Le traitement médical des occlusions intestinales inopérables en cancérologie :

* AERO (Association européenne de recherche en oncologie), CHU Henri-Mondor,
Créteil.
Le traitement médical des occlusions intestinales
inopérables en cancérologie :
place des analogues de la somatostatine
Medical treatment of inoperable bowel obstruction:
place of somatostatin analogs
L. Zelek*
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I S E A U P O I N T
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
B
ien que son incidence précise soit difficile à chiffrer,
l’occlusion intestinale liée à une carcinose péritonéale
est un phénomène fréquent, puisqu’elle concerne près
d’une patiente sur deux atteinte de cancer ovarien évolutif et
jusqu’à un patient sur quatre atteint de cancer colorectal. Elle peut
par ailleurs survenir de façon moins fréquente dans d’autres
tumeurs, digestives (pancréas, voies biliaires) ou non (sein). Il
s’agit le plus souvent d’une carcinose péritonéale, inopérable
dans environ la moitié des cas, l’intervention étant, lorsqu’elle
est possible, grevée d’une mortalité postopératoire de 30 à 40 %
et d’une morbidité postopératoire dans 30 à 90 % des cas.
L’occlusion est responsable de douleurs abdominales, de nausées
et de vomissements (1).
TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES
Divers traitements symptomatiques sont proposés, le plus souvent
en association :
Sonde nasogastrique. Lorsque la chimiothérapie n’est plus
efficace, la pose d’une sonde nasogastrique (SNG) est le plus
souvent proposée. Elle permet l’aspiration rapide de grandes
quantités de sécrétions, mais elle est rapidement mal tolérée et
contraignante pour les patients en prolongeant leur hospitalisation.
Actuellement, la tendance est de ne poser la SNG qu’en fonction
de la demande du patient et de la laisser en place pour des durées
les plus courtes possible, n’excédant pas quelques jours.
Le recours aux traitements dicamenteux s’est par ailleurs déve-
loppé, afin de soulager les symptômes de l’occlusion en évitant
ou en limitant l’utilisation de la SNG :
Le contrôle de la douleur dans un contexte d’occlusion peut
nécessiter l’utilisation de la morphine à des posologies adaptées,
mais, le plus souvent, l’association à un antispasmodique comme
le butylbromure de scopolamine est nécessaire (le butylbromure
est actuellement préféré par de nombreuses équipes en raison de
son profil de tolérance plus satisfaisant, notamment en termes
d’effets centraux) ( 2 ) . Rappelons que le risque théorique de ralen-
tissement du transit ne doit pas contre-indiquer la morphine dans
ce contexte ; d’autres opiacés ont été utilisés dans le passé, comme
la péthidine, qui avait un effet moindre sur le péristaltisme, mais
était responsables d’autres effets indésirables (convulsions).
Contrôle des nausées et vomissements. L’objectif est de
supprimer les nausées et de duire les vomissements à un
épisode par jour au maximum (en pratique, le seuil de tolérance
est variable d’un patient à l’autre). En dehors des conseils diété-
tiques et du traitement d’éventuels facteurs favorisants (hyper-
calcémie, ascite, insuffisance rénale, anxiété…), un traitement
antiémétique comme l’halopéridol, un neuroleptique, est prescrit ;
il est recomman d’éviter les antiémétiques ayant un effet
prokinétique comme le toclopramide. Les sétrons ont é
proposés par certains, mais il n’existe pratiquement pas de don-
nées publiées. Les antisécrétoires comme le butylbromure de
scopolamine ont aussi un effet antiémétique.
L’utilisation des corticoïdes est largement répandue : ils sont en
néral utilisés à titre de test thérapeutique de courte durée
(5 jours) à la dose de 6 à 16 mg/j de dexaméthasone, sans être
délétères. Un essai randomisé récent incluant 58 patients montre
un effet significatif de la corticothérapie sans effet dose ( 3 ) ;
deux méta-analyses donnent des résultats contradictoires, puisque
l’une est en faveur de la corticothérapie (4), alors que l’autre ne
retrouve pas d’effet significatif évident (5), mais la méthodolo-
gie de ces deux travaux laisse à désirer.
La corticothérapie demeure donc un sujet de polémique ; pour
de nombreux auteurs, la référence qui s’impose empiriquement
est l’association morphine + halopéridol + scopolamine (butyl-
bromure).
Gastrostomie et jéjunostomie de décharge. Il s’agit d’un
geste de dernier recours qui permet d’éviter l’inconfort de la
sonde nasogastrique et autorise le retour à domicile avec ali-
mentation parentérale plus ou moins reprise d’une alimentation
semi-liquide, plus agréable pour le patient.
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TRAITEMENTS MÉDICAUX
L’octréotide est un octapeptide de synthèse aux propriétés
apparentées à celles de la somatostatine naturelle. Il diffère de
celle-ci par une action beaucoup plus prolongée et plus intense
permettant une administration en deux ou trois i n j e c t i o n s par jour,
une plus grande sélectivité vis-à-vis de la sécrétion de GH et de
glucagon, et par son absence d’effet rebond à l’arrêt du traitement.
L’octréotide inhibe les sécrétions peptidergiques gastro-intesti-
nales (gastrine, sécrétine, cholécystokinine, entéroglucagon, VIP,
motiline), endocrines pancréatiques (insuline, glucagon et poly-
peptide pancréatique), les sécrétions exocrines de l’estomac, de
l’intestin, du pancréas et les sécrétions biliaires, ralentit la moti-
lité intestinale, diminue le flux sanguin splanchnique et augmente
l’absorption hydrique et électrolytique intestinale. Grâce à cette
activité antisécrétoire, l’octréotide a un effet non seulement anti-
émétique et antispasmodique, mais aussi antalgique (1).
Bien que peu d’études cliniques aient été publiées à ce jour, la
majorité des séries non randomisées (dont certaines rétrospec-
tives, la plus importante comportant 25 patients) (6-9) retrouve
une amélioration des symptômes dans approximativement un cas
sur deux, pouvant notamment permettre l’ablation de la sonde
nasogastrique. Il existe par ailleurs deux essais randomisés, dont
l’un n’a inclus que 18 patients (3 sorties d’étude précoces) (10).
L’essai le plus important (68 patients) compare la scopolamine
à l’octréotide (600 à 800 µg/j) ; il retrouve une amélioration
significative des nausées et vomissements à J3 et J6 (11) pour
les patients traités par l’octréotide et un meilleur contrôle de la
douleur.
Les recommandations de l’AFSSAPS ( 1 2 ) légitiment la pres-
cription de l’octréotide dans les cas d’occlusion non contrôlée par
le traitement symptomatique. Son intérêt dans ces situations
fréquentes mérite d’être mieux évalué, ce qui suppose la réalisa-
tion d’un essai prospectif randomisé. La réalisation pratique d’un
tel essai se heurte à de nombreux écueils tels que le choix des
critères d’inclusion et d’évaluation ainsi que le choix du bras de
référence, qui n’est lui-même pas consensuel. L’intérêt d’un tel
essai serait cependant majeur, et il autoriserait par ailleurs une
évaluation médico-économique de l’utilisation de l’octréotide,
qui fait à ce jour défaut. Notons enfin que nous n’avons pas de
données disponibles sur l’intérêt de la forme retard, et ce point
mérite également d’être étudié.
D’un point de vue plus néral, les soins de support, dont
l’importance en oncohématologie est de mieux en mieux prise
en compte, doivent, comme l’ensemble des autres traitements
proposés, faire l’objet d’une évaluation méthodologiquement
rigoureuse. Encore faut-il s’en donner les moyens en encoura-
geant la recherche clinique dans ce domaine et en acceptant de
proposer la participation à des essais prospectifs randomisés à
des patients en situation palliative.
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É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
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12.
Recommandations AFSSAPS, soins palliatifs : spécificité d’utilisation des
médicaments courants hors antalgiques ; 25 octobre 2002:20.
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