M “ Relations ville-hôpital en rhumatologie : faut-il parler de réseaux ?

algré les profondes mutations en cours, qui
engagent à évoluer vers des pratiques médi-
cales coopératives, le monde de l’hôpital et
celui de la médecine de ville coexistent davantage qu’ils ne
travaillent véritablement ensemble”, constate François de
Paillerets dans un rapport remis à la ministre de l’Emploi
et de la Solidarité, Martine Aubry, en novembre 1998.
En septembre 1996 (plan Juppé), des dispositions législa-
tives avaient permis la mise en place “des réseaux expéri-
mentaux” permettant la prise en charge des pathologies
lourdes ou chroniques. Les réseaux ville-hôpital, s’ils ne
sont pas les seuls prévus par les textes, sont des exemples
de tels réseaux. Ils permettent de coordonner les soins entre
la médecine de ville et l’hôpital.
Quatre ans plus tard, les choses ont-elles bougé ? Les rela-
tions entre l’hôpital et la ville, notamment dans le domaine
de la rhumatologie, se sont-elles structurées ? Peut-on par-
ler de réseaux en rhumatologie ? Et pourtant il est – et il
sera sans doute – de plus en plus difficile de travailler de
manière indépendante face aux pressions multiples des pou-
voirs publics et des organismes officiels. Cela explique
l’idée d’une modification de l’organisation des soins.
Réseau ? Pratique en réseau ? Que signifient ces termes
dans le monde de la santé ? Pas de définition claire, mais
plutôt de la confusion dans l’esprit du médecin ! Faire cir-
culer l’information entre un certain nombre de personnes,
la transmettre en élaborant des outils pertinents pour la véhi-
culer et réfléchir aux buts de sa transmission : cette orga-
nisation doit se faire autour du patient, qui est le pivot du
système.
En rhumatologie, des relations structurées entre la ville et
l’hôpital pour la prise en charge de pathologies lourdes telles
que la polyarthrite rhumatoïde doivent être créées pour amé-
liorer la qualité du service rendu au patient.
Un certain nombre de conditions doivent cependant être
respectées. Le patient et ses besoins demeurent le centre
d’intérêt (comment améliorer la prise en charge de la poly-
arthrite ?). Tous les acteurs concernés doivent être inclus
dans le réseau, en évitant toute notion de hiérarchie : cha-
cun a le pouvoir de sa compétence. Cela n’est pas sans
impliquer certains changements de mentalité, tant dans les
rapports médecins/autres professionnels de santé (ergothé-
rapeute, assistante sociale, diététicienne, infirmière...) que
dans les rapports hôpital/ville. L’information doit circuler,
et chacun doit pouvoir accéder à l’information nécessaire.
Le travail en équipe implique un apprentissage permanent.
Au-delà de la formation permanente continue que nous
connaissons, la mise en place de procédures ad hoc par les
acteurs eux-mêmes est un des éléments indispensables de
la réussite du projet. Enfin, l’autoévaluation au travers des
procédures est indispensable pour savoir si elles sont com-
patibles avec l’exercice quotidien.
Les principaux obstacles à cette nouvelle façon de travailler
sont de plusieurs ordres :
!D’ordre culturel : peur du changement ; peur de perdre
leur indépendance pour les médecins de ville, en particu-
lier dans le domaine de la prescription ; peur que les rela-
tions ne se fassent que dans le seul sens ville-hôpital et qu’au
bout du compte “leur” malade ne “leur” échappe.
La Lettre du Rhumatologue - n° 282 - mai 2002
3
ÉDITORIAL
Relations ville-hôpital en rhumatologie :
faut-il parler de réseaux ?
"
F. Lecoq d’André*
*Paris.
M
Les conditions de mise en place
Les principaux obstacles
La Lettre du Rhumatologue - n° 282 - mai 2002
4
!D’ordre financier : comment financer les frais de ges-
tion du réseau ? Comment le faire vivre ? Son financement
sera-t-il lié au coût de la pathologie concernée ?
!D’ordre juridique enfin : groupement d’intérêt écono-
mique, groupement associatif ou simple convention entre
les différents partenaires ?
Malgré leurs difficultés de mise en place, ces réseaux ville-
hôpital nous permettront d’uniformiser nos pratiques, d’op-
timiser les soins, pour la prise en charge, par exemple, d’une
polyarthrite rhumatoïde confirmée (ce qu’on tend à appe-
ler souvent “l’approche pluridisciplinaire de la maladie”).
On pourra ainsi obtenir le consensus de la profession sur
les indications des nouvelles thérapies onéreuses, tels les
anti-TNFα,qui, à l’heure actuelle, ne sont disponibles que
dans les centres hospitaliers (voir dans ce numéro le texte
de P. Boumier, p. 36) ; ces réseaux permettront une prise en
charge précoce de la maladie, d’en apprécier au mieux les
risques évolutifs, d’en réduire finalement, malgré le coût
élevé de ces traitements, les coûts médico-économiques, en
limitant handicaps et hospitalisation.
Cette organisation autour du patient rhumatisant lui per-
mettra de bénéficier de tout l’arsenal thérapeutique dispo-
nible dans une approche de plus en plus “ciblée”. Elle favo-
risera le développement des alternatives à l’hospitalisation.
Son fonctionnement nécessite une organisation à double
sens, ville/hôpital, hôpital/ville, qui permettra de décloi-
sonner les structures hospitalières.
Pour conclure,
nous citerons cette maxime de La Bruyère :
“Un bon médecin est celui qui a des remèdes spécifiques
ou, s’il en manque, qui permet à ceux qui les ont de guérir
son malade”. Elle témoigne de l’intérêt pour les médecins
de travailler ensemble pour le bien de leurs patients... #
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