a problématique de la prescription d’hormones sub-
stitutives de la ménopause (THS) chez des femmes
atteintes d’un CCIS est plus fréquente qu’autrefois
pour deux raisons :
– d’une part, l’incidence du CCIS est en augmentation, du fait
notamment des campagnes de dépistage,
– d’autre part, les demandes de traitement de la ménopause
sont plus nombreuses, chez des patientes habituées depuis des
années à prendre une contraception estroprogestative et bien
décidées à poursuivre par un traitement substitutif.
Le dogme de l’interdiction pure et simple de toute hormone
estroprogestative après un cancer, qu’il soit infiltrant ou in
situ, a été depuis plusieurs années ébranlé, mais la contre-indi-
cation reste médicolégale, même si, sporadiquement, chacun
reconnaît l’avoir enfreinte dans certains cas. Les publications
récentes sur le THS n’ont pas simplifié le débat. En effet, si la
possibilité de réintroduire les hormones substitutives de la
ménopause chez des patientes traitées pour un cancer invasif
du sein est évoquée régulièrement dans la littérature (6, 12, 19,
24, 32, 35, 44, 46, 52, 60, 61), l’association THS et risque de
cancer du sein fait l’objet de nombreuses autres publications.
Depuis plus de dix ans, les études se succèdent, qu’il s’agisse
d’études cas-témoins, de cohortes ou de méta-analyses : l’aug-
mentation du risque semble réelle, bien que faible ; elle est
uniquement enregistrée après au moins sept ans d’utilisation et
disparaît rapidement à l’arrêt du traitement. La mise en évi-
dence de cette augmentation du risque, très nette dans la méta-
analyse du Lancet, dont la méthodologie est satisfaisante (7),
avait déjà déclenché un certain émoi à travers les médias à
l’époque. Les articles récents (50, 54) ont à nouveau alerté
l’opinion publique sur ce risque, notamment en ce qui
concerne l’association estroprogestative. Même si le risque est
faible, il concerne un nombre important de patientes, compte
tenu de l’incidence du cancer du sein (augmentation majeure
depuis trente ans) et du nombre des candidates au THS.
La question est de savoir si ce risque, acceptable eu égard
au bénéfice escompté du THS chez une patiente indemne
de toute pathologie antérieure, est autorisé chez des
patientes ayant présenté un CCIS.
L’entité CCIS est complexe. Elle présente de multiples
facettes, qui rendent difficile la définition d’une conduite
unique. En effet, il existe une diversité importante de formes
cliniques et infracliniques, corrélées à des choix thérapeutiques
divers. Si actuellement, l’association quadrantectomie-radio-
thérapie devient le standard, on observe retrospéctivement une
grande disparité de traitement, allant de la zonectomie seule à
la mammectomie. L’élaboration du diagnostic histologique est
difficile, et nécessite une équipe entraînée. Le taux de réci-
dives du CCIS varie de façon importante, de 3 à 63 % (18).
Depuis l’essai du NSABP B-17 de Fisher (21), on sait que ce
taux est amélioré par une radiothérapie, qui le ramène de
16,4 % à 7 %. Les récidives peuvent se faire une fois sur deux
sous forme infiltrante, hypothéquant alors le pronostic vital,
qui n’était pas en jeu initialement. Toute la question de
l’association THS/CCIS réside dans l’hypothèse que les
hormones augmentent le risque de récidive de la maladie.
Peu d’articles sont consacrés à ce problème, et il est difficile
d’en tirer une conclusion précise.
Récemment, les résultats du NSABP B-24 ont été publiés (20),
mettant en évidence une diminution des récidives des CCIS
traités par tamoxifène, qu’elles soient invasives ou in situ.
Cette réduction d’incidence s’harmonise avec les données
antérieurement connues sur la diminution du risque de cancer
controlatéral chez des patientes traitées par tamoxifène pour
cancer invasif du sein (B-14), et avec celles de l’essai de pré-
vention NSABP P1 (22), qui montre également une diminution
du risque de cancer du sein chez des femmes à risque ayant été
soumises au tamoxifène. Le débat théorique pourrait donc se
résumer, comme le suggère K. Pritchard, par la proposition
“THS ou tamoxifène ?”, voire, de façon plus osée, “THS et
tamoxifène ?” (47).
De surcroît, les hormones sont responsables, dans un certain
nombre de cas, d’une densification du tissu mammaire, entraî-
nant des difficultés de diagnostic mammographique. Cette
constatation est particulièrement importante dans le cas de la
surveillance des CCIS, car la majorité des récidives se fait sous
forme infraclinique (microcalcifications), nécessitant une
excellente lisibilité des mammographies. Il faut reconnaître
cependant que les progrès de l’imagerie, le contrôle de qualité
(56) et la pratique de clichés centrés agrandis augmentent
DOSSIER
17
La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000
Indication et contre-indication du THS
après carcinome in situ strict (CCIS)
A. Lesur*, N. Dohollou**
L
* Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-lès-Nancy.
** Clinique Bordeaux-Nord Aquitaine.
considérablement la valeur prédictive de l’examen, ces
patientes n’étant de toute façon pas soumises au dépistage
organisé, compte tenu de leur antécédent (11, 34).
RISQUE SPONTANÉ DE RÉCIDIVE DU CCIS
Si le taux des récidives est variable selon les études, un certain
nombre de facteurs sont maintenant connus, qui favorisent leur
survenue (voir p. 11 à 16).
Le diagnostic histologique est très difficile, nécessitant une
expérience importante afin de distinguer les différents états
d’hyperplasie atypique du CCIS et sans méconnaître une
lésion micro-invasive (39, 66). Pour exemple, dans une nou-
velle analyse de la série Dupont et Page publiée en 1989 (15),
30 % des hyperplasies atypiques étaient en fait des CCIS de
bas grade. Le risque de micro-invasion est lié à la taille du
CCIS, la probabilité étant d’autant plus grande que sa taille est
importante et qu’il existe de la nécrose. Le compte-rendu ana-
tomopathologique doit obéir à des règles précises, car il guide
la thérapeutique ultérieure (Comment bien lire un compte-
rendu d’anatomie pathologique en pathologie mammaire. La
Lettre du Sénologue 1999 ; 4 : 29). Les facteurs de récidive
seront donc la taille de la tumeur, l’existence d’une nécrose, le
haut grade de la lésion. Le respect des marges saines nécessi-
tera souvent des reprises chirurgicales pouvant nécessiter une
mastectomie. Ainsi, paradoxalement, pour une lésion non
invasive, le traitement local peut s’avérer beaucoup plus agres-
sif que pour une petite tumeur invasive permettant un traite-
ment locorégional conservateur. Le taux de récidives après
mastectomie est faible mais non nul si l’on considère un recul
suffisant d’une dizaine d’années (63).
En termes de geste conservateur, Fisher, dans l’essai NSABP
B-17, a démontré l’efficacité de la radiothérapie : on passe de
13,4 % à 8,2 % de récidives non invasives, et de 13,4 % à
3,9 % de récidives invasives (21). Cette efficacité est confir-
mée dans la récente publication de l’EORTC.
ARGUMENTS THÉORIQUES À L’ENCONTRE DU TRAITE-
MENT SUBSTITUTIF
Le rôle hypothétique du THS dans la survenue de récidives
après CCIS est peu documenté, les prescriptions étant assez
rares jusqu’à présent.
Les mécanismes d’action in vitro des estrogènes ont été beau-
coup étudiés. Les résultats d’observation sont souvent discor-
dants, et les conclusions difficiles à valider (3, 37, 41, 49).
On dénombre peu d’études s’intéressant à l’association THS et
risque de récidive de CCIS. Nous retenons celle de Habel et
Daling (26), qui s’intéresse au risque de récidive après carci-
nome in situ du sein, sur une étude de cohorte de 709 patientes
dans la région de Washington de 1981 à 1992. Ces patientes
ont bénéficié d’une chirurgie conservatrice ; 15 % d’entre elles
présentaient une récidive dans les cinq premières années après
le diagnostic, et 31 % au bout de dix ans. Plusieurs facteurs
sont étudiés, dont le THS. Il n’y a pas de lien entre l’utilisation
du THS et la survenue d’un carcinome in situ ; en revanche, la
prise ou la poursuite d’un THS pendant au moins deux ans
après le diagnostic aurait entraîné une augmentation du risque
de récidive (RR = 1,8 ; IC 95 % : 0,7-5,0). Dans cette étude,
l’indice corporel joue également un rôle important dans le
risque de récidive. Cette augmentation du risque concerne
aussi bien les récidives in situ que les récidives invasives.
THS et cancer du sein : un lien possible
De nombreuses études ont tenté d’évaluer le risque hormonal et
la survenue d’un carcinome invasif du sein. Récemment, deux
articles ont mis en cause non seulement l’augmentation due aux
estrogènes mais aussi une augmentation majorée avec l’asso-
ciation estroprogestative (50, 54, 64). Il n’est pas de notre pro-
pos d’analyser cette relation, mais seulement de rappeler qu’il
n’existe aucune étude randomisée en double aveugle THS
contre placebo, méthodologie idéale pour des résultats fiables.
Toutes les études de cohortes, cas-témoins et méta-analyses
présentent de nombreux biais. Il faut également se souvenir que
les hormones utilisées dans ces études sont des estrogènes
équins (hormones le plus fréquemment utilisées aux États-
Unis) à des doses de 0,625 à 1,250 mg/j durant 21/28 jours, soit
isolés, la patiente étant hystérectomisée, soit associés à des pro-
gestatifs non utilisés en Europe, norstéroïdes et androgéniques.
Néanmoins, la méta-analyse du Lancet en 1997 a mis en évi-
dence un risque modéré mais réel, après un certain nombre
d’années de traitement, qui peut se rapporter au risque spon-
tané d’une ménopause tardive. Toutes ces études sont concen-
trées sur la survenue de carcinomes invasifs, et ne mentionnent
jamais l’existence de lésions in situ.
Cependant, tous les arguments retenus par les opposants au
THS après cancer du sein sont utilisables dans ce cas de figure,
obéissant à la même logique, en vertu de la possibilité de réci-
dives des CCIS sous forme invasive. Ainsi, la ménopause pré-
coce et la castration, en diminuant le risque de survenue d’un
cancer du sein, pourraient être profitables (14, 32).
Tamoxifène et CCIS
Plaidant également contre l’utilisation du THS après un CCIS,
on retiendra les résultats de l’essai B-24 de Fisher (20),
publiés en juin 1999, qui mettent en évidence une diminution du
risque de récidive dans le groupe traité par tamoxifène, par rap-
port au groupe témoin traité par placebo, randomisé en double
aveugle. Mille huit cent quatre femmes atteintes de CCIS,
incluant résection avec ou sans marges saines, ont été randomi-
sées de mars 1991 à avril 1994 les deux groupes recevaient le
même traitement local ; la randomisation se faisait sur l’adjonc-
tion ou non du tamoxifène. Le suivi médian est de 74 mois, et la
comparaison s’est faite entre les taux de récidives sous forme
invasive et non invasive, ipsilatérales et controlatérales.
Soixante-cinq pour cent des patientes étaient ménopausées et
35 % préménopausées ; 80 % des lésions mesuraient un centi-
mètre ou moins ; 16 % de l’effectif présentait des marges posi-
tives.
Cent trente cancers (70 invasifs, 60 in situ) sont apparus dans
le groupe des 899 patientes sous placebo, contre 84 (41 inva-
sifs, 43 in situ) dans le groupe des 899 patientes sous tamoxi-
fène. Comme cela apparaît dans le tableau I, il existe une
diminution du taux de récidives tout événement, qui passe de
13,4 % à 8,2 % (p = 0,0009), soit une réduction relative
DOSSIER
18
La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000
d’environ 40 %. On notera que le bénéfice est plus marqué
pour les récidives invasives du même côté (40 contre 23,
c’est-à-dire 4,2 % contre 2,1 %). En effet, la différence n’est
pas significative pour les récidives sous forme in situ, du
même côté (47 contre 40, c’est-à-dire 5,1 % contre 3,9 %,
p=0,43), ni pour les récidives sous forme invasive de l’autre
côté (23 contre 18, c’est-à-dire 2,3 % contre 1,8 %, p = 0,22).
En ce qui concerne les récidives sous forme in situ controlaté-
rales, la différence est significative, mais les cas sont peu nom-
breux (13 contre 3).
En revanche, le bénéfice est constant dans le groupe tamoxi-
fène, même si les marges sont atteintes (14,7 % de rechutes
homolatérales contre 9 % dans le groupe tamoxifène), et même
s’il existe un comédocarcinome et une nécrose.
À noter également que la réduction du taux de récidives est de
38 % chez les femmes non ménopausées et de 22 % chez
celles de plus de 50 ans.
Même si les comparaisons indirectes entre essais sont hasar-
deuses, les résultats des essais B-17 et B-24 montrent que le
taux de récidives après zonectomie seule serait de 22 %, de
13 % avec radiothérapie associée, et de 8 % avec tamoxifène !
Toutes les femmes traitées pour un CCIS devraient-elles
prendre du tamoxifène ? Auquel cas, la question du THS
serait réglée, à moins de l’associer au tamoxifène... Il n’y a
pas, à l’heure actuelle, de recommandations en ce sens en
France, l’essai B-24 étant le seul à avoir donné ces résultats,
même si ceux-ci s’harmonisent parfaitement dans une logique
allant des résultats en situation métastatique à la prévention, en
passant par les résultats de la dernière méta-analyse (16). Ce
qui fait dire à Wilcken : “y a-t-il quelque chose que le tamoxi-
fène ne puisse pas faire (65) ?”. Donner du tamoxifène à toutes
les femmes traitées pour CCIS est probablement excessif pour
celles qui seront guéries par la chirurgie d’une maladie de bon
pronostic (55), et probablement insuffisant pour celles qui réci-
diveront, notamment d’un cancer RH–, de mauvais pronostic
(65). Pour mémoire, le tamoxifène n’est pas dénué d’effets
secondaires, dont certains sont délétères, ce qui implique une
utilisation raisonnée, en tenant compte du bénéfice attendu et
des risques encourus.
Anti-aromatases et CCIS
En ce qui concerne les anti-aromatases, il n’existe, à l’heure
actuelle, aucune donnée sur leur efficacité éventuelle sur le
taux de récidives des CCIS, dans l’hypothèse où ils seraient
donnés selon un schéma analogue à celui du tamoxifène.
ARGUMENTS POUR LE THS CHEZ DES PATIENTES
TRAITÉES POUR CCIS
Des expérimentations en situation métastatique de cancer du
sein et certains essais randomisés ont testé à maintes reprises
l’action des estrogènes sur la maladie : dans l’essai de Palshoff
(40), il n’y a pas de différence entre les deux bras, diéthylstil-
bestrol d’une part, tamoxifène d’autre part, qui sont tous deux
significativement plus efficaces que le placebo.
19
La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000
Placebo Groupe (n = 899) Tamoxifène Groupe (n = 899) Ratio**
IC 95 %*
Nombre Incidence cumulative Taux* Nombre Incidence cumulative Taux*
d’événements à 5 ans (%) d’événements à 5 ans (%)
Cancer mammaire et autres 169 16-7 38-12 126 12-6 27-50 0-72 (0,57-0,91)
Tous les cancers mammaires
Total 130 13-4 29-32 84 8-2 18-33 0-63 (0,47-0,83)
Invasif*** 70 7-2 15-79 41 4-1 8-95 0-57 (0,38-0,55)
Non invasif**** 60 6-2 13-53 43 4-3 9-39 0-69 (0,46-1,04)
Cancer mammaire ipsilatéral
Total 87 19-62 63 13-75 0-70 (0,50-0,98)
Invasif 40 4-2 9-02 23 2-1 5-02 0-56 (0,32-0,95)
Non invasif 47 5-1 10-60 40 3-9 8-73 0-82 (0,53-1,28)
Cancer mammaire controlatéral
Total 36 8-12 18 3-93 0-48 (0,26-0,87)
Invasif 23 2-3 5-19 15 1-8 3-27 0-63 (0,31-1,26)
Non invasif 13 1-1 2-39 3 0-2 0-66 0-22 (0,04-0,81)
Cancer mammaire régional
ou à distance 7–1-58 3 0-66 0-42 (0,07-1,82)
Autre cancer
Total 39 3-3 8-80 42 4-4 9-17 1-04 (0,66-1,65)
Second cancer autre qu’endométrial 26 5-86 25 5-46 0-93 (0,52-1,68)
Cancer endométrial 2 0-45 7 1-53 3-39 (0,64-33,42)
Décès sans maladie évidente 11 2-48 10 2-18 0-88 (0,33-2,28)
Placebo
Nombre
d’événements
169
130
70
60
87
40
47
36
23
13
7
39
26
2
11
Tamoxifène
Nombre
d’événements
126
84
41
43
63
23
40
18
15
3
3
42
25
7
10
Tableau I. Site, incidence cumulative, taux et ratios de premier évènement. Fisher. B-24.
* Taux annuel pour 1 000 patientes.
** Taux du groupe tamoxifène sur taux du groupe placebo.
*** Comprend le cancer mammaire ipsilatéral, controlatéral, maladie locale, régionale et distante.
**** Comprend les tumeurs ipsilatérales et controlatérales non invasives.
Les THS à base d’estrogènes n’ont pas modifié les taux de
risques de cancer du sein chez les patientes porteuses d’hyperpla-
sie même atypique, dans les études bien connues de Page (39).
Le nombre de femmes porteuses de cancers du sein de bon
pronostic ne cesse de croître, et avec elles, celles porteuses
d’un CCIS traité ; peu exposées au risque évolutif de leur
maladie mammaire, elles le seront aux complications de la
ménopause, qu’elles soient climatériques immédiates, avec
une répercussion sur leur qualité de vie (4, 8), ou plus tardives,
avec une morbidité cardiovasculaire ou osseuse (25, 48). C’est
la raison pour laquelle de nombreux auteurs se sont intéressés
à la prescription hors AMM du THS chez ces femmes.
S’il n’existe que peu d’études randomisées (27, 61) en cours à
travers le monde, de nombreux auteurs ont publié des cas de
cancers du sein antérieurement traités et mis sous THS. Il
s’agit de cas sporadiques, pour lesquels la méthodologie est
contestable, mais qui ont le mérite d’exister. Notre propos
n’est pas de rappeler les justificatifs de ces démarches, mais
plutôt de nous intéresser aux résultats, notamment en ce qui
concerne les CCIS. En effet, dans toutes les séries publiées (2,
12, 17), il existe des cas de CCIS. Les informations sont sou-
vent incomplètes, le suivi bref, les détails évolutifs imprécis.
Les cas sont peu nombreux, et certains d’entre eux sont proba-
blement comptés dans les stades 0. Néanmoins, il n’a pas été
diagnostiqué de taux anormal de récidives, sur des séries parti-
culièrement surveillées, pour lesquelles il manque malheureu-
sement, le plus souvent, un groupe témoin (tableau II).
EN PRATIQUE, QUELLE ATTITUDE CONSEILLER ?
Avant la publication des résultats de l’essai B-24 de Fisher, il
n’était pas de règle de prescrire un traitement adjuvant pour les
CCIS. Considérant la maladie locale, les sanctions chirurgi-
cales étant plus drastiques, la mammectomie était fréquente, et
parfois même bilatérale. Le caractère exceptionnel, dans ce
cas, des récidives permet d’envisager un THS chez des
femmes ménopausées et très gênées par les troubles climaté-
riques (29).
Dans le cas d’un traitement conservateur, le taux de récidives
n’est pas négligeable, et, s’il n’est pas possible d’affirmer que
les estrogènes les favorisent, il semble logique d’admettre que
le tamoxifène, dans un certain nombre de cas, diminue ce taux.
La problématique rejoint donc celle des cancers invasifs, trai-
tés pendant cinq ans par des anti-estrogènes, pour lesquels la
prescription du THS est délicate...
– En effet, est-il logique de prescrire des estrogènes après cinq
ans d’anti-estrogènes ?
– Faut-il prescrire la molécule en fonction des facteurs de pro-
nostic de la tumeur : des estrogènes s’ils sont favorables, des
anti-estrogènes dans le cas contraire (58) ?
– Ne faut-il prescrire que du tamoxifène, à titre de THS, pour
ses vertus cardiovasculaires et osseuses, en négligeant la
demande essentielle des femmes que représentent les bouffées
de chaleur (9) ?
– Peut-on imaginer l’association des deux molécules, comme
l’ont fait Powles et Veronesi, ou comme le propose un essai de
l’ECOG (45, 62) ?
En conclusion, la solution de sagesse réside peut-être dans
l’attente du SERM qui sera à la fois estrogénique et anti-estro-
génique (10, 28, 36)... Sur un plan pratique, si l’on commence
à envisager la réintroduction hormonale substitutive chez des
femmes antérieurement traitées pour un cancer invasif du sein
de bon pronostic, avec un recul suffisant (57), il paraît raison-
nable de pouvoir la proposer aux femmes porteuses d’un
CCIS, pour peu qu’il ait été traité dans les règles de l’art, selon
les recommandations actuelles (1). Cela nécessite, en l’absence
d’un essai randomisé, techniquement difficile (13), un entre-
tien singulier avec la patiente demandeuse, afin de l’éclairer au
mieux sur nos connaissances. Plusieurs auteurs ont d’ailleurs
bien montré la réticence des patientes, alors même qu’elles
sont très gênées par des signes climatériques altérant fortement
leur qualité de vie (5, 23, 61).
Encore faut-il se mettre d’accord sur les motivations de traite-
ment substitutif : souhaitons-nous agir sur les phénomènes vaso-
moteurs, et ce sur une courte durée, ou désirons-nous réaliser
une prévention cardiovasculaire et osseuse, apparemment effi-
cace, mais qui demande confirmation d’une part, et une longue
durée de prescription d’autre part ? Nous en revenons alors à
l’évaluation incontournable du rapport bénéfice/risque (42).
Quoi qu’il en soit, il apparaît indispensable de suivre les
femmes qui seront candidates au THS (29), en sachant que la
réponse à la question posée ne pourrait venir que d’un essai
randomisé et que la contre-indication reste légale !
DOSSIER
20
La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000
Pts Stades RE Âge Délai Durée Suivi Rechutes
(mois) (mois) (mois)
Powles (14) 35 T1 : 12 NA 10/12 51 31 15 43*2/35
T2 : 14 NA : 13
T3 : 9
Di Saïa (12) 77 In situ : 6 + = 28 13/58 50 24 27 59*7/77
S11 : 43 – = 12 NA : 6
S12 : 17 NA = 37
Eden (17) 90 Local + = 12 18/72 47 60 18 84*7/90
– = 10
NA = 68
Vassipoulos 43 In situ : 2 + = 7 8/28 46 31 31 43
(58) S11 : 22 – = 20 NA : 7
S12 : 19 NA = 20
Peters 56 S10 : 14 + = 24 ? ? 55 % ? 37 0/56
S11 : 26 – = 9 < 2 ans
S12 : 14 NA = 23
NA : 2
Bluming 146 T0 : 39 + = 57 23/12 ? 61 30 30 6/146
(2) T1 : 87 3
T2 : 19
T3 : 1
Decker 114 S10 : 33 NA 13/101 52 43 30 30 7/114
S11 : 43
S12a : 24
S12 b : 12
S13a : 1
S13b : 1
Gorins (24) 38 In situ : 3 + = 8 9/19 54 > 24 33 33 3/38
T0 : 4 – = 4
T1 : 11 NA = 16
T2 : 7
T3 : 3
Tableau II. Principales études recensées (Réalités en gynécologie-obsté-
trique 1999 ; 43).
* Suivi depuis le diagnostic.
../..
Alors, peut-on donner des hormones aux femmes qui le dési-
rent ? Il est trop tôt pour l’affirmer, mais l’heure a changé,
comme le dit M.A. Cobleigh, et la prescription individuelle,
tenant compte de la qualité de la vie, au regard des risques encou-
rus, peut être discutée, en attendant la molécule miracle !
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La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000
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