La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 77
tions des bêta-endorphines, entre
autres. Si ces observations sont confir-
mées chez les patients souffrant d’at-
taques de panique, l’exercice physique
intense pourrait être utilisé dans le
traitement des crises.
E.B.
>
Strohle A, Feller C, Onken M et al. The Acute
Antipanic Activity of Aerobic Exercise. Am J
Psychiatry 2005;162:2376-8.
une diminution aiguë, mais limitée, de
l’alimentation de la population. Les
chercheurs ont constaté que le risque de
schizophrénie avait doublé chez les
enfants conçus pendant la famine et nés
de mère sévèrement dénutries. Toutefois,
la quantité de cas était limitée puisque
la cohorte de sujets exposés au risque et
conçus pendant cette période était
faible, de 20 à 25 cas, et que la signifi-
cativité statistique des observations
était modeste. De nombreuses famines
ont sévi dans le monde depuis 1945,
mais pour diverses raisons, elles n’ont
pas fait l’objet d’investigations épidé-
miologiques poussées. Il se trouve que
la famine qui a sévi en Chine entre 1959
et 1961 a été l’un des événements le
plus terrible du XXesiècle. Provoquée par
des conditions météorologiques catas-
trophiques, elle a affecté toutes les pro-
vinces chinoises. Quarante ans après, les
sujets à risque sont donc tous adultes et
des chercheurs chinois et anglais ont
conjugué leurs efforts pour vérifier l’hy-
pothèse selon laquelle l’exposition pré-
natale à la famine pourrait augmenter le
risque de schizophrénie dans la vie
adulte. Les chercheurs ont concentré
leur attention sur la province de Anhui,
une des plus affectées par la famine, et
qui compte une population de 62 mil-
lions d’habitants. Ils ont consulté les
registres de l’hôpital psychiatrique de la
ville de Wuhu, qui est la seule institu-
tion spécialisée à desservir les 3 millions
d’habitants que comptent la ville et ses
alentours. À l’époque de la famine, la
population était d’environ la moitié de
cette taille. Les chercheurs ont comparé
les taux de schizophrénie survenus chez
les habitants avant, pendant, et après
les années de famine, de 1971 à 2001.
Les données cliniques et sociodémogra-
phiques des patients ont été relevées
par des chercheurs qui n’étaient pas
informés de la nature de la recherche.
Les chercheurs disposaient également de
données concernant le nombre de nais-
sances et de décès pendant les années
de famine, et la mortalité cumulative a
été évaluée à partir des suivis démogra-
phiques ultérieurs. Les observations
montrent que les taux de natalité (pour
1 000) dans la province ont baissé d’en-
viron 80 % pendant la famine. Ils étaient
de 28 en 1958, de 21 en 1959, de 8,6 en
1960 et seulement de 11 en 1961. Parmi
les naissances survenues au cours de la
famine, le risque ajusté de schizophrénie
avait augmenté de façon significative de
0,8 % en 1959, à 2,2 en 1960 et de
1,8 % en 1961. Le risque relatif ajusté
de mortalité était de 2,30 pour les per-
sonnes nées en 1960, et de 1,93 pour
celles nées en 1961.
Commentaire
Cette étude corrobore le point de vue
selon lequel l’exposition prénatale à la
famine augmente le risque ultérieur de
schizophrénie. Elle reproduit presque
exactement, avec un échantillon de
population beaucoup plus important et
un groupe éthnique et culturel diffé-
rent, les observations d’une étude hol-
landaise réalisée à la suite de la famine
de l’hiver 1944-1945. Plus tard, cette
publication a fait l’objet d’un certain
nombre de commentaires sous forme de
lettres à l’éditeur. Ainsi, des chercheurs
du New Jersey ont fait remarquer que
si la famine semble effectivement
constituer un facteur de risque impor-
tant pour l’apparition d’une schizo-
phrénie, il devrait y avoir au moins un
facteur de risque significatif supplé-
mentaire non identifié à ce jour. En
effet, de nombreuses famines ont sévi
au cours des siècles passés. Et pour-
tant, d’après les commentateurs, la
seule description convaincante de schi-
zophrénie avant 1800 est le person-
nage du Mad Tom de la pièce de Sha-
kespeare, Le Roi Lear. Il n’existerait pas
d’autre description convaincante de
Taux de schizophrénie
à la suite de la famine chinoise
de 1959-1961
>
■
Shangai et Hong Kong (Chine),
Aberdeen et Londres (Grande-Bretagne)
I
l est aujourd’hui bien admis que la
schizophrénie est probablement un
trouble multifactoriel, des influences
génétiques et environnementales contri-
buant au risque global. De plus en plus,
la schizophrénie est considérée comme
un trouble neurodéveloppemental dont
les risques de survenue sont modulés par
des influences environnementales inter-
venant lors des étapes précoces du déve-
loppement cérébral. Ces facteurs de
risque, dont la responsabilité n’a pas
encore été formellement démontrée,
incluent notamment l’exposition préna-
tale à la grippe, la saison de naissance,
le stress psychologique prénatal mater-
nel et les carences nutritionnelles mater-
nelles et fœtales. La première mise en
évidence du fait que des carences nutri-
tionnelles prénatales peuvent augmen-
ter le risque de schizophrénie et de com-
portement antisocial provient d’études
publiées dans les années 1990, qui se
sont intéressées aux effets de la famine
hollandaise de l’hiver 1944-1945. À
cette occasion, la Hollande avait subi