MISE AU POINT
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La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. III - mars-avril 1999
Nous nous proposons de présenter des céphalées inhabituelles
ayant un déclenchement singulier, se distinguant des
migraines, des algies vasculaires de la face, et des céphalées de
tension.
Leur reconnaissance permet de calmer l’anxiété du malade et
peut éviter des explorations complémentaires.
HÉMICRÂNIE PAROXYSTIQUE
L’hémicrânie paroxystique chronique est une affection très
rare, proche de la symptomatologie de l’algie vasculaire de la
face, mais qui s’en différencie au point de former une entité
homogène.
Elle touche le plus fréquemment les femmes : 7 femmes pour
1 homme (1).
La localisation de la douleur est identique à celle de l’algie
vasculaire de la face ; la douleur est toujours unilatérale et tou-
jours du même côté ; le maximum de la douleur siège au
niveau de la tempe, de l’œil, ou de la région supra-auriculaire ;
il existe également une composante vasomotrice, comme dans
l’algie vasculaire de la face, à type d’obstruction nasale,
d’écoulement et de larmoiement ; il peut également s’y asso-
cier un signe de Claude Bernard-Horner.
Au début, les crises surviennent de façon sporadique, puis
deviennent assez rapidement chroniques et quotidiennes ; leur
fréquence est comprise entre 5 et 30 par jour, et leur durée,
entre 5 et 45 minutes, généralement aux alentours de 10 à
15 minutes (2).
Outre la fréquence et la durée des accès, qui permettent de la
distinguer de l’algie vasculaire de la face, il existe une extrême
sensibilité de cette affection à l’indométacine (Indocid®), qui
réalise un véritable test diagnostique ; une dose de 150 mg/j
suffit habituellement à faire disparaître la douleur ; la posolo-
gie d’entretien est habituellement comprise entre 25 et
100 mg/j ; en cas d’arrêt du traitement, la douleur réapparaît
12 heures après.
LE SYNDROME SUNCT
Le syndrome SUNCT (Short-lasting Unilateral Neuralgiform
headache attacks with Conjonctival injection and Tearing), ou
céphalée névralgiforme unilatérale brève avec injection
conjonctivale et larmoiement, est une forme clinique particu-
lière d’algie faciale, décrite par Sjaastad en 1978.
C’est une entité clinique rare, touchant 4 hommes pour
1 femme ; l’âge moyen est de 51 ans.
Il s’agit d’une douleur en coup de poignard ou décharge élec-
trique, orbitaire ou périorbitaire, unilatérale, évoluant par crise
de 5 à 60 secondes, au maximum pendant 3 minutes. Elle
s’accompagne de signes vasomoteurs : rougeurs conjoncti-
vales, larmoiement, obstruction nasale, rhinorrhée, et parfois
d’un signe de Claude Bernard-Horner (6).
La fréquence des crises est en moyenne de 28 par jour avec
des extrêmes de 5 et 80. Le syndrome évolue par périodes de
quelques jours à quelques mois, avec 1 à 2 périodes en
moyenne par an.
Quatre-vingt-six pour cent des patients décrivent des zones
gachettes pendant la période douloureuse (mastication, lour-
deur du scalp, brossage des dents, etc.).
Aucun traitement n’est efficace, quelques cas d’amélioration
sous carbamazépines (valproate de sodium ou sumatriptan) ont
été rapportés, sans qe l’on puisse éliminer la possibilité d’une
amélioration spontanée.
CÉPHALÉES EN “COUP DE POIGNARD”, ENCORE
APPELÉES
“ICEPICK HEADACHE”
(CÉPHALÉES EN
COUP DE PIOLET)
Il s’agit de céphalées extrêmement brèves et aiguës, ressenties
comme des coups de poignard ou des piqûres d’épingles, qui
peuvent rester uniques ou se répéter en bouffées (1).
Elles touchent des zones ponctuelles ou très localisées de la
tête et surviennent spontanément, en l’absence de lésion orga-
nique sous-jacente ; le plus souvent, elles sont perçues dans le
territoire de la branche ophtalmique du trijumeau, et parfois
dans la région occipitale ; elles ne durent qu’une fraction de
seconde. Les accès peuvent rester uniques ou se répéter en
bouffées, plusieurs fois par jour, sans facteur déclenchant par-
ticulier ; elles surviennent plus volontiers sur un terrain migrai-
neux, et siègent alors généralement du côté de la céphalée
migraineuse.
L’examen clinique est normal ainsi que les examens complé-
mentaires ; le traitement par indométacine 25 mg, 3 fois par
jour, en permettrait la prévention.
Céphalées inhabituelles
J.M. Visy*
* Polyclinique Courlancy, Reims.
CÉPHALÉES INDUITES PAR LE FROID
Ce groupe réunit les céphalées entraînées par l’ingestion de
boissons ou d’aliments glacés, ou par l’exposition de la tête au
froid intense (1).
Les premières sont généralement de localisation bilatérale, se
développant petit à petit et augmentant en intensité suivant le
temps d’exposition et l’intensité du froid.
La thérapeutique consiste à porter un bonnet l’hiver et à éviter
les shampooings à l’eau froide.
La céphalée induite par l’ingestion de boissons ou d’aliments
glacés (“ice-cream headache”) est une douleur frontale provo-
quée par le passage de l’aliment froid sur la paroi postérieure
du pharynx ; en général, elle apparaît immédiatement après
l’ingestion du stimulus glacé et ne dure que quelques secondes
voire au maximum une minute (5) ; elle est beaucoup plus fré-
quente chez les migraineux que chez les non-migraineux ; son
traitement est purement préventif et consisterait à éviter
l’ingestion rapide de boissons ou d’aliments glacés.
Le mécanisme physiopathologique en serait une vasoconstric-
tion, d’autant que la sympathectomie ou l’ingestion de vaso-
pressine augmente l’intensité des douleurs.
CÉPHALÉES D’EFFORT
II s’agit d’un mal de tête pouvant apparaître lors de n’importe
quel effort physique, néanmoins il est davantage lié aux efforts
soutenus, voire excessifs, particulièrement par temps chaud,
humide, ou en haute altitude (5).
Il est bilatéral, le plus souvent de type pulsatile, au moins lors
de son déclenchement ; il dure de 5 minutes à 24 heures.
Cette variété de céphalée est liée au seul effort physique et il
convient d’éliminer toute organicité intracérébrale devant un
tel tableau, et notamment une tumeur du troisième ventricule,
souvent révélée par des céphalées d’effort (1).
Cette variété de céphalée est liée à une vasodilatation des
artères intracrâniennes, consécutive à l’augmentation de la
pression artérielle lors de l’effort.
Son traitement est le même que celui de la migraine, qu’il
s’agisse de sa prévention ou de la crise.
CÉPHALÉES LIÉES À L’ACTIVITÉ SEXUELLE
Il s’agit de céphalées liées à l’acte sexuel ; elles sont fré-
quentes mais souvent non avouées, survenant quatre fois plus
souvent chez l’homme que chez la femme, avec une moyenne
d’âge aux alentours de 40 ans (3).
Elles sont de trois types :
– la première variété s’apparente aux céphalées de tension (3) ;
il s’agit d’une douleur diffuse ou occipitale sourde, tenace, qui
croît avec l’excitation sexuelle et dure de quelques heures à
quelques jours ; elle serait due à la contraction excessive des
muscles de la tête et du cou ;
– la deuxième variété est plus fréquente, et concerne 69 % des
cas ; elle est de type vasculaire, explosive, pulsatile, très
sévère, frontale ou occipitale (3), apparaissant juste avant
l’orgasme ou en même temps que celui-ci et persistant de
quelques minutes à quelques heures ; elle est plus fréquente
chez les migraineux et serait déclenchée par les modifications
hémodynamiques, notamment l’élévation tensionnelle qui se
produit au cours de l’acte sexuel ;
– la troisième variété est beaucoup plus rare, 7 % des cas, et
s’apparente aux céphalées par hypotension de liquide céphalo-
rachidien (3) ; sous-occipitale, majorée ou apparaissant en
orthostatisme et disparaissant en décubitus, elle peut persister
pendant quelques semaines après le rapport.
Ces céphalées sont habituellement isolées et ne s’accompa-
gnent d’aucun autre symptôme tel que vomissements, troubles
de la conscience, ou signes neurologiques focaux ; elles sont
sans périodicité, ni régularité ; elles sont source d’une inquié-
tude majeure, faisant craindre une hémorragie méningée ou
cérébrale ; il convient donc de rassurer le patient.
Dans les céphalées de tension, la relaxation peut être une aide.
Dans la variété de type vasculaire, les bêtabloquants peuvent
être efficaces.
Dans la variété de type céphalées post-ponction lombaire, le
décubitus prolongé après le rapport paraît la mesure la plus
appropriée.
CÉPHALÉES DE LA TOUX
II s’agit de céphalées pouvant survenir lorsque le sujet tousse
ou se mouche, ou lors du rire, lors du pleurer, ou lorsqu’il
retient sa respiration (1).
Les douleurs sont décrites comme profondes, irradiant bilaté-
ralement dans les régions frontales et temporales, elles sont
très brutales et éclatantes, et durent au plus quelques minutes ;
il n’y a ni nausées ni signe vasomoteur.
Il existe une nette prédominance masculine, avec un début à
l’âge adulte.
L’évolution est habituellement régressive, après une durée
variable de 6 à 12 mois.
Bien évidemment, il convient devant de telles céphalées d’éli-
miner une pathologie intracrânienne ; ces céphalées seraient
dues à une transmission de l’hyperpression abdominale au
liquide céphalorachidien lombaire, puis cysternale avec une
inversion du gradient de pression.
La seule thérapeutique médicale apparemment efficace serait
l’indométacine, mais aucune explication n’est donnée à cette
action.
CÉPHALÉES PAR COMPRESSION EXTERNE
Elles proviennent d’une stimulation continue des nerfs cutanés
superficiels siégeant au niveau des tempes, par la pression soit
d’un chapeau serré, soit d’un bandeau autour de la tête, soit de
lunettes de natation, d’où leur appellation de : “swim-goggle
headache” (5).
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Il s’agit le plus souvent d’une douleur sourde, constante, loca-
lisée effectivement à l’endroit de la pression. Elle n’apparaît
jamais en l’absence d’élément déclenchant.
MYDRIASE ÉPISODIQUE UNILATÉRALE
La mydriase épisodique unilatérale est caractérisée par des épi-
sodes de dilatation pupillaire unilatérale, se produisant en
l’absence de toute pathologie organique oculaire ou cérébrale ;
elle survient chez l’adulte jeune et s’associe presque toujours à
une céphalée homolatérale (4).
La durée varie de quelques minutes à plusieurs semaines, se
répétant avec une grande variabilité, comprise entre 3 ou 4 fois
par an et 3 ou 4 fois par semaine ; la douleur est proche d’une
douleur de type migraineux ; la mydriase est isolée, sans aucun
autre signe d’atteinte du III, ce qui exclut un anévrisme de la
communicante postérieure ; sa pathogénie est inconnue.
En cas d’épisodes fréquents avec des céphalées sévères, les
bêtabloquants peuvent être proposés.
CÉPHALÉES TOXIQUES ET IATROGÈNES
Céphalées toxiques
Ces céphalées s’installent de manière aiguë par rapport à
l’exposition aux toxiques.
Le “syndrome du restaurant chinois” est lié à l’absorption de
glutamate monosodique, édulcorant alimentaire fréquemment
utilisé dans la cuisine asiatique (5).
Les céphalées surviennent dans l’heure qui suit l’ingestion de ce
produit et doivent être associées à au moins deux de ces signes :
pression thoracique et sensation de pression et d’étroitesse de la
face, sensation de brûlure au niveau de la poitrine, du cou et des
épaules, congestion de la face, vertige, malaise abdominal.
Le seul traitement est préventif.
La céphalée du “hot-dog”, d’expression variable, apparaît
dans l’heure qui suit l’ingestion d’aliments contenant des
nitrites ou des nitrates, conservateurs souvent utilisés dans la
charcuterie (5).
L’alcool, certains médicaments vasodilatateurs (trinitrine,
nifédipine = Adalate®), l’intoxication à l’oxyde de carbone
peuvent être également responsables de céphalées (5).
L’hypoxie, lors d’un séjour en altitude à plus de 3 000 mètres,
peut être responsable de céphalées, notamment chez les
patients ayant des difficultés respiratoires.
Céphalées iatrogènes
Elles surviennent essentiellement lors de la prise chronique
d’antalgiques, pour des céphalées de nature migraineuse, ou
des céphalées de tension.
Il convient de mettre en évidence la surconsommation de
médicaments et la modification du rythme de la céphalée, qui
dans le cas d’une nature migraineuse n’évolue plus par crise,
mais devient permanente.
Les antalgiques classiques peuvent être responsables de ces
céphalées d’auto-intoxication à une dose mensuelle égale ou
supérieure à 50 g d’aspirine ou 100 comprimés d’antalgiques,
associés à des barbituriques, ou à d’autres composants non nar-
cotiques, ou également à la prise quotidienne d’ergotamine à
une dose supérieure à 2 mg per os, ou à 1 mg par voie rectale.
On retrouve habituellement une prise supérieure pendant
3 mois ou plus.
Le traitement consiste en l’arrêt de ces thérapeutiques ; cet
arrêt peut être facilité par l’hospitalisation et la perfusion de
tricycliques.
La céphalée disparaît au cours du mois suivant l’arrêt de
l’intoxication.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Autret A. Les céphalées inhabituelles. Rev Prat 1990 ; 40 : 411-3.
2. Bousser M.G. L’hémicrânie paroxystique chronique. In : Les 365 nouvelles
maladies. Dormont. Blettry. Delfraissy. Flammarion. Paris, 19B9.
3. Bousser M.G. Les céphalées liées à l’activité sexuelle. In : Les 365 nouvelles
maladies. Dormont. Blettry. Delfraissy. Flammarion. Paris, 19B9.
4. Bousser M.G. La mydriase épisodique unilatérale. In : Les 365 nouvelles
maladies. Dormont. Blettry. Delfraissy. Flammarion. Paris, 19B9.
5. International Headache Society. Céphalées, névralgies crâniennes, douleurs
de la face, classification et critères diagnostiques. Rev Prar 1990 ; 40 : 416-50.
6. El Amrani M., Massiou H , Bousser M.G. Le syndrome SUNCT. La Lettre du
neurologue 1998 ; 11.
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