185
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
TRAITEMENTS MÉDICAUX
L’octréotide est un octapeptide de synthèse aux propriétés
apparentées à celles de la somatostatine naturelle. Il diffère de
celle-ci par une action beaucoup plus prolongée et plus intense
permettant une administration en deux ou trois i n j e c t i o n s par jour,
une plus grande sélectivité vis-à-vis de la sécrétion de GH et de
glucagon, et par son absence d’effet rebond à l’arrêt du traitement.
L’octréotide inhibe les sécrétions peptidergiques gastro-intesti-
nales (gastrine, sécrétine, cholécystokinine, entéroglucagon, VIP,
motiline), endocrines pancréatiques (insuline, glucagon et poly-
peptide pancréatique), les sécrétions exocrines de l’estomac, de
l’intestin, du pancréas et les sécrétions biliaires, ralentit la moti-
lité intestinale, diminue le flux sanguin splanchnique et augmente
l’absorption hydrique et électrolytique intestinale. Grâce à cette
activité antisécrétoire, l’octréotide a un effet non seulement anti-
émétique et antispasmodique, mais aussi antalgique (1).
Bien que peu d’études cliniques aient été publiées à ce jour, la
majorité des séries non randomisées (dont certaines rétrospec-
tives, la plus importante comportant 25 patients) (6-9) retrouve
une amélioration des symptômes dans approximativement un cas
sur deux, pouvant notamment permettre l’ablation de la sonde
nasogastrique. Il existe par ailleurs deux essais randomisés, dont
l’un n’a inclus que 18 patients (3 sorties d’étude précoces) (10).
L’essai le plus important (68 patients) compare la scopolamine
à l’octréotide (600 à 800 µg/j) ; il retrouve une amélioration
significative des nausées et vomissements à J3 et J6 (11) pour
les patients traités par l’octréotide et un meilleur contrôle de la
douleur.
Les recommandations de l’AFSSAPS ( 1 2 ) légitiment la pres-
cription de l’octréotide dans les cas d’occlusion non contrôlée par
le traitement symptomatique. Son intérêt dans ces situations
fréquentes mérite d’être mieux évalué, ce qui suppose la réalisa-
tion d’un essai prospectif randomisé. La réalisation pratique d’un
tel essai se heurte à de nombreux écueils tels que le choix des
critères d’inclusion et d’évaluation ainsi que le choix du bras de
référence, qui n’est lui-même pas consensuel. L’intérêt d’un tel
essai serait cependant majeur, et il autoriserait par ailleurs une
évaluation médico-économique de l’utilisation de l’octréotide,
qui fait à ce jour défaut. Notons enfin que nous n’avons pas de
données disponibles sur l’intérêt de la forme retard, et ce point
mérite également d’être étudié.
D’un point de vue plus général, les soins de support, dont
l’importance en oncohématologie est de mieux en mieux prise
en compte, doivent, comme l’ensemble des autres traitements
proposés, faire l’objet d’une évaluation méthodologiquement
rigoureuse. Encore faut-il s’en donner les moyens en encoura-
geant la recherche clinique dans ce domaine et en acceptant de
proposer la participation à des essais prospectifs randomisés à
des patients en situation palliative.
R
É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
1.
Copel L. Place des analogues de la somatostatine en soins palliatifs. Onco-
logie 2002;4:419-22.
2.
Baines MJ. The pathophysiology and management of malignant intestinal
obstruction. In: Oxford textbook of palliative medicine. 2nd Edn. DoyleD,
Hanks G, Mac Donald N editors. Oxford. Oxford University Press 1998:526-33.
3.
Laval G, Girardier J, Lassaunière JM et al. The use of steroids in the mana-
gement of inoperable intestinal obstruction in terminal cancer patients: do
they remove the obstruction? Palliat Med 2000;14,1:3-10.
4.
Ripamonti C, Twycross R. Clinical practice recommendation for the mana-
gement of bowel obstruction in patient with end stage cancer. Support Care
Cancer 2001;9:223-33.
5.
Feuer DJ, Broadley KE. Systematic review and meta-analysis of corticoste-
roids for the resolution of malignant bowel obstruction in advanced gynaeco-
logical and gastrointestinal cancers. Systematic Review Steering Committee.
Ann Oncol 1999;10,9:1035-41.
6.
Campagnutta E, Cannizzaro R, Gallo A et al. Palliative treatment of upper
intestinal obstruction by gynecological malignancy: the usefulness of percuta-
neous endoscopic gastrostomy. Gynecol Oncol 1996;62,1:103-5.
7 .
Mangili G, Franchi M, Mariani A et al. Octreotide in the management
of bowel obstruction in terminal ovari an cancer. Gynecol Oncol
1 9 9 6 ; 6 1 , 3 : 3 4 5 - 8 .
8 .
Mercadante S. Bowel obstruction in home-care cancer patients: 4 years
experience. Support Care Cancer 1995;3,3:190-3.
9.
Khoo D, Hall E, Moston R et al. Palliation of malignant intestinal obstruction
using octreotide. Eur J Cancer 1994;30A,1:28-30.
10.
Mercadante S, Ripamonti C, Casuccio A et al. Comparison of octreotide
and hyoscine butylbromide in controlling gastrointestinal symptoms due to
malignant inoperable bowel obstruction. Support Care Cancer 2000;8,3:188-91.
11.
Mystakidou K, Tilika E, Klaidopoulou O et al. Comparison of octreotide
administration versus conservative treatment in the management of inoperable
bowel obstruction in patients with far advanced cancer: a randomized, double-
blind, controlled clinical trial. Anticancer Res 2002;22(2B):1187-92.
12.
Recommandations AFSSAPS, soins palliatifs : spécificité d’utilisation des
médicaments courants hors antalgiques ; 25 octobre 2002:20.