> ACTUALITÉS sciences REVUE de presse > BMC Neuroscience > nature > American Journal of Psychiatry > JAMA > Schizophrenia Bulletin > British Journal of Psychiatry > Psychiatry and Clinical Neurosciences > Science Coordonnée par E. Bacon INSERM et clinique psychiatrique, Strasbourg Les effets de l’ecstasy pourraient être exacerbés par la musique techno : potentialisation des effets électrocorticaux du MDMA par la stimulation acoustique chez le rat ■ Cantazaro (Italie) L La consommation de l’ecstasy (ou méthylènedioxymétamphétamine [MDMA]) a considérablement augmenté parmi les jeunes européens et nord-américains ces dernières années. Cette drogue, très populaire dans les raves-parties, entraîne des sensations d’euphorie, d’énergie et le désir de se socialiser. En outre, elle est relativement facile à fabriquer et à se procurer, et véhicule auprès des consommateurs la réputation usurpée d’être plus sûre que les autres drogues récréatives. Malheureusement, les observations s’accumulent et démontrent que l’ecstasy ne mérite pas cette réputation si attrayante. Le MDMA présente des risques en termes de toxicité, de psychopathologie et de toxicomanie. Certaines conditions environnementales pourraient également influencer la toxicité de cette drogue. Par exemple, une des conséquences de l’utilisation de l’ecstasy dans les raves-parties est l’augmentation de la température corporelle, liée à une action directe de la molécule sur les systèmes de thermorégulation, mais aussi à l’activité musculaire intense des danseurs et à la température souvent élevée de l’environnement. Chez les animaux de laboratoire, l’ecstasy est capable de provoquer une toxicité neuronale sérotoninergique et dopaminergique, ainsi que des modifications à court terme du système noradrénergique. Eu égard à la nature et au niveau sonore de la musique techno qui règnent généralement dans les raves-parties, une question importante est de savoir si cette composante typique constituée par ces stimuli auditifs est en mesure d’affecter les fonctions nerveuses supérieures, et en particulier, l’activité électrocorticale. La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 5 > ACTUALITÉS sciences > Acta Psychiatrica Scandinavica > Archives of General Psychiatry > Nature Neuroscience Coordonnée par E. Bacon > Neuroimage > Journal of Psychiatry Research > American Journal of Psychiatry > Science Des chercheurs italiens se sont attelés à cette tâche. Ils ont étudié les effets de faibles doses de MDMA in vivo chez des rats Wistar. Ils ont tout d’abord constaté que, à la suite d’une évaluation à court terme, l’administration d’une faible dose ne modifiait pas en soi l’activité électrocorticale des rats, par comparaison à une solution saline. Ils ont, par ailleurs, soumis les animaux traités au MDMA à un bourdonnement de bruit blanc de 95 décibels, au niveau sonore maximal autorisé dans les discothèques italiennes. La stimulation acoustique induisait une diminution marquée de l’activité électrocorticale du cortex télencéphalique. Cette stimulation était spontanément réversible en l’absence de stimuli sensoriels, cependant qu’elle persistait pendant plusieurs jours si, en plus du MDMA, les animaux étaient exposés à une stimulation acoustique. à l’hyperthermie ou à l’excès concommitant de prise de boisson. Une question importante concernant l’ecstasy reste de savoir si cette drogue cause des dommages à long terme sur le cerveau. Les études sur l’animal suggèrent qu’elle érode les terminaisons nerveuses. S’il en est de même chez l’homme, elle pourrait augmenter les risques de susceptibilité vis-à-vis de la dépression, des troubles de l’humeur et d’autres problèmes psychiatriques. E.B. > Iannone M, Bulotta S, Paolino D et al. Electrocortical effects of MDMA are potentiated by acoustic stimulation in rats. BMC Neurosc 2006;7:13doi:10.1186/1471-22027-13. > Pearson H. Music heightens party drug. Ecstasy effects may be exacerbated by disco din. Nature online 2006;doi:10. 1038/news060213-5. REVUE de presse Commentaire 6 Le bruit assourdissant peut donc transformer une quantité apparemment inoffensive de la drogue en une dose dangereuse. Administrée seule, la faible dose destinée aux rats avait peu d’effet sur leur cerveau, mais associée au bruit, elle amplifiait l’activité de certaines cellules cérébrales. Ces observations suggèrent que les martèlements de la musique techno pourraient augmenter les effets de l’ecstasy sur le cerveau humain, et c’est ce qui explique peut-être la popularité de cette drogue dans les discothèques et les raves-parties. Cette étude confirme les effets potentiels de certaines musiques sur les drogues, effet déjà constaté en 2001 pour l’association entre la musique de discothèque et la méthamphétamine (le speed). L’ecstasy est souvent considéré comme une drogue relativement inoffensive et les morts qui lui sont imputées étaient jusqu’à présent attribuées > Un effet antipanique aigu pour l’aérobic ■ Berlin (Allemagne) effet anxiolytique chez des volontaires sains de l’entraînement aérobic a été décrit dans de nombreuses études et rapporté par les journaux de psychologie sportive. En revanche, les observations sont contradictoires en ce qui concerne l’effet de l’aérobic sur les sujets anxieux ou sujets à des attaques de panique. Par ailleurs, il a été constaté que des périodes d’exercice physique intense diminuent les symptômes provoqués par le CO2 et la caféine. Cependant, la caféine et le CO2 induisent tout d’abord des symptômes somatiques d’anxiété chez les sujets sains, mais rarement des attaques de panique. Par L’ La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 contraste, le tétrapeptide cholécystokinine (CCK-4) induit de manière efficace et dose-dépendante des attaques de panique chez des sujets sains. Partant de ces constats, des médecins du sport et des psychiatres berlinois se sont associés pour étudier les effets antipaniques potentiels de l’aérobic chez des volontaires sains, après l’administration de CCK-4. Ils ont comparé les attaques de panique induites par le CCK-4 lorsque les sujets avaient été préalablement soit au repos, soit soumis à 30 minutes d’exercice physique intense (induisant 70 % de la consommation maximale d’oxygène). Quinze sujets sains (6 femmes et 9 hommes) se sont prêtés à l’expérience. Les effets ont été mesurés avec une échelle spécifique, la Acute Panic Inventory. Les résultats montrent que la survenue d’attaque de panique était bien plus élevée après un moment de repos qu’à la suite d’une période d’exercice, puisque douze participants sur les quinze ont vécu un épisode de panique après un repos, contre six seulement après l’exercice. Dans les deux conditions, l’administration de CCK-4 était suivie par une augmentation significative des scores de l’échelle de panique. Toutefois, les scores étaient nettement plus faibles après un moment d’exercice physique préliminaire qu’après une période de repos. Commentaire Cette étude exploratoire montre que 30 minutes d’exercice aérobic ont eu un effet antipanique aigu chez des volontaires sains. La fréquence, mais aussi l’intensité des symptômes des attaques de panique induites par le CCK-4 étaient diminuées de façon significative. Du point de vue psychologique et biologique, ce phénomène pourrait être médié par les effets de l’exercice sur la synthèse et le métabolisme des monoamines, et/ou par l’activation de secré- tions des bêta-endorphines, entre autres. Si ces observations sont confirmées chez les patients souffrant d’attaques de panique, l’exercice physique intense pourrait être utilisé dans le traitement des crises. E.B. > Strohle A, Feller C, Onken M et al. The Acute Antipanic Activity of Aerobic Exercise. Am J Psychiatry 2005;162:2376-8. > Taux de schizophrénie à la suite de la famine chinoise de 1959-1961 Shangai et Hong Kong (Chine), Aberdeen et Londres (Grande-Bretagne) ■ l est aujourd’hui bien admis que la schizophrénie est probablement un trouble multifactoriel, des influences génétiques et environnementales contribuant au risque global. De plus en plus, la schizophrénie est considérée comme un trouble neurodéveloppemental dont les risques de survenue sont modulés par des influences environnementales intervenant lors des étapes précoces du développement cérébral. Ces facteurs de risque, dont la responsabilité n’a pas encore été formellement démontrée, incluent notamment l’exposition prénatale à la grippe, la saison de naissance, le stress psychologique prénatal maternel et les carences nutritionnelles maternelles et fœtales. La première mise en évidence du fait que des carences nutritionnelles prénatales peuvent augmenter le risque de schizophrénie et de comportement antisocial provient d’études publiées dans les années 1990, qui se sont intéressées aux effets de la famine hollandaise de l’hiver 1944-1945. À cette occasion, la Hollande avait subi I une diminution aiguë, mais limitée, de l’alimentation de la population. Les chercheurs ont constaté que le risque de schizophrénie avait doublé chez les enfants conçus pendant la famine et nés de mère sévèrement dénutries. Toutefois, la quantité de cas était limitée puisque la cohorte de sujets exposés au risque et conçus pendant cette période était faible, de 20 à 25 cas, et que la significativité statistique des observations était modeste. De nombreuses famines ont sévi dans le monde depuis 1945, mais pour diverses raisons, elles n’ont pas fait l’objet d’investigations épidémiologiques poussées. Il se trouve que la famine qui a sévi en Chine entre 1959 et 1961 a été l’un des événements le plus terrible du XXe siècle. Provoquée par des conditions météorologiques catastrophiques, elle a affecté toutes les provinces chinoises. Quarante ans après, les sujets à risque sont donc tous adultes et des chercheurs chinois et anglais ont conjugué leurs efforts pour vérifier l’hypothèse selon laquelle l’exposition prénatale à la famine pourrait augmenter le risque de schizophrénie dans la vie adulte. Les chercheurs ont concentré leur attention sur la province de Anhui, une des plus affectées par la famine, et qui compte une population de 62 millions d’habitants. Ils ont consulté les registres de l’hôpital psychiatrique de la ville de Wuhu, qui est la seule institution spécialisée à desservir les 3 millions d’habitants que comptent la ville et ses alentours. À l’époque de la famine, la population était d’environ la moitié de cette taille. Les chercheurs ont comparé les taux de schizophrénie survenus chez les habitants avant, pendant, et après les années de famine, de 1971 à 2001. Les données cliniques et sociodémographiques des patients ont été relevées par des chercheurs qui n’étaient pas informés de la nature de la recherche. Les chercheurs disposaient également de données concernant le nombre de naissances et de décès pendant les années de famine, et la mortalité cumulative a été évaluée à partir des suivis démographiques ultérieurs. Les observations montrent que les taux de natalité (pour 1 000) dans la province ont baissé d’environ 80 % pendant la famine. Ils étaient de 28 en 1958, de 21 en 1959, de 8,6 en 1960 et seulement de 11 en 1961. Parmi les naissances survenues au cours de la famine, le risque ajusté de schizophrénie avait augmenté de façon significative de 0,8 % en 1959, à 2,2 en 1960 et de 1,8 % en 1961. Le risque relatif ajusté de mortalité était de 2,30 pour les personnes nées en 1960, et de 1,93 pour celles nées en 1961. Commentaire Cette étude corrobore le point de vue selon lequel l’exposition prénatale à la famine augmente le risque ultérieur de schizophrénie. Elle reproduit presque exactement, avec un échantillon de population beaucoup plus important et un groupe éthnique et culturel différent, les observations d’une étude hollandaise réalisée à la suite de la famine de l’hiver 1944-1945. Plus tard, cette publication a fait l’objet d’un certain nombre de commentaires sous forme de lettres à l’éditeur. Ainsi, des chercheurs du New Jersey ont fait remarquer que si la famine semble effectivement constituer un facteur de risque important pour l’apparition d’une schizophrénie, il devrait y avoir au moins un facteur de risque significatif supplémentaire non identifié à ce jour. En effet, de nombreuses famines ont sévi au cours des siècles passés. Et pourtant, d’après les commentateurs, la seule description convaincante de schizophrénie avant 1800 est le personnage du Mad Tom de la pièce de Shakespeare, Le Roi Lear. Il n’existerait pas d’autre description convaincante de La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 7 > ACTUALITÉS sciences > Acta Psychiatrica Scandinavica > Archives of General Psychiatry > Nature Neuroscience > Neuroimage > Journal of Psychiatry Research > American Journal of Psychiatry > Science cette pathologie avant le milieu du XIXe siècle, alors que la toxicomanie, la manie et l’épilepsie sont décrites depuis longtemps. Il est en effet troublant de constater que les fichiers des asiles pour malades mentaux de la fin du XVIIIe siècle ne renferment aucune description de maladie ressemblant à la schizophrénie, tandis que les éditions ultérieures en regorgent. À la suite de ce commentaire, un chercheur newyorkais a fait remarquer qu’un ouvrage datant du XVe siècle contient de nombreuses descriptions de cas de Folie, et aussi qu’on peut trouver en 1630 la description du cas d’un patient qui ressemble fort à la schizophrénie. Le débat est ouvert… E.B. > St Clair D, Xu M, Wang P et al. Rates of adult schizophrenia following prenatal exposure to the chinese famine of 1959-1961. JAMA 2005;294:557-62. > Altschuler E. Schizophrenia and the chinese famine of 1959-1961. JAMA 2005; 294:2968. > REVUE de presse Neugebauer R. Schizophrenia and the chinese famine of 1959-1961 - Reply. JAMA 2005;294:2968-9. 8 Coordonnée par E. Bacon > ■ Un neurone inhibiteur excitant Szeged (Hongrie) écouvertes il y a environ 30 ans, les cellules axo-axoniques (AAC) sont des cellules GABAergiques. Leur situation est unique au niveau des circuits corticaux, et cela pour deux raisons : elles innervent exclusivement les cellules pyramidales et ne forment pas de synapse avec les autres types cellulaires. Ce sont les AAC qui fournissent exclusivement les inputs vers le segment initial de l’axone des cellules pyramidales, en dehors de quelques rares synapses provenant occasionnellement des cellules en corbeilles. En outre, leur axone présente les seuils de génération des potentiels d’action les plus faibles. Les effets des AAC se font des récepteurs de type GABAA. Ce sont les types cellulaires inhibiteurs les plus spécifiques, et ils sont régulièrement présentés dans les ouvrages pour étudiants afin d’illustrer le placement stratégique de l’inhibition sur les axones. Toutefois, des chercheurs hongrois ont D démontré tout récemment que les cellules axo-axonales sont capables de dépolariser les cellules pyramidales et susceptibles d’initier des séries stéréotypées d’événements synaptiques dans les réseaux corticaux du rat, mais aussi chez l’homme, du fait de la dépolarisation du potentiel inverse de l’axone relatif aux entrées GABAergiques périsomatiques. Commentaire Les chercheurs hongrois ont démontré que, au contraire d’avoir un effet exclusivement inhibiteur sur le segment initial de l’axone des cellules postsynaptiques, les cellules axo-axonales peuvent agir comme des neurones excitateurs des cellules postsynaptiques. Il s’agit là de la découverte de l’existence d’un phénomène sans précédent dans le cerveau : une cellule GABAergique isolée capable d’activer efficacement le réseau cortical. E.B. > Szabadics J, Varga C, Molnár G et al. Excitatory effect of GABAergic axo-axonic cells in cortical microcircuits. Science 2006;311:233-5. • Le soin et la recherche en psychiatrie aujourd’hui : entre éthique traditionnelle et nouvelles sensibilités • adhésion aux principes éthiques dans la recherche est particulièrement critique pour la psychiatrie. Toutes les revues spécialisées se font régulièrement le reflet de ces préoccupations. La revue Schizophrenia Bulletin vient notamment de publier un dossier L’ spécial qui montre bien l’importance accordée à cette notion. La validité du consentement éclairé, la participation volontaire, le mérite scientifique, la minimalisation des risques, une définition acceptable du rapport bénéfice risque, une sélection équitable des La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 sujets, le suivi institutionnel et le contrôle par l’autorité sont autant de composantes essentielles à la conduite de recherches sur l’homme, et les procédures ont été codifiées et modifiées avec le temps. Dans une autre grande revue de psychiatrie, les Drs S. Bloch et S. Green constatent que les préoccupations éthiques concernant le rôle et la fonction du psychiatre poursuivent la profession depuis au moins deux siècles. De plus, il semble que les théories classiques se contredisent entre elles, contribuent à la confusion générale, et paralysent le clinicien. Les deux chercheurs ont examiné les principales théories communément appliquées en bioéthique, et se sont entretenus avec des philosophes de la morale et des psychiatres. Ils en tirent les conclusions que, au lieu de poursuivre un cadre théorique unique, la recherche en psychiatrie devrait prendre en compte de manière synergique les forces des approches compatibles. E.B. > Weiss Roberts L, Dunn L. Special Theme: Empirical and conceptual advances in the ethics of schizophrenia research. Schizophr Bull 2006;32: 20-178. Bloch S, Green S. An ethical framework for psychiatry. Br J Psychiatry 2006;188:7-12. > > La recherche en psychiatrie est-elle stigmatisée ? Résultats d’une enquète auprès du grand public ■ L Ann Arbor (États-Unis) a pertinence des recherches impliquant des personnes dont la capacité de décision est amoindrie continue à alimenter un débat animé entre bioéthiciens, chercheurs et juristes. La perturbation de la capacité de décision peut évidemment constituer un obstacle à l’obtention d’un consentement éclairé, et il est nécessaire de disposer de règles claires concernant la manière de mener des recherches avec de telles personnes. Malgré le fait que l’incapa- cité à prendre une décision puisse être causée par de nombreuses conditions médicales, les débats récents se sont surtout focalisés sur les maladies mentales. Certaines lois traitent différemment les patients psychiatriques incompétents et les patients jugés incompétents, mais souffrant d’autres pathologies. La stigmatisation de la maladie mentale peut prendre de nombreux visages. Les patients psychotiques sont, en effet, perçus comme violents et dangereux, alors qu’ils ne contribuent que pour une faible part à la violence dans la population. En outre, les gens préfèrent généralement garder une certaine distance sociale entre les personnes souffrant de troubles psychiatriques et eux-mêmes. Les sociétés tolèrent également l’existence d’une certaine inégalité dans l’attribution des fonds destinés aux soins des malades mentaux. Parce que la stigmatisation des maladies mentales reste forte, il paraît essentiel de comprendre si, et comment, la stigmatisation peut aussi affecter les règles éthiques de recherche concernant les malades mentaux. Des chercheurs allemands ont mené une étude pour laquelle ils ont conceptualisé la stigmatisation comme une discrimination fondée sur des facteurs éthiquement non pertinents, et qui sont potentiellement à même d’entraîner des effets préjudiciables. Ils ont testé l’hypothèse selon laquelle il existerait une stigmatisation vis-à-vis de la recherche en psychiatrie. Cette recherche est considérée comme moins admissible que les autres types de recherche médicale, même lorsque les facteurs éthiques pertinents sont similaires. Pour mener à bien leurs études, les auteurs ont adressé des e-mails à 34 000 personnes adultes sélectionnées à partir d’un fichier d’un demi-million de volontaires. Un peu plus de 3 000 personnes ayant répondu à l’invitation ont été recrutées, avec une surreprésentation des minorités raciales et éthniques et de personnes âgées. Les chercheurs ont présenté à chaque participant un scénario expérimental parmi un choix de sept histoires impliquant une personne fictive (“John” ou “Pam”) susceptible d’être recrutée pour participer à un protocole de recherche. Chaque scénario présentait toutes les caractéristiques de l’essai : nom et descriptif de la maladie, description de la recherche incluant ses buts, sa procédure, ses risques, le statut de compétence requis, etc. Trois résultats importants émergent de cette étude. Les résultats révèlent, en effet, que les personnes interrogées étaient moins favorables à autoriser la recherche avec des patients psychiatriques qu’avec des patients “médicaux”, même lorsque les conditions éthiques étaient similaires. Cette réticence concernant la recherche en psychiatrie est largement sous-tendue par la croyance obsolète selon laquelle le fait de souffrir d’une maladie mentale empêche la personne de prendre ses décisions de manière adaptée. Enfin, ce traitement discriminatoire de la recherche sur les maladies mentales ne résulte pas tant d’une façon impropre de considérer les patients psychiatriques incompétents que d’une mauvaise évaluation des patients psychiatriques qui sont compétents pour prendre une décision. Commentaire Il existe une abondante littérature traitant de la stigmatisation des patients qui souffrent de maladie mentale. Toutefois, cette étude est la première à démontrer clairement que la recherche impliquant la participation de malades souffrant de troubles mentaux est, elle aussi, stigmatisée. Dans ce cas, la stigmatisation prend la forme d’une discri- La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 9 > ACTUALITÉS sciences > Acta Psychiatrica Scandinavica > Archives of General Psychiatry > Nature Neuroscience > Neuroimage > Journal of Psychiatry Research > American Journal of Psychiatry > Science mination qui n’est justifiée par aucune intention de nature éthique, et qui est potentiellement à même d’avoir des conséquences préjudiciables, en empêchant des recherches qui pourraient bénéficier aux patients psychiatriques. Étant donné qu’il n’y a aucune raison de penser que les législateurs soient épargnés par l’influence de telles réticences, il est important qu’ils soient attentifs à se préserver de telles influences lorsqu’ils formulent les règles éthiques de recherche concernant les malades psychiatriques. E.B. > Muroff J, Hoerauf S, Kim S. Is psychiatric research stigmatized? An experimental survey of the public. Schizophrenia Bull 2006;32: 129-36. > Aspects thérapeutiques du consentement éclairé ■ Kumamoto (Japon) ujourd’hui, le consentement éclairé est devenu une composante centrale de la prise de décision médicale. On considère habituellement que le consentement éclairé se compose de trois éléments de base : la fourniture de l’information médicale, la compétence du patient à donner son consentement, et la nature volontaire du consentement (c’est-à-dire l’absence de coercition). Par conséquent, le consentement éclairé ne peut être valide sans la fourniture de suffisamment d’informations, qui doit permettre au patient d’aboutir à une décision qui soit en rapport avec son système de valeurs, sa personnalité, sa religion et son mode de vie. Le droit à l’expression d’un consentement REVUE de presse A 10 Coordonnée par E. Bacon éclairé et à l’information médicale sont de nature légale. De nombreux médecins sont conscients que l’information peut être bénéfique au patient. Toutefois, certaines personnes avancent des arguments opposés, en faisant remarquer que la fourniture d’informations peut mettre en danger le confort psychologique des patients, la compliance, et peut même amener à des comportements d’autodestruction. Par exemple, de nombreuses personnes ont du mal à admettre le fait qu’elles aient une maladie, et cela est particulièrement le cas pour les maladies graves. La distance psychologique entre leur idéal (“je ne suis pas malade”) et la réalité (“j’ai une maladie grave”) est déterminée par de nombreux facteurs, mais elle est d’autant plus grande que la maladie est sévère. Ainsi, ces patients auront peutêtre besoin de plus de temps et d’énergie pour s’adapter à leur nouvelle situation, qu’il n’en sera nécessaire à leurs parents, leurs amis, ou aux professionnels de santé. Le Dr T. Kitamura a effectué une revue de la littérature pour essayer d’en extraire des enseignements concernant la relation entre la fourniture d’informations médicales et le stress lié à la maladie, chez les patients “médicaux” et psychiatriques. Il ressort de ses investigations que le fait de bien informer les patients permet de diminuer leur stress et que plus ils sont en demande d’informations, plus l’effet bénéfique sera marqué. En psychiatrie également, un certain nombre d’études ont montré que l’éducation des patients psychiatriques n’entraîne pas nécessairement une diminution de la compliance ou une augmentation des rechutes. Ces observations concordent avec les désirs des patients et leur droit légal à l’information médicale les concernant. La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 Commentaire La portée des observations du Dr T. Kitamura est entâchée par les faiblesses des articles ayant traité la question. Si les études sur les effets de l’information concernant les opérations chirurgicales sont assez complètes et suggèrent que l’information permet de réduire les réactions de stress, celles concernant d’autres aspects du traitement médical comme le diagnostic en soi, le pronostic et les risques fatals de traitements médicaux sont assez maigres. De la même manière, les conclusions concernant l’effet positif de l’information dans le cas de maladies psychiatriques doivent être considérées avec précaution du fait de la rareté de données empiriques sur le sujet. La plupart des articles que l’auteur a pu trouver sont, au mieux, seulement suggestifs. Toutefois, il est important de relever que la compréhension du patient est déterminée par de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci, citons, son intelligence, ses capacités linguistiques, son niveau de conscience, de mémoire et d’attention. Mais la compréhension du patient dépend aussi de son éducation médicale qui est, à son tour, conditionnée par les efforts fournis par le praticien pour lui faire comprendre les informations médicales nécessaires. Par conséquent, le droit des patients à disposer de l’information et à donner un consentement éclairé entraîne pour le praticien le devoir de fournir une information individualisée, adaptée à chacun et compréhensible par le patient. E.B. > Kitamura T. Stress-reductive effects of information disclosure to medical and psychiatric patients. Psychiatry Clin Neurosci 2005;59:627-33.