PREVENIR LE RISQUE IATROGENE MEDICAMENTEUX CHEZ LE SUJET AGE L’iatrogénèse médicamenteuse se définit comme « toute réponse néfaste ou non recherchée à un médicament survenant à des doses utiles », et constitue un problème de santé publique, tout particulièrement d'actualité chez les personnes âgées. Les sujets âgés (de plus de 75 ans ou plus de 65 ans et poly pathologiques) sont particulièrement exposés au risque iatrogène médicamenteux, notamment en raison du nombre important de médicaments consommés (en 2001, les plus de 65 ans représentaient 16% de la population et consommaient 39% des médicaments prescrits en ville). Si la poly-médication est très souvent justifiée dans cette tranche d'âge, la vulnérabilité des plus de 65 ans aux effets indésirables des médicaments (EIM) est réelle. Les effets indésirables des médicaments. Les EIM sont 2 fois plus fréquents après 65 ans et sont responsables de 15 à 20% des hospitalisations dans cette population. La moitié de ces EIM serait évitable en respectant scrupuleusement les indications, en adaptant les posologies aux modifications pharmacologiques liées à l’âge, en assurant une surveillance appropriée, en évitant les interactions médicamenteuses, et en luttant contre l’automédication et la mauvaise observance... Ce constat est d'autant plus préoccupant que tous les experts s'accordent à dire que ces chiffres sont sousévalués. Les EIM peuvent prendre différents aspects: déshydratation, troubles de la vigilance ou du comportement, chute, troubles digestifs, accidents hémorragiques... et les médicaments en cause sont principalement les médicaments cardiovasculaires, les psychotropes (notamment les benzodiazépines), les anti-inflammatoires non stéroïdien, fortement consommés, ainsi que les anticoagulants. Hôpital à Domicile 35 – Espace Brocéliande – 35131 Chartres de Bretagne Tél : 02 99 41 14 33 – Fax : 02 99 77 46 88 – email : [email protected] Messagerie sécurisée : [email protected] - site internet : www.had35.fr Association Loi 1901 – SIRET : 450 741 640 00020 – Code APE : 8610Z 582685763 Les facteurs de risque. Lors du vieillissement, les facteurs de risques liés à l'âge apparaissent car l'organisme subit des modifications notables susceptibles d'avoir des conséquences sur l'action des médicaments. la fonction rénale diminue de façon importante et la posologie des médicaments à élimination rénale doit être adaptée la perte ostéo-musculaire et le gain adipeux perturbent les distributions masse grasse/masse maigre et les volumes de distribution sont modifiés, avec un risque d’accumulation et de rémanence des médicaments lipophiles la modification de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique peut entrainer une plus grande sensibilité des médicaments agissant au niveau du système nerveux central (notamment effet sédatif) Il faut aussi noter que, pour différentes raisons, les médicaments sont insuffisamment évalués auprès des patients âgés et on dispose donc de moins d'informations sur leurs effets au sein de cette population. Par ailleurs, le vieillissement peut avoir des conséquences sur l'action des médicaments; par exemple, la fragilité osseuse nécessite de surveiller particulièrement le risque d'hypotension orthostatique lié à certains médicaments (chutes, fractures). Ces modifications physiologiques coexistent le plus souvent avec de multiples pathologies et sont aggravés par des épisodes aigus intercurrents (déshydratation, décompensation cardiaque, maladies infectieuses...) Le vieillissement a également des conséquences susceptibles d'interférer avec l'administration des médicaments telles que les difficultés de communication, la baisse de l'audition et de l'acuité visuelle et les troubles de la déglutition... Les pathologies de la mémoire et les troubles de la compréhension expliquent aussi la moindre observance du traitement au sein de cette population. Ainsi, 60% des personnes âgées commettraient des erreurs de suivi de prescription. Et dans certains cas, quand il n'existe plus de possibilité de compensation aux phénomènes de perte de mémoire et de mauvaise observance, la seule solution devient alors la prise contrôlée par un tiers. Des facteurs de risques sociaux et environnementaux peuvent également influencer la prise en charge médicale et le suivi thérapeutique. En effet, l'isolement social ou géographique, la dépendance, les conditions climatiques extrêmes (canicule), le changement de mode de vie (déménagement, installation en maison de retraite) peuvent accroître le risque de survenue d'effets indésirables des médicaments, les traitements n'étant plus ou mal suivis. Enfin, plusieurs situations peuvent entraîner une mauvaise utilisation des médicaments notamment lors d'une automédication inappropriée, souvent dissimulée ou si l'information du patient et de son entourage a été insuffisante. C'est la prise ne compte de l'ensemble de ces facteurs de risque au moment de l'instauration, de la surveillance ou de la poursuite d'un traitement médicamenteux qui permettra de diminuer la survenue d'événements indésirables. Page 2 582685763 La poly-médication chez les plus de 65 ans, résultat d'un système qui « s'autoalimente » Plusieurs facteurs se conjuguent et contribuent à une consommation importante de médicaments au sein de cette population. Les médecins sont face à une population qu'ils considèrent à juste titre comme fragile et vulnérable et ils tendent donc à vouloir traiter chaque symptôme et hésitent à « déprescrire » un médicament introduit par un autre praticien, médicament pourtant parfois devenu inutile au cours des ans. Nombreux sont les patients âgés de plus de 65 ans qui ne savent pas toujours à quoi servent les médicaments qu'on leur a prescrit. Les patients et leur entourage, inquiets ou dépassés, tendent à encourager la prescription. Quels réflexes adopter pour limiter au mieux le risque ? Si le risque zéro n’existe pas, une partie des effets indésirables est évitable à condition d’adopter une démarche de prévention autour de trois principes clés : ⇒ Se poser des questions sur les médicaments prescrits à chaque ordonnance Aucun patient n’a un état de santé statique dans le temps, il n’existe donc pas de médicament à prendre à vie : le patient et son entourage doivent accepter les révisions de traitement. Par ailleurs, toute introduction de médicament nouveau doit conduire le médecin à rechercher si l’ensemble du traitement pris est toujours nécessaire et compatible avec le nouveau médicament. Ce questionnement doit s’attacher notamment à « traquer » la coexistence de médicaments redondants, phénomène d’autant plus fréquent que certains médicaments contiennent plusieurs principes actifs Etre particulièrement vigilant à l’égard de certains médicaments ayant d’autres actions que celles pour lesquelles on les utilise (par exemple, le métoclopramide, utilisé comme antinauséeux, contient un neuroleptique « caché » Adapter les modalités d’administration aux capacités de la personne âgée, que ce soit le rythme d’administration ou la galénique Evaluer les risques induits par des médicaments pris en automédication, qui peuvent s’ajouter à une prescription déjà importante (c’est le cas des laxatifs, des AINS) Afin d’optimiser ce réflexe nécessaire de questionnement et de dialogue, le rôle de conseil du médecin traitant prend ici toute sa dimension. Il peut être soutenu dans cette démarche grâce à la vigilance de tous les professionnels de santé et des patients eux-mêmes : il est important de sensibiliser les patients aux risques médicamenteux et souligner l’importance de la bonne observance et la nécessité de signaler aux médecins consultés tous les médicaments pris (y compris en automédication). ⇒ Hiérarchiser les traitements La prise en charge des personnes âgées impose de hiérarchiser les pathologies à traiter, en privilégiant celles qui comportent les risques les plus importants pour le patient ⇒Résister à la tentation de tout médicaliser Tous les inconforts liés au vieillissement ne doivent pas être systématiquement médiqués. C’est le cas notamment des changements de rythme du sommeil et des troubles de la mémoire. Pourtant, les psychotropes sont aujourd’hui largement consommés chez les plus de 70 ans (2 fois plus que dans la population générale). Cette consommation est un phénomène récent et préoccupant : la prise de ces médicaments est responsable de nombreuses chutes et de troubles de la vigilance et du comportement. Page 3 582685763 Un engagement collectif Prévenir le risque d'effets indésirables des médicaments chez les personnes âgées constitue le modèle même d'une démarche éthique associant l'ensemble des parties prenantes. Elle fait converger les intérêts humains, médico-scientifiques et économiques. Elle suppose la mobilisation de tous, professionnels de santé, médecins, pharmaciens ou soignants, mais aussi des malades, de leur entourage, pour obtenir des progrès significatifs. La prévention de la iatrogénie médicamenteuse, en particulier chez le sujet âgé, est une priorité à l’HAD35, soyons vigilants ! Page 4