la depression chez l`enfant

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LA DEPRESSION CHEZ L'ENFANT
Votre enfant est triste ou vite irritable, il se renferme sur lui-même, travaille moins
bien à l'école, dort mal. Il n'est plus comme avant et cela vous inquiète. Comment
savoir si c'est juste un mauvais moment à passer ou s'il est déprimé. Et quoi faire
pour l'aider.
"Itinéraires des déprimés", c'est le titre d'un rapport qui vient d'être réalisé par un groupe
d'experts (psychiatres, médecins généralistes.), présidé par le Pr Philippe-Jean Parquet,
psychiatre à Lille. Il montre combien la dépression est mal soignée en France et sousestimée, notamment chez les jeunes. L'enfance est souvent perçue comme une période
privilégiée de la vie, celle de l'insouciance, à l'abri des idées noires. «Les parents ont du
mal à croire que leur enfant puisse déprimer, et les médecins eux-mêmes n'ont reconnu
que tardivement la réalité de la dépression chez l'enfant», a souligné le Dr Henri Cuche,
psychiatre à Paris, lors de la présentation du rapport d'expertise. Elle touche pourtant 1
% des enfants, 5 % des adolescents, des chiffres d'autant plus inquiétants que la tentative
de suicide est une des complications de la dépression.
Mais celle-ci est restée longtemps mal identifiée : on a parlé d' «équivalents dépressifs»
en y rattachant des symptômes vagues : opposition aux parents, troubles alimentaires,
délinquance. «On a maintenant la certitude, ont affirmé les auteurs du rapport, que le
"noyau dur" des symptômes dépressifs est bien le même qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un
adulte : tristesse, désintérêt, inhibition intellectuelle, pensées négatives, troubles du
sommeil.» Chez les jeunes, y sont souvent associés des troubles anxieux (dans 40 à 70
% des cas). Cela peut être l'angoisse de la séparation, un trouble panique, une phobie
scolaire. La dépression peut aussi s'accompagner de troubles de la conduite, notamment
chez l'adolescent : sentant la menace dépressive, il l'écarte par des comportements
d'agitation ou d'agressivité, des conduites à risque, en particulier l'usage d'alcool ou de
drogues psychoactives.
Les signes qui doivent alerter
Il est normal qu'un enfant éprouve des affects dépressifs transitoires, en réaction à
certains événements auxquels il est confronté : une dispute avec l'un des camarades, des
mauvaises notes, des tensions entre les parents. Un réconfort de son entourage ou une
meilleure communication au sein de la famille suffisent alors à faire disparaître sa
tristesse. La dépression, et non la baisse de moral passagère consécutive à des
difficultés d'existence, se caractérise par des symptômes qui marquent une rupture avec
l'état antérieur. L'enfant change durablement : il devient triste ou vite irritable ; il est
intenable (agité), ou à l'inverse, donne l'impression d'extrême fatigue (plus lent) ; il
manque d'énergie ; il ne s'intéresse à rien ;
Union régie par le code de la mutualité enregistré sous le n°444 279 699
il a du mal à se concentrer ; il dort mal ou trop ; il a des troubles de l'appétit ; il ne s'estime
pas à la hauteur ; il a des pensées de mort.
Les parents doivent prêter une oreille attentive pour entendre, dans les expressions et les
non-dits de l'enfant, une tristesse pathologique (voir encadré). Il peut manifester sa
dépression de façon apparemment paradoxale : il devient vite irritable, s'épuise dans une
activité stérile, se met facilement en colère ou se replie sur lui-même à d'autres moments.
«Damien n'exprimait pas de la tristesse, il était infernal, il nous répondait mal. Il n'était
jamais content, rien ne lui faisait plaisir. Même avec sa sœur, il était devenu
insupportable. Avant il n'était pas comme cela», raconte Anne, la maman de Damien, sept
ans, qui déroutée par le changement de comportement de son garçon, a fini par
consulter. Les difficultés rencontrées à l'école doivent aussi attirer l'attention : un enfant
déprimé a du mal à se concentrer et va souvent réagir en refusant de travailler ou, à
l'inverse, il va s'obstiner de longues heures sans résultat, ce qui dans les deux cas,
aboutit à de mauvais résultats scolaires. Autres signes qui doivent alerter : les troubles du
comportement alimentaire. L'enfant a plutôt tendance à manquer d'appétit, l'adolescent à
avoir des fringales ou à souffrir de boulimie. Quant au sommeil, il est toujours perturbé :
l'enfant refuse de se coucher, a des difficultés à s'endormir, dort mal.
Si ces symptômes sont intenses et persistants (ils durent depuis deux ou trois semaines
au moins) et ne s'expliquent pas par un événement familial, social ou personnel, mieux
vaut prendre l'avis du médecin de famille ou du pédiatre dont les conseils aideront à
surmonter l'épisode dépressif. S'il l'estime nécessaire, il conseillera de consulter un
pédopsychiatre. «Chez l'enfant, il est rare que les médicaments antidépresseurs soient
indiqués. En revanche, ils peuvent être utiles chez l'adolescent, a précisé le Pr PhilippeJean Parquet. Plusieurs formes de psychothérapies peuvent être proposées :
psychothérapies d'inspiration psychanalytique, thérapies comportementales et familiales,
thérapies familiales. Le choix de l'une ou l'autre se fait avec la famille et l'enfant luimême.»
Une dépression dans l'enfance fragilise-t-elle pour l'avenir ? Rien n'est moins sûr. Les
études sont contradictoires concernant les enfants. Les adolescents déprimés pourraient
être plus exposés aux troubles dépressifs à l'âge adulte. Mais, comme le précisent les
experts du rapport d'expertise, reprenant les recommandations d'une conférence de
consensus sur la dépression de l'enfant : «Nous devons nous dégager de l'équation
simpliste d'un déterminisme qui lierait fatalement la pathologie de l'adulte aux troubles
dépressifs de l'enfant.
Hélène Meyer
Encadré
LES MOTS DE L'ENFANT DEPRIME
Il dit : «J'en ai rien à faire» ou «Je m'en fous» ou «J'ai envie de rien» (perte d'intérêt et du
plaisir) ; «Je suis nul» ( perte de l'estime de
soi) ; «J'y arrive pas» ( sentiment
d'impuissance) ; «C'est ma faute, je suis méchant» (sentiment de culpabilité, de honte) ;
«Mes parents ne m'aiment pas» (perte d'amour) ; «Personne ne m'aime» (parfois idées
de mort et de suicide) ; «Je n'y arrive pas, c'est trop dur» ou «Je comprends rien» ou «Je
sais pas, j'm'en rappelle pas» (troubles de l'attention et de la mémorisation).
(Tiré du rapport "Itinéraires des déprimés . Réflexion sur leurs trajectoires en France")
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