EN UNE RÉFÉRENCE
Référence
La Lettre du Cardiologue • n° 416 - juin 2008 | 47
Cardiomyopathies :
penser à la non-compaction du ventricule gauche…
Catherine Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil
Sandhu R, Finkelhor RS, Gunawardena DR, Bahler RC.
Prevalence and characteristics of left ventricular non-
compaction in a community hospital cohort of patients
with systolic dysfunction. Echocardiography 2008;25:8-12.
Mots-clés
Non-compaction du ventricule gauche –
Cardiomyopathie – Insuffisance cardiaque – Échocardiographie
Le fond
À partir d’une cohorte de patients adultes examinés dans un centre
hospitalier, les auteurs ont estimé la prévalence et les caractéristi-
ques de la non-compaction du ventricule gauche (NCVG). Toutes
les échocardiographies transthoraciques (ETT) réalisées de janvier
2004 à février 2005 ont été revues, en individualisant les patients
ayant une dysfonction ventriculaire gauche globale et dont la
fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) était inférieure
ou égale à 45 %. La NCVG était diagnostiquée en présence de deux
couches distinctes de myocarde, de récessus intertrabéculaires profonds
communiquant avec la cavité ventriculaire gauche, et d’un rapport entre
l’épaisseur maximale du myocarde non compacté et celle du myocarde
compacté supérieur à 2 en télésystole. Si ce rapport était situé entre
1 et 2, on retenait le diagnostic de “probable” NCVG.
Sur les 4 929 ETT analysées, 348 patients avaient une dysfonction
ventriculaire gauche globale et une FEVG inférieure ou égale à
45 %. Parmi eux, 7 avaient les critères requis pour le diagnostic de
NCVG avérée (prévalence de 0,14 % pour l’ensemble des ETT, et de
2 % en cas de FEVG inférieure ou égale à 45 %). Pour 6 patients,
la NCVG était “probable” (prévalences respectives de 0,12 % et
1,7 %). La FEVG était significativement plus basse en cas de NCVG.
Une insuffisance cardiaque congestive (54 %), des douleurs thora-
ciques (31 %) ou une dyspnée (15 %) représentaient les indica-
tions cliniques de l’ETT en cas de NCVG. Il existait des anomalies de
l’électrocardiogramme pour tous les patients concernés (hypertrophie
ventriculaire gauche, troubles de la conduction, fibrillation auriculaire).
Deux patients présentaient des anomalies congénitales associées :
communication interventriculaire, bicuspidie aortique et ectasie de
l’aorte. Des arythmies auriculaires et ventriculaires étaient enregistrées
sur les Holter, et un cas
d’accident embolique
est survenu dans chacun
des deux groupes de
NCVG (“avérée” ou
“probable”).
Commentaire
La NCVG est considérée comme une entité rare : E.N. Oechslin et
al.
(1)
rapportaient en 2000 une prévalence de 0,014 % dans leur
laboratoire d’échocardiographie. L’étude réalisée à Cleveland
relève des chiffres plus élevés, avec une prévalence globale
de 0,26 % et, en cas de FEVG inférieure ou égale à 45 %, une
prévalence atteignant 3,7 %. Il faut rappeler que ces chiffres
incluent les NCVG dites “probables” car ne différant des NCVG
avérées que par un rapport entre l’épaisseur maximale du myocarde
non compacté et celle du myocarde compacté moindre, supérieur
à 1 et inférieur à 2. Si l’on ne retient que les NCVG avérées, la
prévalence reste élevée : 2 % des patients avec dysfonction
ventriculaire globale et FEVG inférieure ou égale à 45 %.
En 2001, R. Jenni et al.
(2)
ont proposé 4 critères diagnostiques :
l’absence d’anomalies cardiaques coexistantes (par définition) ; une
structure du myocarde en deux couches non compactée siège de
profondes trabéculations et compactée (rapport des épaisseurs en
télésystole supérieur à 2) ; la localisation prédominante à la pointe
du ventricule gauche ou à ses segments médians latéral et infé-
rieur, avec une hypokinésie non confinée aux seuls territoires non
compactés ; des récessus intertrabéculaires profonds où s’insinue
le Doppler couleur.
Le diagnostic échographique est rendu plus facile par l’amélioration de
l’imagerie et le recours à l’injection intraveineuse d’agents de contraste
ventriculaire gauche. Mais surtout connaître, c’est reconnaître !
Les NCVG ont été en effet confondues avec des cardiomyopathies
hypertrophiques apicales, des cardiomyopathies restrictives, des
fibroses endomyocardiques...
Il faut donc rechercher la NCVG lors de l’exploration d’une
cardiomyopathie, car cette entité est sans doute moins excep-
tionnelle qu’on ne le pensait, et son pronostic est grevé par
l’insuffisance cardiaque, les troubles du rythme ventriculaires
et les accidents emboliques. ■
Tirés à part
RS Finkelhor, MetroHealth Medical Center,
2500 MetroHealth Drive, Cleveland, OH 44109,
États-Unis.
1. Oechslin EN, Attenhofer Jost CH, Rojas JR et al. Long-term follow-up of 34
adults with isolated left ventricular noncompaction: a distinct cardiomyopathy
with poor prognosis. J Am Coll Cardiol 2000;36:493-500.
Bibliographie
2. Jenni R, Oechslin E, Schneider J et al. Echocardiographic and pathoanatomical
characteristics of isolated left ventricular noncompaction: a step towards clas-
sification as a distinct cardiomyopathy. Heart 2001;86:666-71.