Interview
Quelles sont les recommandations
concernant les stratégies diagnos-
tiques et thérapeutiques ?
●
●Pr J.C Delchier - Un grand nombre
de tests diagnostiques sont actuelle-
ment disponibles. Il était donc oppor-
tun d’en préciser la valeur et d’en fixer
l’utilisation optimale. Pour les malades
dyspeptiques chez lesquels une endo-
scopie n’est pas indiquée, la méthode
de détection proposée par la majorité
des experts est le test respiratoire à
l’urée, commercialisé en France sous le
nom d’Hélikit®. La détection d’anti-
gènes dans les selles (de préférence une
méthode utilisant des anticorps mono-
clonaux) est également possible.
Cependant, quel que soit le test utilisé,
la possibilité de faux négatifs doit être
soulignée (notamment après un traite-
ment par des antibiotiques, des IPP ou
devant une gastrite atrophique).
L’intérêt de la sérologie comme test dia-
gnostique initial a été souligné dans
certaines circonstances telles que l’ul-
cère en période hémorragique, le lym-
phome du MALT ou l’atrophie gas-
trique. Les méthodes de détection
rapide (utilisables chez le généraliste,
(et appelées GP tests par les Anglo-
Saxons) ne sont pas fiables et doivent
être abandonnées. Les experts se sont
accordés pour ne pas recommander en
pratique clinique la recherche des fac-
teurs de virulence tels que l’ilôt de
pathogénicité CagA. Afin de confirmer
l’éradication (recherche qui doit être
réalisée au moins 4 semaines après l’ar-
rêt du traitement), le test respiratoire
est recommandé en première ligne,
suivi des antigènes fécaux ; bien
entendu, pour des malades chez les-
quels une endoscopie de contrôle est
indiquée, des biopsies pour étude his-
tologique doivent être pratiquées.
En ce qui concerne le traitement, peu
de modifications ont été faites : une tri-
thérapie (IPP associés à la clarithromy-
cine et à l’amoxicilline) pendant 7 ou
10 jours reste le traitement standard de
première ligne. L’attention est portée
sur la résistance importante aux macro-
lides dans les pays de l’Europe du Sud
(> 20 % dans certains pays). La clari-
thromycine ne doit pas être utilisée si
son seuil de résistance dépasse 15 à
20 %. La deuxième ligne de traitement
reste inchangée en France (dans plu-
sieurs autres pays, une quadrithérapie à
base de bismuth est possible) : IPP asso-
ciés à la combinaison métronidazole +
amoxicilline. Après deux lignes de trai-
tement, une culture avec antibio-
gramme est impérative, puis un traite-
ment adapté en fonction des résultats.
Il n’y a pas assez de preuves pour pro-
poser des recommandations solides en
ce qui concerne une troisième ligne de
traitement, bien qu’il soit admis que les
associations comprenant des quino-
lones de nouvelles génération ou la
rifabutine semblent prometteuses.
Que pensent les experts de la
question de l’éradication globale
de l’infection pour diminuer le
risque de cancer gastrique ?
●
●Pr J.C Delchier - Bien que l’inci-
dence du cancer gastrique diminue en
France, ce cancer reste un problème de
santé publique du fait de son très mau-
vais pronostic. La séquence des lésions
histologiques qui conduit de la gastrite
chronique au cancer est bien connue
depuis les années 1970. Il est établi que
l’infection par H. pylori est la principale
cause de gastrite chronique. Les études
épidémiologiques montrent une aug-
mentation du risque relatif de cancer
d’un facteur de 3,6 à 30 en cas d’infec-
tion par H. pylori. Un à 3 % des
malades infectés développent un adé-
nocarcinome gastrique, qu’il soit de
type intestinal ou diffus. Les facteurs
favorisants sont la virulence de la bacté-
rie (toxine vacuolisante Vac A, protéine
Cag A), la réponse immunitaire de
l’hôte et la carence d’apports alimen-
taires en agents antioxydants. La sur-
veillance de cohortes infectées ou non
dans les pays à haut risque de cancer a
démontré le rôle majeur de l’infection
par H. pylori dans la survenue du cancer.
Il est actuellement admis que l’éradica-
tion de l’infection est efficace pour limi-
ter la progression des lésions prénéopla-
siques (atrophie, métaplasie intestinale,
etc.) ; par conséquent, elle devrait dimi-
nuer l’incidence du cancer. Compte
tenu de la faible incidence du cancer
gastrique dans les pays occidentaux et
du risque entraîné par l’utilisation mas-
sive des antibiotiques en termes d’éco-
logie bactérienne, les experts sont tom-
bés d’accord sur l’absence de justifica-
tion d’un dépistage systématique de H.
pylori. En revanche, il est licite de recher-
cher et de traiter des sujets à haut risque
(patients apparentés du premier degré à
des patients ayant développé un cancer
gastrique et sujets gastrectomisés).
Davantage de données, et notamment
les résultats des études longitudinales
en cours, nous permettront dans un
avenir proche de répondre plus claire-
ment à la question d’une éradication
globale, avec pour but de diminuer non
seulement l’incidence du cancer gas-
trique, mais aussi les complications des
ulcères peptiques.
1. Ford AC, Qume M, Moayyedi P et
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or endoscopy for managing dyspepsia:
an individual patient data meta-analy-
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2. Huang JQ, Sridhar S, Hunt RH. Role
of Helicobacter pylori infection and
non-steroidal anti-inflammatory drugs
in peptic-ulcer disease: a meta-analysis.
Lancet 2002;359:14-22.
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Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. IX - mai-juin 2006
Interview