Dossier thématique D ossier thématique >>> Occlusion sur carcinose péritonéale: quels malades opérer? Peritoneal carcinomatosis with bowel obstruction: who should we operate? # Richard Douard*, Philippe Wind** POINTS FORTS La prise en charge des occlusions sur carcinose reste le plus souvent médicale. Chez 20 à 50 % des malades ayant un antécédent de cancer digestif sans récidive tumorale connue, l’occlusion a une cause bénigne. Lorsque la carcinose est certaine, en cas de persistance du syndrome occlusif, la chirurgie est toujours une option chez des malades sélectionnés, encore en bon état général, sans ascite et dont la carcinose est peu étendue. Mots-clés : Carcinose péritonéale – Traitement chirurgical – Traitement palliatif – Sélection des patients. Keywords: Peritoneal carcinosis – Surgical treatment – Palliative treatment – Patient selection. L a survenue d’une carcinose péritonéale est un élément déterminant dans l’évolution des cancers puisqu’elle est responsable d’une altération de la qualité et de la durée de vie. Ainsi, la médiane de survie des patients atteints de carcinoses d’origine ovarienne est estimée à 12 mois et varie de 1 à 7 mois pour les carcinoses d’origine digestive (1). Au cours de son évolution, une carcinose peut être responsable d’épisodes occlusifs dans 5 à 51 % des cancers de l’ovaire et dans 10 à 28 % des cancers digestifs (2). La prise en charge des occlusions sur carcinose demeure le plus souvent médicale. Cependant, en cas de persistance du syndrome occlusif, la chirurgie reste une option chez des malades sélectionnés, encore en bon état général, sans ascite et dont la carcinose est peu étendue. En dehors de ces critères, les résultats de la chirurgie dans les carcinoses en occlusion sont peu satisfaisants et associés à une forte mortalité et à une forte morbidité, pour des bénéfices modestes en termes de durée et de qualité de vie. * Service de chirurgie générale, digestive et oncologique, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. ** Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Avicenne, Bobigny. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2008 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 51 LE DIAGNOSTIC DE LA CARCINOSE Chez un patient avec des antécédents de cancer digestif, la survenue d’une occlusion à distance de l’intervention est principalement en rapport soit avec une récidive de la maladie tumorale (chez 50 à 75 % des malades) [3-6], soit avec une occlusion du grêle sur bride. Le principal problème est d’authentifier la présence d’une carcinose péritonéale, puisque des signes cliniques ou radiologiques évocateurs de carcinose ne sont présents que dans un tiers des cas environ (6). En pratique, c’est la notion de récidive de la maladie tumorale qui reste le meilleur critère pour préjuger de la cause d’une occlusion chez un malade ayant un antécédent de cancer. En effet, lorsque la récidive est connue, l’occlusion digestive est due à une carcinose péritonéale chez 70 à 90 % des malades (3, 6, 7), alors que, en l’absence de récidive connue ou identifiée, la cause de l’occlusion est bénigne chez 50 à 80 % des patients (5, 8). LORSQUE LA RÉCIDIVE EST CONNUE Une occlusion de cause maligne est hautement probable (3, 6, 7). Le traitement initial est toujours médical. Une aspiration digestive pendant 48 à 72 h est recommandée par la plupart des auteurs (1) et permet une amélioration des symptômes dans 45 % des occlusions incomplètes (3) et dans seulement 16 à 28 % des occlusions complètes (3, 8). Cependant, presque la moitié des patients auront une récidive de l’occlusion avant leur décès (3). Il est possible d’associer à l’aspiration digestive une corticothérapie, un traitement par analogues de la somatostatine et un inhibiteur de la pompe à protons (9). À l’issue de la période de traitement médical, l’absence d’amélioration doit faire envisager un traitement chirurgical, puisque la probabilité d’amélioration par le seul traitement conservateur devient alors réduite (8). La chirurgie ne peut s’appliquer qu’à des malades sélectionnés pour lesquels l’intervention permettrait d’obtenir une alimentation orale sans douleur ou au minimum un retour à domicile sans aspiration digestive. L’état général préopératoire est le principal facteur prédictif de complications postopératoires, et seuls les malades ayant un performance status OMS inférieur à 1 et n’ayant pas eu de perte de poids importante (10) peuvent bénéficier de l’intervention (11). En ce qui concerne l’extension intra-abdominale de la récidive, 51 14/04/08 16:03:40 Dossier thématique D ossier thématique la présence d’une ascite abondante et, bien entendu, de multiples masses abdominales palpables est une contre-indication à une réintervention (6, 10, 12). En dehors de ces critères, un antécédent de radiothérapie augmente la mortalité postopératoire (12). La survie médiane après chirurgie d’une occlusion sur carcinose est de 2 à 7 mois (3, 4, 13, 14), la durée médiane d’hospitalisation de 12 à 25 jours (4, 6, 14) et le contrôle des symptômes est obtenu dans 37 à 51 % des cas (4, 6, 13-15). Sur des malades sélectionnés, l’occlusion peut être levée dans 90 % des cas lors de l’intervention (6), notamment lorsque l’on découvre qu’un seul nodule est responsable de l’occlusion, nodule dont on peut alors faire l’exérèse ou réaliser la dérivation. Dans une étude comparant le traitement chirurgical au traitement médical (4), la durée d’hospitalisation (21 versus 10 jours), la durée de maintien de la sonde gastrique (8 versus 4 jours) et la survie (7 versus 13 mois) étaient en faveur du traitement médical, même si la qualité de vie semblait meilleure après traitement chirurgical. La mortalité postopératoire des malades en occlusion sur carcinose péritonéale est d’environ 13 à 25% (3, 4, 8, 14, 15). Les causes principales de complications postopératoires sont le sepsis intra-abdominal et les fistules digestives. La moitié des décès postopératoires est en rapport avec l’évolution terminale de la maladie chez des patients dont la laparotomie n’a pas permis de geste efficace. Ces données soulignent l’importance de la sélection des malades susceptibles de tirer un bénéfice du traitement chirurgical en termes de qualité de survie. Dans certains cas, le bilan mettra en évidence une sténose isolée et courte, haute ou basse sur le tube digestif et qui pourra être traitée par la mise en place d’une prothèse endoscopique. Ainsi, l’occlusion pourra être levée dans près de 90 % des cas, et cela de façon durable jusqu’au décès du patient dans 50 à 60 % des cas (16). difficile, avec une sensibilité estimée entre 55 et 75 % (19, 20). De plus, cet examen sous-estime l’extension de la maladie en ne montrant que les plus gros nodules péritonéaux. L’IRM aurait une sensibilité et une spécificité de 84 et 87 % (19). Quant au PET scan, sa sensibilité est de 35 %, et probablement supérieure pour les nodules de plus de 1 cm (20). CONCLUSION En l’absence d’un tableau d’occlusion du grêle évoquant une strangulation et imposant une intervention en urgence, un traitement médical comportant une aspiration digestive est institué. Après exploration clinique et radiologique, si le diagnostic d’occlusion par carcinose est avéré, le traitement médical est maintenu, puisque ce seul traitement permet d’obtenir une amélioration chez la moitié des malades (3, 8). C’est seulement en l’absence d’amélioration que le traitement chirurgical sera envisagé. Les patients pour lesquels celui-ci est la meilleure indication sont ceux en bon état général, ayant une maladie d’évolution lente, une carcinose non palpable, peu ou pas visible au scanner, sans ascite et pour lesquels l’occlusion est liée à une sténose unique mais non accessible à un traitement endoscopique. Si aucune récidive n’est identifiée à l’issue du bilan clinique et radiologique, l’intervention chirurgicale est indispensable si l’occlusion persiste, car une cause bénigne est retrouvée dans la moitié des cas (5, 6, 8). N RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Denis B, Elias D. Prise en charge symptomatique de la carcinose péritonéale. LORSQUE LA RÉCIDIVE EST INCONNUE Gastroenterol Clin Biol 2004;28:D17-D25. 2. Feuer DJ, Broadley KE, Shepherd JH, Barton DP. Systematic review of surgery Dans cette situation, l’occlusion a une cause bénigne chez 20 à 50 % des malades ayant un antécédent de cancer digestif (5, 6, 8). Compte tenu de la difficulté à établir la cause de l’occlusion, l’abstention chirurgicale pose le problème majeur de méconnaître une occlusion du grêle sur bride pour laquelle une opération chirurgicale en urgence peut être nécessaire. Le tableau clinique observé peut orienter vers une cause maligne ou une cause bénigne. Un délai depuis l’intervention pour cancer supérieur à 5 ans (4, 6), un début brutal des symptômes (6) et un arrêt complet du transit (6) sont plus fréquemment observés en cas d’occlusion sur bride. À l’inverse, une maladie initiale étendue ou un antécédent de tumeur perforée dans l’abdomen (3) sont des arguments en faveur d’une carcinose péritonéale. La tomodensitométrie abdominale est l’examen de choix, car elle diagnostique l’occlusion mécanique du grêle avec une sensibilité et une spécificité de plus de 90 % (17). Cet examen affirme l’existence d’une récidive tumorale dans 80 % des cas (6) et recherche une occlusion colique, qui peut être associée dans 8 % des cas d’occlusion du grêle sur carcinose (18). Le diagnostic proprement dit de la carcinose par la tomodensitométrie abdominale est 52 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 52 in malignant bowel obstruction in advanced gynecological and gastrointestinal cancer. The Systematic Review Steering Committee. 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Grossesse et allaitement : GROSSESSE : Il n’y a pas de données fiables de tératogenèse chez l’animal. En clinique, aucun effet malformatif ou fœtotoxique particulier n’est apparu à ce jour. Toutefois, le suivi de grossesses exposées à l’alvérine est insuffisant pour exclure tout risque. En conséquence, par mesure de précaution, il est préférable de ne pas utiliser l’alvérine pendant la grossesse. ALLAITEMENT : En raison de l’absence de données sur le passage de ce médicament dans le lait maternel, l’utilisation de celui-ci est à éviter pendant l’allaitement. Effets indésirables : Dus à la présence d’alvérine : - rares cas d’urticaire, avec parfois œdème laryngé, choc, - rares cas d’atteinte hépatique régressive à l’arrêt du traitement. PROPRIETES PHARMACOLOGIQUES : ANTISPASMODIQUE MUSCULOTROPE/ ANTIFLATULENT (A : appareil digestif et métabolisme). L’alvérine est un antispasmodique musculotrope de type papavérinique non atropinique. La siméticone est une substance physiologiquement inerte et qui n’a donc pas d’activité pharmacologique. Elle agit en modifiant la tension superficielle des bulles de gaz provoquant ainsi leur coalescence. DONNEES PHARMACEUTIQUES : Durée de conservation : 3 ans. Nature et contenance du récipient : Plaquette thermoformée en PVC/aluminium de 10 capsules molles. PRESENTATION ET NUMERO D’IDENTIFICATION ADMINISTRATIVE : 332 540.6 : 20 capsules molles. A.M.M. validée en 1990, révisée en 2004. PRIX : 3,62 . Coût du traitement journalier : 0,36 à 0,54 . Remb. Séc. Soc. à 35 %. Agréé aux collectivités. DATE D’APPROBATION/ REVISION : Octobre 2004. TITULAIRE DE L’AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHE : Laboratoires MAYOLY SPINDLER - 6, Avenue de l’Europe - B.P. 51 - 78401 CHATOU CEDEX. Information médicale : Tél. : 01 34 80 55 55. 600 189 02/08 La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2008 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 53 53 14/04/08 16:03:44