34 | La Lettre du Rhumatologue • No 386 - novembre 2012
Place de l’arthroscopie etdesprothèses d’épaule dans la polyarthrite rhumatoïde
DOSSIER GREP
Épaule rhumatoïde
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La coiffe des rotateurs et l’espace sous-acromial :
dans la PR, l’état de la coiffe des rotateurs est un
problème délicat à appréhender. En effet, on assiste
progressivement à un pincement de l’espace sous-
acromial, alors même que l’imagerie complémen-
taire montre qu’il n’y a pas de rupture transfi xiante
de la coiffe (11). Il s’agit en fait d’un amincissement
progressif, conséquence de la maladie synoviale.
En fait, la notion de coiffe fonctionnelle nous semble
plus importante à considérer que celle de rupture
transfixiante. Ainsi, l’ascension progressive de
l’ humérus est le témoin même du caractère non
fonctionnel de la coiffe, incapable de s’opposer
à l’action du deltoïde. Le pincement de l’espace
sous-acromial est donc un élément pronostique
majeur (2, 10). Dans les publications, une coiffe
non fonctionnelle expose les prothèses totales et
hémiarthroplasties à de moins bons résultats, et,
pour les prothèses totales, à un taux de descellement
et de liseré beaucoup plus important.
Par ailleurs, même lorsque la coiffe est correcte
au début de l’atteinte rhumatoïde, l’évolution
naturelle se fait inéluctablement vers l’ascension
de l’humérus, ce qui est un élément essentiel à
prendre en compte, d’autant plus que les patients
sont jeunes (17). Pour C. Lévigne (2), un espace acro-
miohuméral inférieur à 4 mm ou une infi ltration
graisseuse de l’infra- épineux de stade supérieur à 2,
selon les critères de D. Goutallier (18), sont des élé-
ments de pronostic défavorable pour le résultat des
prothèses totales anatomiques. C’est tout l’intérêt
de sa classifi cation, qui permet d’individualiser des
épaules à risque, regroupées sous le terme de “forme
ascendante”. De même, les séries qui détaillent l’état
de la coiffe, au moment de la mise en place de la
prothèse, relatent des différences importantes entre
les patients pour lesquels la coiffe est encore intacte
et ceux pour lesquels elle était atteinte (7, 17). De
plus, H.M. Betts et al. (16), dans leur série à très
long terme, ont montré que, même en cas de coiffe
parfaite, l’ascension de l’humérus concernait tous
les cas, ceux ayant une coiffe intacte initialement
migrant plus tardivement.
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La qualité de l’os : la qualité de l’os est un élément
important de la tenue des prothèses et, notamment,
de la tenue glénoïdienne (16). La qualité de cet os
est en rapport avec l’âge et les traitements corti-
coïdes prolongés responsables d’une ostéoporose.
Cela explique également un taux de complications
non négligeable pendant l’opération, notamment
sous la forme de fractures de la glène, et même
après l’opération. Cette qualité osseuse est égale-
ment fonction de l’aspect préopératoire, notamment
l’existence d’atteintes particulièrement agressives,
érosives, responsables d’une perte du stock osseux.
C’est le cas des formes résorptives de la classifi cation
de C.S. Neer (1) ou des formes érosives de la clas-
sifi cation de C. Lévigne (2) ou encore des stades 4
et 5 de la classifi cation d’A. Larsen (19). En fait, il faut
différencier, dans ces atteintes, celles qui touchent
essentiellement l’humérus, assez fréquentes, ne
remettant pas en cause ce qu’il est possible de
faire sur la glène, et expliquant sans doute les bons
résultats rapportés par C. Lévigne (2) dans ces
formes particulières. En revanche, lorsque l’atteinte
concerne la glène proprement dite, les conséquences
sur l’indication opératoire sont importantes, car les
reconstructions par greffe et les scellements corrects
dans un tel contexte sont délicats et aléatoires dans
leurs résultats.
Proposition de schémas
thérapeutiques
Au vu des différentes classifi cations publiées à ce
jour, il nous semble que c’est la classifi cation de
C. Lévigne (2) qui est la plus adaptée pour poser
l’indication opératoire vis-à-vis de la glène. Pour
chacune des formes proposées, le facteur âge et le
facteur coiffe interviennent comme élément modu-
lateur. Enfi n, il faut bien individualiser, au sein des
formes érosives, celles qui concernent plus particu-
lièrement la glène.
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Dans les formes centrées (figure 2), qui res-
semblent souvent à des omarthroses, le potentiel
évolutif de la maladie est moins agressif. La migra-
tion proximale de l’humérus avec le temps est faible
et lente. Du fait des résultats indiscutablement meil-
leurs obtenus par les prothèses totales par rapport
aux hémiarthroplasties, cette forme est l’indication
idéale à la mise en place d’une prothèse totale ana-
tomique, sauf chez le patient jeune, chez qui il faut
préférer une hémiarthroplastie, car l’érosion glénoï-
dienne restera centrée, et le résultat, initialement un
peu moins bon, a toutes les chances de se maintenir
dans le temps. Toute la diffi culté est de déterminer
quel est l’âge frontière. Celui de 50 ans nous semble
approprié au vu des résultats à long terme de l’étude
de H.M. Betts et al. (16). Dans ces formes sans pin-
cement acromiohuméral, si l’imagerie montre une
coiffe non fonctionnelle sous la forme d’une infi ltra-
tion graisseuse de l’infra-épineux, il est préférable
de se contenter d’une hémiarthroplastie.