Dossier D ossier Cancer lobulaire in situ (CLIS) : expérience française Lobular carcinoma in situ (LCIS): the French experience IP B. Cutuli* Objectif Compte tenu de sa rareté, la signification réelle du CLIS reste incertaine (simple marqueur de risque ou réel précurseur de carcinomes invasifs) et ses options thérapeutiques sont très discutées. Après le symposium de l’Eusoma (European Society of Mastology), qui s’était tenu à Londres le 1er février 2004, il était apparu indispensable de recueillir un nombre important de cas avec un suivi suffisant, pour évaluer le plus précisément possible l’évolution en fonction des diverses modalités de traitement (1). Méthodologie De 1985 à 2000, tous les CLIS observés dans 12 centres anticancéreux français ont été colligés, en excluant les patientes ayant eu un cancer du sein invasif ou in situ préalable ipsi- ou controlatéral. Cette étude a été présentée en séance plénière au 29e Breast Cancer Symposium de San Antonio en décembre 2006 (2). Résultats On dénombre 325 patientes avec 330 CLIS analysables. Le recul global médian était de 9,4 ans. L’âge médian était de 49 ans (32-79) [figure 1]. Trente-cinq pour cent étaient ménopausées et 23 % avaient eu un THS ; 29 % des patientes avaient un antécédent familial (premier et/ou deuxième degré) de cancer mammaire ; 24 % avaient été déjà opérées pour une lésion mammaire bénigne (fibroadénome, kyste, etc.). La majorité (63 %) des lésions a été découverte à la mammographie (figure 2), mais 32 % sur des signes cliniques et 5 % lors de l’exérèse chirurgicale de lésions bénignes ou chirurgie plastique (mammoplastie de réduction). Les 330 CLIS ont été traitées soit par chirurgie conservatrice (CC) exclusive (n = 255 ; 77,3 %), soit par mastectomie (n = 38 ; 11,5 %) ou CC avec radiothérapie (RT) (n = 37 ; 11,2 %) à l’instar des CCIS. Vingt-quatre patientes ont reçu du tamoxifène (CC : 11 ; CC + RT : 13). Les lésions étaient unifocales (58 %) ou plurifocales (42 %). L’exérèse avait été considérée “complète” dans 61 % et 73 % dans les groupes CC et CC + RT respectivement. Des lésions associées (hyperplasie canalaire ou lobulaire atypique et/ou adénose sclérosante) étaient présentes dans environ un tiers des cas. *Service de radiothérapie-oncologie, polyclinique de Courlancy, Reims. La Lettre du Sénologue - n ° 38 - octobre-novembre-décembre 2007 Le tableau détaille le nombre de rechutes ipsilatérales (RL) et les cancers controlatéraux (CSC) en fonction du type de traitement et des différents suivis. Dans le groupe CC (255 cas), le risque de RL cumulé à 10 ans est de 24 % (autant de lobulaires [CLIS] que de canalaires [CCIS]) dont deux tiers de cancers invasifs. Le délai médian de RL est de 53 mois, très similaire à celui des CCIS traités par CC. La RL est située au niveau de la lésion initiale dans 45 % des cas, dans un autre quadrant dans 43 % des cas et non précisée dans 12 % des cas. Le risque de RL augmente régulièrement avec le temps, comme d’autres études l’avaient montré précédemment. Après mastectomie (suivie de reconstruction dans 80 % des cas), il n’y a eu aucune RL. Cette étude fait pour la première fois état de l’utilisation de la RT dans les CCIS comme pour les CLIS (3). Le résultat est intéressant avec un taux de contrôle local de 95 % à 12 ans. Dans ce travail, il n’y a pas eu de relecture centralisée des lames, mais tous les comptes-rendus histopathologiques ont été vérifiés. Six récidives axillaires sont apparues après RL invasive, de même que cinq évolutions métastatiques (4 après CC et 1 après RC + RT). Treize patientes ont développé un second cancer. Vingt-six patientes ont présenté un cancer du sein controlatéral (CSC), dont 7 (27 %) in situ (3 CLIS et 4 CCIS) et 19 (73 %) infiltrants (7 CLI et 12 CCI). Il n’y a pas de différence significative entre les taux de CSC en fonction du traitement. Dans le groupe des 255 patientes traitées par CC, aucun facteur de risque spécifique de RL n’a pu être identifié (âge/nombre de foyers/présence d’une hyperplasie associée/qualité de l’exérèse). Cette étude constitue, à notre connaissance, la plus importante série de CLIS étudiée en détail jusqu’à ce jour. Une étude prospective à l’échelle nationale est également prévue à partir de 2008. n Tableau. Taux de récidives locales intramammaires et cancer du sein controlatéral en fonction des traitements (étude multicentrique française ayant inclus 330 CLIS). RL CSC CS CS+RT M CS CS+RT M Suivi médian (années) 8 12 11 8 12 11 RL in situ 17 - - 6 - 1 RL invasive 32 2 - 14 2 3 - 20 (7,8 %) 2 (5,4 %) 4 (10 %) Total 49 (19,2 %)(1) 2 (5,4 %) RL : récidive locale (quelle que soit la topographie dans le sein traité). CSC : cancer du sein controlatéral. (1) : le taux de RL à 10 ans est de 24 %. 17 Dossier D ossier Figure 1. Distribution en fonction de l’âge (325 patients). Remerciements Cette étude n’aurait pu être réalisée sans la coopération très active de nombreux collègues et amis : Youlia Kirova (Institut Curie, Paris), Juana Hernandez (Institut Gustave-Roussy, Villejuif) ; Christelle Levy (Centre François-Baclesse, Caen), Claire Brunaud (Centre AlexisVautrin, Vandœuvre-lès-Nancy), Frédérique Penault-Llorca (Centre Jean-Perrin, Clermont Ferrand), Sylvia Giard (Centre Oscar-Lambret, Lille), Philippe Quétin (Centre Paul-Strauss, Strasbourg), Éric Fondrinier (Centre Paul-Papin, Angers), Christine Cohen-Solal-Le Nir (Centre René-Huguenin, Saint-Cloud), Brigitte De Lafontan (Centre Claudius-Regaud, Toulouse), Anne Meunier (Centre Léon-Bérard, Lyon), Renaud Fay (Centre d’Investigation Clinique, Toul). 18 Figure 2. Caractéristiques mammograhiques (287 cas précisés : 88 %). Références bibliographiques 1. Lakhani SR, Audretsch W, Cleton-Jensen AM et al. The management of lobular carcinoma in situ (LCIS). Is LCIS the same as ductal carcinoma in situ (DCIS)? Eur J Cancer 2006;42:2205-11. 2. Cutuli B, Kirova Y, Hernandez J et al. Lobular carcinoma in situ (LCIS). Indolent disease or precursor of invasive breast cancer (IBC)? Analysis of 330 cases. Breast Cancer Res Treat 2006;100,suppl.1,S15 Abs.31. 3. Cutuli B, De Lafontan B, Quétin P, Mery E. Breast conserving surgery and radiotherapy a possible treatment for lobular carcinoma in situ? Eur J Cancer 2005;41:380-5. La Lettre du Sénologue - n ° 38 - octobre-novembre-décembre 2007