“Y a t-il une place pour les anthracyclines en chimiothérapie
adjuvante ?” ou le bénéfice attendu n’est-il pas dans certains cas
inférieur au risque de complications ? tels sont les questions pro-
vocatrices posées par Marc Spielmann. Pour les femmes de
moins de 50 ans, une réduction de la mortalité est observée dans
un quart des cas, mais elle est plus faible pour les femmes plus
âgées. Les risques de cardiotoxicité et de leucémies secondaires
induites par les anthracyclines sont réels mais relativement faibles
si l’on respecte certaines précautions d’utilisation, notamment
chez les femmes âgées et celles ayant des antécédents de car-
diopathie et d’irradiation médiastinale. Les leucémies seraient
surtout fréquentes lors de fortes doses de cyclophosphamide et
de radiothérapie. Il est donc préférable de s’adapter et de propo-
ser “un traitement à la carte”, notamment pour les femmes âgées.
Les alternatives pourraient être les taxanes selon un schéma
séquentiel et Herceptin®pour les patientes HER2+ qui sera alors
administré sans anthracyclines ou à distance de celles-ci, compte
tenu des événements cardiaques rapportés lors de l’association
de ces deux agents.
Il paraît important de discuter avec la patiente et la décision
devrait être consensuelle. En tout état de cause, les anthracy-
clines demeurent le traitement de référence chez les patientes
jeunes et HER2–.
Moïse Namer a fait un point sur les acquis en termes de
chimiothérapie néoadjuvante. S’il est établi qu’une chimiothéra-
pie est indiquée pour les tumeurs de plus de 3 cm ou qui sont mul-
tifocales, le protocole optimal n’est pas encore déterminé : les
associations sont elles supérieures à la monothérapie. Les anthra-
cyclines sont elles obligatoires ? L’intérêt des taxanes a été éta-
bli mais quel est leur schéma d’administration préférentiel? Le
GETNA a démarré deux essais :
–GETNA1 : pour les T > 2 cm, HER2+, après un traitement
néoadjuvant par Taxotere®-carboplatine-Herceptin®, les pa-
tientes reçoivent en adjuvant soit Herceptin®pendant un an en
cas de réponse objective, soit un nouveau protocole à base de
Navelbine®et d’anthracyclines ;
–GETNA2 : chez les femmes de plus de 60 ans, avec des récep-
teurs hormonaux positifs, on propose un traitement par létrozole
seul ou en association au docétaxel. En adjuvant, le relais sera
pris par du tamoxifène en cas de réponse objective, le traitement
sera libre en l’absence de réponse.
Les nouvelles approches thérapeutiques dans le cancer du sein
abordées par Joseph Gligorov sont notables en phase adjuvante,
ainsi qu’en témoignent les résultats récemment publiés de l’essai
comparant l’association TAC au FAC (5). La survie sans réci-
dive et la survie globale étaient augmentées dans le bras docé-
taxel, sauf pour les N+ > 4, quel que soit le statut des récepteurs
hormonaux et HER2. En ce qui concerne l’hormonothérapie,
l’essai ATAC (6) a révélé un avantage significatif en termes de
survie sans maladie pour l’anastrozole seul comparé au tamoxi-
fène ou à l’association des deux molécules. De nouvelles drogues
sont potentiellement intéressantes comme Iressa®, Faslodex®,
Xeloda®, UFT®, le CPT11, les nanoparticules de Taxol®, l’épo-
thilone, Avastin®, etc.
Dans la prise en charge du cancer du pancréas, des progrès appa-
raissent également. Les options représentées par les associations
radio-chimiothérapies en phases néoadjuvante et adjuvante pour
les cancers opérables ont été présentées par Roland Bugat. Un
avantage en survie peut ainsi être observé. L’irradiation plus effi-
cace sur des cellules bien oxygénées, la prévention de l’enva-
hissement péritonéal, la meilleure indication de la laparotomie
en cas de maladie disséminée lors du restaging représentent les
avantages en faveur de cette stratégie en phase néoadjuvante par
rapport à son indication en adjuvant (7). En revanche, la preuve
du bénéfice de la chimioradiothérapie concomitante en phase
palliative n’a pu être apportée.
Quant à la chimiothérapie des stades localement avancés, on se
doit de distinguer la prise en charge avant et après l’arrivée du
Gemzar®, comme nous l’a rappelé Marc Ychou. En effet, cette
nouvelle drogue a permis véritablement d’améliorer le bénéfice
clinique, plutôt qu’un gain en survie. Son efficacité peut éven-
tuellement être optimisée par une modification de son schéma
(2 200 mg tous les 15 jours) ou l’association à d’autres drogues.
Gemzar®a donc modifié le regard des oncologues et de l’indus-
trie pharmaceutique sur le cancer du pancréas si on en juge par
le nombre croissant de patients sous chimiothérapie et celui des
essais en cours. D’autres voies pourraient venir compléter l’arse-
nal thérapeutique du cancer du pancréas et le C225 pourrait en
faire partie. En effet, la surexpression de l’EGF-R est retrouvée
dans 30 à 50 % des cancers du pancréas. De même, les inhibi-
teurs de la farnésyl-transférase représentent un nouvel espoir.
■
Ces rencontres d’oncologie des Baux-de-Provence ont été, cette
fois encore, l’occasion d’exposés passionnants et de riches
échanges qui ont permis à l’auditoire de mieux se familiariser
avec ces nouvelles voies de recherche représentées par les thé-
rapies ciblées.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Yang et al. A randomized double-blind placebo-controlled trial of bevacizu-
mab (anti-VEGF antibody) demonstrating a prolongation in time to progres-
sion in patients with metastatic renal cancer. Proc ASCO 2002 : abstr. 15.
2. Vogelzang et al. Phase III single-blinded study of pemetrexed + cisplatin vs
cisplatin alone in chemonaive patients with malignant pleural mesothelioma.
Proc ASCO 2002 : abstr. 5.
3. O’Shaughnessy et al. Superior survival with capecitabine plus docetaxel
combination therapy in anthracycline-pretreated patients with advanced
breast cancer : phase III trial results. J Clin Oncol 2002 ; 20 (12) : 2812-23.
4. Vasey et al. Survival and longer-term toxicity results of the SCOTROC
study : docetaxel-carboplatin (DC) vs paclitaxel-carboplatin (PC) in epithelial
ovarian cancer (EOC). Proc ASCO 2002 ; abstr. 804.
5. Nabholtz JM et al. Phase III trial comparing TAC (docetaxel, doxorubicin,
cyclophosphamide) with FAC (5-fluorouracil, doxorubicin, cyclophosphamide)
in the adjuvant treatment of node positive breast cancer (BC) patients : interim
analysis of the BCIRG 001 study. Proc ASCO 2002 ; abstr. 141.
6. Anonyme. Anastrozole alone or in combination with tamoxifen versus
tamoxifen alone for adjuvant treatment of postmenopausal women with early
breast cancer : first results of the ATAC randomised trial. Lancet 2002 ; 359
(9324) : 2131-9.
7. Spitz et al. Preoperative and postoperative chemoradiation strategies in
patients treated with pancreaticoduodenectomy for adenocarcinoma of the
pancreas. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 928-37.
17
La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no1 - janvier-février 2003