HYPERACOUSIE ET MIGRAINE intervention de Lénaïc

HYPERACOUSIE ET MIGRAINE
intervention de Lénaïc MONTCONDUIT enseignante-chercheur
AFREPA MARSEILLE 17/09/2016
La migraine :
pathologie chronique évoluant par crises
touche environ 15% de la population dans les pays européens
forte prédominance féminine
céphalées unilatérales, pulsatiles
durée variable entre 4 et 72h en dehors de tout traitement pharmacologique
avec +/- nausées et/ou vomissements
photo et/ou phonophobie
Les traitements de référence sont les triptans mais aussi divers antalgiques si contre indication pour
les triptans, sachant qu'ils ne fonctionnent pas chez tout le monde. Pour des crises revenant trop
souvent, prescription d'un traitement de fond qui diminue l'excitabilité cérébrale (anti-dépresseur,
anti-épileptique).
Les facteurs favorisants sont nombreux et très différents : stress, détente, alcool, fromage,
chocolat...
Origine : pas de consensus, on ne comprend pas.
Ce que l'on sait :
la migraine se traduit par des céphalées
une céphalée : pas le cerveau directement car pas de récepteurs à la douleur dans le cerveau
donc nous sommes à l'extérieur du cerveau, au niveau des méninges.
résumé de l'intervention de Lénaïc MONTCONDUIT, rédigé par Françoise BOLLON, sophrologue référent
du Pôle Sophrologie et Acouphènes
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Les méninges représentent un tissu richement vascularisé et richement innervé par le nerf
trijumeau1 qui s'occupe de toute la sensibilité au niveau de la sphère oro-faciale. Il innerve
donc les méninges mais aussi les territoires cutanés. Effectivement, le migraineux décrira
pendant ses crises une hypersensibilité cutanée : ne supporte pas les lunettes, se coiffer est
douloureux, contact sur le territoire ophtalmique douloureux, etc.
Conclusion : il se passe quelque chose au niveau du relais central qui récupère les informations à la
fois des méninges et de la face.
Le 1er relais central est le complexe sensitif du trijumeau. On a donc étudié ce qu'il se passait à ce
niveau là. Chez l'homme difficile donc passage à la recherche pré-clinique : on fait des rats
migraineux !!
Expérience chez le rat : installation d'une canule à la surface des méninges, sans toucher les
méninges pour ne pas les irriter et injection d'une soupe inflammatoire (substances inflammatoires
qui provoquent une inflammation au niveau des méninges). L'une des hypothèses étant que si l'on a
mal et que nos méninges nous font souffrir, il est possible que l'on ait une inflammation dite
neurogène, c'est à dire complètement stérile au niveau des méninges.
Les injections sont réalisées plusieurs fois car les migraineux n'ont pas une crise de migraine dans
leur vie, et on observe ce qu'il se passe. Le but étant de regarder dans le complexe sensitif du
trijumeau.
On va donc enregistrer les réponses des neurones qui se trouvent à cet endroit. Comment répondent
-ils au niveau des méninges après avoir provoqué cette inflammation et comment répondent-ils au
niveau des territoires cutanés ?
Si le rat devient migraineux, on voit apparaître une hypersensibilité au niveau de la face, comme
chez les patients migraineux.
Selon le neurone concerné, le champ récepteur sera différent. Pour mesurer, on va appliquer des
pressions dans le champ récepteur (pressions très faibles entre 0,6g et 2g). On commence à avoir
une réponse à partir de 2 g chez le rat « contrôle» (par opposition à celui que l'on a rendu
migraineux) et au coin de l’œil.
Après injection de la soupe inflammatoire, on voit apparaître au niveau du champ récepteur du
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1 Le nerf trijumeau correspond à la 5ème paire de nerf crânien (Nerf V). Il est mixte, à la fois moteur et sensitif. Il se
compose de 3 branches : ophtalmique, maxillaire (pour le mâchoire supérieure) et mandibulaire (pour la mâchoire
inférieure)
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même neurone qui était alors tout petit, un champ qui s'élargit complètement. D'où sensibilisation
qui se fait au niveau central et la réponse du neurone augmente. De plus, le neurone se met à
répondre pour des grammages auxquels il ne répondait pas avant : signe d'une sensibilisation
centrale des neurones.
Cette sensibilisation au niveau du trijumeau permet d'expliquer pourquoi il y a des phénomènes
d'allodynie (réponse douloureuse à une stimulation qui ne l'était pas au départ) lorsque l'on entre en
crise de migraine.
(nerf VIII intra-cranien exclusivement = nerf cochléo-vestibulaire = voie sensorielle auditive et
voie réflexe de l'équilibre Sp5c = sous noyau caudal)
Les troubles sensoriels :
L'allodynie cutanée est souvent péri-oculaire et est donc le signe d'une sensibilisation centrale que
l'on peut voir chez l'homme. Si la crise migraineuse est stoppée rapidement, il y aura moins
d'allodynie. Si rien n'est fait, l'allodynie s'aggrave et plus la pathologie est ancienne, plus l'allodynie
s'aggravera par rapport à quelqu'un qui a une histoire plus courte par rapport à la migraine.
Les autres troubles sensoriels vont concerner la photophobie et la phonophobie.
Définition de la phonophobie : c'est la peur du son. Ce n'est pas ce qui caractérise les migraineux. A
l'interrogatoire le migraineux dira qu'il se place dans le silence, qu'il demande de baisser le son de la
radio, de la télé... le son raisonne dans sa tête. C'est donc plus une aversion pour le son qui est
abaissée, soit une hyperacousie.
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Alors intéressant de savoir quels sont les seuils aversifs.
Intéressant de savoir si les migraineux sont hyperacousiques uniquement durant les crises de
migraines ou en dehors des crises. Est-ce cette hyperacousie, durant la migraine, fait partie des
symptômes prémonitoires ou est-ce que ça arrive au moment de la céphalée ? Est-ce que trop de
sons peuvent déclencher des crises de migraines ?
En regardant la bibliographie, l'hyperacousie n’apparaît pas comme un facteur déclenchant. Les
patients se plaignent surtout de l'excès de lumière qui peut déclencher une crise de migraine mais
peu rapportent qu'un excès de bruit déclenche une crise de migraine. D'où différence entre
sensibilité à la lumière et au bruit.
Ce qu'il faut noter : 70 % à 80 % des patients migraineux souffrent d'hyperacousie, le même
pourcentage que pour l'allodynie.
Les signes avant coureurs de la crise : bâillements, sensibilité accrue au niveau cutanée, nausées, et
on retrouve déjà dans ces symptômes prémonitoires une hypersensibilité aux sons pour 40%. Pour
les autres, l'hyperacousie n'arrivera qu'au moment des céphalées.
Si on fait l'inverse, on cherche, parmi les hyperacousiques, les migraineux, le pourcentage tombe à
12%. Ces gens migraineux auraient donc une hyperacousie quotidienne.
Donc beaucoup de différence individuelle et sans doute des mécanismes différents également, entre
quelqu'un qui est hyperacousique et qui a des migraines et quelqu'un qui est migraineux et qui, à
cause de sa migraine, a des crises d'hyperacousie .
Les seuils aversifs : le seuil aversif chez les migraineux est abaissé, sans doute pas assez pour que le
migraineux « hors crise » dise que le son le gène. Et lorsqu'on compare ce seuil en dehors des
crises avec le seuil pendant la crise, ce seuil est encore plus abaissé et c'est une vraie gène.
Si l'on compare les sujets non allodyniques, c'est à dire ceux qui ont juste des céphalées, sans
sensibilité cutanée, avec les sujets allodyniques, nous voyons encore une fois que les seuils aversifs
sont beaucoup plus bas chez les allodyniques. Il semblerait qu'il est une modification très générale
dans le système nerveux qui ne touche pas que les voies auditives mais aussi d'autres voies qui sont
modifiées pendant les crises de migraine et chez les migraineux en général.
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On peut se demander est ce que cela agit ? A l'heure actuelle, nous ne pouvons émettre que des
hypothèses :
une altération au niveau périphérique, au niveau de la cochlée, des cellules ciliées
une altération des contrôles descendants qui viennent du système nerveux central
le noyau cochléaire, 1er relais central des voies de l'audition. Le noyau cochléaire reçoit à la
fois des afférences2 auditives et à la fois des afférences venant du complexe sensitif du
trijumeau. Toujours par expériences sur le rat, il s'avère que l'on soit capable d'activer le
noyau cohléaire directement avec des stimulations méningées. Ces stimulations du
complexe sensitif du trijumeau sont capables de moduler la manière dont les cellules du
noyau cochléaire intègrent le son.
Les études chez l'homme : au niveau cortical :
enregistrement de l'activité de l’encéphale du patient migraineux avec l'Electro-Encéphalogramme
(EEG) et enregistrement des potentiels évoqués3 en émettant un son.
Si l'on prend un sujet sain, au fur et à mesure que l'on répète le son, il y a un phénomène
d'habituation. Chez le patient migraineux la réponse ne diminue pas, reste stable voire parfois
augmente. Chez le migraineux, il y a donc défaut d'habituation, le cortex est hyperexcitable, ce qui
va dans le sens des traitements qui diminuent l'excitabilité globale du système nerveux.
Cette hyperexcitabilité peut donc rendre compte de tous ces symptômes comme l'hyperacousie, la
photophobie et l'allodynie. Il s'agit certes d'une sensibilisation du 1er relais central mais il y a un
cerveau entier donc ce n'est pas que au niveau du 1er relais, que au niveau du cortex, ce sont des
modifications beaucoup plus générales qui altèrent tout le système nerveux central. Ce que l'on
ignore, c'est la part du 1er relais ou du cortex dans ces phénomènes.
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2 Afférent signifie « qui va vers » : les fibres sensorielles sont des fibres afférentes qui se projettent vers un centre
nerveux
3 Un potentiel évoqué se définit comme la modification de l’activité électrique du système nerveux en réponse à une
stimulation extérieure qu’elle soit visuelle, auditive, sensitive ou motrice. L’enregistrement des potentiels évoqués
renseigne sur le fonctionnement de la voie stimulée.
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