La Lettre du Sénologue - n ° 38 - octobre-novembre-décembre 2007
Dossier
Dossier
6
Cancer lobulaire in situ : dones historiques
et épimiologie
Lobular carcinoma in situ: historic perspective and epidemiology
IP B. Cutuli*
Le terme de carcinome lobulaire in situ (CLIS) a été créé
par Foote et Stuart en 1941, au Memorial Hospital de
New York, pour crire “a rare form of mammary can-
cer”. Il s’agissait d’une lésion ressemblant au carcinome lo-
bulaire invasif (CLI), mais encore entouré par la membrane
basale (1-3).
Sa signification exacte a été longtemps battue, variant entre
*Service de radiothérapie-oncologie, polyclinique de Courlancy, Reims.
simple “marqueur de risque” et véritable précurseur d’un cancer
invasif (lobulaire ou canalaire). Le CLIS est une entité pathologi-
que une population uniforme de cellules rondes ou polygona-
les non cohésives envahit au moins la moitié dune unité lobulaire
du sein. La distinction avec une hyperplasie lobulaire atypique
(HLA) est souvent très difficile, dautant plus que les deux sions
coexistent souvent (4-6) et leur signification pronostique est si-
milaire (6).
Pour cette raison, Haagensen et Rosen, en 1978, avaient regroupé
Introduction
Introduction
IP B. Cutuli*
Ce dossier sur les carcinomes lobulaires in situ” (CLIS)
ou plus largement sur les “néoplasies lobulaires” (NL)
fait suite à celui publié en mars dernier sur les carcino-
mes canalaires in situ (CCIS) [voir Lettre du Sénologue n° 35].
Toutefois, alors que pour les CCIS, on dispose de très nom-
breuses données en ce qui concerne les modalités de diagnos-
tic, les caractéristiques anatomopathologiques et les modalités
thérapeutiques (y compris les résultats de cinq essais rando-
misés), il faut bien constater que depuis le meeting organisé à
Londres le 1er vrier 2004 par l’Eusoma (European Society of
Mastology) sur les CLIS, beaucoup d’incertitudes demeurent.
En effet, il s’agit toujours d’une pathologie rare, faisant l’objet
de différentes classifications anatomopathologiques, avec des
modalités de diagnostic non spécifiques, et dont les données
de la littérature sont très hétérogènes. On retrouve en effet,
le plus souvent, de petites séries rétrospectives, incluant un
mélange de lésions classées soit CLIS, soit NL, avec une pro-
portion plus ou moins importante d’hyperplasies lobulaires
atypiques (HLA).
Les procédures chirurgicales sont très variables, allant de la
simple biopsie (le plus souvent macrobiopsie 11 ou 8 Gauge,
mais parfois microbiopsie 14 Gauge, avec, dans ce cas, une
“fiabilité” diagnostique bien inférieure). Un autre problème
très important concerne les modalités d’évaluation des “re-
chutes intramammaires” et de la survenue des cancers du sein
controlatéraux après biopsie-exérèse (plus ou moins large,
le plus souvent sans connaissance de l’extension exacte des
foyers lésionnels et de leur sous-type). En effet, dans les dif-
férentes études, les patientes ayant eu un cancer controlatéral
préalable (in situ ou invasif) sont parfois incluses ; de même,
la proportion de femmes ayant eu des antécédents familiaux
est variable. Or, on sait très bien que ces deux facteurs peuvent
modifier de façon considérable le “risque” de survenue d’un
cancer ultérieur. Enfin, les diverses études prennent le plus
souvent en compte la survenue d’un cancer infiltrant (quel
qu’en soit le type histologique), et bien plus rarement la sur-
venue d’un CCIS ou d’un deuxième CLIS. Cela explique en
partie l’hétérogénéité des résultats et les difficultés des com-
paraisons des séries.
Dans ce dossier, seront donc traités différents aspects concer-
nant ces lésions. Étant donné que les auteurs des divers cha-
pitres sont tous de spécialités différentes, les mêmes données
peuvent être interprétées (au vu aussi de leur rareté relative)
de façon variable. Cela reflète les difficultés d’interprétation
des données de la littérature à la lumière de la pratique quoti-
dienne de chacun.
Il semble également important de souligner la nécessité de
l’évaluation multidisciplinaire systématique de ces cas difficiles,
avec, en particulier, une confrontation très précise radio-histo-
pathologique et une évaluation globale” de la patiente en ce qui
concerne ses autres facteurs de risque (exemple : antécédents
familiaux, densité mammaire, densité osseuse, etc.). n
La Lettre du Sénologue - n ° 38 - octobre-novembre-décembre 2007
Dossier
Dossier
7
ces deux lésions sous le terme de néoplasie lobulaire (NL) (7).
Plus récemment, l’équipe de Tavassoli et l’OMS (8) ont proposé
une nouvelle classification en utilisant le terme delobular intra-
epithelial neoplasia(LIN), avec trois catégories : LIN 1, 2 et 3.
Cette dernre correspond aux lésions les plus agressives, in-
cluant la variante pléiomorphe et celle avec nécrose.
Les CLIS purs (sans carcinome canalaire in situ associé [CCIS])
sont rares. Ils représentent dans les différentes études de 0,5 à
3,8 % de tous les cancers mammaires (1, 9) et environ 10 à 15 %
des carcinomes non invasifs. Déjà en 1987, Frykberg (10) notait
que l’âge au diagnostic se situait entre 44 et 47 ans, soit une di-
zaine d’années plus tôt que pour les cancers invasifs. Pour cet
auteur, plus de 90 % des femmes avec un CLIS nétaient pas mé-
nopausées. En 1993, le même auteur faisait état, parmi une série
de 6 287 biopsies mammaires, d’une incidence de CLIS de 2,3 %
et de CCIS de 6,9 % (11). Plusieurs autres auteurs ont rapporté
lincidence de CLIS à partir de prélèvements percutanés. À Hous-
ton, Middleton (12) retrouve parmi 2 237 biopsies alisées entre
1995 et 2001, 35 (1,5 %) “néoplasies lobulaires” incluant 14 CLIS,
17 HLA et 4 NL. À New York, Liberman (13) retrouve, parmi
1 315 biopsies, 16 (1,2 %) CLIS. On peut noter des variations en
fonction du type et du nombre de prélèvements. Ce sujet sera
dévelopdans d’autres parties du dossier.
En 1991, les données du registre SEER (Surveillance Epidemio-
logy and End Results) de Détroit faisaient état d’une incidence
de CLIS de 0,9/100 000 femmes en 1973-1974 versus 2,8/100 000
femmes pour les CCIS.
En 1985, Bondeson (13) a évalué le taux de CLIS parmi 200 mam-
moplasties de réduction. Il na trouaucun cas parmi les femmes
de moins de 30 ans, mais 7 CLIS parmi celles plus âgées, avec une
incidence globale de 3,5 % (et de 8 % dans le groupe des patientes
de plus de 40 ans).
Dans les séries autopsiques, le taux de CLIS retrouvé est inférieur
à 1 %, mais la méthodologie de ces études ge des patientes, mo-
dalités de plèvement) a été souvent critiquée (1).
Une mise au point très précise à partir de neuf registres de la
base SEER (qui représentent environ 11 % de la population a-
ricaine) sur la riode 1978-1998 a été faite par Li en 2002 (9).
Laugmentation de lincidence en fonction des tranches dâge est
taillée dans le tableau. Tout âge confondu, lincidence est pas-
sée de 0,8/100 000 femmes par an en 1978-1980, à 2,83/100 000
femmes par an en 1987-1989 et à 3,2/100 000 femmes par an en
1996-1998. Cela correspond à une multiplication par quatre de
lincidence globale sur 20 ans, mais en réalité, laugmentation est
plus importante pour les femmes entre 50 et 59 ans (x 5,3) et 60-
69 ans (x 5,1). On note également des disparis dincidence entre
les neuf registres ayant collecté les données de cette étude.
Lauteur suggère que cette augmentation de lincidence, nota-
ble surtout chez les femmes de plus de 50 ans, puisse être due,
comme cela a été constaté pour les cancers invasifs, à l’utilisation
croissante du traitement hormonal substitutif (THS), mais éga-
lement au développement du dépistage mammographique. Plus
récemment, dans la Million Women Study (14), le risque rela-
tif (RR) de CLIS observé chez les utilisatrices de THS versus les
non-utilisatrices était de 2,82 (IC95 : 1,72-4,63), ce qui est le plus
élevé parmi les formes histopathologiques de cancer mammaire
étudiées dans cette cohorte. n
Tableau.
Variations de l’incidence des CLIS (taux/100 000 femmes
par an) dans la base SEER américaine (1978-1998) (modié daprès
Li, 2002).
Âge 1978-1980 1987-1989 1996-1998
40-49 3,4 8,3 7,2
50-59 2 9,1 11,5
60-69 1,1 6.4 8,1
RéféRences bibliogRaphiques
1. Anderson BO, Rinn K, Georgian-Smith D, Lawton T, Li CI, Moe RE.
Lobular carcinoma in situ. In: Ductal carcinoma of the breast, 2d ed Sil-
verstein MJ, Recht A, Lagios MD eds Lippincott, Philadelphia, 2002;364-
615.
2. Rampaul RS, Pinder SE, Robertson JF, Ellis IO. Lobular neoplasia in pre-
neoplasia of the breast. W. Boecker, Elsevier-Saunders, Munich 2006:466-
83.
3. Lakhani SR, Audretsch W, Cleton-Jensen AM et al. e management of
lobular carcinoma in situ (LCIS). Is LCIS the same as ductal carcinoma in
situ (DCIS)? Eur J Cancer 2006;42:2205-11.
4. Sigal-Zafrani B, Vincent-Salmon A, Penault-Llorca F, Sastre-Garau X.
Lobular neoplasia. Ann Pathol 2003;23:547-53.
5. Bibeau F, Borrelly C, Chateau MC et al. Données récentes sur les néo-
plasies lobulaire du sein : le point de vue du pathologiste. Bull Cancer
2005;92:453-8.
6. Page DL, Simpson JF. What is atypical lobular hyperplasia and what
does it mean for the patient? JCO 2005;23:533-43.
7. Haagensen CD, Lane N, Lattes R, Bodian C. Lobular neoplasia (so-called
lobular carcinoma in situ) of the breast. Cancer 1978;42:737-69.
8. Pathology and genetic of tumor of the breast and female genital organs.
Who classification of tumors. Ed. Tavassoli FA, Devilee P. Lyon : IARC Press,
2003.
9. Li C, Anderson BD, Daling JR, Moe RE. Changing incidence of lobular
carcinoma in situ of the breast. Breast Cancer Res Treat 2002;75:259-68.
10. Frykberg ER, Santiago F, Betsill WL, O’Brien PH. Lobular carcinoma in
situ of the breast. Surg Gynecol Obst 1987;164: 285-301.
11. Frykberg ER, Masood S, Copeland EM, Bland KI. Ductal carcinoma in
situ of the breast. Surg Gynecol Obst 1993;177:425-40.
12. Middleton LP, Grant S, Stephens T, Stelling CB, Sneige N, Sahin AA.
Lobular carcinoma in situ diagnosed by core needle biopsy: when should it
be excised? Mod Pathol 2003;16:120-9.
13. Liberman L, Sama M, Susnik B et al. Lobular carcinoma in situ at
percutaneous breast biopsy: surgical biopsy findings. Am J Roentgenol
1999;173:291-9.
14. Bondeson L, Linell F, Ringberg A. Breast reductions: what to do with all
tissue specimens? Histopathology 1985;9:281-5.
15. Reeves GK, Beral V, Green T et al. Hormonal therapy for menopause
and breast cancer risk by histological type; a cohort study and meta-analy-
sis. Lancet Oncol 2006;7:910-8.
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !