Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
5janvier 2009 00
Mystérieuses «cardiomyopathies
de stress»
coronaire significative et sans thrombose
décelable sur le réseau coronarien.
«La dysfonction ventriculaire est réver-
sible sans séquelle majeure en quelques
semaines et le pronostic est dans l’en-
semble bon, soulignent les auteurs de la
communication. La mortalité est faible –
del’ordre de 1,5% des cas – due à une
arythmie ventriculaireimmédiate ou à un
choc cardiogénique. Les récidives sont
possibles. La physiopathologie est contro-
versée, multifactorielle, évoquant soit une
sidération myocardique due à la libération
brutale de catécho-
lamines, soit à des
spasmes des arté-
rioles coronaires. Ce
syndrome doit être
connu comme un
diagnostic différen-
tiel de l’infarctus du
myocarde, spécialement pour le sexe fé-
minin. Il fait discuter les conséquences
myocardiques des atteintes neurologi-
ques ou des traumatismes psychologi-
ques aigus.»
La littératurespécialisée indique que
les signes cardiaques sont consécutifs à
des traumatismes psychologiques sou-
dains et intenses, comme la mort bruta-
le et inattendue de proches parents ou
des phénomènes de terreurs soudaines
dans des circonstances dramatiques. Les
symptômes cardiaques surviennent dans
les suites immédiates du choc psycho-
logique ou affectif. L’hospitalisation est
décidée devant un intense syndrome dou-
loureux thoracique évoquant soit une crise
angineuse, soit un infarctus du myocarde
brutal.
«Six de nos patientes furent hospitali-
sées pour un syndrome douloureux pré-
cordial intense, trois autres pour une
dyspnée aiguë avec subœdème pulmo-
naire, enfin pour une syncope précédée
de palpitations dans le dernier cas», pré-
cisent les auteurs toulousains.
Point important :les patients n’ont ja-
mais d’obstruction ou de thrombose d’un
tronc principal coronaire supérieure à 50%
de la lumièreartérielle. Dans 80% des cas
publiés, le réseau artériel est angiogra-
phiquement normal. Dans la série tou-
lousaine, tous les patients présentent en
revanche «une dyskinésie ventriculairegau-
che plus ou moins prononcée, avec une
anomalie caractéristique définie par une
ballonisation apicale due à une akinésie
des deux tiers de l’apex du ventricule gau-
che, associée à une hypercontractilité,
une hypercinésie des parois antéroou
inférobasales.» Pour les auteurs, ces ano-
malies de la contractilité à la phase aiguë
necorrespondent pas à un territoire coro-
narien systématisé.
Dans un tel contexte, l’IRM cardiaque
apporte une information morphologique
et fonctionnelle qui, associée aux autres
arguments cliniques et paracliniques, per-
met de poser le diagnostic positif de syn-
drome de Tako-Tsubo et d’éliminer les prin-
cipaux diagnostics différentiels d’infarctus
dumyocarde et de myocardite aiguë.
La répétition des explorations montre
dans la plupart des cas une réversibilité
del’atteinte ventriculaireavec une amé-
lioration rapide en trois à cinq semaines.
Lorsqu’elle survient, la mortalité est la
conséquence de complications drama-
tiques initiales, fibrillations ou tachycar-
dies ventriculaires, blocs auriculo-ventri-
culaires, choc cardiogénique.
Comment comprendre les liens pou-
vant se nouer entre les fonctions senso-
rielles et le cœur dans des circonstances
perçues comme effrayantes ?La physio-
pathologie de tels syndromes est encore
controversée. On évoque plusieurs hypo-
thèses plus ou moins crédibles :sidéra-
tion myocardique brutale liée à la libéra-
tion importante de catécholamines lors
d’un stress brutal, un événement soudain
bouleversant; sidération ischémique myo-
cardique entraînée par un spasme coro-
narien ou des microspasmes touchant la
distalité de plusieurs artères coronaires ;
infarctus du myocarde «avorté» après
une thrombose coronairespontanément
résolutive sur un réseau coronarien d’as-
pect angiographique sain…
On ajoutera enfin que le traitement de
ces affections est empirique, fondé sur la
suppression de la douleur et de l’ischémie
myocardique ainsi que sur la correction
la plus rapide possible de la dysfonction
ventriculaire gauche. En toute hypothèse,
l’angoisse, l’hyperémotivité des malades
justifient la prescription dès leur hospita-
lisation de sédatifs, d’anxiolytiques et une
prise en charge psychologique ou psy-
chiatrique.
Pourquoi donc faudrait-il mourir de
peur ?Pourquoi donc faudrait-il que le
chagrin l’emporte ?
Jean-Yves Nau
Peut-on mourir de chagrin ? Peut-
onmourir de peur ? Le cœur hu-
main a certes ses raisons que la
raison ignore. A l’inverse, ce même cœur
peut-il être victime d’une trop grande
souffrance qui ne soit pas d’origine myo-
cardique? Sous l’intitulé des «cardio-
myopathies de stress», la question était
traitée il y a quelques jours à Paris par
Jean-Paul Bounhoure, professeur éméri-
tla Faculté de médecine de Toulou-
se.1La cardiomyopathie de stress a été
isolée en 1991 par des auteurs japonais.
Denombreux cas ont
été rapportés au Ja-
pon, puis aux Etats-
Unis et finalement en
Europe ce qui laisse
penser que cette pa-
thologie, raremais
non exceptionnelle,
aété longtemps méconnue. Elle se carac-
térise par la survenue brutale d’une dys-
fonction ventriculairegauche dans les
suites d’un événement dramatique bru-
tal. Elle peut être désignée de diverses
manières :«ballonisation apicale du ven-
tricule gauche», «broken heart syndrome»
et «Tako-Tsubo» pour les auteurs japo-
nais (référence à la déformation aiguë du
ventricule gauche ressemblant à un piège
àpieuvre utilisé au Japon).
L’objectif premier de la présentation
parisienne consistait, à partir de l’exposé
d’une collection personnelle d’observa-
tions des auteurs (associée à une revue
de la littérature), à rappeler les principaux
aspects cliniques, angiographiques et évo-
lutifs de ce syndrome ;un syndrome ob-
servé dans 2% environ des cas de patients
hospitalisés pour un syndrome coronarien
aigu.
Cette cardiomyopathie prédomine très
largement chez le sexe féminin. Elle prend
le plus souvent l’aspect d’une douleur tho-
racique ou d’une dyspnée intense, asso-
ciée à des anomalies majeures de la re-
polarisation ventriculaire, un sus-décalage
du segment ST sur le tracé électrique et
une élévation modérée des biomarqueurs
cardiaques. D’une manièregénérale, la
dysfonction ventriculairegauche se traduit
par une hypercontractilité des segments
basaux et une akinésie des segments de
l’apex du ventricule. Les artères coronaires
ont alors un aspect normal, sans lésion
«… Comment comprendre
les liens pouvant se nouer
entre les fonctions sensoriel-
les et le cœur dans des cir-
constances effrayantes ? …»
avancée thérapeutique
858 Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
15 avril 2009
1Communication présentée le 7 avril à l’Académie nationale
française de médecine par Jean-Paul Bounhoure, professeur
émérite à la Faculté de médecine de T
oulouse et un groupe
de spécialistes de cardiologie du CHU de Toulouse-Rangueil
et de la Clinique Pasteur de la même ville.
34098_858.qxp 9.4.2009 10:06 Page 1
1 / 1 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !