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La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
Coordonnée par E. Bacon
INSERM et clinique psychiatrique, Strasbourg
>
ACTUALITÉS
sciences
sciences
REVUE
de presse
de presse
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BMC Neuroscience
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nature
>
American Journal
of Psychiatry
>
JAMA
>
Schizophrenia Bulletin
>
British Journal
of Psychiatry
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Psychiatry and Clinical
Neurosciences
>
Science
L
La consommation de l’ecstasy (ou
méthylènedioxymétamphétamine
[MDMA]) a considérablement aug-
menté parmi les jeunes européens et
nord-américains ces dernières années.
Cette drogue, très populaire dans les
raves-parties, entraîne des sensations
d’euphorie, d’énergie et le désir de se
socialiser. En outre, elle est relative-
ment facile à fabriquer et à se procurer,
et véhicule auprès des consommateurs
la réputation usurpée d’être plus sûre
que les autres drogues récréatives. Mal-
heureusement, les observations s’accu-
mulent et démontrent que l’ecstasy ne
mérite pas cette réputation si
attrayante. Le MDMA présente des
risques en termes de toxicité, de psy-
chopathologie et de toxicomanie. Cer-
taines conditions environnementales
pourraient également influencer la toxi-
cité de cette drogue. Par exemple, une
des conséquences de l’utilisation de
l’ecstasy dans les raves-parties est
l’augmentation de la température
corporelle, liée à une action directe de
la molécule sur les systèmes de ther-
morégulation, mais aussi à l’activité
musculaire intense des danseurs et à
la température souvent élevée de
l’environnement. Chez les animaux de
laboratoire, l’ecstasy est capable de
provoquer une toxicité neuronale séro-
toninergique et dopaminergique, ainsi
que des modifications à court terme du
système noradrénergique. Eu égard à la
nature et au niveau sonore de la
musique techno qui règnent générale-
ment dans les raves-parties, une ques-
tion importante est de savoir si cette
composante typique constituée par ces
stimuli auditifs est en mesure d’affecter
les fonctions nerveuses supérieures, et
en particulier, l’activité électrocorticale.
Les effets de l’ecstasy
pourraient être exacerbés
par la musique techno:
potentialisation des effets
électrocorticaux du MDMA
par la stimulation
acoustique chez le rat
Cantazaro (Italie)
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
6
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Acta Psychiatrica
Scandinavica
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Archives of General
Psychiatry
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Nature Neuroscience
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Neuroimage
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Journal of Psychiatry Research
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American Journal
of Psychiatry
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Science
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ACTUALITÉS
sciences
sciences
Des chercheurs italiens se sont attelés
à cette tâche. Ils ont étudié les effets
de faibles doses de MDMA in vivo chez
des rats Wistar. Ils ont tout d’abord
constaté que, à la suite d’une évalua-
tion à court terme, l’administration
d’une faible dose ne modifiait pas en
soi l’activité électrocorticale des rats,
par comparaison à une solution saline.
Ils ont, par ailleurs, soumis les animaux
traités au MDMA à un bourdonnement
de bruit blanc de 95 décibels, au niveau
sonore maximal autorisé dans les disco-
thèques italiennes. La stimulation
acoustique induisait une diminution
marquée de l’activité électrocorticale du
cortex télencéphalique. Cette stimula-
tion était spontanément réversible en
l’absence de stimuli sensoriels, cepen-
dant qu’elle persistait pendant plusieurs
jours si, en plus du MDMA, les animaux
étaient exposés à une stimulation
acoustique.
Commentaire
Le bruit assourdissant peut donc trans-
former une quantité apparemment inof-
fensive de la drogue en une dose dan-
gereuse. Administrée seule, la faible
dose destinée aux rats avait peu d’effet
sur leur cerveau, mais associée au
bruit, elle amplifiait l’activité de cer-
taines cellules cérébrales. Ces observa-
tions suggèrent que les martèlements
de la musique techno pourraient aug-
menter les effets de l’ecstasy sur le cer-
veau humain, et c’est ce qui explique
peut-être la popularité de cette drogue
dans les discothèques et les raves-par-
ties. Cette étude confirme les effets
potentiels de certaines musiques sur les
drogues, effet déjà constaté en 2001
pour l’association entre la musique de
discothèque et la méthamphétamine (le
speed). L’ecstasy est souvent considéré
comme une drogue relativement inof-
fensive et les morts qui lui sont impu-
tées étaient jusqu’à présent attribuées
contraste, le tétrapeptide cholécystoki-
nine (CCK-4) induit de manière efficace
et dose-dépendante des attaques de
panique chez des sujets sains. Partant
de ces constats, des médecins du sport
et des psychiatres berlinois se sont
associés pour étudier les effets antipa-
niques potentiels de l’aérobic chez des
volontaires sains, après l’administration
de CCK-4. Ils ont comparé les attaques
de panique induites par le CCK-4
lorsque les sujets avaient été préala-
blement soit au repos, soit soumis à
30 minutes d’exercice physique intense
(induisant 70 % de la consommation
maximale d’oxygène). Quinze sujets
sains (6 femmes et 9 hommes) se sont
prêtés à l’expérience. Les effets ont été
mesurés avec une échelle spécifique, la
Acute Panic Inventory. Les résultats
montrent que la survenue d’attaque de
panique était bien plus élevée après un
moment de repos qu’à la suite d’une
période d’exercice, puisque douze parti-
cipants sur les quinze ont vécu un épi-
sode de panique après un repos, contre
six seulement après l’exercice. Dans les
deux conditions, l’administration de
CCK-4 était suivie par une augmenta-
tion significative des scores de l’échelle
de panique. Toutefois, les scores
étaient nettement plus faibles après un
moment d’exercice physique prélimi-
naire qu’après une période de repos.
Commentaire
Cette étude exploratoire montre que 30
minutes d’exercice aérobic ont eu un
effet antipanique aigu chez des volon-
taires sains. La fréquence, mais aussi
l’intensité des symptômes des attaques
de panique induites par le CCK-4
étaient diminuées de façon significa-
tive. Du point de vue psychologique et
biologique, ce phénomène pourrait être
médié par les effets de l’exercice sur la
synthèse et le métabolisme des mono-
amines, et/ou par l’activation de secré-
à l’hyperthermie ou à l’excès concom-
mitant de prise de boisson. Une ques-
tion importante concernant l’ecstasy
reste de savoir si cette drogue cause
des dommages à long terme sur le cer-
veau. Les études sur l’animal suggèrent
qu’elle érode les terminaisons ner-
veuses. S’il en est de même chez
l’homme, elle pourrait augmenter les
risques de susceptibilité vis-à-vis de la
dépression, des troubles de l’humeur et
d’autres problèmes psychiatriques.
E.B.
>
Iannone M, Bulotta S, Paolino D et al.
Electrocortical effects of MDMA are poten-
tiated by acoustic stimulation in rats. BMC
Neurosc 2006;7:13doi:10.1186/1471-2202-
7-13.
>
Pearson H. Music heightens party drug.
Ecstasy effects may be exacerbated by
disco din. Nature online 2006;doi:10.
1038/news060213-5.
Un effet antipanique aigu
pour l’aérobic
>
Berlin (Allemagne)
L’
effet anxiolytique chez des volon-
taires sains de l’entraînement
aérobic a été décrit dans de nom-
breuses études et rapporté par les jour-
naux de psychologie sportive. En
revanche, les observations sont contra-
dictoires en ce qui concerne l’effet de
l’aérobic sur les sujets anxieux ou
sujets à des attaques de panique. Par
ailleurs, il a été constaté que des
périodes d’exercice physique intense
diminuent les symptômes provoqués
par le CO2et la caféine. Cependant, la
caféine et le CO2induisent tout
d’abord des symptômes somatiques
d’anxiété chez les sujets sains, mais
rarement des attaques de panique. Par
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 77
tions des bêta-endorphines, entre
autres. Si ces observations sont confir-
mées chez les patients souffrant d’at-
taques de panique, l’exercice physique
intense pourrait être utilisé dans le
traitement des crises.
E.B.
>
Strohle A, Feller C, Onken M et al. The Acute
Antipanic Activity of Aerobic Exercise. Am J
Psychiatry 2005;162:2376-8.
une diminution aiguë, mais limitée, de
l’alimentation de la population. Les
chercheurs ont constaté que le risque de
schizophrénie avait doublé chez les
enfants conçus pendant la famine et nés
de mère sévèrement dénutries. Toutefois,
la quantité de cas était limitée puisque
la cohorte de sujets exposés au risque et
conçus pendant cette période était
faible, de 20 à 25 cas, et que la signifi-
cativité statistique des observations
était modeste. De nombreuses famines
ont sévi dans le monde depuis 1945,
mais pour diverses raisons, elles n’ont
pas fait l’objet d’investigations épidé-
miologiques poussées. Il se trouve que
la famine qui a sévi en Chine entre 1959
et 1961 a été l’un des événements le
plus terrible du XXesiècle. Provoquée par
des conditions météorologiques catas-
trophiques, elle a affecté toutes les pro-
vinces chinoises. Quarante ans après, les
sujets à risque sont donc tous adultes et
des chercheurs chinois et anglais ont
conjugué leurs efforts pour vérifier l’hy-
pothèse selon laquelle l’exposition pré-
natale à la famine pourrait augmenter le
risque de schizophrénie dans la vie
adulte. Les chercheurs ont concentré
leur attention sur la province de Anhui,
une des plus affectées par la famine, et
qui compte une population de 62 mil-
lions d’habitants. Ils ont consulté les
registres de l’hôpital psychiatrique de la
ville de Wuhu, qui est la seule institu-
tion spécialisée à desservir les 3 millions
d’habitants que comptent la ville et ses
alentours. À l’époque de la famine, la
population était d’environ la moitié de
cette taille. Les chercheurs ont comparé
les taux de schizophrénie survenus chez
les habitants avant, pendant, et après
les années de famine, de 1971 à 2001.
Les données cliniques et sociodémogra-
phiques des patients ont été relevées
par des chercheurs qui n’étaient pas
informés de la nature de la recherche.
Les chercheurs disposaient également de
données concernant le nombre de nais-
sances et de décès pendant les années
de famine, et la mortalité cumulative a
été évaluée à partir des suivis démogra-
phiques ultérieurs. Les observations
montrent que les taux de natalité (pour
1 000) dans la province ont baissé d’en-
viron 80 % pendant la famine. Ils étaient
de 28 en 1958, de 21 en 1959, de 8,6 en
1960 et seulement de 11 en 1961. Parmi
les naissances survenues au cours de la
famine, le risque ajusté de schizophrénie
avait augmenté de façon significative de
0,8 % en 1959, à 2,2 en 1960 et de
1,8 % en 1961. Le risque relatif ajusté
de mortalité était de 2,30 pour les per-
sonnes nées en 1960, et de 1,93 pour
celles nées en 1961.
Commentaire
Cette étude corrobore le point de vue
selon lequel l’exposition prénatale à la
famine augmente le risque ultérieur de
schizophrénie. Elle reproduit presque
exactement, avec un échantillon de
population beaucoup plus important et
un groupe éthnique et culturel diffé-
rent, les observations d’une étude hol-
landaise réalisée à la suite de la famine
de l’hiver 1944-1945. Plus tard, cette
publication a fait l’objet d’un certain
nombre de commentaires sous forme de
lettres à l’éditeur. Ainsi, des chercheurs
du New Jersey ont fait remarquer que
si la famine semble effectivement
constituer un facteur de risque impor-
tant pour l’apparition d’une schizo-
phrénie, il devrait y avoir au moins un
facteur de risque significatif supplé-
mentaire non identifié à ce jour. En
effet, de nombreuses famines ont sévi
au cours des siècles passés. Et pour-
tant, d’après les commentateurs, la
seule description convaincante de schi-
zophrénie avant 1800 est le person-
nage du Mad Tom de la pièce de Sha-
kespeare, Le Roi Lear. Il n’existerait pas
d’autre description convaincante de
Taux de schizophrénie
à la suite de la famine chinoise
de 1959-1961
>
Shangai et Hong Kong (Chine),
Aberdeen et Londres (Grande-Bretagne)
I
l est aujourd’hui bien admis que la
schizophrénie est probablement un
trouble multifactoriel, des influences
génétiques et environnementales contri-
buant au risque global. De plus en plus,
la schizophrénie est considérée comme
un trouble neurodéveloppemental dont
les risques de survenue sont modulés par
des influences environnementales inter-
venant lors des étapes précoces du déve-
loppement cérébral. Ces facteurs de
risque, dont la responsabilité n’a pas
encore été formellement démontrée,
incluent notamment l’exposition préna-
tale à la grippe, la saison de naissance,
le stress psychologique prénatal mater-
nel et les carences nutritionnelles mater-
nelles et fœtales. La première mise en
évidence du fait que des carences nutri-
tionnelles prénatales peuvent augmen-
ter le risque de schizophrénie et de com-
portement antisocial provient d’études
publiées dans les années 1990, qui se
sont intéressées aux effets de la famine
hollandaise de l’hiver 1944-1945. À
cette occasion, la Hollande avait subi
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Neuroimage
>
Journal of Psychiatry Research
>
American Journal
of Psychiatry
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Science
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ACTUALITÉS
sciences
sciences
cette pathologie avant le milieu du
XIXesiècle, alors que la toxicomanie, la
manie et l’épilepsie sont décrites
depuis longtemps. Il est en effet trou-
blant de constater que les fichiers des
asiles pour malades mentaux de la fin
du XVIIIesiècle ne renferment aucune
description de maladie ressemblant à la
schizophrénie, tandis que les éditions
ultérieures en regorgent. À la suite de
ce commentaire, un chercheur new-
yorkais a fait remarquer qu’un ouvrage
datant du XVesiècle contient de nom-
breuses descriptions de cas de Folie, et
aussi qu’on peut trouver en 1630 la
description du cas d’un patient qui res-
semble fort à la schizophrénie. Le
débat est ouvert…
E.B.
>
St Clair D, Xu M, Wang P et al. Rates of
adult schizophrenia following prenatal expo-
sure to the chinese famine of 1959-1961.
JAMA 2005;294:557-62.
>
Altschuler E. Schizophrenia and the chinese
famine of 1959-1961. JAMA 2005; 294:2968.
>
Neugebauer R. Schizophrenia and the chi-
nese famine of 1959-1961 - Reply. JAMA
2005;294:2968-9.
L’
adhésion aux principes éthiques
dans la recherche est particulière-
ment critique pour la psychiatrie.
Toutes les revues spécialisées se font
régulièrement le reflet de ces préoccu-
pations. La revue Schizophrenia Bulletin
vient notamment de publier un dossier
spécial qui montre bien l’importance
accordée à cette notion. La validité du
consentement éclairé, la participation
volontaire, le mérite scientifique, la
minimalisation des risques, une défini-
tion acceptable du rapport bénéfice
risque, une sélection équitable des
Le soin et la recherche en psychiatrie
aujourd’hui : entre éthique traditionnelle
et nouvelles sensibilités
D
écouvertes il y a environ 30 ans,
les cellules axo-axoniques (AAC)
sont des cellules GABAergiques. Leur
situation est unique au niveau des cir-
cuits corticaux, et cela pour deux rai-
sons : elles innervent exclusivement les
cellules pyramidales et ne forment pas
de synapse avec les autres types cellu-
laires. Ce sont les AAC qui fournissent
exclusivement les inputs vers le seg-
ment initial de l’axone des cellules
pyramidales, en dehors de quelques
rares synapses provenant occasionnel-
lement des cellules en corbeilles. En
outre, leur axone présente les seuils de
génération des potentiels d’action les
plus faibles. Les effets des AAC se font
des récepteurs de type GABAA. Ce sont
les types cellulaires inhibiteurs les plus
spécifiques, et ils sont régulièrement
présentés dans les ouvrages pour étu-
diants afin d’illustrer le placement stra-
tégique de l’inhibition sur les axones.
Toutefois, des chercheurs hongrois ont
Un neurone inhibiteur excitant
>
Szeged (Hongrie)
sujets, le suivi institutionnel et le
contrôle par l’autorité sont autant de
composantes essentielles à la conduite
de recherches sur l’homme, et les pro-
cédures ont été codifiées et modifiées
avec le temps. Dans une autre grande
revue de psychiatrie, les Drs S. Bloch et
démontré tout récemment que les cel-
lules axo-axonales sont capables de
dépolariser les cellules pyramidales et
susceptibles d’initier des séries stéréo-
typées d’événements synaptiques dans
les réseaux corticaux du rat, mais aussi
chez l’homme, du fait de la dépolarisa-
tion du potentiel inverse de l’axone
relatif aux entrées GABAergiques péri-
somatiques.
Commentaire
Les chercheurs hongrois ont démontré
que, au contraire d’avoir un effet exclu-
sivement inhibiteur sur le segment ini-
tial de l’axone des cellules postsynap-
tiques, les cellules axo-axonales
peuvent agir comme des neurones exci-
tateurs des cellules postsynaptiques. Il
s’agit là de la découverte de l’existence
d’un phénomène sans précédent dans le
cerveau : une cellule GABAergique iso-
lée capable d’activer efficacement le
réseau cortical.
E.B.
>
Szabadics J, Varga C, Molnár G et al. Excita-
tory effect of GABAergic axo-axonic cells in cor-
tical microcircuits. Science 2006;311:233-5.
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006 9
La pertinence des recherches impli-
quant des personnes dont la capa-
cité de décision est amoindrie continue
à alimenter un débat animé entre bioé-
thiciens, chercheurs et juristes. La per-
turbation de la capacité de décision
peut évidemment constituer un obs-
tacle à l’obtention d’un consentement
éclairé, et il est nécessaire de disposer
de règles claires concernant la manière
de mener des recherches avec de telles
personnes. Malgré le fait que l’incapa-
cité à prendre une décision puisse être
causée par de nombreuses conditions
médicales, les débats récents se sont
surtout focalisés sur les maladies men-
tales. Certaines lois traitent différem-
ment les patients psychiatriques
incompétents et les patients jugés
incompétents, mais souffrant d’autres
pathologies. La stigmatisation de la
maladie mentale peut prendre de nom-
breux visages. Les patients psycho-
tiques sont, en effet, perçus comme
violents et dangereux, alors qu’ils ne
contribuent que pour une faible part à
la violence dans la population. En
outre, les gens préfèrent généralement
garder une certaine distance sociale
entre les personnes souffrant de
troubles psychiatriques et eux-mêmes.
Les sociétés tolèrent également l’exis-
tence d’une certaine inégalité dans
l’attribution des fonds destinés aux
soins des malades mentaux. Parce que
la stigmatisation des maladies men-
tales reste forte, il paraît essentiel de
comprendre si, et comment, la stigma-
tisation peut aussi affecter les règles
éthiques de recherche concernant les
malades mentaux. Des chercheurs alle-
mands ont mené une étude pour
laquelle ils ont conceptualisé la stig-
matisation comme une discrimination
fondée sur des facteurs éthiquement
non pertinents, et qui sont potentiel-
lement à même d’entraîner des effets
préjudiciables. Ils ont testé l’hypothèse
selon laquelle il existerait une stigma-
tisation vis-à-vis de la recherche en
psychiatrie. Cette recherche est consi-
dérée comme moins admissible que les
autres types de recherche médicale,
même lorsque les facteurs éthiques
pertinents sont similaires. Pour mener
à bien leurs études, les auteurs ont
adressé des e-mails à 34 000 personnes
adultes sélectionnées à partir d’un
fichier d’un demi-million de volon-
taires. Un peu plus de 3 000 personnes
ayant répondu à l’invitation ont été
recrutées, avec une surreprésentation
des minorités raciales et éthniques et
de personnes âgées. Les chercheurs ont
présenté à chaque participant un scé-
nario expérimental parmi un choix de
sept histoires impliquant une personne
fictive (“John” ou “Pam”) susceptible
d’être recrutée pour participer à un pro-
tocole de recherche. Chaque scénario
présentait toutes les caractéristiques de
l’essai : nom et descriptif de la maladie,
description de la recherche incluant ses
buts, sa procédure, ses risques, le sta-
tut de compétence requis, etc. Trois
résultats importants émergent de cette
étude. Les résultats révèlent, en effet,
que les personnes interrogées étaient
moins favorables à autoriser la
recherche avec des patients psychia-
triques qu’avec des patients “médi-
caux”, même lorsque les conditions
éthiques étaient similaires. Cette réti-
cence concernant la recherche en psy-
chiatrie est largement sous-tendue par
la croyance obsolète selon laquelle le
fait de souffrir d’une maladie mentale
empêche la personne de prendre ses
décisions de manière adaptée. Enfin, ce
traitement discriminatoire de la
recherche sur les maladies mentales ne
résulte pas tant d’une façon impropre
de considérer les patients psychia-
triques incompétents que d’une mau-
vaise évaluation des patients psychia-
triques qui sont compétents pour
prendre une décision.
Commentaire
Il existe une abondante littérature trai-
tant de la stigmatisation des patients
qui souffrent de maladie mentale. Tou-
tefois, cette étude est la première à
démontrer clairement que la recherche
impliquant la participation de malades
souffrant de troubles mentaux est, elle
aussi, stigmatisée. Dans ce cas, la stig-
matisation prend la forme d’une discri-
La recherche en psychiatrie
est-elle stigmatisée ?
Résultats d’une enquète
auprès du grand public
>
Ann Arbor (États-Unis)
S. Green constatent que les préoccupa-
tions éthiques concernant le rôle et la
fonction du psychiatre poursuivent la
profession depuis au moins deux
siècles. De plus, il semble que les théo-
ries classiques se contredisent entre
elles, contribuent à la confusion géné-
rale, et paralysent le clinicien. Les deux
chercheurs ont examiné les principales
théories communément appliquées en
bioéthique, et se sont entretenus avec
des philosophes de la morale et des
psychiatres. Ils en tirent les conclu-
sions que, au lieu de poursuivre un
cadre théorique unique, la recherche en
psychiatrie devrait prendre en compte
de manière synergique les forces des
approches compatibles.
E.B.
>
Weiss Roberts L, Dunn L. Special Theme:
Empirical and conceptual advances in the ethics
of schizophrenia research. Schizophr Bull
2006;32: 20-178.
>
Bloch S, Green S. An ethical framework for
psychiatry. Br J Psychiatry 2006;188:7-12.
1 / 6 100%