C O N G R È S Les 5es rencontres d’oncologie des Baux-de-Provence 4 et 5 octobre 2002 ● A. Ponzio-Prion* es journées annuelles organisées par les docteurs L. Aimard, P. Dalivoust et C. Bressac, sous l’égide de la FFOM, de la FNCHG et de l’alliance francomarocaine ont été cette année, une nouvelle fois, à la hauteur des attentes des participants. Cette réunion nous a permis de faire un tour d’horizon des actualités oncologiques innovantes et des mises au point sur les prises en charge du cancer de l’ovaire, du sein et du pancréas. C L’EGF-R est surexprimé dans diverses localisations tumorales : cancer ORL, CBNPC, cancers digestifs, cancer du sein, de l’ovaire, cancers urologiques et gliome. Sa surexpression est proportionnellement corrélée avec la survie sans récidive et la survie globale. Bloquer l’expression de ces récepteurs peut donc paraître constituer une approche thérapeutique. On peut alors agir sur la partie extramembranaire ou sur les voies d’activation intracellulaires. De nombreux agents ciblant l’EGF-R sont en cours de développement à des stades plus ou moins avancés. D’autres agents, anticorps monoclonaux, ciblent spécifiquement la famille HER comme Herceptin® et le C225. Le Cetuximab®, administré par voie i.v., en association à l’irinotécan dans le cancer colorectal, a montré des résultats encourageants chez les patients réfractaires au CPT11. De même, des données ont été rapportées en association au platine dans le cancer ORL réfractaire aux sels de platine. La toxicité de cet agent est dominée par des réactions allergiques. Laurent Cals avait la délicate mission de présenter la nouvelle cible thérapeutique que représente l’EGF-R et ses applications fondamentales et cliniques. La connaissance précise des sites de liaison permet la fabrication d’agonistes et d’antagonistes spécifiques synthétiques. Les récepteurs sont des glycoprotéines transmembranaires, avec un domaine extracellulaire se liant au facteur de croissance et un domaine intracellulaire d’action, contenant une tyrosine kinase. La liaison avec le ligand entraîne la formation de dimères ou d’oligomères du récepteur qui stimulent le domaine tyrosine kinase. Une cascade d’activations par phosphoryDomaine extra-cellulaire lation aboutit à la transmission d’un signal au noyau par les protéines Mitosis ActivaMembrane cellulaire ting Proteine kinases (MAPk), qui activent les facteurs de transcription de l’ADN Domaine intracellulaire (c-myc et c-jun). Les récepteurs semblent assez spécifiques de leurs facteurs de croissance, mais les voies de transmission peuvent converger vers un effecteur unique. Il semble exister des mécaCytoplasme nismes d’amplification du signal ou de rétroRadiation contrôle, mais également des interférences ou agents entre les messages (figure 1). de chimiothérapie La surexpression de l’EGF-R contribue à l’expression d’une tumeur de mauvais pronostic, découverte à un stade avancé, chiEffets de la croissance mio-ou hormonorésistante et avec une surprolifération, vie réduite. différenciation * Institut Gustave-Roussy, Villejuif. EGF-R TGF-α Tyrosine kinase P P P Ras SOS Grb2 Raf-1 MEK P Autre enzyme ou adaptateur MAPk Activation du gène, progression du cycle cellulaire Noyau G2 S M ADN endommagé et réparé Arrêt de la croissance ou apoptose G1 Effets de l’angiogenèse mobilisation des vaisseaux sanguins, envahissement, métastases Figure 1. Biologie du récepteur EGF (d’après Harari et al., Clin Cancer Res 2000). La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003 13 C O N G Pour Iressa®, administré par voie orale, des phases III d’association avec la chimiothérapie sont déjà rapportées, notamment dans le cancer de la prostate et le CBNPC. Les résultats sont décevants, mais il a été démontré par ailleurs qu’il pouvait annuler les résistances à l’irinotécan, qu’il était efficace sur les tumeurs cérébrales en monothérapie ou en association au témozolomide et qu’il était susceptible d’amplifier la réponse à l’Herceptin®. D’autres anti-EGF-R sont en cours de développement. Les premiers essais démontrent que les méthodes classiques d’évaluation ne sont pas adaptées. Notamment, la détermination de la MTD n’est sans doute pas adaptée à ces molécules peu toxiques. Les traitements pourraient être prolongés et de nouveaux schémas d’études ainsi que de nouveaux critères devraient être validés pour ne pas risquer de sous-évaluer certaines molécules. R È S Les applications thérapeutiques présentées par Jean-François Morère sont attractives puisque, actuellement, plus de 70 agents sont en cours de développement, dont certains en phase III. Elles représentent effectivement un champ d’application prometteur, comportant une interaction possible avec les traitements standard, une toxicité limitée, une moindre résistance au traitement. Les inhibiteurs de l’angiogenèse sont multiples et peuvent être : la chimiothérapie à effet anti-angiogénique (certains agents sont potentiellement anti-angiogéniques à faibles doses en induisant l’apoptose des cellules endothéliales), les inhibiteurs de la tyrosine kinase (par le biais de l’inhibition de l’EGF-R), les métalloprotéinases (impliquées dans la néovascularisation, la migration cellulaire, le processus métastatique), les intégrines, le thalidomide, les agents anti-VEGF, les inhibiteurs endogènes de l’angiogenèse (comme les interférons α, β et γ, l’endostatine et l’angiostatine). L’anti-VEGF Avastin® a démontré en phase III un avantage en survie sans progression dans le cancer du rein métastatique (1). Dans l’ensemble, ces agents ont une toxicité commune liée à leur mécanisme d’action : les troubles thromboemboliques. À l’exception de certaines de ces nouvelles voies thérapeutiques, les résultats sont souvent décevants, avec l’échec à démontrer un allongement de la survie. L’intérêt de ces agents devrait vraisemblablement être testé plus en amont de la maladie. Frédérique Pennault-Llorca a exposé les aspects fondamentaux des nouvelles voies de ciblage représentées par l’angiogenèse tumorale, processus pathologique nécessaire à la croissance tumorale et à son maintien. Le mécanisme de croissance tumorale passe par une rupture de l’équilibre en faveur des facteurs angiogéniques ; on comprend donc que l’activité des agents anti-angiogéniques doit se positionner très tôt dans le processus tumoral. Il existe de nombreux facteurs angiogéniques et antiangiogéniques mis en évidence à ce jour qui représentent autant de Pour poursuivre avec les nouvelles voies thérapeutiques, Philippe cibles potentielles : le VEGF, le FGF, le TGF et le COX-2. Ils Colin a fait part de l’état d’avancement des essais Alimta®, le nousont synthétisés par les fibroblastes ou macrophages et sont resvel multi target antifolate. On peut rappeler que cet agent a ponsables du phénotype angiogénique des tumeurs. Le rôle démontré une activité très encourageante sur le mésothéliome en potentiel des agents anti-angiogéniques serait de priver les association aux sels de platine, avec un bénéfice significatif en tumeurs de leur support sanguin, de prévenir la diffusion métasurvie sans progression et en survie globale par rapport au cisstatique vasculaire et de prévenir des lésions prénéoplasiques. platine seul (2). De même, une amélioration des symptômes et Les cibles de l’inhibition de l’angiogenèse sont situées aux difde la qualité de vie a été remarquable. D’autres tumeurs, comme férents niveaux du processus : la membrane basale (cible des le cancer du sein et le CBNPC, sont en cours d’exploration. La métalloprotéinases), les cellules endothéliales elles-mêmes, les supplémentation en acide folinique et en vitamine B12 diminue activateurs ou récepteurs de l’angiogenèse, le processus d’adhéla toxicité sans altérer l’efficacité. sion des cellules endothéliales par la voie des intégrines, le processus de maturation vasculaire par l’angiopoïétine, etc. (figure 2). D’autres cibles potentielles peuvent inhiber Cellule tumorale l’angiogenèse plus en amont encore depuis l’hypoxie. Cependant, dans une perspective thérapeutique, nous manquons de marqueur Liaison de VEGF au récepteur permettant de choisir un type de traitement. La 1 densité des microvaisseaux (MVD) pourrait Dégradation 2 être un bon marqueur pronostique. Toutefois, de la membrane celui-ci varie selon les types tumoraux, n’est par les MMPP Activation du récepteur pas toujours corrélé avec l’activité angio3 génique de la tumeur et ne prédit pas la réponse au traitement. On peut aussi mesurer l’état de maturation des vaisseaux et des difTransduction férentes cibles moléculaires. Une des cibles 4 du signal majeures est représentée par le système Migration cellulaire VEGF-VEGF-R. En effet, le VEGF-R joue un contrôlée par les intégrines αvβ3 Cellule endothéliale rôle-clé dans l’angiogenèse et paraît donc être une voie de blocage-clé dans les thérapeuFigure 2. Les cibles pour l’inhibition de l’angiogenèse. tiques anti-angiogéniques. 14 La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003 Les nouvelles formulations de la doxorubicine, les formes liposomales présentées par Sophie Piperno-Neumann, font également l’actualité. Leur intérêt principal réside dans la diminution de la cardiotoxicité de la drogue en empêchant le pic plasmatique de la molécule active et en diminuant la diffusion tissulaire dans les tissus sains, notamment le myocarde. Les toxicités limitantes sont différentes pour les deux formes disponibles : la toxicité est surtout hématologique pour Myocet® alors que Caelyx® est responsable de syndromes mains-pieds. Dans l’ensemble des phases III menées avec ces agents, l’efficacité a été équivalente à la doxorubicine, avec une moindre toxicité cardiaque. Les études d’association avec les agents efficaces dans le cancer du sein, comme les taxanes, ont retrouvé une efficacité similaire à celle obtenue avec la molécule mère. Bien sûr, l’association potentielle avec Herceptin® a tout son intérêt car elle permettrait d’obtenir la synergie d’efficacité démontrée en préclinique et en clinique, tout en réduisant la cardiotoxicité rédhibitoire que l’on connaît. Dans le cadre des nouvelles formulations, Joseph Gligorov nous a fait part de son expérience des chimiothérapies par voie orale. Celles-ci correspondent en général à une nouvelle forme galénique de produits anciens. Historiquement, nous connaissons l’intérêt du cyclophosphamide oral avec une efficacité supérieure du CMF oral par rapport au même protocole administré par voie intraveineuse. Pour la vinorelbine récemment disponible, l’équivalence dose/ efficacité par rapport à la formulation i.v. a été démontrée : 80 mg de vinorelbine orale correspondent à 30 mg dans sa formulation classique. Les données de survie sans récidive et de survie globale, de même que le profil de tolérance sont comparables. Mais, il semble difficile d’administrer la Navelbine® orale lors de l’association au cisplatine. De même, le 5-fluoro-uracile a fait l’objet de recherches de nouvelles voies d’administration et UFT® a montré un intérêt certain dans le cadre du cancer colorectal. Des essais en cours d’une association à l’irinotécan sont prometteurs. En revanche, son activité dans le cancer du sein prétraité semble limitée. La capécitabine, développée dans un premier temps dans le cancer colorectal métastatique, a récemment obtenu une extension d’indication dans le cancer du sein en échec aux anthracyclines et aux taxanes en monothérapie et en association au docétaxel en situation d’échec aux anthracyclines. En effet, cette association est apparue très prometteuse par rapport au docétaxel en monothérapie, tant en termes de réponse objective que de survie sans récidive et de survie globale (3). Le syndrome mains-pieds, effet secondaire à la capécitabine, en limite l’utilisation. Dominique Maraninchi, dans un brillant exposé, nous a présenté une des nouvelles voies de recherche que représentent les puces à ADN : de la méthodologie à leur intérêt potentiel en thérapeutique. Elles permettent de modifier l’échelle de caractérisation d’une tumeur puisque l’on peut considérer maintenant le génome, de même que l’étude anatomopathologique s’apparente plus à de la biopathologie. On pourra mieux caractériser La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003 et classer les tumeurs et ainsi permettre une meilleure appréhension du pronostic et choisir un traitement à la carte. En effet, grâce au grand nombre de gènes présents sur la puce (plus de 20 000 gènes sur une surface équivalente à un timbre poste !), on peut les classer en fonction de leur intensité d’expression, formant ainsi des clusters. Ce n’est pas encore d’actualité en pratique quotidienne et la technique est confrontée à de nombreuses difficultés. Une autre application est celle du drug discovery. Une session a été entièrement dédiée à la prise en charge du cancer de l’ovaire et Laure Chauvenet y a présenté l’intérêt des nouvelles molécules en première intention. Les différentes études randomisées ont conclu au rôle du Taxol®, dont l’introduction a permis de faire passer la médiane de survie du cancer de l’ovaire avancé de 24 à 36 mois. L’association simultanée au platine est préférable à l’administration séquentielle des deux agents : elle permet un traitement plus efficace plus rapidement, moins toxique et moins long pour la patiente. De même, le choix du carboplatine est légitime de par son efficacité équivalente au cisplatine et sa moindre toxicité neurologique, laissant présager ainsi d’une meilleure qualité de vie. L’association Taxol®-carboplatine représente donc le standard en première ligne. Les résultats définitifs de l’essai SCOTROC comparant cette association à celle de Taxotere®-carboplatine ont récemment fait l’objet d’une présentation à l’ASCO 2002 (4). Il s’avère que l’efficacité est équivalente avec des profils de tolérance différents. Peut-on optimiser ce traitement ? Diverses pistes ont été testées, dont la chimiothérapie d’entretien : Markman a présenté à l’ASCO 2002 un essai de phase III randomisant une chimiothérapie d’entretien par Taxol® 3 cycles versus 12 cycles. La survie sans récidive a été telle que l’essai a été interrompu prématurément, cependant il faudra savoir considérer l’avis de la patiente avant de prescrire cette chimiothérapie prolongée. La voie intrapéritonéale, qui semble offrir un gain de survie, est cependant limitée par sa toxicité et la complexité de sa pratique. Faut-il introduire un nouvel agent efficace ? L’apport de l’épirubicine n’a pas démontré d’avantage en survie. Des essais en cours (AGO-GINECO) étudient l’apport du topotécan séquentiel ou de la gemcitabine concomitante. Enfin, des facteurs prédictifs de la tolérance à la chimiothérapie sont en cours d’exploration, notamment chez la femme âgée (GINECO). Le cancer de l’ovaire est-il à considérer comme une maladie chronique ? Hervé Curé nous a fait part des discussions récentes qui s’étaient tenues sous sa présidence lors du Second european symposium on ovarian cancer en septembre dernier. Soixante dix pour cent des femmes rechutent, et l’intervalle libre est un véritable facteur pronostique et prédictif de la réponse au traitement. Les autres facteurs influençant la prise en charge de la rechute sont représentés par la nature symptomatique ou non de la récidive, l’élévation isolée du CA 125, le volume tumoral et la toxicité éventuelle de la chimiothérapie antérieure. Diverses voies ont été explorées pour retarder cette rechute : l’intensification, la 15 C O N maintenance et l’approche bio-immunologique via les cytokines, la thérapie cellulaire, les anticorps et les vaccins, etc. La chirurgie des rechutes est controversée et ne devrait être proposée qu’en cas de chimiothérapie adjuvante efficace ou en cas de rechute tardive sans ascite. En revanche, elle est indiquée, comme la radiothérapie, avec une visée palliative. La chimiothérapie prescrite devant un CA 125 élevé sans signe clinique n’entraîne pas forcément un bénéfice pour la patiente, car l’intervalle libre suivant sera, probablement plus court et la tumeur peut devenir résistante à la chimiothérapie. On préférera l’utilisation du tamoxifène seul. Il est même proposé de ne pas doser le marqueur. Ozols a suggéré un arbre décisionnel en fonction du délai de rechute et de la présence ou non de signes cliniques (figure 3). Il était intéressant de comparer ces recommandations avec la prise en charge habituelle en France. Une enquête française récente initiée chez 25 médecins a observé les pratiques en cas de rechute : elle révèle que les patientes en récidive reçoivent une poly-chimiothérapie dans 70 % des cas et, dans 40 % des cas, en 3e ligne. En conclusion, compte tenu des progrès obtenus par les nouvelles molécules lors des dix dernières années, le cancer de l’ovaire peut être considéré comme une maladie chronique puisque la survie globale est passée de 12 à 36 mois. Les avancées futures repousserontelles cette limite ? G R S Traitement d’un cancer de l’ovaire en rechute Rechute isolée du marqueur Rechute clinique Tamoxifène < 6 mois DFI ou résistant > 6 mois DFI Carboplatine, paclitaxel (hebdomadaire) monothérapie vs association Topotécan, doxil, VP-16 voie orale, gemcitabine, docétaxel, paclitaxel hebdomadaire, navelbine Résistant Ozols, Clermont-Ferrand, 2002. Figure 3. Traitement d’un cancer de l’ovaire en rechute. Tableau I. Efficacité des différents agents en deuxième ligne. Agent RO (%) Résistant (%) Oxaliplatine 33 29 Chollet Ifosfamide 19 12 Thigpen, Markman Docétaxel 24-35 24 Aapro, Piccart 34 27 Rose, Ozols Étoposide oral Références Épirubicine 37 18 Vermorken Topotécan 14-23 14 Swisher, Creemers H-M-Mélamine 14-20 0-4 Tenbokkel, Kudellka, Moore, Vergote Gemcitabine Adriamycine liposomale Irinotécan Vinorelbine Dans le cadre de la chimiothérapie de 2e ligne, Jean-Paul Guastalla a étudié l’apport des nouvelles molécules. On en distingue certaines qui ont obtenu des taux de réponses intéressants ; cependant, comment les utiliser (tableau I) ? Nous devons distinguer les récidives précoces (< 6 mois), déterminant les tumeurs qui résistent au platine, des récidives tardives (> 6 mois) dans le cas de tumeurs sensibles au platine. Dans le premier cas, il apparaît qu’une mono-chimiothérapie est aussi efficace et moins toxique qu’une poly-chimiothérapie et Taxol® administré en hebdomadaire offre l’avantage d’une certaine efficacité associée à une bonne tolérance. Dans le cas d’une rechute tardive, l’intérêt de l’association CAP a été démontré versus Taxol® seul. De même, les associations carboplatine + Caelyx® et oxaliplatine-gemcitabine (GINECO) se sont avérées efficaces. Cependant, il n’est pas encore établi avec certitude que la polychimiothérapie entraîne un bénéfice supérieur à une monochimiothérapie, voire aux soins palliatifs dans cette situation. La chimiothérapie peut, en effet, s’avérer délétère chez les patientes non répondeuses. 16 È 19 – Lund 20-26 – Muggia 26 – Tagushi 16-20 – George, Bajetta La session cancer du sein a permis à Jean-Yves Bobin de nous apporter son avis sur l’intérêt clinique du ganglion sentinelle. La technique est toujours en évaluation depuis 1994 et des questions demeurent encore ouvertes. En outre, il manque un consensus sur la technique elle-même, sur l’intérêt du curage axillaire et du traitement adjuvant pour les tumeurs de moins de 10 mm en cas de ganglion sentinelle positif. Le risque de faux négatif n’étant pas négligeable, quel est le risque de ne pas instaurer de traitement adjuvant ? Quelle est la valeur pronostique des micrométastases détectées en immuno-histochimie ? Autant de questions qui prouvent la nécessité d’évaluer et de valider la biopsie du ganglion sentinelle par des essais contrôlés. Ceux-ci devraient nous permettre d’évaluer l’impact sur la survie et la survie sans récidive, par rapport au curage axillaire, et la morbidité de la technique. La recommandation, hors essai, est pour l’instant de réserver la technique aux centres experts et de pratiquer un curage axillaire systématique en cas de positivité. La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003 “Y a t-il une place pour les anthracyclines en chimiothérapie adjuvante ?” ou le bénéfice attendu n’est-il pas dans certains cas inférieur au risque de complications ? tels sont les questions provocatrices posées par Marc Spielmann. Pour les femmes de moins de 50 ans, une réduction de la mortalité est observée dans un quart des cas, mais elle est plus faible pour les femmes plus âgées. Les risques de cardiotoxicité et de leucémies secondaires induites par les anthracyclines sont réels mais relativement faibles si l’on respecte certaines précautions d’utilisation, notamment chez les femmes âgées et celles ayant des antécédents de cardiopathie et d’irradiation médiastinale. Les leucémies seraient surtout fréquentes lors de fortes doses de cyclophosphamide et de radiothérapie. Il est donc préférable de s’adapter et de proposer “un traitement à la carte”, notamment pour les femmes âgées. Les alternatives pourraient être les taxanes selon un schéma séquentiel et Herceptin® pour les patientes HER2+ qui sera alors administré sans anthracyclines ou à distance de celles-ci, compte tenu des événements cardiaques rapportés lors de l’association de ces deux agents. Il paraît important de discuter avec la patiente et la décision devrait être consensuelle. En tout état de cause, les anthracyclines demeurent le traitement de référence chez les patientes jeunes et HER2–. Moïse Namer a fait un point sur les acquis en termes de chimiothérapie néoadjuvante. S’il est établi qu’une chimiothérapie est indiquée pour les tumeurs de plus de 3 cm ou qui sont multifocales, le protocole optimal n’est pas encore déterminé : les associations sont elles supérieures à la monothérapie. Les anthracyclines sont elles obligatoires ? L’intérêt des taxanes a été établi mais quel est leur schéma d’administration préférentiel? Le GETNA a démarré deux essais : – GETNA1 : pour les T > 2 cm, HER2+, après un traitement néoadjuvant par Taxotere®-carboplatine-Herceptin®, les patientes reçoivent en adjuvant soit Herceptin® pendant un an en cas de réponse objective, soit un nouveau protocole à base de Navelbine® et d’anthracyclines ; – GETNA2 : chez les femmes de plus de 60 ans, avec des récepteurs hormonaux positifs, on propose un traitement par létrozole seul ou en association au docétaxel. En adjuvant, le relais sera pris par du tamoxifène en cas de réponse objective, le traitement sera libre en l’absence de réponse. Les nouvelles approches thérapeutiques dans le cancer du sein abordées par Joseph Gligorov sont notables en phase adjuvante, ainsi qu’en témoignent les résultats récemment publiés de l’essai comparant l’association TAC au FAC (5). La survie sans récidive et la survie globale étaient augmentées dans le bras docétaxel, sauf pour les N+ > 4, quel que soit le statut des récepteurs hormonaux et HER2. En ce qui concerne l’hormonothérapie, l’essai ATAC (6) a révélé un avantage significatif en termes de survie sans maladie pour l’anastrozole seul comparé au tamoxifène ou à l’association des deux molécules. De nouvelles drogues sont potentiellement intéressantes comme Iressa®, Faslodex®, Xeloda®, UFT®, le CPT11, les nanoparticules de Taxol®, l’épothilone, Avastin®, etc. La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 1 - janvier-février 2003 Dans la prise en charge du cancer du pancréas, des progrès apparaissent également. Les options représentées par les associations radio-chimiothérapies en phases néoadjuvante et adjuvante pour les cancers opérables ont été présentées par Roland Bugat. Un avantage en survie peut ainsi être observé. L’irradiation plus efficace sur des cellules bien oxygénées, la prévention de l’envahissement péritonéal, la meilleure indication de la laparotomie en cas de maladie disséminée lors du restaging représentent les avantages en faveur de cette stratégie en phase néoadjuvante par rapport à son indication en adjuvant (7). En revanche, la preuve du bénéfice de la chimioradiothérapie concomitante en phase palliative n’a pu être apportée. Quant à la chimiothérapie des stades localement avancés, on se doit de distinguer la prise en charge avant et après l’arrivée du Gemzar®, comme nous l’a rappelé Marc Ychou. En effet, cette nouvelle drogue a permis véritablement d’améliorer le bénéfice clinique, plutôt qu’un gain en survie. Son efficacité peut éventuellement être optimisée par une modification de son schéma (2 200 mg tous les 15 jours) ou l’association à d’autres drogues. Gemzar® a donc modifié le regard des oncologues et de l’industrie pharmaceutique sur le cancer du pancréas si on en juge par le nombre croissant de patients sous chimiothérapie et celui des essais en cours. D’autres voies pourraient venir compléter l’arsenal thérapeutique du cancer du pancréas et le C225 pourrait en faire partie. En effet, la surexpression de l’EGF-R est retrouvée dans 30 à 50 % des cancers du pancréas. De même, les inhibiteurs de la farnésyl-transférase représentent un nouvel espoir.■ Ces rencontres d’oncologie des Baux-de-Provence ont été, cette fois encore, l’occasion d’exposés passionnants et de riches échanges qui ont permis à l’auditoire de mieux se familiariser avec ces nouvelles voies de recherche représentées par les thérapies ciblées. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Yang et al. A randomized double-blind placebo-controlled trial of bevacizumab (anti-VEGF antibody) demonstrating a prolongation in time to progression in patients with metastatic renal cancer. Proc ASCO 2002 : abstr. 15. 2. Vogelzang et al. Phase III single-blinded study of pemetrexed + cisplatin vs cisplatin alone in chemonaive patients with malignant pleural mesothelioma. Proc ASCO 2002 : abstr. 5. 3. O’Shaughnessy et al. Superior survival with capecitabine plus docetaxel combination therapy in anthracycline-pretreated patients with advanced breast cancer : phase III trial results. J Clin Oncol 2002 ; 20 (12) : 2812-23. 4. Vasey et al. Survival and longer-term toxicity results of the SCOTROC study : docetaxel-carboplatin (DC) vs paclitaxel-carboplatin (PC) in epithelial ovarian cancer (EOC). Proc ASCO 2002 ; abstr. 804. 5. Nabholtz JM et al. Phase III trial comparing TAC (docetaxel, doxorubicin, cyclophosphamide) with FAC (5-fluorouracil, doxorubicin, cyclophosphamide) in the adjuvant treatment of node positive breast cancer (BC) patients : interim analysis of the BCIRG 001 study. Proc ASCO 2002 ; abstr. 141. 6. Anonyme. Anastrozole alone or in combination with tamoxifen versus tamoxifen alone for adjuvant treatment of postmenopausal women with early breast cancer : first results of the ATAC randomised trial. Lancet 2002 ; 359 (9324) : 2131-9. 7. Spitz et al. Preoperative and postoperative chemoradiation strategies in patients treated with pancreaticoduodenectomy for adenocarcinoma of the pancreas. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 928-37. 17