L’ Traitement chirurgical de l’omarthrose centrée A

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A
CTUALITÉS
SUR
L’ A R T H R O S E
DE
L’ É P A U L E
Traitement chirurgical de l’omarthrose centrée
Surgical treatment of primary osteoarthritis of the shoulder
"
P o i n t s
L. Nové-Josserand*, G. Walch*
f o r t s
# Dans l’omarthrose centrée, l’arthrose n’est
pas secondaire à une rupture de coiffe.
Cependant, il peut exister une rupture partielle, voire une petite rupture transfixiante
du sus-épineux.
# L’échec du traitement médical doit faire
L’
omarthrose centrée se définit comme une arthrose du
compartiment gléno-huméral avec une coiffe saine. Sur
la radiographie de face, la tête humérale est centrée
(espace sous-acromial supérieur à 7 mm). En revanche, il existe
fréquemment une usure asymétrique postérieure de la glène dans
le plan horizontal avec subluxation postérieure de la tête humérale. L’omarthrose se caractérise cliniquement par des douleurs
associées à une impotence fonctionnelle liée à l’enraidissement
articulaire. Sur le plan thérapeutique, la prothèse totale d’épaule
est la solution de choix lorsque le patient n’est plus soulagé par
le traitement médical (1-3) (figures 1 et 2, p. 40).
envisager la mise en place d’une prothèse
d’épaule après réalisation d’un arthroscanner, qui évaluera l’état d’usure de la glène et
l’état tendino-musculaire de la coiffe.
# La prothèse totale donne de meilleurs résultats que la prothèse humérale simple dans
cette pathologie, même si la présence d’un
descellement glénoïdien n’est pas rare, mais
de gravité variable.
# Les résultats de la prothèse totale d’épaule
ne sont pas influencés par la présence d’une
lésion du sus-épineux (toujours très modeste),
alors que la dégénérescence musculaire
(surtout celle du sous-épineux) a un rôle
péjoratif sur le résultat.
# En présence d’une omarthrose centrée, l’indication de prothèse ne doit pas être posée
trop tardivement (glène trop usée ou
muscles avec dégénérescence graisseuse
importante), car, dans ces cas, les résultats
sont de moins bonne qualité.
Mots-clés : Omarthrose - Arthroscanner - Prothèse.
Keywords: Osteoarthritis of the shoulder CT-arthrography - Arthroplasty.
Figure 1. Arthrose centrée. Pincement complet de l’interligne
gléno-huméral. Espace sous-acromial supérieur à 7 mm.
* Clinique Sainte-Anne-Lumière, Lyon.
La Lettre du Rhumatologue - n° 309 - février 2005
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Figure 2. Arthroscanner : usure asymétrique de la glène
qui prend une forme biconcave.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Nous rapportons les résultats de 766 prothèses totales d’épaules
implantées avec un recul moyen de 3,6 ans (minimum 2 ans). Il
s’agit d’une série multicentrique à partir de 50 centres chirurgicaux européens et d’Afrique du Sud. Il y avait 74,5 % de femmes,
et l’âge moyen au moment de l’intervention était de 65,2 ans ;
l’atteinte était bilatérale dans 113 cas. Sur le plan clinique, l’appréciation préopératoire et postopératoire était réalisée d’après
le score de Constant, pondéré selon le sexe et l’âge. Le score de
Constant est coté sur 100 points. Il est composé de deux paramètres subjectifs, la douleur (15 points) et l’activité quotidienne
(20 points) et de deux paramètres objectifs d’examen, la mobilité (40 points) et la force (25 points). Le bilan préopératoire
comportait une radiographie de face dans tous les cas, et dans
571 cas un bilan de coiffe avec arthroscanner ou IRM. Il y avait
102 prothèses humérales simples et 664 prothèses totales, implantées en très grande majorité par voie deltopectorale. Par la suite,
et dans la majorité des cas, la rééducation commençait précocement, dans les jours suivant l’intervention.
Le bilan préopératoire par arthroscanner a montré l’existence de
41 ruptures partielles profondes du tendon sus-épineux et 42 cas
de ruptures transfixiantes. La dégénérescence graisseuse de l’infraspinatus était notée stade II dans 92 cas et plus sévère dans
20 cas. La dégénérescence graisseuse du muscle subscapulaire
était notée stade II dans 86 cas et plus sévère dans 16 cas.
La glène présentait une usure centrée dans 299 cas (A1 : 160 cas,
A2 : 139 cas), une usure excentrée postérieure dans 272 cas
(47 %) (B1 : 144 cas, B2 : 105 cas et dysplasique type C dans
23 cas). La forme de la glène n’était pas liée à l’âge ; en revanche,
il existait une relation entre le sexe masculin et le type B2.
En moyenne, les femmes étaient plus âgées au moment de
l’intervention : 69 ans contre 64 ans. Il n’y avait pas de différence
significative entre les deux sexes pour le score de Constant pondéré, alors que le score brut était plus sévère pour les femmes
(29,7 contre 36,7) (figure 3).
40
Figure 3. Radiographie de face d’une prothèse totale de
l’épaule.
RÉSULTATS
À propos de 689 prothèses
(complications et patients décédés exclus)
Les complications représentent 13 % des cas, avec nécessité
d’une reprise chirurgicale chez 9 % d’entre eux. Parmi les
complications, on retrouvait des problèmes liés à la glène dans
4,2 % avec descellement et “déclipsage” du polyéthylène des prothèses métal back nécessitant dans ce cas précis une reprise chirurgicale. Ce déclipsage survient plus souvent au fur et à mesure
que le délai augmente, pour devenir fréquent à partir de 5 ans.
Compte tenu de ces résultats, ce type d’implants a été abandonné
à ce jour au profit des glènes polyéthylènes scellées. Parmi les
autres complications, on retrouvait une instabilité gléno-humérale dans 3,1 % des cas, répartis de façon égale en antérieure et
postérieure ; une rupture secondaire de la coiffe des rotatoires
dans 2,7 % des cas, en particulier au niveau du tendon sous-scapulaire, conséquence directe de la technique chirurgicale ; une
fracture de l’humérus ou une migration de l’implant huméral dans
1 % des cas (les migrations ne concernaient que les implants
huméraux non scellés) ; une infection dans 0,7% des cas
(complications diverses dans 1,5 % des cas).
L’ensemble des complications a un caractère péjoratif sur le résultat final en dehors des luxations postérieures, en particulier si
elles sont précoces.
Sur le plan subjectif, les patients étaient très satisfaits (70 %),
satisfaits (23 %), déçus (6 %) et mécontents (1 %). Sur le plan
objectif, le score de Constant pondéré passait de 42,8% en préLa Lettre du Rhumatologue - n° 309 - février 2005
opératoire (score brut 31,3 points) à 96,2 % en postopératoire
(score brut 70,5 points). La douleur était bien contrôlée par l’intervention, passant de 4,2 points à 13 points en postopératoire.
En moyenne, l’élévation antérieure active passait de 92° à 142°
en postopératoire, et la rotation externe active coude au corps
passait de 8° à 41° en postopératoire.
DISCUSSION
Les résultats obtenus avec la mise en place d’une prothèse totale
d’épaule peuvent être considérés comme excellents. Au vu des
résultats et des données de la littérature, l’influence d’un certain
nombre de facteurs prédictifs du résultat obtenu peut se discuter :
" Facteurs cliniques : l’âge, le sexe, l’activité, la bilatéralité, le
côté dominant n’influent pas sur le résultat final.
" Le délai postopératoire ne modifie que très peu le résultat audelà de 5 ans d’évolution (score 92 % contre 97 % avant 5 ans).
Les résultats obtenus se maintiennent donc dans le temps.
" La mise en place d’un implant glénoïdien (prothèse totale)
améliore de façon significative le résultat (4). Dans notre étude,
cela se vérifie en particulier sur la douleur (12,2 contre 7,8) et la
mobilité (28 contre 12,7). Le score de Constant des prothèses
totales est de 97,3 % contre 88,1 % pour les prothèses humérales
simples. Cependant, la présence d’un descellement glénoïdien,
relativement fréquent et d’importance variable, peut altérer
quelque peu le résultat final.
" L’existence d’une rupture de la coiffe des rotateurs concernant le tendon sus-épineux, qu’elle soit partielle (41 cas) ou transfixiante (42 cas) ne modifie pas le résultat final en dehors de la
force. Il n’y a pas de différence significative en ce qui concerne
la douleur, la mobilité et le score de Constant. La réparation de
la rupture tendineuse lors de l’implantation de la prothèse
n’apporte rien au résultat final, comme le rapportent également
Edwards et al. (5).
" Plus que la rupture tendineuse, c’est la dégénérescence musculaire de l’infraspinatus et, à un degré moindre, du muscle
subscapulaire qui retentit sur le résultat (3, 5). Une dégénérescence musculaire significative au-delà du stade II du muscle
infraspinatus influe de façon négative sur tous les paramètres du
score de Constant, ainsi que sur le résultat subjectif. L’influence
est d’autant plus marquée que la dégénérescence est sévère. On
observe le même phénomène avec la dégénérescence musculaire
du muscle subscapulaire, mais à un degré moindre. L’analyse
multifactorielle des facteurs influençant le résultat montre que
c’est la dégénérescence musculaire de l’infraspinatus qui est le
facteur prépondérant.
" La réalisation systématique d’une ténodèse du tendon du
long biceps améliore significativement le résultat sur la douleur
(3) et sur la mobilité, ainsi que le score de Constant absolu et
pondéré. En effet, l’exploration chirurgicale montre que ce
tendon est lésé dans la grande majorité des cas.
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" L’usure asymétrique de la glène n’a pas d’influence sur le
résultat (6), sauf dans les cas extrêmes (glène dysplasique type C).
Elle pose alors un problème technique pour l’implantation de la
glène prothétique.
" Au niveau glénoïdien, il existait un liseré faible non évolutif
(82 %), un liseré moyen (23 %) et un liseré important évolutif correspondant à un descellement de l’implant glénoïdien
(5 %). Il existe une relation significative entre le liseré glénoïdien et le résultat clinique : le score de Constant diminue avec
l’importance du liseré. Le score est de 73 % pour les liserés
faibles, 69 % pour les liserés moyens et 55,6 % pour les liserés
importants.
CONCLUSION
Dans le cadre de l’omarthrose centrée, la prothèse totale de
l’épaule donne de bons résultats de façon fiable et stable dans le
temps. La douleur ainsi que la fonction articulaire sont nettement
améliorées de façon significative. Les résultats subjectifs sont
également très favorables. Le pronostic est lié à l’état de la coiffe
des rotateurs et, notamment, à la qualité des muscles des différents composants (en particulier l’infraspinatus). Devant une
omarthrose centrée, il est nécessaire de faire un bilan préopératoire avec un arthroscanner en vue de la pose d’une prothèse.
L’arthroscanner permet d’analyser l’état de la coiffe des rotateurs
ainsi que la dégénérescence graisseuse des composants musculaires de la coiffe. Cet examen permet également d’analyser
l’usure osseuse, éventuellement asymétrique, de la glène. Les
meilleurs résultats sont obtenus lorsque les critères pronostiques
ne sont pas dépassés : il faut éviter d’attendre l’apparition ou la
dégradation d’une rupture de la coiffe des rotateurs ou l’usure
trop importante de la glène.
#
Bibliographie
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