L Vous avez dit “observance” ? You said “compliance”? ÉDITORIAL

La Lettre du Pharmacologue Vol. 29 - n° 1 - janvier-février-mars 2015 | 7
ÉDITORIAL
Vous avez dit “observance” ?
You said “compliance”?
Pr André Grimaldi
Service de diabétologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Le manque d’observance des patients est, selon l’OMS, le principal problème
thérapeutique des maladies chroniques. Une étude française récente
le confi rme ; elle a porté sur 170 000patients présentant l’une des six maladies
chroniques suivantes : diabète de type 2, hyper tension artérielle, insuffi sance cardiaque,
hypercholestérolémie, ostéo porose et asthme. Les auteurs, grâce à la collaboration
de 6 400pharmacies, ont comparé les médicaments prescrits et les médicaments
achetés en estimant que l’achat de plus de 80 % des médicaments prescrits témoignait
d’une bonne observance (acheter ne veut pas dire avaler…). Le résultat est consternant,
mais conforme aux données de la littérature internationale : seuls 37 % des diabétiques
de type2, 40 % des hypertendus, 44 % des hypercholestérolémiques, 36 %
des insuffi sants cardiaques et 52 % des ostéoporotiques étaient observants. Quant
aux asthmatiques, seuls 13 % achetaient plus de 80 % du traitement de fond prescrit !
Pour avancer sur cette question, il faut d’abord lever le malentendu que suscite
le terme “observance” : s’agit-il d’une obéissance au prescripteur, comme le militaire
doit respecter le règlement et obéir à sa hiérarchie ou comme le fi dèle doit observer
la règle religieuse et doit s’incliner devant son église ? À l’évidence, non ! Pour parler
d’observance, encore faut-il que le patient ait compris la prescription médicale, qu’il ait
donné son accord, que les éventuels eff ets indésirables soient supportables, qu’il puisse
si possible éprouver les bénéfi ces du traitement ou, à défaut, les mesurer. Bref, que,
d’une manière ou d’une autre, il ait participé à la décision, comme l’illustre l’histoire
qui suit.
Une patiente diabétique insulinodépendante arrivée au stade de l’insuffi sance rénale
terminale a bénéfi cié d’une greff e rein et pancréas. Elle fait un rejet, traité en urgence,
et se retrouve avec un rein fonctionnel, mais avec des glycémies oscillant autour
des 2g/l. Très avertie de sa maladie, elle reprend donc contrôles et injections
pluriquotidiens. Son transplanteur nétant pas de son avis et la trouvant
“trop anxieuse”, il lui prescrit un maximum de 3contrôles par semaine et des injections
d’insuline uniquement si elle dépasse les 2grammes. Je reçois cette patiente
en consultation : elle me tend son carnet de surveillance ne comportant que 3mesures
hebdomadaires et 1seule injection. Puis, plongeant sa main dans son sac, elle me dit :
“Si vous voulez voir l’autre carnet…” Le deuxième carnet comportait 4contrôles
par jour et autant d’injections. Elle nétait donc pas “observante”, mais elle avait raison.
Il nous faut donc remplacer le concept d’observance par celui “d’auto- observance”,
supposant que la prescription a, en quelque sorte, été partagée entre le médecin
et le patient. Le malade sait, il sait faire et il est d’accord pour faire… mais il ne fait pas !
Cette auto-inobservance devient un véritable défi à la raison. Pourquoi ?
Voilà la question que le médecin doit se poser et qu’il doit poser avec empathie
à “son” patient : “Alors que vous savez, pourquoi vous ne faites pas ?”
© La Lettre du Neurologue 2015;XIX(4)
(suppl.):5.
LPH 01 2015
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