L Vous avez dit “observance” ? Éditorial Did you say observance?

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Éditorial
Vous avez dit “observance” ?
Did you say observance?
André Grimaldi (Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris).
L
e manque d’observance des patients est, selon l’OMS, le principal
problème thérapeutique des maladies chroniques. Une étude
française récente le confirme ; elle a porté sur 170 000 patients
présentant l’une des six maladies chroniques suivantes : diabète de type
2, hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, hypercholestérolémie,
ostéoporose et asthme. Les auteurs, grâce à la collaboration de
6 400 pharmacies, ont comparé les médicaments prescrits et les
médicaments achetés en estimant que l’achat de plus de 80 % des
médicaments prescrits témoignait d’une bonne o
­ bservance (acheter
ne veut pas dire avaler…). Le résultat est consternant mais conforme
aux données de la littérature internationale : seuls 37 % des ­diabétiques
de type 2, 40 % des hypertendus, 44 % des h
­ ypercholestérolémiques,
36 % des insuffisants cardiaques et 52 % des ­ostéoporotiques étaient
observants. Quant aux asthmatiques, seuls 13 % achetaient plus de 80 %
du ­traitement de fond prescrit !
Pour avancer sur cette question, il faut d’abord lever le malentendu que
suscite le terme “observance” : s’agit-il d’une obéissance au prescripteur,
comme le militaire doit respecter le règlement et obéir à sa hiérarchie ou
comme le fidèle doit observer la règle religieuse et doit s’incliner devant son
église ? À l’évidence, non ! Pour parler d’observance, encore faut-il que le
patient ait compris la prescription médicale, qu’il ait donné son accord, que
les éventuels effets indésirables soient supportables, qu’il puisse si possible
éprouver les bénéfices du traitement ou, à défaut, les mesurer. Bref, que
d’une manière ou d’une autre, il ait participé à la décision, comme l’illustre
l’histoire suivante.
© La Lettre
du Neurologue
2014;XVIII(10):14.
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Une patiente diabétique insulinodépendante arrivée au stade de
­l’insuffisance rénale terminale avait bénéficié d’une greffe rein et ­pancréas.
Elle fait un rejet traité en urgence et se retrouve avec un rein fonctionnel
mais avec des glycémies oscillant autour des 2 g/l. Très avertie de sa
maladie, elle reprend donc contrôles et injections pluriquotidiens. Son
transplanteur n’étant pas de son avis et la trouvant “trop anxieuse”, il lui
prescrit un maximum de 3 contrôles par semaine et des injections d’insuline
uniquement si elle dépasse les 2 g. Je reçois cette patiente en c­ onsultation,
elle me tend son carnet de surveillance ne comportant que 3 mesures
­hebdomadaires et 1 seule injection. Puis, plongeant sa main dans son
sac : “Si vous voulez voir l’autre carnet”… Le deuxième carnet comportait
4 contrôles par jour et autant d’injections. Elle n’était donc pas “observante”,
mais elle avait raison. Il nous faut donc remplacer le concept d’observance
par celui “d’auto-observance”, supposant que la prescription a, en quelque
sorte, été partagée entre le médecin et le patient. Le malade sait, il sait faire
et il est d’accord pour faire… mais il ne fait pas ! Cette auto-inobservance
devient un véritable défi à la raison. Pourquoi ? Voilà la question à laquelle
l’EBM ne répond pas !
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Images en Dermatologie • Vol. IX • no 1 • janvier-février 2016
01/03/2016 17:01:58
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