition 5, on ait
I
n
X
i=1 ZZi
f(x, y)dx dy
< ε.
Ce réel Is’appelle l’intégrale de fsur Ket se note ZZK
f(x, y)dx dy.
En un certain sens, l’intégrale de fsur Kapparaît comme limite d’intégrales de fsur
des pavés remplissant K. La démonstration du théorème consiste donc en l’établissement
de l’existence de cette limite (en construisant des suites de Cauchy) et en montrant qu’elle
est indépendante des familles de pavés utilisées pour la construire.
1.3 Théorème de Fubini
Soient a, b Rdeux réels tels que a<b,ϕ1et ϕ2deux fonctions réelles définies et
continues sur [a, b]telles que
x[a, b], ϕ1(x)6ϕ2(x).
On pose
D=n(x, y)R2, a 6x6bet ϕ1(x)6y6ϕ2(x)o
(cf. figure 3).
Soit f:DRune fonction continue.
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