Médecine
& enfance
février 2011
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NOTE DE LECTURE
Pacifico L., Anania C., Osborn J.F., Ferraro F.,
Chiesa C. : « Consequences of Helicobacter
pylori infection in children »,
World J.
Gastroenterol.,
2010 ;
16 :
5181-94.
L’infection à HP est l’une des infections
bactériennes les plus fréquentes dans le
monde, la moitié de la population mon-
diale étant infectée. Cette prévalence
est différente selon les pays, en diminu-
tion dans les pays développés, élevée
dans les pays en voie de développe-
ment. L’infection est le plus souvent ac-
quise dans l’enfance, avant dix ans.
HP est accusé d’être le principal facteur
de gastrites et d’ulcères peptiques, mais
son rôle est évoqué dans des patholo-
gies comme le cancer gastrique, le re-
flux gastro-œsophagien, le retard de
croissance, l’anémie ferriprive, le pur-
pura thrombopénique idiopathique
(PTI), l’asthme et l’allergie. Les mani-
festations extradigestives seraient dues
à l’inflammation chronique et à la ré-
ponse immune induites par l’infection.
BÉNÉFICES DE L’ÉRADICATION
D’HP SELON LES SITUATIONS
Gastrite et ulcères peptiques
Dans l’enfance, HP est associé avec des
gastrites antrales et des ulcères duodé-
naux. Les ulcères gastriques sont plus
rares. L’éradication d’HP diminue le
risque de récurrence d’ulcères duodé-
naux.
Cancers gastriques
Chez l’adulte, des adénocarcinomes et
des lymphomes du tissu lymphoïde de
la muqueuse gastrique (MALT) sont dé-
crits. Chez l’enfant, seuls des lym-
phomes sont signalés.
L’adénocarcinome semble se développer
après quelques décennies d’infection
compliquée de gastrite atrophique et de
métaplasie intestinale. Ces deux compli-
cations pourraient être vues chez l’en-
fant, chez qui la métaplasie intestinale
Le rôle pathogène d’Helicobacter pylori (HP) a été établi dans les années 80,
lorsqu’un chercheur a démontré l’apparition d’une gastrite aiguë dans son
propre estomac après ingestion d’un bouillon de culture de ce germe…
Cela a mis fin à des décennies d’accusation de la sécrétion acide gastrique
dans le mécanisme de constitution et de récidive des ulcères duodénaux, et
aux interventions de vagotomie qui résultaient de cette théorie.
Helicobacter et enfant sont liés, dans la mesure où l’infection s’acquiert habi-
tuellement dans l’enfance et persiste toute la vie en l’absence de diagnostic
et de traitement. Ses conséquences sont potentiellement graves, chez l’en-
fant mais surtout chez l’adulte, et la responsabilité d’HP est parfois mécon-
nue des médecins, comme dans le purpura thrombopénique idiopathique ou
la carence en fer. Malheureusement aucune symptomatologie spécifique
n’est associée à l’infection à HP chez l’enfant.
Beaucoup d’éléments plaident pour un traitement systématique de tout en-
fant chez qui le diagnostic est fait, sachant qu’il existe des risques à long ter-
me et que l’éradication, lorsqu’elle est obtenue, est souvent définitive. Dans
un article récemment publié, Pacifico et al. discutent à plusieurs reprises la
question suivante : « devant tel problème, lorsque l’on diagnostique une in-
fection à HP, est-il prouvé qu’il est intéressant de l’éradiquer ? ». Note de lec-
ture suivie d’un entretien avec un expert français.
Infection à Helicobacter pylori chez l’enfant
O. Mouterde, gastroentérologue pédiatre, département de pédiatrie, CHU de Rouen, et Faculté de médecine, Université de Sherbrooke, Canada
et F. Gottrand, pôle enfant, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, Faculté de médecine, université Lille 2, en tant qu’expert consulté
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peut déjà être trouvée. Le risque de sur-
venue d’un cancer peut être modulé par
des facteurs génétiques ou environne-
mentaux associés. Le risque relatif de dé-
velopper un cancer serait de 5 en cas d’in-
fection chronique ; il ne diminuerait que
si HP était éradiqué avant l’apparition de
lésions précancéreuses. L’enfance est
donc l’âge idéal où éradiquer HP en pré-
vention du cancer gastrique de l’adulte.
Les lymphomes du MALT sont très for-
tement associés quant à eux à une infec-
tion chronique à HP. Quelques cas ont
été rapportés chez l’enfant. Ces lym-
phomes de bas grade peuvent dans cer-
tains cas régresser après simple éradica-
tion d’HP.
Dyspepsie fonctionnelle
Il s’agit d’un sujet très débattu depuis la
découverte du rôle pathogène d’HP. Chez
l’adulte, il existe une corrélation faible
entre la dyspepsie et HP. Chez l’enfant, la
relation entre dyspepsie et HP n’est pas
claire. Les douleurs abdominales chro-
niques sont très fréquentes chez l’enfant,
et leur classification difficile. Ces dou-
leurs, lorsqu’elles sont modérées et non
épigastriques ne semblent pas être un
point d’appel pour rechercher et traiter
HP. Ainsi, dans une des études citées, les
enfants dyspeptiques étaient soulagés au-
tant par l’éradication d’HP que par le pla-
cebo, et ce quelle que soit l’évolution
d’une éventuelle gastrite.
Les douleurs abdominales sévères ame-
nant à consulter en milieu hospitalier
et les douleurs épigastriques semblent
cependant plus fréquemment associées
à HP.
Reflux gastro-œsophagien
Certaines études ont montré une rela-
tion inverse entre présence d’HP et re-
flux pathologique, ainsi qu’une aggra-
vation du reflux après éradication d’HP.
Un des mécanismes possibles serait
l’atrophie de la muqueuse antrale. Ce-
pendant les études sont contradictoires
et peu ont été menées chez l’enfant. Ce-
la ne doit pas influencer la décision de
traitement d’éradication.
Anémie ferriprive
HP peut être associé à une anémie ferri-
prive, dont la résolution serait favorisée
par l’éradication du germe. Plusieurs
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mécanismes sont évoqués : des saigne-
ments occultes, une diminution de l’ab-
sorption du fer par diminution de la sé-
crétion acide ou une utilisation du fer
par la bactérie.
Retard de croissance
Même si les données sont contradic-
toires, certaines études soulignent un
ralentissement de la croissance en taille
et poids chez les enfants infectés, en
particulier dans les mois suivant l’infec-
tion. Une diminution de l’apport calo-
rique du fait de la dyspepsie pourrait
être en cause.
Purpura thrombopénique idiopathique
Chez l’adulte, une relation entre l’éradi-
cation d’HP chez des patients infectés et
l’amélioration du PTI (dans 50 % des cas
ou plus) a été clairement établie. Plu-
sieurs mécanismes ont été évoqués pour
lier HP et PTI : parenté antigénique
entre HP et plaquettes, interaction de
HP avec le facteur Willebrand, rôle de
l’inflammation chronique, voire rôle im-
munomodulateur des antibiotiques utili-
sés pour l’éradication. Chez l’enfant, les
caractéristiques du PTI (guérison spon-
tanée dans 30 % des cas versus 5 % chez
l’adulte), ses mécanismes et les preuves
du rôle d’HP dans le PTI sont différents.
Quelques études discordantes de faibles
effectifs ne permettent pas de conclure à
l’intérêt de l’éradication pour améliorer
le PTI chez l’enfant.
Asthme et allergie
Dans les pays développés, l’incidence de
l’asthme augmente alors que celle d’HP
diminue du fait de l’amélioration des
conditions sociales et de l’hygiène. Cer-
taines études suggèrent que le défaut
d’exposition précoce à HP serait associé
à une augmentation du risque d’asth-
me, de rhinite allergique et d’atopie cu-
tanée. Le mécanisme ferait appel aux
lymphocytes T régulateurs, plus nom-
breux dans la muqueuse gastrique en
cas d’infection à HP. Cette relation mé-
rite d’être établie plus avant par des
études longitudinales.
CONCLUSION
L’infection à HP n’est associée à aucun
symptôme spécifique chez l’enfant.
HP doit être recherché en cas d’ulcère
duodénal ou gastrique, par endoscopie
avec biopsies.
Un dépistage de HP chez l’enfant serait
utile dans les populations à risque de
cancer gastrique, comme la famille au
premier degré d’un patient atteint.
La dyspepsie est fréquente ; il n’est pas
établi que chercher et traiter HP devant
ces symptômes ont un intérêt.
Il n’est pas indiqué de rechercher systé-
matiquement HP devant un PTI, un re-
flux gastro-œsophagien pathologique
ou un retard de croissance.
Chercher HP peut être indiqué devant
une anémie ferriprive sans cause autre.
Il n’y a pas assez d’éléments pour ne pas
traiter une infection à HP dans la pers-
pective de diminuer le risque ou la gra-
vité d’un asthme ou d’allergie.
QUESTIONS
AU Pr F. GOTTRAND
Quels enfants sont exposés en France
à l’infection par HP ?
Les enfants issus de l’immigration re-
présentent le premier groupe en fré-
quence des enfants infectés dans notre
pays. Il est clairement établi en effet
que l’infection survient durant les trois
à quatre premières années de la vie et
est favorisée par un faible niveau socio-
économique et la promiscuité (nombre
de frères et sœurs proches en âge dans
la fratrie, nombre de personnes vivant
sous le même toit/nombre de pièces du
logement…). Dans un travail prospectif
réalisé chez tous les enfants ayant eu
une endoscopie digestive et chez qui
l’infection avait été recherchée systéma-
tiquement, nous avions retrouvé une
prévalence de l’infection de 5,1 % chez
les enfants de parents français nés en
France et de 17,1 % chez les enfants nés
de parents étrangers [1]. Des études épi-
démiologiques faites dans d’autres pays
européens retrouvent le même type de
profil, avec par exemple une forte pré-
valence chez les enfants d’origine
turque vivant en Allemagne.
La deuxième population à risque dans
notre pays est celle des enfants poly-
handicapés vivant en institution. Nous
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avons pu démontrer dans cette popula-
tion une prévalence (et une incidence !)
très élevée chez ces enfants, là encore
probablement favorisée par le contact
étroit avec d’autres enfants infectés [2].
Devant quels symptômes faut-il
rechercher HP chez l’enfant ?
L’infection par HP n’est pas directement
la cause des symptômes (en particulier
des douleurs abdominales récurrentes),
mais ce sont la gastrite ou l’ulcère (in-
duits par HP) qui en sont responsables.
La recherche d’HP n’est donc justifiée
que chez les enfants présentant des
signes digestifs évoquant une gastrite
ou un ulcère, c’est-à-dire des douleurs
abdominales de siège épigastrique, noc-
turnes, réveillant l’enfant, éventuelle-
ment associées à un amaigrissement,
une hématémèse ou des vomissements.
Un consensus pédiatrique actualisé
conjoint entre les sociétés européenne
et nord-américaine de gastro pédiatrie à
paraître réaffirme ces règles, déjà pu-
bliées par ces deux sociétés savantes il y
a plus de dix ans [3, 4].
Comment faire le diagnostic ? Peut-on
se contenter d’un test non invasif ?
Le diagnostic repose sur l’endoscopie
digestive haute, qui permet d’identifier
les lésions de la muqueuse digestive et
de poser le diagnostic d’infection à HP
en associant au moins deux techniques :
recherche du germe à l’histologie, test à
l’uréase et idéalement culture avec anti-
biogramme. Les tests non invasifs (test
respiratoire à l’urée marquée et re-
cherche d’antigène d’HP dans les selles)
ne sont indiqués que pour le contrôle de
l’éradication. La sérologie n’a aucun in-
térêt en pratique clinique, car elle ne
différencie pas un sujet infecté d’un su-
jet guéri.
Faut-il toujours traiter si on
diagnostique un HP chez l’enfant ?
Comment ?
Il y a un consensus pour traiter HP quand
on l’a diagnostiqué, et aussi pour vérifier
(par un test non invasif) son éradication
six à huit semaines plus tard. L’évolution
des symptômes ne permet pas en effet
d’évaluer l’éradication d’HP et les sché-
mas thérapeutiques actuels ne sont effi-
caces que dans 75 à 80 % des cas.
Un traitement triple, associant un inhi-
biteur de la pompe à protons (IPP) à
deux antibiotiques (amoxicilline, mé-
tronidazole ou clarithromycine) pen-
dant 1 semaine à 10 jours est le schéma
actuellement recommandé. Il doit être
idéalement adapté aux données de l’an-
tibiogramme, ce qui permet alors
d’avoir des taux d’éradication de plus de
90 %. Plus récemment, des traitements
séquentiels (IPP plus amoxicilline pen-
dant 5 jours, puis IPP plus clarithromy-
cine et/ou métronidazole pendant en-
core 5 jours) semblent aussi avoir don-
né de bons résultats, même si les études
comparant ce nouveau schéma au sché-
ma classique sont encore rares et peu
concluantes [5].
Une conclusion sur l’étude de Pacifico
et al. ?
En dehors de la gastrite et de l’ulcère
gastrique et duodénal, où les liens de
causalité avec HP sont démontrés, il
faut à mon avis être très dubitatif vis-à-
vis des manifestations extradigestives.
Les preuves de telles associations res-
tent à apporter, alors que depuis quinze
ans ces sujets ont fait l’objet de nom-
breuses études.
Des associations entre HP, croissance et
état nutritionnel sont rapportées dans
des études transversales ou observa-
tionnelles, mais elles s’expliquent très
probablement par les mêmes facteurs
socio-économiques défavorables, plutôt
que par une relation de cause à effet.
Les relations avec le RGO ne sont pas
convaincantes et ne reposent pas chez
l’enfant sur l’hypothèse que la gastrite
atrophique induite par HP « protège »
du RGO, puisque l’atrophie gastrique et
l’hypochlorhydrie sont exceptionnelles
chez l’enfant [6].
Seule l’anémie ferriprive rebelle au trai-
tement me semble raisonnablement jus-
tifier la recherche et le traitement d’HP,
car plusieurs études d’intervention sont
convaincantes, même si un travail, pu-
blié récemment dans Gastroenterology,
réalisé chez 200 enfants au Bengladesh
et méthodologiquement irréprochable
ne montre pas de bénéfice du traite-
ment de l’infection à HP pour la correc-
tion de l’anémie par carence en fer [7].
Références
[1] WIZLA-DERAMBURE N., MICHAUD L., ATEGBO S., VINCENT
P., GANGA-ZANDZOU S., TURCK D., GOTTRAND F. : « Familial
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« Sequential therapy or triple therapy for Helicobacter pylori in-
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World J. Gastroenterol.,
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6274-9.
[7] SARKER S.A., MAHMUD H., DAVIDSSON L., ALAM N.H., AH-
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FUCHS G.J. : « Causal relationship of Helicobacter pylori with
iron-deficiency anemia or failure of iron supplementation in chil-
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Gastroenterology,
2008 ;
135 :
1534-42.
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