Médecine
& enfance
février 2011
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avons pu démontrer dans cette popula-
tion une prévalence (et une incidence !)
très élevée chez ces enfants, là encore
probablement favorisée par le contact
étroit avec d’autres enfants infectés [2].
Devant quels symptômes faut-il
rechercher HP chez l’enfant ?
L’infection par HP n’est pas directement
la cause des symptômes (en particulier
des douleurs abdominales récurrentes),
mais ce sont la gastrite ou l’ulcère (in-
duits par HP) qui en sont responsables.
La recherche d’HP n’est donc justifiée
que chez les enfants présentant des
signes digestifs évoquant une gastrite
ou un ulcère, c’est-à-dire des douleurs
abdominales de siège épigastrique, noc-
turnes, réveillant l’enfant, éventuelle-
ment associées à un amaigrissement,
une hématémèse ou des vomissements.
Un consensus pédiatrique actualisé
conjoint entre les sociétés européenne
et nord-américaine de gastro pédiatrie à
paraître réaffirme ces règles, déjà pu-
bliées par ces deux sociétés savantes il y
a plus de dix ans [3, 4].
Comment faire le diagnostic ? Peut-on
se contenter d’un test non invasif ?
Le diagnostic repose sur l’endoscopie
digestive haute, qui permet d’identifier
les lésions de la muqueuse digestive et
de poser le diagnostic d’infection à HP
en associant au moins deux techniques :
recherche du germe à l’histologie, test à
l’uréase et idéalement culture avec anti-
biogramme. Les tests non invasifs (test
respiratoire à l’urée marquée et re-
cherche d’antigène d’HP dans les selles)
ne sont indiqués que pour le contrôle de
l’éradication. La sérologie n’a aucun in-
térêt en pratique clinique, car elle ne
différencie pas un sujet infecté d’un su-
jet guéri.
Faut-il toujours traiter si on
diagnostique un HP chez l’enfant ?
Comment ?
Il y a un consensus pour traiter HP quand
on l’a diagnostiqué, et aussi pour vérifier
(par un test non invasif) son éradication
six à huit semaines plus tard. L’évolution
des symptômes ne permet pas en effet
d’évaluer l’éradication d’HP et les sché-
mas thérapeutiques actuels ne sont effi-
caces que dans 75 à 80 % des cas.
Un traitement triple, associant un inhi-
biteur de la pompe à protons (IPP) à
deux antibiotiques (amoxicilline, mé-
tronidazole ou clarithromycine) pen-
dant 1 semaine à 10 jours est le schéma
actuellement recommandé. Il doit être
idéalement adapté aux données de l’an-
tibiogramme, ce qui permet alors
d’avoir des taux d’éradication de plus de
90 %. Plus récemment, des traitements
séquentiels (IPP plus amoxicilline pen-
dant 5 jours, puis IPP plus clarithromy-
cine et/ou métronidazole pendant en-
core 5 jours) semblent aussi avoir don-
né de bons résultats, même si les études
comparant ce nouveau schéma au sché-
ma classique sont encore rares et peu
concluantes [5].
Une conclusion sur l’étude de Pacifico
et al. ?
En dehors de la gastrite et de l’ulcère
gastrique et duodénal, où les liens de
causalité avec HP sont démontrés, il
faut à mon avis être très dubitatif vis-à-
vis des manifestations extradigestives.
Les preuves de telles associations res-
tent à apporter, alors que depuis quinze
ans ces sujets ont fait l’objet de nom-
breuses études.
Des associations entre HP, croissance et
état nutritionnel sont rapportées dans
des études transversales ou observa-
tionnelles, mais elles s’expliquent très
probablement par les mêmes facteurs
socio-économiques défavorables, plutôt
que par une relation de cause à effet.
Les relations avec le RGO ne sont pas
convaincantes et ne reposent pas chez
l’enfant sur l’hypothèse que la gastrite
atrophique induite par HP « protège »
du RGO, puisque l’atrophie gastrique et
l’hypochlorhydrie sont exceptionnelles
chez l’enfant [6].
Seule l’anémie ferriprive rebelle au trai-
tement me semble raisonnablement jus-
tifier la recherche et le traitement d’HP,
car plusieurs études d’intervention sont
convaincantes, même si un travail, pu-
blié récemment dans Gastroenterology,
réalisé chez 200 enfants au Bengladesh
et méthodologiquement irréprochable
ne montre pas de bénéfice du traite-
ment de l’infection à HP pour la correc-
tion de l’anémie par carence en fer [7].
첸
Références
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[6] DIMITROV G., GOTTRAND F. : « Does gastric atrophy exist in
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2006 ;
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[7] SARKER S.A., MAHMUD H., DAVIDSSON L., ALAM N.H., AH-
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