208
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no4 - vol. III - septembre 2000
TRAITEMENTS DIFFICILES
diagnostic le plus probable est alors celui d’occlusion du grêle sur
bride (13). Cependant, la tomodensitométrie abdominale ne per-
mettrait d’identifier une carcinose péritonéale que dans 54 % des
cas, avec une spécificité de 86 % (14). L’imagerie par résonance
magnétique aurait une sensibilité et une spécificité respectivement
de 84 et 87 % pour le diagnostic de carcinose péritonéale.
TRAITEMENT
Lorsque le diagnostic d’occlusion par carcinose est fortement
probable, l’intervention chirurgicale peut être différée sous cou-
vert d’un traitement médical comprenant une aspiration diges-
tive. Ce délai est d’autant plus justifié dans les occlusions par
carcinose, que l'évolution vers une nécrose intestinale est rare et
qu'une amélioration sous traitement médical est obtenue dans 16
à 28 % des cas (2, 5, 8). La probabilité d’amélioration sous trai-
tement médical est encore plus importante (45 %) en cas d’occlu-
sion incomplète. Néanmoins, 40 % de ces patients auront une
récidive de l’occlusion avant leur décès (2) ; celle-ci survenant
plus précocement après traitement conservateur qu’après traite-
ment chirurgical (15). Pour toutes ces raisons, si l’état général du
patient et le degré d’extension intra-abdominal de la maladie auto-
risent un traitement chirurgical, la poursuite de l’aspiration diges-
tive doit être discutée au-delà du troisième jour, car alors la pro-
babilité d’amélioration sous traitement médical est faible (8).
En cas d’échec du traitement médical ou bien de récidive pré-
coce de l’occlusion, une intervention chirurgicale doit être envi-
sagée. L’indication doit tenir compte de l’état général du malade
et de l’importance de la maladie intrapéritonéale, qui conditionne
la possibilité de lever l’occlusion, par résection ou dérivation
digestive, et le retour à une autonomie digestive.
Le but principal de l’intervention est surtout d’améliorer la qua-
lité de vie, car le pronostic des carcinoses péritonéales opérées
pour occlusion reste médiocre, avec une médiane de survie aux
alentours de 5 mois (7). La présence d’une ascite est un élément
de mauvais pronostic (15, 16). Le site du cancer primitif ne modi-
fie pas significativement cette survie (17). Toutefois, la survie des
carcinoses péritonéales d’origine colorectale semble un peu plus
prolongée (3). Les causes principales de complications postopé-
ratoires sont le sepsis intra-abdominal et les fistules digestives. La
mortalité postopératoire chez les patients en occlusion sur carci-
nose péritonéale est d’environ 25 % (2, 3, 8). La moitié des décès
postopératoires est en rapport avec l'évolution terminale de la
maladie chez des patients dont la laparotomie n'a pas permis de
geste efficace. Ces données doivent inciter à mieux sélectionner
les patients susceptibles de retirer un bénéfice du traitement chi-
rurgical en termes de qualité de survie. Il est montré que le prin-
cipal facteur prédictif de morbidité opératoire est l’état général
préopératoire, et que seuls les patients ayant une activité proche
de la normale peuvent retirer un bénéfice de l’intervention (18).
Lorsque les patients sont sélectionnés, l'intervention permet de
lever l’occlusion dans 90 % des cas (4). La continuité digestive
peut être conservée ou rétablie dans 70 % des cas. Le bénéfice sur
la qualité de vie est bon, puisque 78 % des patients quittant l’hôpi-
tal retrouvent une autonomie digestive satisfaisante sans alimen-
tation parentérale complémentaire (4). En résumé, si la récidive
n’est pas connue, l’intervention chirurgicale est justifiée pour ne
pas méconnaître une occlusion bénigne. Si la récidive est connue,
la probabilité d’une occlusion bénigne est plus faible, et l’inter-
vention doit être discutée au cas par cas, en cas d’échec du traite-
ment médical ou bien en cas de récidive précoce de l’occlusion.
CONCLUSION
La survenue d’une occlusion du grêle chez un patient en récidive
péritonéale est un événement déterminant dans l’histoire natu-
relle du cancer. En effet, d’une part, la qualité de vie est profon-
dément altérée et, d’autre part, la survie moyenne espérée est sou-
vent réduite à quelques mois. Le diagnostic du mécanisme de
l’occlusion reste difficile à établir, surtout chez les patients dont
la récidive n’est pas connue. L’occlusion peut être d’origine non
tumorale dans 30 % des cas. Même en cas d’occlusion par car-
cinose péritonéale, il existe un sous-groupe de patients qui peu-
vent retirer un bénéfice d’une intervention. L’intervention paraît
justifiée s’il existe un doute sur le mécanisme de l’occlusion, ou
si l’occlusion ne cède pas sous traitement médical en cas d’obs-
truction tumorale. Cette intervention nécessite un état général
satisfaisant et une évaluation de l’importance de la récidive, auto-
risant ou non un geste utile avec une mortalité opératoire réduite,
ce qui amène à exclure les patients avec ascite. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Edna TH, Bjerkeset T. Small bowel obstruction in patients previously operated
for colorectal cancer. Eur J Surg 1998 ; 164 : 587-92.
2. Butler JA, Cameron BL, Morrow M et al. Small bowel obstruction in patients
with a prior history of cancer. Am J Surg 1991 ; 162 : 624-8.
3. Woolfson RG, Jennings K, Whalen GF. Management of bowel obstruction in
patients with abdominal cancer. Arch Surg 1997 ; 132 : 1093-7.
4. Wind P, Roullet M, Berger A et al. Peut-on identifier la cause d'une occlusion du
grêle chez les patients ayant un antécédent de laparotomie pour cancer ? Gastroente-
rol Clin Biol 1998 ; 22 : A186.
5. Millat B, Guillon F, Avila JM. Occlusions intestinales aiguës de l'adulte. Encycl
Méd Chir 1993 ; Gastroentérologie 9-044-A-10 : 21.
6. Bass KN, Jones B, Bulkey GB. Current management of small bowel obstruction.
Advances in Surgery 1998 ; 31 : 1-34.
7. Aabo K, Pedersen H, Bach F, Knudsen J. Surgical management of intestinal obs-
truction in the late course of malignant disease. Acta chir scand 1984 ; 150 : 173-6.
8. Ellis CN, Boggs HW, Slagle GW, Cole PA. Small bowel obstruction after colon
resection for benign and malignant diseases. Dis Colon Rectum 1991 ; 34 : 376-1.
9. Bizer L, Liebling RW, Delany HM, Gliedman ML. Small bowel obstruction. Sur-
gery 1981 ; 89 : 407-13.
10. Sarr MG, Bulkey GB, Zuidema GD. Preoperative recognition of intestinal
strangulation obstruction : prospective evaluation of diagnostic capability. Am J
Surg 1983 ; 145 : 176-82.
11. Tang E, Davis J, Silberman. Bowel obstruction in cancer patients. Arch Surg
1995 ; 130 : 832-6.
12. Megibow A, Balthazar E, Cho K, et al. Bowel obstruction : evaluation with CT.
Radiology 1991 ; 180 : 313-8.
13. Cuénod C, Wind P, Siauve N et al. Diagnostic des urgences abdominales
aiguës d'origine digestive chez l'adulte : apport de l'imagerie. Gastroenterol Clin
Biol 1999 ; 23 : 1170-86.
14. Low R, Barone R, Lacey C et al. Peritoneal tumor : MR imaging with dilute
oral barium and intravenous gadolinium-containing contrast agents compared with
unenhanced MR imaging and CT. Radiology 1997 ; 204 : 513-20.
15. Jong P, Sturgeon J, Jamieson CG. Benefit of palliative surgery for bowel obs-
truction in advanced ovarian cancer. Can J Surg 1995 ; 5 : 454-7.
16. Zoetmulder FAN, Helmerhorst TJM, Coevorden F et al. Management of bowel
obstruction in patients with advanced ovarian cancer. Eur J Cancer 1994 ; 30A
n°11 : 1625-8.
17. Mäkelä J, Kiviniemi H, Laitinen S, Kairaluoma MI. Surgical management of
intestinal obstruction after treatement for cancer. Eur J Surg 1991 ; 157 : 73-6.
18. Weiss SM, Skibber JM, Rosato FE. Bowel obstruction in cancer patients : per-
formance status as a predictor of survival. J Surg Oncol 1984 ; 25 : 15-7.