Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 5, mai 2001
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Algie vasculaire ophtalmique
Tout le monde connaît la sémiologie
typique de l’algie vasculaire de la face
(AVF) et de la migraine. Tout le monde
sait aussi que ces deux affections sont suf-
fisamment mal intentionnées pour refuser
régulièrement d’entrer dans le cadre nor-
matif de l’IHS. Elles n’hésitent pas en
effet à se tendre la main au-delà des bar-
rières strictes des règlements, pour s’as-
sembler sans pudeur et procréer par cette
union une sémiologie mixte et bâtarde,
propre à déjouer l’expertise des meilleurs
spécialistes. Ainsi n’est-il pas rare de voir
des douleurs céphaliques qu’on qualifie-
rait volontiers de migraineuses sur leur
caractère et leur durée, si elles ne tendaient
à se focaliser systématiquement autour de
l’œil, à demeurer désespérément unilatéra-
les et à s’accompagner chaque fois de
symptômes vasomoteurs. La tendance
mimétique de ces maladies se trouve illus-
trée par la description de Silberstein et al.
(5) de 6 patients souffrant d’une AVF a
priori typique, à l’exception d’une aura
prémonitoire. Celle-ci était visuelle dans
5 cas : échiquier noir et blanc avec scotome,
achromatopsie, flashs lumineux, éclairs
stroboscopiques noir et blanc ; et olfactive
dans 1 cas : mauvaise odeur d’agrumes.
Excepté dans 1 cas, ces auras ne surve-
naient jamais isolément. Leur durée était
de 5 à 120 minutes, débordant ou non sur
la période douloureuse. En bref, ces mani-
festations avaient les caractères d’auras
migraineuses. Deux conclusions peuvent
en être tirées. La première est que, si l’on
veut bien attribuer l’AVF à un dysfonc-
tionnement hypothalamique, l’aura signe
une participation associée du cortex (au
moins pour sa présentation visuelle) ; le
mécanisme physiopathologique en cause
demeure évidemment une énigme. La
seconde est que la classification de l’IHS
n’est plus adaptée pour de nombreux cas
de céphalées ou d’algies faciales, et sa
révision est nécessaire.
5. Silberstein SD, Nikman R, Rozen TD,
Young WB. Cluster headache with aura.
Neurology 2000 ; 54 : 219-21.
Et toujours un mélange
des genres
Pour continuer la série des accouplements
contre nature, Zuckerman et al. (6) décri-
vent trois patientes souffrant de deux
variétés différentes de douleur. L’une est
celle d’une hémicrânie paroxystique (HP),
l’autre d’une névralgie trigéminale dans le
territoire du V1 ou du V2, du même côté
que l’HP. D’où l’appellation de cette asso-
ciation syndromique : chronic paroxysmal
hemicrania-tic syndrome. L’association
entre l’AVF et le tic douloureux de la face
étant déjà connue, il n’est pas forcément
étonnant, si l’on considère que l’HP n’est
qu’une variété de l’AVF, qu’HP et névral-
gie du trijumeau puissent coexister. Le
SUNCT syndrome (short-lasting unilate-
ral neuralgiform headache with cunjuncti-
val injection and tearing) est un diagnostic
alternatif, mais la durée en est plus longue,
et surtout la douleur ne connaît pas de trai-
tement, alors que dans le syndrome ici
décrit, les douleurs peuvent être soulagées
soit par de l’indométacine seule, soit par
une association indométacine + carbama-
zépine, baclofène ou phénytoïne. Ce qui
paraît se produire est, en toute hypothè-
se, une connexion entre le système para-
sympathique et les structures du tronc
cérébral impliquées dans la névralgie du
V. L’autre hypothèse pourrait-elle être un
résultat totalement dû au hasard ?
6. Zuckerman E, Peres MFP, Kaup AO et
al. Chronic paroxysmal hemicrania-tic
syndrome. Neurology 2000 ; 54 : 1524-6.
Pour éviter la crise
C’est une toute petite série de 9 patients
seulement qui ouvre peut-être une nou-
velle porte (ou seulement un portillon)
dans le traitement préventif, bien délicat,
de l’AVF. Hering-Hanit et Gadoth (7) ont
traité ces patients au baclofène. Après
une semaine, 6 n’avaient plus du tout de
crise douloureuse ; 1 avait encore
quelques crises et a dû attendre la semai-
ne suivante pour en être soulagé ; 2 ont
vu leurs crises s’aggraver.
7. Hering-Hanit R, Gadoth N. Baclofen
in cluster headache. Headache 2000 ;
40 : 48-51.
Le sens de la vie
Ce sens de la vie ne nous vient pas de la
patrie des Monty Pythons mais de grosses
agglomérations du Michigan. Il s’agissait,
pour Breslau et al. (8), d’établir la relation
entre dépression et céphalées. La procédure
a fait intervenir les techniques du télémar-
keting : tirage au sort de numéros de télé-
phone, questionnaire téléphonique pour
déterminer la présence de céphalée migrai-
neuse ou non migraineuse, puis sélection de
patients et entretien (psychiatrique !) à
domicile pour évaluer l’existence d’une
dépression et, le cas échéant, sa relation
chronologique avec la céphalée. Résultat :
la migraine sort championne toutes catégo-
ries. La dépression s’associe à la migraine,
surtout avec aura, bien plus fréquemment
qu’avec n’importe quelle autre céphalée
sévère, ce qui confirme des études antérieu-
res (figure 3). Plus encore, si les migraineux
voient se développer, plus souvent que les
autres céphalalgiques, un épisode dépressif,
les dépressifs deviennent plus volontiers
migraineux que les non-dépressifs, consta-
tation qui fait suggérer aux auteurs que la
dépression n’est pas (ou pas seulement) la
réaction psychologique à l’expérience – ô
combien traumatisante – de la migraine !
mais que l’une et l’autre partagent une ori-
gine (biochimique ?) commune. À côté, les
patients souffrant de céphalées sévères non
migraineuses (dont plus de la moitié sont
des céphalées de tension) ont aussi davan-
tage de dépression, mais l’analyse statis-
o-op
n
on
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