La dépression
7 décembre 2010
Par Pr B. Granger
« Lorsque angoisse et tristesse durent longtemps, cet état est appelé mélancolie ». Cet
aphorisme d’Hippocrate, bien que remontant à plus de 2500 ans, reste valable. Les états
dépressifs se définissent aujourd’hui à peu près de la même façon : il s’agit avant tout
d’une tristesse pathologique durable, certes accompagnée d’un grand nombre d’autres
signes que nous verrons plus loin.
Le terme de dépression s’est substitué petit à petit au terme de mélancolie au cours du
19ème siècle. Au sens propre, dépression s’applique à un abaissement de terrain. Au sens
figuré, il a été utilisé dans deux acceptions, d’une part pour qualifier une baisse du moral,
d’autre part en économie pour qualifier les périodes de diminution d’activité.
La dépression fait partie des troubles de l’humeur. L’humeur a été définie de façon
magistrale par le psychiatre français, Jean Delay, au milieu du 20ème siècle comme « cette
disposition affective fondamentale, riche de toutes les instances émotionnelles et
instinctives, qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité agréable ou
désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur ».
Cette notion d’humeur fait référence à la théorie humorale longtemps en vogue en
médecine jusqu’aux découvertes physiologiques de l’époque moderne. Quatre humeurs
étaient distinguées : le sang, le flegme, la bile jaune et la bile noire. A chacune d’entre-
elles correspondait un type de tempérament : le tempérament sanguin, le tempérament
flegmatique, le tempérament bilieux et le tempérament mélancolique. Les trois premières
humeurs se voient. La bile noire est une humeur putative. Les patients atteints de
mélancolie, de tristesse pathologique, avaient un teint grisâtre, ce qui a fait supposer
qu’il existait une humeur noire, sombre, qui était en excès chez eux et leur donnait cet
aspect.
Le risque suicidaire fait la gravité des états dépressifs. On considère que 15% des
patients atteints de formes graves de dépression meurent par suicide. Le suicide est
l’aboutissement de la psychologie dépressive. Il est vu comme le moyen d’échapper à la
douleur dans laquelle est enfermé le patient.
Il est très difficile de décrire l’ensemble des symptômes dépressifs. On peut se référer
aux livres de psychiatrie mais peut-être plus encore aux descriptions qu’en ont données
certains écrivains, comme William Styron dans Darkness Visible, traduit en français sous
le titre moins expressif de Face aux ténèbres. Les états dépressifs s’accompagnent
d’angoisse, de difficultés de concentration de mémoire, d’un ralentissement des
processus psychiques et moteurs, d’une vision pessimiste du monde, de soi et de l’avenir.
Le patient déprimé a tendance à se dévaloriser, à se culpabiliser, parfois jusqu’à ce que
ses idées atteignent le stade du délire. Il existe aussi de nombreux symptômes physiques
comme la diminution de l’appétit, l’amaigrissement et l’insomnie. Très caractéristique est
l’insomnie matutinale ou insomnie du petit matin se traduisant par un réveil précoce dans
un état particulièrement pénible d’angoisse et de tristesse. Le déprimé souffre également