Mise au point Troubles dépressifs : problématiques actuelles de prise en charge

Troubles dépressifs et indica-
teurs de santé publique
Les troubles dépressifs paraissent, au
vu des études épidémiologiques, être
parmi les troubles mentaux les plus
fréquents.
Bien qu’il soit difficile de trouver des
chiffres de prévalence consensuels,
probablement du fait de l’utilisation
d’outils et de situations d’évaluation
différents, il peut être admis qu’elle se
situe dans les pays européens aux
alentours de 10 % ; ce chiffre est rela-
tivement important.
La dépression est une entité patholo-
gique à part entière, qui n’a rien à voir
avec la tristesse ordinaire et/ou passa-
gère consécutive à la survenue d’un
événement négatif. Elle ne peut ou ne
doit pas être confondue avec un mal-
être transitoire, qui peut être éprouvé
par chacun.
Il est important de faire la part entre le
trouble dépressif authentique et invali-
dant, générateur de souffrance psy-
chique et physique, nécessitant une
démarche thérapeutique, et l’appro-
priation sociologique du terme
“dépression” utilisé au quotidien par
un grand nombre de sujets comme un
vocable pratique pour définir bon
nombre d’ennuis personnels et de dif-
ficultés intimes.
Plusieurs données suggèrent que la
prise en charge des troubles dépressifs
n’est pas optimale et qu’il convient de
rechercher, dans une optique de santé
publique, les moyens nécessaires à son
amélioration.
Dans cette perspective, il est important
de savoir que les troubles dépressifs
sont la quatrième cause mondiale
génératrice de handicap, au sens
anglo-saxon du terme, se situant
même avant les cardiopathies isché-
miques. Les simulations prospectives
réalisées sur les vingt prochaines
années prédisent qu’en 2020, les
troubles dépressifs pourront devenir la
deuxième cause mondiale de handicap
(OMS, 2000).
Reconnaître et diagnostiquer
les troubles dépressifs
Premièrement, l’identification de la
symptomatologie dépressive peut par-
fois, pour ne pas dire souvent, s’avérer
malaisée pour différentes raisons, que
ce soit pour le médecin généraliste qui
est amené à voir un patient souffrant
de symptomatologie dépressive dans
deux tiers des cas, ou pour le psy-
chiatre, comme l’avait montré l’étude
du CREDES en 1996.
Toutefois, il faut reconnaître qu’à
l’heure actuelle, compte tenu des
actions de formation ou communica-
tion de plus en plus nombreuses, le
médecin généraliste identifie de
mieux en mieux, sur le plan catégoriel,
la dépression. Ainsi, une étude menée
avec 891 médecins généralistes fran-
çais, en population générale, chez
2414 patients, a pu montrer qu’entre
le diagnostic déclaratif du médecin et
le diagnostic recueilli en aveugle avec
l’aide du MINI (Mini International
Neuropsychiatric Interview), il n’y a
peu ou pas de différence concernant la
reconnaissance de la “dépression”
(figure).
Mise au point
242
Mise au pointMise au point
Troubles dépressifs :
problématiques actuelles
de prise en charge
P. Martin*, H. Lôo**
a prise en charge de patients
souffrant de troubles dépres-
sifs, comprend actuellement
de nouvelles priorités :
• tenir compte des impératifs en
santé publique ;
• optimiser la reconnaissance et le
diagnostic de ces troubles ;
• ne négliger aucun moyen théra-
peutique ;
• suivre au long cours ces patients.
L
* Département de psychiatrie et de psy-
chologie médicale, unité de recherche,
hôpital Saint-Antoine et AMC, Paris.
** Chef de service, SHU-CH Sainte-
Anne, Paris.
Figure. Critères diagnostiques (MINI) et diagnostic déclaratif des médecins généralistes (n = 891).
D’après Martin P, Richard-Berthe C, Lepine JP. Disability and mental disorder among primary care
patients : a french perspective. American Psychiatric Association, Chicago, May 13-18, 2000.
90 %
81 84
23
2
15
6
21
MINI
6
66
0EDM- Dépression Phobie sociale Panique TAG Anxiété Angoisse
(anxio dépression) spasmophilie (symptômes dépressifs
Déclaratif
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 9, novembre 2002 243
Mise au point
Mise au point
Mise au point
Mise au point
Établir le diagnostic des troubles
dépressifs nécessite une attention par-
ticulière du fait de la nécessité de
prendre en compte que :
– dans de très nombreuses formes de
dépression, la symptomatologie paraît
fruste ou trompeuse ;
– les circonstances de l’examen ne
sont pas toujours propices ; par
exemple, chez les médecins généra-
listes, le temps imparti pour une
consultation est souvent peu compa-
tible avec une démarche diagnostique
adaptée à l’investigation psychopatho-
logique ;
– souvent, la plainte du patient est sur-
tout somatique et peut masquer de
réels symptômes psychiques. Ainsi, la
seule prise en compte de ces symp-
tômes peut empêcher de porter le dia-
gnostic de dépression.
Deuxièmement, dans une démarche
d’identification des troubles dépres-
sifs, plusieurs niveaux peuvent être
pris en compte.
La symptomatologie dépressive
Elle est multiple et variée mais, sur-
tout, elle n’est pas appréciée de la
même façon par le médecin et par le
patient. De nombreuses études épidé-
miologiques ont mis en évidence la
fréquence des symptômes prédomi-
nants tels l’insomnie, la fatigue, la
perte d’intérêt et les difficultés de
concentration.
Les démarches du diagnostic de
dépression
Le diagnostic de la dépression repose
sur l’existence persistante et stable
dans le temps (15 jours) d’un
nombre suffisant de manifestations
cliniques qui induisent une souffrance
importante de l’individu.
Dans une démarche d’utilisation de
critères diagnostiques, les plus fré-
quents sont, d’une part, la nomencla-
ture américaine du DSM (Diagnostic
and Statistical Manual of Mental
Disorders) et, d’autre part, les critères
diagnostiques de la Classification
internationale des maladies selon
l’OMS (CIM/ICD).
En ce qui concerne le DSM, la version
actuelle française utilisée est la qua-
trième (DSM IV), avec prochainement
l’arrivée d’une version révisée
(DSM IV-R).
Pour la CIM, la version actuelle est la
dixième (ICD 10).
L’intérêt de l’utilisation de ces critères
réside dans une meilleure reconnais-
sance de la symptomatologie dépressi-
ve, ce qui permet, par exemple, d’éli-
miner des diagnostics de dépression
secondaire ou de troubles bipolaires.
Le diagnostic le plus fréquemment
identifié est l’épisode dépressif
majeur (EDM) (annexe).
Une fois le diagnostic établi, inter-
vient également la notion d’ancienne-
té du trouble. Il peut s’agir de recru-
descence symptomatique, c’est-à-dire
de rechutes dépressives.
Lorsqu’un épisode dépressif antérieur
est complètement guéri, la survenue
d’un nouvel épisode au-delà de quatre
mois sera qualifiée de récidive dépres-
sive.
Par ailleurs, pour le patient chez lequel
le trouble est ancien, présent depuis au
moins deux ans avec une symptomato-
logie modérée, le diagnostic est celui
de dysthymie.
Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d’une
durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au
moins un des symptômes est soit 1une humeur dépressive, soit 2une perte d’intérêt ou de plaisir.
NB : ne pas inclure des symptômes qui sont manifestement imputables à une affection médicale générale, à des idées déli-
rantes ou à des hallucinations non congruentes à l’humeur.
1Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet
(par ex. se sent triste ou vide) ou observée par les autres (par ex. : pleurer).
NB : Éventuellement irritabilité chez l’enfant et l’adolescent.
2Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement
toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).
3Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime (par ex. : modification du poids corporel en un
mois excédant 5 %), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours.
NB : Chez l’enfant, prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue.
4Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
5Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un
sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
6Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
7Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque
tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade).
8Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer, ou indécision presque tous les jours (signalée par
le sujet ou observée par les autres).
9Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan
précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
Les symptômes ne répondent pas aux critères d’épisode mixte.
Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement
social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d’une substance (par ex : une
substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale (par ex : hyperthyroï-
die).
Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil, c’est-à-dire, après la mort d’un être cher, les
symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonc-
tionnement, de préoccupations morbides, de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques
ou d’un ralentissement psychomoteur.
Annexe. Critères d’un épisode dépressif majeur (selon le DSM IV)*
* American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (4th edition) : DSM IV, Washington
DC, American Psychiatric Press, 1994. Traduction française par J.D. Guelfi et al. Paris : éditions Masson, 1996.
244
Mise au point
Mise au point
Mise au point
Mise au point
Les diagnostics différentiels
Diagnostiquer les troubles dépressifs
peut également présenter des diffi-
cultés non seulement dans les cas où la
symptomatologie est pauvre, mais
également dans les cas où la sympto-
matologie la plus marquée n’est pas de
nature “dépressive”, notamment en
présence de comorbidité(s) anxieu-
se(s).
La difficulté est d’autant plus grande
que la symptomatologie anxieuse est
moins “silencieuse” et plus souvent
mise en avant par les patients et, ainsi,
elle est plus facilement reconnue par
le médecin. Enfin, l’association
“dépression/anxiété” concerne quasi-
ment la moitié des patients atteints de
troubles de l’humeur.
Prendre en charge des
troubles dépressifs
Les premières étapes de la prise en
charge
La prise en charge des troubles dépres-
sifs doit tenir compte de deux grands
facteurs potentiellement impliqués
dans l’étiopathologie. L’un est la com-
posante “biologique” des troubles
dépressifs, où les événements de la vie
auraient un rôle mineur, l’autre est la
composante “psycho-sociale” où exis-
terait un déficit d’adaptation face à
une situation difficile, quelle qu’en
soit la nature réelle ou symbolique.
Dans cette démarche, plusieurs élé-
ments sont à prendre en compte par le
médecin, qui déterminent in fine la
prise en charge thérapeutique.
La personnalité du patient
Elle joue un rôle important dans les
rapports qui s’installent entre soigné
et soignant. Le rôle du médecin est
d’informer le mieux possible son
patient sur sa maladie et ses traite-
ments, tout en tenant compte de sa
vulnérabilité individuelle et de son
niveau d’anxiété.
L’alliance entre le patient et le
médecin
Pour assurer une meilleure réussite de
la prise en charge, il est nécessaire de
créer une alliance entre le patient et le
médecin, qui dépend de plusieurs fac-
teurs :
– la capacité du médecin à rassurer
son patient ;
– la confiance du patient vis-à-vis de
son médecin ;
– la représentation qu’a le patient de
sa maladie et l’explication qu’il en
donne ;
– l’acceptation du traitement par le
patient ;
– la capacité qu’a le médecin à définir
son rôle et l’évaluation de ses limites ;
– la possibilité d’établir un relais entre
généraliste et spécialiste.
L’implication de la famille
La famille doit être considérée comme
un entourage actif, bien que son rôle
ne s’inscrive pas toujours dans une
dynamique positive. Elle peut cepen-
dant aider le patient et assurer sa sécu-
rité. Elle doit être, en fonction de la
volonté du malade, informée de son
état de santé, mais également des
risques liés aux troubles dépressifs,
notamment du risque de passage à
l’acte suicidaire.
Dans la mesure du possible, elle doit,
en fonction des moyens ou des infor-
mations qui lui sont donnés, participer
aux soins et à l’amélioration de l’état
de santé du malade.
Les moyens thérapeutiques
La prise en charge médicamenteuse
L’évidence est qu’il faut traiter un
trouble dépressif à partir du moment
où le diagnostic est établi. Le traite-
ment a pour objectif immédiat de sou-
lager la souffrance psychique et phy-
sique du malade, et de limiter le risque
suicidaire.
Différents points sont à prendre en
compte avant de choisir un antidépres-
seur.
La notion de délai d’action repose
essentiellement sur la composante cli-
nique. En termes pharmacologiques,
les antidépresseurs, comme tous xéno-
biotiques introduits dans un organisme
vivant, agissent immédiatement ; en
revanche, en termes cliniques, il existe
un délai d’action quel que soit l’anti-
dépresseur, il est au minimum de deux
à trois semaines, voire plus au niveau
de l’humeur. D’où la nécessité d’in-
former le patient de ce délai afin d’ob-
tenir une bonne observance du traite-
ment, en l’absence de résultats
concrets immédiats.
La notion de spécificité individuel-
le ou de “terrain particulier” : tous
les patients ne répondront pas de la
même manière à un traitement. Les
antécédents de réponse ou de non-
réponse à une molécule sont à prendre
en considération.
La présence d’une ou de comorbi-
dités psychiatriques et/ou soma-
tiques, qui sous-tendent la difficulté
du choix du traitement. Si deux traite-
ments s’avèrent nécessaires, il faut
définir la temporalité de ces traite-
ments : en même temps, l’un après
l’autre et, s’ils sont associés, détermi-
ner les moments de leurs arrêts, simul-
tanés ou non, et leurs éventuelles
interactions.
Le choix de l’antidépresseur. Il est
actuellement difficile de proposer une
classification indiscutable. Plusieurs
sont proposées, tenant compte soit
d’activités neurobiochimiques, soit de
l’impact clinique. La plus usitée est la
classification neurobiochimique qui,
paradoxalement, fait référence soit à
leur structure chimique (antidépres-
seurs imipraminiques), soit au méca-
nisme d’action (inhibiteur de la mono-
amine-oxydase [IMAO], inhibiteur de
la recapture de sérotonine [IRS]), sans
compter les nouvelles molécules qui
apparaissent sur le marché et préten-
dent représenter une nouvelle classe.
L’étiopathologie des troubles dépres-
sifs, dans leur approche neurobiolo-
gique, fait référence principalement à
des déficits ou à des dysfonctionne-
ments des principaux systèmes ami-
nergiques. Il est probable que la
dépression ne soit pas un déficit en
245
Mise au point
Mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 9, novembre 2002
Mise au point
noradrénaline ou en sérotonine exclu-
sivement, mais probablement une
modification de l’équilibre entre ces
différents systèmes.
À l’heure actuelle, il semble évident
que d’autres systèmes centraux (pepti-
dergiques, facteurs de croissance, etc.)
sont impliqués dans la rupture de l’ho-
méostasie centrale observée par cette
pathologie.
En revanche, il peut être possible d’en-
visager que certains patients puissent
présenter de manière prépondérante
soit un déficit en noradrénaline, soit
en sérotonine, par exemple. D’où l’hy-
pothèse que certains patients, du
moins dans un premier temps, pour-
raient répondre mieux à un antidépres-
seur à tropisme monoaminergique
plus spécifique.
Pendant longtemps, un consensus plus
ou moins satisfaisant permettait de
classer les antidépresseurs en quatre
catégories : les antidépresseurs imi-
praminiques, les IMAO, les IRS et les
autres ; il semble maintenant que la
prolifération des “autres” nécessite
d’appréhender la classification biochi-
mique en termes d’impact sur les sys-
tèmes neuronaux (tableau).
Le choix de la posologie.
L’adaptation de la posologie est une
étape primordiale dans la prise en
charge des troubles dépressifs. Elle ne
peut être optimale qu’après un certain
laps de temps, un à deux mois en
général. Souvent, les problèmes de
tolérance sont responsables d’un sous-
dosage de la posologie.
La recherche d’une efficacité optimale
nécessite le plus souvent une augmen-
tation de la posologie, tout en tenant
compte du rapport bénéfice/risque.
En revanche, une diminution de la
posologie peut amener une meilleure
réponse, comme c’est le cas parfois
avec les antidépresseurs IRS.
Enfin, la recherche d’une efficacité
maximale de ces molécules nécessite
probablement un ajustement de leur
posologie en fonction du temps et ce,
pendant toute la durée du traitement.
La durée de traitement. À l’heure
actuelle, nous ne disposons pas de
données suffisamment robustes sur la
durée de traitement pour définir, en
fonction des cas, la durée nécessaire
qui garantirait une guérison définitive.
Pendant longtemps, la comparaison
avec la pratique anglo-saxonne
concluait qu’en France, les patients
souffrant de troubles dépressifs étaient
traités à trop faible dose et pas assez
longtemps.
Les recommandations actuelles
(ANAES, 5 décembre 1998) indiquent :
– une durée moyenne de traitement de
6 mois à l’issue d’un premier épisode
dépressif ;
– une durée de traitement de 12 mois
en cas d’antécédent d’un épisode sem-
blable ;
– une durée moyenne de traitement
d’environ deux à trois ans, voire cinq
ans, si le patient a souffert de plusieurs
épisodes dépressifs consécutifs, en
tenant compte également de différents
facteurs comme la sévérité, les antécé-
dents familiaux, sociaux, l’âge, etc.
Les techniques psychothérapeutiques
Le traitement médicamenteux (même
s’il occupe une place prépondérante)
n’est qu’un aspect de la prise en char-
ge, qui exige aussi la prise en charge
psychothérapeutique.
Les techniques psychothérapeutiques
sont nombreuses et diversifiées et ne
font pas toujours l’objet d’études
contrôlées permettant d’évaluer de
Tableau. Classification des antidépresseurs* en fonction de leur tropisme et leur(s)
mécanisme(s) d’action putatif(s). D’après Martin P. In : Les psychotropes. Paris : édi-
tions Vigot, 2001.
Tropismes princi-
paux des molécules
Systèmes 5-HTa,
NADb,DA
c
Systèmes 5-HT et
NAD
Systèmes NAD et
DA
Systèmes 5-HT
Systèmes NAD
Mécanisme(s) d’action
putatif(s)
• Enzymatique(s)
• Multiple
• Inhibiteur de la capture de neuro-
médiateur
• Multiple
• Multiple
Inhibiteur de la capture de 2
neuromédiateurs
• Inhibiteur de la capture de neuro-
médiateurs
• Inhibiteur de la capture de
2 neuromédiateurs
• Inhibiteur de la capture de
neuromédiateur
• Favorise et inhibe la capture de
neuromédiateur
• Inhibiteur de la capture de 5-HT
et antagoniste 5-HT2
• Inhibiteur de la capture de
neuromédiateur
Nom de spécialité
• Moclamine®,Humoryl®
• Clédial®,Prothiaden®
• Extrait d’hypericum (pas
d’AMM en France)
• Prozac®,Zoloft®
•Tofranil®,Anafranil®,Pertofran®,
Laroxyl®,Elavil®,Defanyl®
• Athymil®,Norset®
• Effexor®,Ixel®
• Deroxat®
• Bupropion (Welbutrin®USA)
(non commercialisé en France)
• Floxyfral®,Seropram®
• Stablon®
• Nefazodone (Serzone®USA)
(non commercialisé en France)
• Ludiomil®
• Reboxetine (Rebox®USA)
(non commercialisé en France)
Famille
* IMAO réversibles
* Imipraminiques
-
* IRS
* Imipraminiques
-
-
* IRS
-
* IRS
-
-
* Imipraminiques
-
* Seuls les antidépresseurs commercialisés en France ou susceptibles de l’être dans un délai plus ou moins court sont men-
tionnés.
a : sérotoninergique ; b : noradrénergique ; c : dopaminergique.
Les critères de choix d’un antidépresseur
En termes d’impact sur l’humeur, tous les antidé-
presseurs ont une efficacité sensiblement compa-
rable. Le choix de la molécule dépend essentielle-
ment :
des relations entre les propriétés pharmacolo-
giques des molécules et les symptômes apparents ;
du rapport bénéfice/risque ;
de la sensibilité intrinsèque de l’individu à un
xénobiotique ;
de la présence de comorbidités psychiatriques ou
somatiques ;
de la réponse à d’éventuels traitements anté-
rieurs.
246
Mise au point
Mise au point
façon objective leur efficacité chez ces
patients.
Seules les psychothérapies cognitives
ou comportementales ont évalué leur
efficacité au cours de la phase aiguë
d’un épisode dépressif. Leur efficacité
semble plus importante lorsqu’elles
sont associées à une chimiothérapie
antidépressive au cours des phases
aiguës.
Les thérapies interpersonnelles pour-
raient également aider le patient
dépressif à gérer son isolement et ses
problèmes affectifs et relationnels,
familiaux et sociaux.
D’une manière générale, les données
actuelles permettent de conclure à
l’intérêt des psychothérapies dans les
phases aiguës, qui sembleraient possé-
der une action synergique en associa-
tion avec la thérapie médicamenteuse.
Suivi du patient au long cours
Les différentes étapes
Le traitement d’un épisode dépressif
peut être décomposé en trois étapes.
Le traitement de la phase aiguë : il
doit permettre une guérison ou tout au
moins une rémission de l’épisode, en
6 à 8 semaines. En termes de rémis-
sion, il faut distinguer :
– la rémission partielle, qui fait réfé-
rence à une période de temps pendant
laquelle le patient ne présente plus
suffisamment de symptômes pour
répondre aux critères d’un trouble
dépressif, mais dans laquelle un cer-
tain nombre de symptômes persistent ;
– la rémission totale, qui fait référence
à une période pendant laquelle le
patient ne présente pas de symptôme
majeur ou mineur caractérisant le
trouble dépressif.
Le traitement de consolidation : il est
défini par une période d’au moins six
mois après la diminution ou la dispari-
tion des symptômes. C’est au cours de
cette période que la réapparition des
symptômes dépressifs fait référence
au terme de “rechute”.
Le traitement d’entretien : il serait
initialement d’une durée d’au moins
six à douze mois supplémentaires, en
cas d’épisode dépressif majeur carac-
térisé récurrent et/ou rapproché. C’est
la réapparition des symptômes au-delà
des six premiers mois suivant la rémis-
sion symptomatique qui est appelée
“récidive”.
La guérison d’un état dépressif est
admise lorsque le patient n’a pas de
symptomatologie dépressive pendant
les douze mois qui suivent la rémis-
sion. En cas d’apparition d’un nouvel
épisode, le terme de “dépression
récurrente” sera employé, elle concer-
ne 50 à 85 % des sujets.
Facteurs favorisant la prise en char-
ge au long cours
Différents facteurs sont essentiels
dans un suivi au long cours :
– l’information du patient, afin qu’il
n’arrête pas son traitement quotidien,
bien qu’il ne souffre plus d’aucun
symptôme dépressif ;
– une bonne tolérance du traitement
pendant et, surtout, après la phase
aiguë ;
– une bonne observance pour un main-
tien de l’efficacité thérapeutique ;
– un rythme de consultation planifié,
permettant d’assurer également un
soutien psychologique ;
– savoir dépister les signes avant-cou-
reurs de la réapparition des troubles
dépressifs (rechute et récidive).
L’arrêt du traitement
Les causes de l’arrêt
Avant d’envisager les conséquences
bonnes ou mauvaises de la décision
d’arrêt d’un traitement antidépresseur,
il est nécessaire de distinguer la notion
d’arrêt momentané de celle d’abandon
d’un traitement, c’est-à-dire d’un arrêt
prématuré, qu’il soit justifié ou non.
L’arrêt momentané
Il fait le plus souvent référence à une
mauvaise observance thérapeutique et
les différentes causes peuvent être :
– les effets secondaires, qui peuvent
devenir difficilement acceptables en
fonction des conditions de vie du
patient ;
– des difficultés ou des oublis de
prises liés à des situations particu-
lières comme les vacances, les week-
ends ou les déplacements ;
– l’influence de l’entourage familial
ou professionnel ;
– la négligence reconnue de la part du
patient ;
– le manque d’informations suffi-
santes de la part du médecin, voire du
pharmacien, etc.
L’ a bandon du traitement : arrêt
prématuré
Plusieurs situations peuvent justifier
l’arrêt d’un traitement, qu’il soit
immédiat ou “progressif ” :
– parce que les effets secondaires sont
jugés insupportables par le patient ;
– parce que le patient estime qu’il va
mieux et devient moins observant,
alors qu’il devrait poursuivre son trai-
tement ;
– parce que le patient considère que
son traitement est inefficace, etc.
À l’inverse, il existe des situations où
il paraît très difficile, pour ne pas dire
“impossible” de faire arrêter un traite-
ment antidépresseur. Sans avoir été
documenté par une ou des études
contrôlées, l’exemple type peut être la
continuité de prise de clomipramine,
parfois à des doses infracliniques,
pendant plusieurs années.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de
données françaises débouchant sur des
recommandations officielles pour l’ar-
rêt d’un traitement antidépresseur
s’appuyant sur des études fiables.
Les conséquences de l’arrêt
Un certain nombre de données ont été
publiées pour tenter d’objectiver
l’éventuelle existence d’un syndrome
de sevrage, c’est-à-dire l’apparition de
nouveaux symptômes qui refléteraient
une dépendance psychique ou phy-
sique, c’est-à-dire un syndrome se
révélant à l’arrêt brutal, voire progres-
sif, d’un traitement antidépresseur.
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