2 Conférence internationale de l’IAS sur la pathogenèse

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2e Conférence internationale de l’IAS sur la pathogenèse
et les traitements du sida*
© Photo Didier Arnoult
Réplication positive :
atelier organisé par Médecins
sans frontières (MSF) pour l’expansion
du traitement par antirétroviraux
dans les pays en développement
A
ujourd’hui, dans les pays en développement, plus
de six millions de personnes ont besoin de toute
urgence d’un traitement par antirétroviraux (ARV). Lors de
la XIVe Conférence sur le sida à Barcelone, l’année dernière,
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est engagée à ce
que trois millions de personnes soient traitées d’ici 2005. Un
tiers du temps est déjà écoulé, et il n’y a toujours aucun signe
indiquant que cet objectif pourra être atteint. En décembre 2002,
en Afrique, seules 1 % des personnes infectées par le VIH
avaient accès aux antirétroviraux.
De nombreux obstacles, réels et supposés, empêchent l’accès
au traitement à un plus grand nombre de personnes dans les
pays en développement. Le manque de volonté politique, le
prix élevé des antirétroviraux, le manque de formation du personnel, et d’autres éléments liés à l’infrastructure de santé,
ainsi que la complexité des protocoles de traitements et de suivi
de laboratoire, sont les plus souvent cités.
Médecins sans frontières (MSF) considère que ces obstacles ne
sont pas des raisons suffisantes pour accepter le statu quo.
Aujourd’hui, MSF a vingt-trois projets dans quatorze pays et
compte 4 530 patients (dont 310 enfants) sous ARV. Le traitement le plus couramment utilisé par MSF est constitué par la
stavudine (d4T), la lamivudine (3TC) [Triomune®] et la névirapine (NVP), sous une forme générique combinée à dose fixe,
dont le prix varie de 250 à 550 euros par an selon les pays.
Les projets mis en place par MSF étant des projets pilotes à
échelle réduite, ils ne pourront jamais apporter des soins à l’ensemble des personnes qui en ont besoin dans les pays en déve-
* Paris, 13-16 juillet 2003.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 5 - septembre-octobre 2003
loppement ; c’est pourquoi un atelier a été organisé comme un
forum d’échange des expériences pour permettre une augmentation des projets de traitements ARV.
PROJET MSF DE KAYELISHA (AFRIQUE DU SUD)
Ce projet démontre d’une part l’importance du rôle de la communauté dans la mise en œuvre et, d’autre part, le suivi d’un
programme de traitement par ARV. Les ARV ont été introduits
en 2001 dans le bidonville de Kayelisha, dans un centre de santé
primaire pour la première fois dans ce pays, et en juin 2003,
480 patients, dont 60 enfants, en bénéficiaient. Le partenariat
avec la communauté a eu pour rôle de briser la loi du silence
qui régnait sur cette maladie vécue jusqu’alors comme une fatalité. Cela a eu pour conséquences d’augmenter le nombre de
patients consultants, d’encourager les patients à se présenter
plus précocement dans le cours de leur maladie, de normaliser
socialement les personnes infectées par le VIH et d’améliorer
les messages de prévention. Aujourd’hui, les activistes et MSF
luttent pour l’accès universel aux ARV en Afrique du Sud.
EXPÉRIENCE D’ADHÉSION AUX TRAITEMENTS ARV
EN OUGANDA
A. Muganzi (Arua, Ouganda), participant au projet MSF à
Arua, où, depuis juillet 2002, 338 patients ont commencé à
prendre des ARV (dont 28 sont décédés, 5 ont été perdus de
vue et seulement un est en échec clinique), a présenté les facteurs déterminants de l’adhésion aux traitements ARV.
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Les facteurs prédictifs à une adhésion thérapeutique correcte
étaient la reconnaissance par le patient du besoin d’ARV, la
situation sociale stable, le soutien d’un membre de la famille
ou d’un proche, la fidélité du patient aux consultations, la proximité du lieu de résidence par rapport au lieu de soin, l’expérience positive d’un proche sous ARV, l’absence de participation financière au traitement, et la simplicité du traitement en
termes de nombre de comprimés et de prises. Les facteurs
internes à la structure étaient la participation des membres d’associations de patients et de femmes dans le programme, et la
présence d’un personnel motivé. Les outils utilisés pour mesurer l’adhésion thérapeutique allaient de l’évaluation clinique,
numération des CD4, comptage des médicaments non utilisés,
rapports mensuels d’assiduité aux consultations, évaluation
hebdomadaire par une équipe spécialisée dans l’adhésion, aux
traitements pour certains patients identifiés, aux visites à domicile pour les patients à fort risque de mauvaise adhésion
(patients sévèrement malades et enfants par exemple).
ASSOCIATION NATIONALE DE SOUTIEN AUX SÉROPOSITIFS
ET SIDÉENS (ANSS) AU BURUNDI
M.J. Mbuzenakame (Bujumbura, Burundi), coordinatrice
médicale de cette organisation non gouvernementale (ONG), a
montré comment une organisation caritative locale pouvait
apporter des traitements ARV. Selon des critères médicaux
(patients stade C du CDC ou avec des CD4 > 200/mm ou une
charge virale (CV) > 50 000 copies/ml) et socio-économiques
(revenu inférieur à10 euros par mois, veuve en charge de plus de
quatre autres personnes, orphelins), les patients sont recrutés
pour le traitement. Aujourd’hui, 860 patients sont traités par
ARV, dont 14 % pris en charge à 100 % par l’association. La
CV est évaluée trois mois après le début du traitement : sur
60 patients naïfs ayant commencé un traitement par Triomune®,
seul un avait une CV détectable. Grâce à l’aide du Fonds mondial contre le sida, l’ANSS espère porter de 180 à 375 le nombre
de patients entièrement subventionnés.
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PROGRAMME DE TRAITEMENT MSF-MINISTÈRE
DE LA SANTÉ À CHIRAZULU (MALAWI)
J. Kabitchi (Chirazulu, Malawi) a expliqué comment ce programme avait pu significativement augmenter l’accès aux
ARV grâce à une décentralisation du projet. Dans cette pro-
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vince, on estime que 25 000 personnes sont infectées par le
VIH, dont 5 000 ont besoin d’ARV. L’hôpital de district, qui
est déjà submergé de travail avec un taux d’occupation des
lits de 150 % et possède seulement quatre cliniciens, a ouvert
une clinique VIH avec accès aux ARV en août 2001, et,
depuis février 2003, dans quatre dispensaires de la région
régulièrement visités par l’équipe médicale. En juin 2003,
837 patients avaient pris des ARV, dont 118 dans les dispensaires, dont plus de 85 % étaient toujours en traitement
avec un bénéfice clinique évident. Il n’a été noté que 1,1 %
de cas de toxicité cutanée sévère et 0,4 % de toxicité hépatique avec la névirapine.
POURQUOI LA SOURCE, LE PRIX ET L’EXISTENCE
DE BREVET DES MÉDICAMENTS SONT-ILS UN FACTEUR
DE VIE OU DE MORT POUR LES PATIENTS DES PAYS
EN DÉVELOPPEMENT ?
D. Berman [Genève, Suisse] (Campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF) a expliqué que l’étude menée
dans dix pays démontrait que le prix d’une première ligne de
traitement ARV pouvait varier de 250 (Cameroun) à
2 000 euros par an en fonction de la politique des gouvernements concernés. Les facteurs déterminants étaient la compétition générique et/ou la production locale, et la volonté du
gouvernement de dépasser ces barrières. Par exemple, par
l’effet de la compétition des génériques, le prix de l’association d4T + 3TC + NVP est passé de 2 000 à 200 euros par an.
Dans la déclaration de Doha sur la loi de la propriété intellectuelle, il est spécifié que les accords peuvent et devraient
être interprétés et utilisés de manière à ce que les membres
de l’Organisation mondiale du commerce aient le droit de
protéger la santé publique, et, en particulier, de promouvoir
l’accès aux médicaments pour tous. Les raisons pour lesquelles le Cameroun a accès à des prix d’ARV aussi bas sont
que tous les ARV utilisés dans le pays sont issus d’un fournisseur national unique, que les commandes sont groupées,
et que le gouvernement du Cameroun a pris des mesures pour
dépasser les obstacles à l’accès aux médicaments en appliquant, par exemple, la déclaration de Doha.
E. Klément, Paris
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 5 - septembre-octobre 2003
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