La Lettre du Sénologue - n ° 38 - octobre-novembre-décembre 2007
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sement proportionnel à l’involution histologique mammaire.
Dans une large cohorte de 8 736 femmes avec des antécé-
dents histologiques de lésions mammaires bénignes suivies
17 ans, ces auteurs mettent en évidence que l’involution lo-
bulaire histologique est associée à une diminution du risque,
quelle que soit l’histologie de départ. En fonction de trois
catégories d’involution, nulle (0 %), partielle (1-74 %), ou
complète (plus de 75 %), si le RR de cancer du sein est de 7,79
(IC95 : 3,56-14,81) pour un antécédent d’hyperplasie atypi-
que avec involution nulle, il est de 4,06 (IC95 : 3,03-5,33) pour
une involution partielle et n’est que de 1,49 (IC95 : 0,41-3,82)
pour une hyperplasie atypique avec involution complète.
L’analyse des mécanismes moléculaires contrôlant l’involu-
tion lobulaire liée à l’âge est en cours d’étude, ses rapports
avec la densité mammographique sont juste évoqués et l’im-
pact du THM sur cette involution non encore étudié, à notre
connaissance.
Multifocalité, multicentricité, bilatéralité
Le CLIS est souvent à la fois multifocal, multicentrique et bi-
latéral (9).
La multifocalité, c’est-à-dire la présence de plusieurs lésions
dans le même quadrant a été démontrée dès la publication
originale de Foote et Stewart et est d’autant plus étayée qu’el-
le a été démontrée sur pièce opératoire par la thérapeutique
à l’époque qui était une mastectomie.
La multicentricité, qui a notamment été mise en évidence
par Rosen et al. (14), fait référence au fait que des lésions
se rencontrent dans plusieurs quadrants du sein. En cas de
mastectomie, la multicentricité est fréquente, de 60 à 80 %
des cas selon les séries, avec 4 à 6 % de foyers infiltrants as-
sociés (15).
La bilatéralité du CLIS, d’abord mise en évidence sur de peti-
tes séries, qui montraient des chiffres variant entre 23 et 46 %
(15), a été confirmée par des revues plus complètes, oscillant
cependant entre 9 et 69 %, selon les modalités d’analyse (9).
Claus et al. (16) montrent chez les femmes chez qui a été porté
le diagnostic de CLIS que l’incidence cumulée à 5 et à 10 ans
de la probabilité d’avoir un cancer du sein controlatéral est
respectivement de 11,9 % (IC95 : 3,5-14,3 %) et 13,3 % (IC95 :
11-16,8 %), représentant un risque plus que doublé (RR : 2,6 ;
IC95 : 2-3,4 %) par rapport à celui d’une femme chez qui a été
porté un diagnostic de CCIS. Li et al. (17) rapportent que
l’incidence respective des cancers invasifs homolatéraux et
controlatéraux chez les femmes chez qui a été porté un dia-
gnostic de CLIS est de 7,3 pour 1 000 personnes/année et 5,2
pour 1 000 personnes/année, le CLIS représentant en outre
un risque 5,3 fois supérieur à celui du CCIS de développer un
carcinome lobulaire invasif.
Il est par ailleurs difficile de prédire au bout de combien de
temps va se développer un cancer invasif après un diagnos-
tic de CLIS. Dans leur revue, Espié et al. (15) concluent que
le pourcentage de cancers infiltrants secondaires varie pour
les cancers homolatéraux de 2 à 23 % et de 3 à 23 % pour les
cancers controlatéraux, avec un pourcentage de décès impu-
tables au cancer en cas de traitement conservateur variant de
0 à 16 %, le risque ultérieur dépendant de la durée de suivi.
La plus grande série analysant le risque secondaire de cancer
ipsi- ou controlatéral après CLIS que nous ayons retrouvée
a été publiée par Chuba et al. (18). À partir de 4 853 patien-
tes atteintes d’un CLIS diagnostiqué entre 1973 et 1998, 350
patientes ont développé ultérieurement un cancer invasif
mammaire. L’histologie de ce cancer secondaire a été le plus
souvent lobulaire (23,1 %), alors que cette histologie ne re-
présente que 6,5 % des cancers invasifs ne faisant pas suite au
diagnostic de CLIS. L’incidence cumulative de cancer invasif
après diagnostic de CLIS augmente régulièrement avec le
temps de 4,1 % à 5 ans, 7,1 % à 10 ans et 11,3 % à 15 ans, plus
marquée chez les patientes les plus âgées. En effet, pour une
patiente atteinte d’un CLIS avant l’âge de 40 ans, l’incidence
d’un cancer invasif 10 ans après est de 5,6 %, à comparer aux
10,4 % pour les patientes de 60 à 69 ans et aux 13,9 % pour
les patientes de plus de 70 ans (p < 0,001). Quand les auteurs
comparent l’incidence cumulative du cancer du sein invasif
homolatéral versus controlatéral chez les patientes ayant eu
une mastectomie partielle, il n’y a pas de différence notable
entre les deux côtés : à 5 ans, l’incidence controlatérale est
de 0,7 % et homolatérale de 0,7 %, à 10 ans de 3,7 % et 3,8 %, à
15 ans de 8,6 % et 8,9 %, à 20 ans de 12,2 % et 14,2 %, à 25 ans
de 26,2 % et 30,5 %, respectivement. Pour les patientes qui
n’ont pas eu de mastectomie, cette fréquence est donc simi-
laire des deux côtés. Chez celles mastectomisées d’un côté, le
pourcentage d’apparition secondaire d’un cancer invasif du
sein 5 à 25 ans après la chirurgie du côté mastectomisé est de
0,1 à 0,9 %, le pourcentage de lésions controlatérales étant si-
milaire à celui des patientes non mastectomisées. En résumé
pour ces auteurs, les cancers invasifs du sein diagnostiqués
après conservation mammaire apparaissent dans 46 % du
côté homolatéral et 54 % du côté controlatéral. Les cancers
invasifs mammaires apparaissant après diagnostic de CLIS
sont plus souvent des cancers lobulaires invasifs (23,1 %) que
dans la population générale (6,5 %). Le pourcentage d’inci-
dence standardisée de développer un cancer invasif du sein
après CLIS est de 2,4 (IC95 : 2,1-2,6) après ajustement sur
l’âge et l’année du diagnostic. Le risque cumulatif minimum
de développer un cancer du sein invasif après diagnostic de
CLIS est de 7,1 % ± 0,5 % à 10 ans, risque également distribué
entre les deux seins.
À la question de savoir si le CLIS représente une véritable
lésion précurseur d’un cancer (1, 3, 17), ou un simple mar-
queur de risque pour le développement ultérieur d’un cancer
invasif dans l’un ou l’autre sein (2, 18, 19), les résultats dispo-
nibles restent donc très contrastés, tant en ce qui concerne
l’analyse d’un risque préférentiel homolatéral ou bilatéral
que celle de la “filiation” histologique CLIS/CLI. Les consé-
quences pratiques de cette ambivalence sur les modalités
de surveillance font qu’elles sont actuellement fondées sur
le concept que HLA/CLIS représentent à la fois un facteur
de risque bilatéral de cancer du sein et un précurseur local
possible d’un cancer du sein homolatéral.