ARTICLE DE REVUE 194 Prise en charge dans le quotidien clinique Hémorragies digestives aiguës hautes et basses Dorothee Zimmermann a , Mich ael Ch ristian Sulz a , Christoph Knoblauchb a Klinik für Gastroenterologie und Hepatologie, Kantonsspital St. Gallen; b Gastroenterologie und Innere Medizin, Kantonsspital Nidwalden Quintessence • Les hémorragies digestives aiguës hautes et basses représentent des situations d’urgence fréquentes. • L’anamnèse révèle souvent la présence ou non d’une hémorragie variqueuse et fournit les premières indications sur l’état de la coagulation. • En première place se trouvent l’évaluation de l’état de la circulation et sa prise en charge appropriée avec traitement médicamenteux selon l’étiologie supposée, suivi d’un examen endoscopique. Celui-ci sert à © Chaoss | Dreamstime.com l’identification des causes, à la localisation du saignement et éventuellement au traitement ou au marquage. • Le moment idéal pour l’examen endoscopique dépend de l’état clinique du patient et devrait en règle générale avoir lieu au cours des premières 24 heures. • Au cas où l’intervention endoscopique ne parviendrait pas à stopper l’hémorragie digestive, il est possible de recourir à la radiologie interventionnelle ou des procédés opératoires. Epidémiologie au premier plan. D’autres causes et les répartitions Les hémorragies digestives aiguës représentent des urgences médicales fréquentes. L’incidence annuelle des hémorragies digestives hautes est d’env. 1/1000 [1], associée à une mortalité d’env. 13% [2]. Le taux an- détaillées de fréquence sont mentionnées dans les tableaux 1 et 2. Présentation clinique nuel d’incidence des hémorragies digestives basses est d’env. 1/4000 [3, 4]. Avec 2 à 4%, la mortalité est Les patients avec hémorragies digestives hautes aiguës largement inférieure à celle des hémorragies diges- peuvent présenter une hématémèse, un méléna ou tives hautes [3]. une hématochézie. L’hématémèse indique la plupart Des résidus de sang frais sur le papier toilette ou une du temps une source hémorragique située dans le légère évacuation de sang clair par l’anus sont très tractus gastro-intestinal supérieur, les vomissements courants (env. 15% de la population [5]). Il convient de de sang frais étant un signe d’hémorragie de degré différencier autant que possible cette situation d’une modéré à sévère, en particulier s’ils sont associés à hémorragie digestive basse aiguë. Dans le cadre de un méléna persistant et liquide. Le méléna n’est pas cet article, nous n’entrerons pas plus dans les détails spécifique aux hémorragies digestives hautes, car l’hé- de cette problématique difficile à classer. matine ne se forme pas uniquement par le contact du sang avec l’acide gastrique, mais également par la décomposition bactérienne du sang dans le côlon lorsque Causes le temps de transit est suffisamment long (source de Les causes les plus fréquentes d’hémorragies diges- l’hémorragie dans le côlon droit). L’intervalle de temps tives hautes sont les ulcères peptiques suivis d’hémor- entre l’hémorragie et l’apparition de méléna est de 4 à ragies variqueuses. En ce qui concerne les hémorragies 20 heures. Le méléna peut persister jusqu’à 5 jours digestives basses, les hémorragies diverticulaires sont après l’arrêt de l’hémorragie [6]. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(9):194–200 ARTICLE DE REVUE 195 Tableau 1A: Causes et fréquences des hémorragies digestives hautes aiguës [17]. Cause Fréquence en % Ulcères gastroduodénaux 38% 13% Aucune cause trouvée 8% Tumeur 7% Angiodysplasie 6% plupart du temps par une hématochézie, parfois également par un méléna. Chez 10 à 15% des patients présentant une hématochézie, la source de l’hémorragie se trouve dans le tractus gastro-intestinal supérieur, Varices œsophagiennes ou gastriques 16% Œsophagite Les hémorragies digestives basses se manifestent la l’hémorragie ayant souvent un impact sur le statut circulatoire du patient [4]. En fonction de la perte de sang, des symptômes circulatoires tels que l’hypotonie, la tachycardie, la pâleur, les vertiges et même le choc hypovolémique peuvent survenir. Lésion de Mallory-Weiss* 4% Erosions 4% Lésions de Dieulafoy** 2% Anamnèse Autres 2% L’anamnèse fournit des indications précieuses sur les * Hémorragie d’une déchirure de la muqueuse œsophagienne. ** Hémorragie d’une artère dilatée, sous-muqueuse, le plus souvent localisée dans la partie proximale de l’estomac (anomalie congénitale). causes possibles de l’hémorragie et sur son étendue (tab. 3). L’anamnèse médicamenteuse est essentielle et doit déterminer la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et d’anticoagulants. Tableau 1B: Causes rares des hémorragies digestives hautes [18]. Examen clinique En première place se trouve ici la mesure des para- Hémobilie (hémorragie des voies biliaires) mètres vitaux incluant la recherche de modifications Hemosuccus pancreaticus (hémorragie du pancréas / canal pancréatique) orthostatiques. Au toucher rectal, un méléna ou du Fistule aorto-entérique Lésion de Cameron (lésion au niveau du resserrement du diaphragme en cas d’hernie hiatale) sang frais peut être mis en évidence, ce qui permet éventuellement de poser le diagnostic (carcinome rectal). L’évaluation de la situation circulatoire, la pose dans l’idéal de deux voies d’accès veineuses et la substitution volumique doivent avoir lieu dès que pos- Tableau 2: Causes et fréquences des hémorragies digestives basses aiguës [4]. sible. Une tachycardie de repos peut révéler une hypovolémie mais n’est pas un signe obligatoire et est Cause Fréquence en % même absente chez les patients sous bêtabloquants. Hémorragie diverticulaire 20–48% Une hypotonie orthostatique survient dès une perte Angiodysplasie 3–40% Tumeurs/polypes 6–15% de sang équivalente à 15% du volume total. Une hypo- Colite/ulcère (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, colite infectieuse/ ischémique, vasculite et colite radique inclues) 6–21% Cause anorectale (hémorroïdes, fissure anale, ulcère rectal) 3–14% Divers (hémorragie postpolypectomie, 5–28% fistule aorto-colique, hémorragie anastomotique, impaction des selles au niveau rectal) tonie en décubitus suggère une perte de sang d’au moins 40% du volume [7]. Laboratoire Au début d’une hémorragie massive, le taux d’hémoglobine (Hb) peut encore se trouver dans la norme. La chute du taux d’hémoglobine ne devient apparente qu’après l’arrivée intravasculaire d’un flux plasma- Tableau 3: Indications anamnestiques importantes pour de possibles causes hémorragiques. Anamnèse Causes possibles de l’hémorragie Cirrhose hépatique ou facteurs de risque de cirrhose hépatique Hémorragie variqueuse Survenue de l’hémorragie suite à un vomissement Lésion de Mallory-Weiss (déchirure de la muqueuse œsophagienne provoquée par le vomissement) Douleurs épigastriques ou prise antérieure d’antirhumatismaux non stéroïdiens (ARNS) Ulcères gastroduodénaux Diarrhée et douleurs abdominales Colite Radiothérapie antérieure dans la zone urogénitale Angiectasies rectales postactiniques Prothèse aortique Fistule aorto-entérique Diverticulose connue Hémorragie diverticulaire Antécédent de polypectomie dans le côlon Hémorragie postpolypectomie SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(9):194–200 ARTICLE DE REVUE 196 tique compensatoire. A l’inverse, après l’arrêt d’une de cardiopathie coronarienne stable, un taux d’Hb à hémorragie, l’Hb peut chuter sans qu’une hémorragie 8 g/l est considéré comme suffisant chez les patients persistante en soit à l’origine. Il est décisif de détermi- asymptomatiques [10]. Il n’existe pas de directives ner très rapidement l’état de la coagulation sanguine internationales ou nationales pour le syndrome coro- du patient. Les patients présentant une hémorragie narien aigu, mais il convient d’observer les recomman- digestive haute ou du milieu du tube digestif ont dations propres à la clinique (exemple de l’Hôpital typiquement un taux d’urée sanguine plus élevé que cantonal de Saint-Gall: valeur cible Hb >9 g/l). Ce qui les patients souffrant d’hémorragie digestive basse, importe, en cas d’hémorragie aiguë, c’est que l’indica- en raison des composants sanguins résorbés dans tion de transfusion soit posée en accord avec les re- l’intestin grêle [8]. commandations de la clinique et non selon la valeur d’Hb. Ainsi, en cas d’hémorragie hyperaiguë associée à une instabilité hémodynamique et à des signes Traitement d’hémorragie active, des transfusions peuvent s’avé- L’objectif principal est une stabilisation adéquate de rer nécessaires en dépit d’une Hb normale. Une trans- la circulation sanguine avec substitution volumique fusion trop agressive doit avant tout être évitée en cas et surveillance étroite, si besoin en service de soins d’hémorragies variqueuses car elle pourrait entraîner intensifs. Parallèlement, les troubles de la coagulation une élévation de la pression portale. sanguine doivent être corrigés aussi rapidement que possible. Stationnaire ou ambulatoire? Des concentrés plaquettaires doivent être envisagés En règle générale, les hémorragies digestives hautes chez les patients présentant une hémorragie active sont traitées en stationnaire. Le score de Glasgow Blatch- à partir d’une valeur de 50 × 109/l (50 G/l) [5]. Un INR ford (tab. 4) peut être utilisé pour évaluer le risque (International Normalized Ratio) >1,5 doit, si cela est d’une intervention et apporter une aide dans la prise justifiable, être corrigé en priorité avec des facteurs de décision, en particulier si aucune endoscopie n’est de coagulation [2, 4]. En fonction du statut volémique réalisable dans l’immédiat. Les patients présentant du patient, il est également possible de recourir à un un risque très faible de saignement nécessitant une plasma frais congelé (PFC) (attention à la charge volu- intervention (correspondant à un score de 0) peuvent mique). Au cas où, chez les patients sous Marcoumar® être traités en ambulatoire, sans endoscopie d’urgence stables sur le plan clinique, l’INR se trouve dans la zone [11]. Il faut toutefois noter que le résultat endoscopique supra-thérapeutique, celui-ci doit être corrigé avant reste un paramètre capital pour l’évaluation du pro- une éventuelle endoscopie. En général, une coagulo- nostic. Pour les hémorragies digestives basses, une pathie n’est toutefois pas une contre-indication pour mise au point ambulatoire peut se laisser défendre une endoscopie d’urgence et ne devrait pas retarder celle-ci [2]. Avec les nouveaux anticoagulants tels que les inhibiteurs directs du facteur Xa (par ex. le rivaroxaban [Xarelto®]), une correction rapide de la coagulation n’est pas possible. Transfusion de concentrés érythrocytaires: à quel moment? La décision d’une transfusion doit être prise indivi- Tableau 4: Score de Glasgow Blatchford [12] pour l’évaluation du risque d’hémorragie nécessitant une intervention. Valeur Points Urée (mmol/l) 6,5–7,9 2 8–9,9 3 10–25 4 ≥25 6 duellement pour chaque patient. Des données relati- Hémoglobine (g/l) vement récentes indiquent qu’une stratégie conser- m: 12–12,9; f: 10–11,9 1 m: 10–11,9 3 m + f: <10 6 vatrice améliore le pronostic [9]. Généralement, en l’absence de symptômes, une valeur seuil de transfusion avec une Hb à 7 g/l est suffisante pour la plupart des patients, ce qui est associée à une issue plus positive chez les patients sans mauvaise tolérance de l’anémie comparativement à une valeur seuil plus élevée Pression systolique 100–109 1 90–99 2 <90 3 Pouls >100 1 [9]. Même en cas de comorbidités associées à une mau- Méléna 1 vaise tolérance de l’anémie (par ex. en cas de cardio- Syncope 2 pathie coronarienne), la limite transfusionnelle a été abaissée au cours des dernières années. Ainsi, en cas SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(9):194–200 Maladie hépatique 2 Insuffisance cardiaque 2 ARTICLE DE REVUE 197 pour les patients <60 ans présentant une légère hé- gestive est haute ou basse, il est recommandé de pro- morragie avec arrêt spontané et sans symptômes céder d’abord à une œsophagogastroduodénoscopie circulatoires. En cas de doute, nous recommandons (OGD). Comparativement à la coloscopie, cet examen d’effectuer au moins une anorectoscopie. est réa lisé plus rapidement et est moins lourd pour le patient. Traitement médicamenteux En cas de suspicion d’hémorragie digestive haute, une administration empirique et à haute dose d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) est judicieuse chez tous les patients (par ex. 80 mg d’ésoméprazole par voie intraveineuse suivis de 8 mg/h en perfusion). L’administration des IPP avant l’endoscopie n’a été associée à aucune amélioration de l’issue clinique, mais elle a pu réduire la nécessité d’un traitement endoscopique [11]. La suite du traitement par IPP dépend du diagnostic endoscopique de la cause de l’hémorragie. Traitement en cas d’hémorragie variqueuse En cas de suspicion d’une hémorragie variqueuse, des médicaments vasoactifs pour faire baisser la pression veineuse portale (terlipressine ou octréotide) doivent être administrés dès que possible, et ceci avant l’endoscopie, et pendant encore env. 5 jours après le traitement endoscopique. Il est ensuite possible de passer à des bêtabloquants non sélectifs (carvédilol, propranolol). En raison des taux élevés de complications infectieuses (par ex. péritonite bactérienne spontanée) chez les patients cirrhotiques, une prophylaxie antibiotique est toujours indiquée chez ces patients (ciprofloxacine ou ceftriaxone), ce qui s’associe à une mortalité diminuée [13]. Œsophagogastroduodénoscopie En cas de suspicion d’une hémorragie variqueuse, l’endoscopie doit être réalisée aussi rapidement que possible [13]. Une OGD en vue du diagnostic et d’un éventuel traitement de l’hémorragie digestive haute est recommandée chez la plupart des patients dans les 24 heures, car une large étude rétrospective a montré que cette stratégie était associée à une mortalité moindre [11]. Bien que les données sur le sujet soient contradictoires, une endoscopie réalisée dans les 12 heures en cas d’hémorragie digestive haute non variqueuse était associée à une meilleure issue clinique chez les patients dont les signes indiquaient une hémorragie massive (par ex. tachycardie, hypotonie, vomissement de sang frais) [11]. Etant donné qu’elle permet d’identifier les patients pouvant quitter rapidement l’hôpital, une endoscopie précoce peut réduire la durée d’hospitalisation et entraîner une réduction des coûts [11]. A ce propos, il convient de noter qu’environ 80% des hémorragies digestives s’arrêtent spontanément. Il est donc bon, pour les patients âgés et/ou polymorbides qui restent stables sous traitement par IPP, de s’interroger sur une mise au point par examen endoscopique: cet examen a-t-il une quelconque autre conséquence? Prise 20 à 120 minutes avant l’OGD, l’érythromycine, Endoscopie – quand et comment? efficace comme agent prokinétique, peut améliorer la visibilité pendant l’endoscopie au cas où beaucoup Avant l’endoscopie, le patient doit être stabilisé. S’il de sang est présent dans l’estomac, et ainsi éviter les n’a pas été clairement déterminé si l’hémorragie di- endoscopies de «second look» [11]. A B Figure 1: A Important ulcère duodénal (base au niveau de la flèche) avec hémorragie active abondante du vaisseau (double flèche). Risque de récidive hémorragique très élevé en l’absence d’intervention. B Hémostase réussie avec l’Hemospray ® après utilisation d’une pince hémostatique (Coagrasper ®) et administration d’adrénaline 1:10 000 sans succès. L’Hemospray ® couvre toute la base de l’ulcère. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(9):194–200 ARTICLE DE REVUE 198 A B C Figure 2: A Hémorragie active abondante d’une lésion de Dieulafoy dans le cardia. B Recherche de la lésion à l’aide du bouchon (flèche), pour application de l’OTSC. C Après la pose des clips (double flèche), l’hémorragie s’arrête. Figure 3: Ulcère duodénal avec saignement et vaisseau couvert de coagulum (flèche), risque élevé de récidive hémorragique. Figure 4: Lésion de Dieulafoy dans le corps de l’estomac avec coagulum, associée à un risque de récidive hémorragique moyen . Avant l’OGD, une intubation est judicieuse pour pro- visible et éventuellement de coagulum visible [11]. Il téger les voies respiratoires du patient d’une éven- existe différentes méthodes thermiques (électrocoa- tuelle aspiration en cas d’hématémèse massive, de gulation avec Gold Probe™, Heather Probe ou Coagras- conscience altérée ou de problèmes pulmonaires. L’in- per) ou mécaniques (injection d’adrénaline combinée, dication d’une intubation est particulièrement valable pose de clips hémostatiques, injection d’un produit en cas de suspicion d’hémorragies variqueuses. sclérosant). Grâce à l’Hemospray® et à l’OTSC® (OverThe-Scope Clip), deux nouvelles méthodes son dis- Hémostase endoscopique ponibles depuis quelque temps pour l’endoscopiste. En cas de mise en évidence d’une hémorragie active, Hemospray® est une poudre minérale actuellement l’indication d’une hémostase endoscopique est bien autorisée dans le traitement des hémorragies diges- évidente. Même en cas d’indices suggérant un risque tives hautes (non variqueuses) qui peut être pulvéri- élevé de récidive hémorragique, les méthodes d’hé- sée sur la source hémorragique via un cathéter et qui mostase endoscopique sont indiquées dans une dé- est associée à un taux élevé de succès (fig. 1A et B) [14]. marche prophylactique. Des exemples d’images endos- En cas d’hémorragie digestive basse, il est possible copiques avec lésions aux activités hémorragiques de recourir à l’Hemospray® dans le cadre d’une pres- différentes sont disponibles dans les figures 1 à 7. cription off-label. Cette méthode est avant tout desti- Les traitements endoscopiques sont recommandés née aux hémorragies qui sont difficilement acces- en cas d’hémorragie active, de moignon vasculaire sibles avec d’autres méthodes ou lorsqu’une surface SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(9):194–200 ARTICLE DE REVUE 199 plus importante est touchée, comme en cas d’hémor- multiples minuscules au saignement diffus. L’OTSC® ragie tumorale, d’ectasie vasculaire antrale gastrique (fig. 2A–C) est un clip nettement plus gros que les (EVAG), d’angiectasies multiples ou d’ulcères/érosions clips habituels qui se place également de manière endoscopique (également appelé «berce» en raison de sa forme), et avec lequel un volume tissulaire plus important peut être saisi avec une pression nettement plus importante qu’avec les clips classiques. Il est possible de recourir à l’OTSC® en cas d’échec des traitements conventionnels et dans des situations particulières telles qu’en présence de lésions de Dieulafoy [15, 16]. Après une hémostase endoscopique, les patients sont surveillés en stationnaire pendant 72 heures dans la plupart des cas. En plus des stigmates hémorragiques endoscopiques, l’âge avancé et les comorbidités sont des facteurs clés ayant un impact sur le risque de récidive hémor ragique. Le score de Rockall (tab. 5) est utile Figure 5: Ulcère duodénal avec dépôts d’hématine (faible risque de récidive hémorragique, aucune intervention nécessaire). pour l’évaluation de ce risque ainsi que pour celui de morta lité. Les varices œsophagiennes hémorragiques sont d’abord ligaturées avec des bandes de caoutchouc. Dans de rares cas, l’injection d’un produit sclérosant peut s’avérer nécessaire. En cas de varices gastriques, l’injection d’une colle de fibrine se présente comme le traitement standard. Chez les patients présentant un risque élevé d’échec thérapeutique ou en cas de récidive hémorragique, la pose d’un TIPS (Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt, ou shunt intrahépatique par voie transjugulaire) doit être envisagée. Des ballons tampons ou des stents temporaires peuvent être utilisés comme shunts en cas d’hémorragie non maîtrisable par voie endoscopique [13]. Coloscopie En cas d’hémorragie digestive basse, la source se trouve la plupart du temps dans le côlon. En conséFigure 6: Ulcère duodénal recouvert de fibrine sans stigmates hémorragiques. quence, la réalisation d’une coloscopie après purge préalable est en général la première étape de la mise au point. Le moment optimal pour une coloscopie est sujet à controverse. Selon certaines indications, une coloscopie précoce (dans les 12 heures) pourrait améliorer l’issue diagnostique et thérapeutique [4]. Etant donné que la plupart des hémorragies s’arrêtent spontanément, une coloscopie semi-élective (après >24 heures) est suffisante dans la plupart des cas [5]. En cas de suspicion d’hémorragie dans la partie distale du rectum ou au niveau du sigmoïde, une sigmoïdoscopie non préparée peut suffire en phase aiguë. Les méthodes de l’hémostase endoscopique sont semblables à celles utilisées pour les hémorragies digestives hautes. En général, il est plus rare de détecter une source hémorragique active en cas Figure 7: Diverticule du côlon avec vaisseau apparent (flèche). SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(9):194–200 d’hémorragies digestives basses. ARTICLE DE REVUE 200 Tableau 5: Score de Rockall pour l’évaluation du risque de récidive hémorragique et de mortalité [17]. Points 0 1 2 3 Age (années) <60 60–79 >80 – Pouls <100 >100 – – Pression systolique Normale >100 <100 – Comorbidité Aucune – Insuffisance cardiaque, Insuffisance rénale, cardiopathie coronarienne, insuffisance autres hépatique, tumeur maligne métastatique Diagnostic Lésion de Mallory-Weiss Tous les autres ou aucune lésion visible Tumeur maligne du tractus gastrointestinal supérieur Résultat endoscopique Aucun stigmate hémorragique ou couche d’hématine Sang visible, coagulum adhérent, vaisseau, hémorragie active Mortalité: 0–2 points: 0%; ≥8 points: >40% Risque de récidive hémorragique: 0–2 points: <5%; ≥7 points: >40% Entéroscopie et endoscopie par capsule Radiologie et chirurgie Au cas où l’OGD et l’iléocoloscopie ne permettent Le diagnostic radiologique (en premier lieu l’angiogra- pas de détecter la source hémorragique, et que plus phie par tomodensitométrie) a son importance en cas aucune hémorragie active et hémodynamique perti- d’hémorragies digestives actives sévères pour les- nente n’est présente sur le plan clinique, les sources quelles la source hémorragique n’a pas pu être détec- hémorragiques doivent être recherchées dans l’intes- tée par voie endoscopique, pour lesquelles l’hémostase tin grêle au moyen d’une endoscopie vidéo par cap- endoscopique est restée sans résultat ou pour les- sule. Si cet examen montre des lésions nécessitant un quelles une endoscopie n’est pas réalisable en raison traitement, l’entéroscopie haute et/ou basse à double d’instabilité circulatoire [2, 4]. Lors de l’angiographie, ballon (examen réalisé à l’aide d’un long endoscope il est nécessaire d’avoir un débit hémorragique d’au équipé d’un ou deux ballonnets, qui permet en moins 1 ml/min en vue de sa détection [4]. L’avantage quelque sorte «d’enfiler» l’intestin) et l’entéroscopie réside dans la possibilité d’une hémostase interven- haute partielle (endoscopie haute avec un coloscope tionnelle (par ex. à l’aide de spirales métalliques). La pour enfant) peuvent être mises en œuvre de ma- scintigraphie est plus sensible mais moins spécifique nière ciblée. que l’angiographie, et a l’inconvénient d’être dépourvue d’options thérapeutiques [5]. Ainsi, la scintigraphie a plutôt un rôle à jouer en cas d’hémorragies légères Définitions Correspondance: Dr Christoph Knoblauch FMH Gastroenterologie und Innere Medizin Kantonsspital Nidwalden Ennetmooserstrasse 19 CH-6370 Stans Christoph.Knoblauch[at] ksnw.ch et intermittentes. Hémorragie digestive haute: Source de l’hémorragie en amont de l’angle de Treitz (œsophage, estomac ou duodénum); Hémorragie digestive du milieu: Source de l’hémorragie entre la jonction duodéno-jéjunale et la valvule iléo-cæcale; Hémorragie digestive basse: Source de l’hémorragie en aval de l’angle de Treitz (jéjunum, iléon, côlon); Hématémèse: Vomissement de sang (sang frais ou vieux sang couleur café); Melæna: Méléna (selles noircies par l’hématine); Hématochézie: Evacuation, par l’anus, de sang frais (clair); Hémorragie digestive apparente: Hémorragie accompagnée de signes clairs d’hémorragie tels que vomissement de sang ou évacuation de sang par l’anus; Hémorragie digestive occulte: Hémorragie sans signes cliniques d’hémorragie (souvent ac compagnée d’une anémie); Hémorragie digestive obscure: Hémorragie digestive apparente ou occulte pour laquelle aucune source de saignement n’est trouvée malgré un examen endoscopique. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(9):194–200 Un diverticule de Meckel, rare source hémorragique chez les jeunes patients, peut être diagnostiqué au moyen d’une scintigraphie. Au cas où ni une hémostase endoscopique ni une hémostase radiologique interventionnelle n’aboutit à l’arrêt du saignement, un traitement opératoire s’avère nécessaire dans de rares cas. Remerciements Nous remercions le Dr Hansjörg Bucher (titre FMH de médecine géné rale, cabinet à Engelberg) pour sa revue critique du manuscrit et ses précieux conseils. Financement / Conflits d’intérêts Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts financier ou personnel en rapport avec cet article. Références La liste complète et numérotée des références est disponible sur www.medicalforum.ch. Management im klinischen Alltag Akute obere und untere gastrointestinale Blutung Prise en charge dans le quotidien clinique Hémorragies digestives aiguës hautes et basses Literatur / Références 1. Barkun AN, Bardou M, Kuipers EJ, Sung J, Hunt RH, Martel M, et al. International consensus recommendations on the management of patients with nonvariceal upper gastrointestinal bleeding. Ann Intern Med. 2010;152:101-113. 2. Van Leerdam ME, Vreeburg EM, Rauws EA, Geraedts AA, Tijssen JG, Reitsma JB, et al. Acute upper GI bleeding: Did anything change? Time trend analysis of incidence and outcome of acute upper GI bleeding between 1993/1994 and 2000. Am J Gastroenterol 2003;98:1494-9. 3. Farrell JJ, Friedman LS. Review article: the management of lower gastrointestinal bleeding. Aliment Pharmacol Ther 2005;21:1281-1298. 4. Ghassemi KA, Jensen DM. Lower GI bleeding: Epidemiology and management. Curr Gastroenterol Rep 2013;15:333.doi: 10.1007/s11894-013-0333-5. 5. Talley NJ, Jones M. Self-reported rectal bleeding in a United States community: prevalence, risk factors, and health care seeking. Am J Gastroenterol 1998;93;2179- 83. 6. Clinical Methods: The history, physical and laboratory examinations. 3rd edition. Walker HK, Hall WD, Hurst JW, editors.Boston: Butterworths; 1990 (ISBN-10: 0-409-90077-X). 7. Cappell MS, Friedel D. Initial management of acute upper gastrointestinal bleeding: from initial evaluation up to gastrointestinal endoscopy. Med Clin North Am 2008;92(3):491-509. 8. Mortensen PB, Nohr M, Moller-Peterson JF, Balslev I. The diagnostic value of serum urea/creatinine ratio in distinguishing between upper and lower gastrointestinal bleeding. A prospective study. Dan Med Bull 1994;41:237-40. 9. Villanueva C, Colomo A, Bosch A, Concepcion M, Hernandez-Gea V. Aracil C, et al. Transfusion strategies for acute upper gastrointestinal bleeding. N Engl J Med 2013;368:11-21. 10. Carson JL, Grossman BJ, Kleinman S, Tunmouth AT, Marques MB, Fung MK, et al. Red blood cell transfusion: A clinical practice guideline from the AABB. Ann Intern Med. 2012;157:4958. 11. Laine L, Jensen DM. Management of patients with ulcer bleeding. Am J Gastroenterol 2012;107:345-360. 12. Blatchford O, Murray WR, Blatchford M. A risk score to predict need for treatment for uppergastrointestinal haemorrhage. Lancet 2000;356:1318–1321. 13. De Franchis R. Revising consensus in portal hypertension: Report of the Baveno V consensus workshop on methodology of diagnosis and therapy in portal hypertension. Journal of Hepatology 2010;53:762-768. 14. Sulz MC, Frei R, Meyenberger C, Bauernfeind P, Semadeni GM, Gubler C. Routine use of hemospray for gastrointestinal bleeding: prospective two-center experience in Switzerland. Endoscopy 2014;46:619-624. 15. Chan SM, Chiu PW, Teoh AY, Lau JY. Use of the Over-The-Scope Clip for treatment of refractory upper gastrointestinal bleeding: a case series. Endoscopy 2014;46:428-31. 16. Sulz MC, Bertolini R, Frei R, Semadeni GM, Borovicka J, Meyenberger C. Multipurpose use of the Over-the-Scope-Clip system: Swiss experience in a tertiary center. World Journal of Gastroenterology 2014;20(43):16287-92. 17. Feldmann M, Friedman LS, Brandt LJ. Sleisinger and Fordtran`s gastrointestinal and liver disease. 9th ed. Philadelphia. Saunders Elsevier. 2010. Chapter 19. 18. UpToDate – uncommon causes of upper gastrointestinal bleeding in adults (Homepage on the internet). (Last updated, Apr 22, 2014, cited August, 2014). Up To Date inc. Available from www.uptodate.com.