L’Encéphale (2012) 38, S55-S56 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Schizophrénie et/ou trouble bipolaire : quels endophénotypes ? Schizophrenia and/or bipolar disorder: which endophenotypes? J.-M. Azorina,* aSHU Psychiatrie Adultes – Pavillon Solaris, hôpital Saint-Marguerite, 13274 Marseille cedex 9, France Le terme d’endophénotype désigne à l’origine un trait intermédiaire sur la voie menant des gènes au phénotype. Pour être considéré comme un endophénotype un tel trait doit être : associé à la maladie dans la population étudiée, manifeste que la maladie soit active ou non, héritable, caractérisé par une co-ségrégation avec la maladie dans les familles atteintes et, être présent chez les individus malades et les apparentés sains à des taux plus élevés que dans la population générale. Il s’agit par conséquent d’un trait stable qui est censé faciliter la recherche des soubassements génétiques d’une affection donnée [1]. L’endophénotype doit être distingué du concept de marqueur biologique, dans la mesure où ce dernier ne satisfait pas à l’ensemble des critères requis pour sa définition ; la recherche cependant, s’intéresse à des marqueurs biologiques de niveau de complexité diverse, allant du phénotype au génotype, mais qui présentent, en principe, une validité convergente pour les plus prometteurs des endophénotypes [2]. Si l’approche que suppose l’utilisation d’un tel concept, s’est montrée relativement peu fructueuse dans la découverte de nouveaux polymorphismes génétiques dans le domaine des affections psychiatriques, en revanche il semble qu’elle ait contribué à mieux relier nos différents niveaux de compréhension (des gènes au comportement en passant par la biochimie et la cognition) [2]. L’un des mérites essentiels de ce concept est aussi, qu’il s’agisse de schizophrénie ou de trouble bipolaire, d’avoir établi un lien (génético-biologique) entre l’existence d’une affection morbide et la présence d’un certain nombre de caractéristiques chez les apparentés sains des porteurs de l’affection. Au-delà de la recherche des marqueurs objectifs à proprement parler, l’idée a pu émerger que des caractéristiques communes à des individus apparentés puissent conduire dans un cas à la maladie, dans l’autre à des particularités *Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Azorin) © L’Encéphale, Paris, 2012. Tous droits réservés. comportementales dont certaines pourraient se retrouver chez des individus d’exception. Des arguments existent à ce sujet tant dans le spectre des affections schizophréniques [3] que dans celui des troubles bipolaires [4]. Ces données ne sont pas sans conséquence, à la fois sur les plans théorique et thérapeutique. Elles ont ainsi permis l’émergence de théories évolutionnistes des maladies mentales qui consistent à s’interroger sur les raisons de la persistance de certains gènes au sein des populations, en dépit de leurs effets délétères ; Crow [5] a été l’un des premiers à proposer une telle hypothèse dans le domaine de la schizophrénie, les gènes de l’affection préservant en même temps la possibilité même du langage qui est, par essence, abstraction du monde concret et création d’un univers abstrait de signes. À ce titre l’« excentricité » que repèrent les auteurs du DSM-IV, dans les caractéristiques de la schizotypie, renverraient (même si elles sont ici en excès) à la possibilité propre à l’homme de s’extraire ou de se « décentrer » de l’environnement immédiat, à la différence de l’animal. Le même type de théorie existe aujourd’hui dans le domaine des troubles bipolaires, comme cela est développé dans l’article de ce volume consacré aux endophénotypes tempéramentaux. Enfin, sur le plan pratique, le repérage précoce des endophénotypes pourrait permettre d’infléchir le chemin qui mène à la pathologie vers des voies possiblement beaucoup plus prometteuses. Ces idées ont présidé à l’élaboration du 6e Colloque du Pôle Universitaire de Psychiatrie de Marseille, dont les actes sont publiés dans le présent volume. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec cet article. S56 J.-M. Azorin Références [3] [1] [4] [2] Gottesman II, Gould TD. The endophenotype in psychiatry: etymology and strategic intentions. Am J Psychiatry 2003;160:636-45. Courtet P, Gottesman II, Jollant F, Gould TD. The neuroscience of suicidal behaviours: what can we expect from endophenotype strategies? Transl Psychiatry 2011;1:e7. [5] Heston LL. Psychiatric disorders in foster home reared children of schizophrenic mothers. Br J Psychiatry 1966;112:819-25. Akiskal HS, Akiskal KK. In search of Aristotle: temperament, human nature, melancholia, creativity and eminence. J Affect Disord 2007;100:1-6. Crow TJ. Is schizophrenia the price that Homo Sapiens pays for language? Schizoph Res 1997;28:127-41.