La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au n° 9 - vol. VII - novembre 2003
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TRIBUNE
moment précis il était ouvert (8). Des différences considérables
sont apparues entre ce qui était prescrit, l’observance apparente
selon le compte des comprimés restants, et la vraie observance à
partir du recueil des données du système électronique. Par
exemple, certains patients faisaient état d’effets indésirables non
résolutifs, alors qu’ils avaient pris le médicament pas plus de trois
fois dans le mois. Dans une autre étude portant sur 874 patients
aux Pays-Bas (9), il a été constaté que plus de la moitié de la
population incluse qui prenait un traitement de fond l’avait arrêté
avant la fin du troisième mois.
Les raisons susceptibles de rendre compte de la mauvaise obser-
vance des traitements antimigraineux de fond sont leur efficacité
limitée, leur délai d’action souvent long, la fréquence des effets
indésirables, et souvent la faible motivation des patients. De plus,
l’attente des patients vis-à-vis des traitements de fond est sou-
vent excessive par rapport à ce que ceux-ci peuvent apporter ; il
n’est pas rare que les patients pensent que leurs crises vont dis-
paraître sous traitement de fond, ou que leur amélioration sera
définitive même après l’arrêt de celui-ci, ce qui est à l’origine de
bien des déceptions.
LE RÔLE ESSENTIEL DU PRATICIEN
DANS L’OBSERVANCE DES TRAITEMENTS
ANTIMIGRAINEUX PAR LE PATIENT
Il ressort de ces résultats que l’information que va donner le pra-
ticien au patient migraineux, en particulier lors de la première
consultation, va jouer un rôle déterminant dans l’observance des
traitements. Si l’on veut que le patient respecte l’ordonnance qui
va lui être remise, il doit être informé des effets indésirables
potentiels, de la façon d’utiliser le traitement, et de ce qu’il peut
en attendre en termes d’efficacité. On a vu que la crainte d’une
mauvaise tolérance joue un rôle capital dans l’observance.
L’exemple des triptans est particulièrement instructif. Il faut
expliquer que ces molécules sont généralement très bien tolérés
lorsqu’elles sont prescrites dans le respect de leurs contre-
indications, et si les patients sont informés que les symptômes
thoraciques ne sont pas le signe avant-coureur d’un problème
cardiaque grave, ils les acceptent bien mieux (10). Un commen-
taire concernant les notices contenues dans les médicaments,
avec une information sur les fréquences approximatives des
effets indésirables qui y sont indiqués, évitera souvent des
retards à la prise de ces traitements, comme ils l’ont été consta-
tés dans l’étude de Gallagher (4). Des informations concernant
la rapidité d’action des traitements de crise, la possibilité de
récurrence et la façon de la traiter éviteront également des aban-
dons de traitement et de suivi. Pour ce qui est des traitements de
fond, le patient doit savoir ce qu’il peut en attendre, et il est
inutile de prescrire un médicament dont les effets indésirables
sont jugés inacceptables d’emblée, comme cela peut être le cas
par exemple pour la prise de poids chez la jeune femme. À la fin
de cette première consultation, le patient doit savoir que si les
traitements qui ont été prescrits ne sont pas efficaces, d’autres
molécules lui seront proposées, et que les chances qu’il a d’être
amélioré sont élevées, sous réserve qu’il fasse preuve d’un peu
de patience. Ce programme de suivi est sans doute la meilleure
façon d’éviter que les patients se découragent et ne reviennent
pas : dans une étude réalisée par Lipton (2), 26 % des patients
qui avaient cessé de consulter depuis au moins un an indiquaient
comme raison qu’ils pensaient que leur médecin ne pouvait rien
pour eux. Au cours du suivi, la tenue d’un agenda des crises et
des prises médicamenteuses est un outil précieux pour évaluer
l’observance. Il permet de repérer des situations classiques de
mauvaise utilisation des traitements de crise ; c’est le cas par
exemple des patients qui utilisent toujours en première intention
un traitement non spécifique, et ont besoin ensuite dans la majo-
rité des cas, en traitements de secours, d’un médicament spéci-
fique. Le patient peut comprendre alors aisément, lors de l’exa-
men de son agenda avec le praticien, qu’il a tout intérêt à utiliser
le traitement spécifique en première intention, ce qui lui per-
mettra de consommer moins de médicaments, et avec une
meilleure efficacité. L’agenda permettra aussi de repérer les abus
médicamenteux. Il faut systématiquement s’enquérir de la satis-
faction des patients vis-à-vis des traitements, qu’il s’agisse
de l’efficacité et de la tolérance, afin de pouvoir affiner au fil
des consultations les traitements qui répondront le mieux aux
souhaits de chacun, ce qui est le meilleur garant d’une bonne
observance. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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