L Place de la radiothérapie dans le cancer du sein invasif ÉDITORIal

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ÉDITORIAL
News San Antonio
Place de la radiothérapie dans le cancer du sein invasif
et in situ : données du SABCS 2009
Bruno Cutuli*
L
e 32e San Antonio Breast Cancer Symposium (SABCS)
s’est déroulé du 9 au 13 décembre 2009 au Gonzalez
Convention Center de la septième ville des États-Unis.
Environ 8 000 participants y ont assisté.
Deux communications particulièrement marquantes concernaient l’impact de la radiothérapie (RT) dans le traitement
du cancer du sein invasif (CSI) et du cancer canalaire in situ
(CCIS).
S. Darby, d’Oxford, a présenté, au nom de l’Early Breast
Cancer Trialist’s Collaborative Group (EBCTCG), les nouvelles
données de la cinquième “méta-analyse”, après la dernière
publication de 2005 (1).
Elle a tout d’abord rappelé que l’on assiste depuis les années
1990 à une nette diminution de la mortalité par cancer du
sein parmi les femmes âgées de 35 à 69 ans, tant aux ÉtatsUnis qu’en Grande-Bretagne. R. Peto avait déjà expliqué
que cela tenait à la combinaison du diagnostic plus précoce
(dépistage mammographique) et à l’optimisation des traitements tant locorégionaux que systémiques.
La première partie de l’analyse concernait l’impact de la RT
après chirurgie conservatrice. Chez 10 900 patientes analysées dans 17 essais, on observe, avec un recul de 15 ans,
une réduction des récidives locales (RL) de 27,8 % à 9,9 %
par l’adjonction d’une RT mammaire (± surimpression), ce
qui correspond à une réduction absolue des RL de 65%.
Parallèlement, cette réduction se traduit également à 15
ans par une diminution très significative de la mortalité, qui
passe de 25,3 % à 21,7 % sans et avec RT, respectivement.
Le bénéfice absolu est donc d’environ 15 %.
Cela illustre bien le fameux ratio “4 : 1”, c’est-à-dire que pour
4 RL évitées à 5 ans, on évite 1 décès à 15 ans. L’importance
de ce concept a d’ailleurs été développée dans la même
session par J. Harris de Boston.
L’impact bénéfique de la RT est d’autant plus important que
le “niveau de risque” initial est élevé, tant en contrôle local
* Polyclinique de Courlancy, Reims.
4 | La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010
Tableau I. Impact à 15 ans de la radiothérapie (RT) postopératoire après
chirurgie conservatrice (en %).
Total*
(n = 10 900)
pN+
(n = 1 111)
pN–
(n = 7 334)
Taux de récidives locales (RL)
RT–
RT+
27,8
9,9
46,4
13,8
24,9
9,4
Bénéfice absolu
17,9
32,6
15,5
Mortalité
RTRT+
25,3
21,7
50,6
44
20,6
17,4
Bénéfice absolu
3,6
6,6
3,2
*N.B. : 2 461 patientes avec statut ganglionnaire non précisé.
qu’en survie à long terme. Il est donc bien plus marqué chez
les patientes avec un envahissement ganglionnaire axillaire,
comme illustré dans le tableau I.
De façon similaire, ce bénéfice est nettement plus important en cas de lésions T2 versus T1, de haut grade versus bas
grade, chez les patientes d’âge inférieur à 60 ans et/ou avec
récepteurs estrogéniques négatifs ou positifs, mais n’ayant
pas reçu de tamoxifène.
L’impact de la RT après mastectomie a été évalué chez
8 000 patientes incluses dans 20 essais ; 73 % d’entre elles
avaient un envahissement ganglionnaire axillaire (pN+).
Les résultats sont similaires avec un effet bénéfique de la
RT sur le contrôle local et sur la survie, qui se majore en
fonction du niveau de risque initial (pN > 3 versus pN 1-3)
et pN 0 respectivement). Les données sont résumées dans
le tableau II.
Tableau II. Impact à 15 ans de la RT postopératoire après mastectomie (en %).
pN 0
(n = 1 296)
pN 1-3
(n = 2 794)
pN > 3
(n = 3 222)
Taux de RL
RT–
RT+
9,4
3,2
25,9
5,7
40,8
12,9
Bénéfice absolu
6,2
20,2
27,9
Mortalité
RT–
RT+
26,4
26,1
51,4
43,3
76,3
69
Bénéfice absolu
0,5
8,1
7,3
ÉDITORIAL
Tableau III. Essai anglo-australien publié en 2003 (UK-ANZ DCIS Trial) : taux
de RL ipsilatérales avec et sans RT (en %).
5 ans
10 ans
15 ans
RT–
RT+
13
4,4
19,4
7,1
21,7
7,1
Bénéfice absolu
8,6
12,3
14,6
La RT réduit donc le risque de RL de 68 % (p < 0,001).
Pour les patientes pN+, l’adjonction d’une chimiothérapie
réduit partiellement le risque de rechute et diminue également la mortalité, surtout dans le sous-groupe pN 1-3.
Ces résultats impliquent toutefois certains commentaires,
car la plupart de ces essais sont anciens.
➤➤ La chirurgie initiale n’a pas toujours été optimale, en
particulier au niveau axillaire, avec un nombre de ganglions
prélevés souvent non précisé ou insuffisant. Par ailleurs, il
n’y a aucun détail concernant les marges d’exérèse après
chirurgie conservatrice.
➤➤ Les techniques d’irradiation utilisées étaient souvent
inadaptées avec des appareils et des distributions de doses
aujourd’hui obsolètes, générant parfois une toxicité excessive (surtout cardiaque).
➤➤ La fiabilité des dosages des récepteurs aux estrogènes a
été le plus souvent médiocre.
➤➤ Les chimiothérapies utilisées étaient le plus souvent de
première génération (exemple : CMF).
Malgré ces réserves, ces résultats bénéfiques de la RT, qui se
confirment avec le temps, restent une pierre angulaire pour
les indications dans le traitement locorégional.
La deuxième communication concernant l’impact de la RT
dans les carcinomes canalaires in situ (CCIS) a été faite par
J. Cuzick, de Londres.
Il s’agit en fait de l’actualisation à 12,7 ans de l’essai angloaustralien (UK-ANZ DCIS Trial) publié initialement en 2003.
Il faut rappeler qu’il s’agit d’une étude particulière, avec
un plan d’analyse factoriel 2X2 évaluant, après chirurgie
conservatrice, l’impact de la RT mais également celui du
tamoxifène (TAM) sur 1 701 patientes issues des programmes
de dépistage et incluses entre 1990 et 1998. L’exérèse chirurgicale était complète, mais aucune mesure des marges d’exérèse n’est disponible. Il est à noter que la randomisation
était indépendante, si bien que les quatre groupes définis
(contrôle, TAM, RT, RT + TAM) n’avaient pas le même nombre
de patientes.
L’auteur a confirmé l’impact majeur de la radiothérapie sur
la réduction du risque de RL (tant in situ qu’invasive) et,
comme pour les cancers invasifs, la réduction du risque de
RL augmente avec le temps : le bénéfice absolu de l’irradiation sur le taux de RL est de 8,6 % à 5 ans, 12,3 % à 10 ans
et 14,6 % à 15 ans. (tableau III).
La RT n’a qu’un faible impact, non significatif (–16 %), sur
le risque de cancer du sein controlatéral (de 4,1 % à 3,4 %).
En l’absence de RT, le tamoxifène réduit le risque de RL de
22 % à 18 %, et avec RT, de 8 % à 6 %. Il diminue également les cancers du sein controlatéraux. Les taux de décès
à 10 ans ne sont pas significativement différents dans les
quatre groupes de traitement.
Cet essai confirme donc l’impact majeur de la RT sur la
réduction des RL après chirurgie conservatrice des CCIS, et
est cohérent avec les résultats des trois autres essais randomisés publiés (NSABP B-17, EORTC 10583, SWEDCIS Trial) et
avec les récentes recommandations nationales INCa-SFSPM
(www.e-cancer.fr).
■
Référence bibliographique
1. Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group (EBCTCG). Effects of chemotherapy and hormonal therapy for early breast cancer on recurrence and 15-year
survival: an overview of the randomised trials. Lancet 2005 ;365:1687-717.
Dossier à paraître en juin 2010
Le congrès de San Antonio 2009 et
son apport dans la pratique quotidienne
Interview des experts sur place
La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010 | 5
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