Pourquoi avons-nous besoin de nouveaux antidépresseurs ? D

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Avant-propos
Dossier thématique
D ossier thématique
Pourquoi avons-nous besoin de nouveaux antidépresseurs ?
Why do we need new antidepressants?
IP P. Martin*, **, C.S. Peretti*
Pour répondre le mieux aux problèmes
de santé publique
La dépression est un syndrome invalidant qui entraîne des handicaps psychiques et physiques majeurs. L’épisode dépressif majeur
dit caractérisé est associé à des niveaux élevés de dysfonctionnement, et a des conséquences graves pour l’individu et pour
sa famille. La dépression interfère principalement avec l’activité
professionnelle des sujets qui en souffrent, elle réduit leur capacité à gérer les tâches habituelles du quotidien et provoque des
difficultés significatives dans les rapports sociaux et familiaux.
Bien qu’il y ait en termes de prévalence des variabilités dans
les pourcentages rapportés selon les études épidémiologiques,
dues à l’influence inévitable des critères pris en considération
pour définir les cas, la dépression est largement répandue dans
la population générale.
Elle est également associée à une plus grande vulnérabilité à la
survenue ou à la présence comorbide d’une symptomatologie
somatique accrue, comme les maladies cardiovasculaires, cérébrovasculaires, endocrinologiques, etc.
Le risque élevé de suicides et de tentatives de suicide liés à la
dépression a été largement identifié, que ce soit en ambulatoire
ou à l’hôpital, et quelle que soit la sévérité du syndrome.
On a rapporté que le taux de mortalité standard, calculé en
comparant les taux de suicide observés dans un groupe pathologique aux taux retrouvés dans la population générale, est
au moins vingt fois supérieur chez les patients souffrant de
dépression.
On estime également que la vie des patients présentant des
troubles avérés de l’humeur est réduite d’environ dix ans, principalement du fait du risque accru de suicide et d’installation
des maladies somatiques.
Pour répondre à un besoin thérapeutique,
en élargissant le champ de réflexion
des cibles neurobiologiques
et pharmacologiques
En France, le nombre d’antidépresseurs mis à disposition des
thérapeutes est très important, compararativement à celui des
autres pays dans le monde.
* Service de psychiatrie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
** Collectif de recherche en santé publique et en thérapeutiques (CREST), centre hospitalier
Paul-Guiraud, Villejuif.
La dépression est un trouble chronique avec des épisodes
récurrents dans la grande majorité des cas, mais les traitements
par antidépresseurs disponibles allègent plus les symptômes
d’un épisode plutôt qu’ils ne constituent de “réels traitements”
de fond.
L’argument en faveur de l’administration d’un traitement approprié
interfère à la fois sur le plan individuel (le patient) et sur le plan
économique (la société). Cependant, en dépit des risques certains
associés à ce syndrome, les traitements demeurent globalement
insatisfaisants : un individu sur deux reste non traité. À titre
d’exemple, dans une étude européenne portant sur 78 000 sujets
adultes, il a été constaté que 69 % des 17 % de patients souffrant
d’épisode dépressif majeur ne bénéficiaient d’aucun traitement
médical, et que 43 % d’entre eux n’avaient pas même consulté un
médecin. Enfin, moins de 8 % des patients qui sont diagnostiqués
comme souffrant d’un épisode dépressif majeur ont reçu un
traitement antidépresseur (Lepine JP et al., 1997).
Par ailleurs, il a été également montré que, quand le traitement
antidépresseur est prescrit aux patients, il est très fréquemment
peu optimal. Des antidépresseurs sont prescrits trop souvent
à des doses infracliniques ou non appropriées, et pas suffisamment longtemps.
Bien qu’il existe des mécanismes d’action variés de ces molécules,
force est de constater que leurs cibles neurobiologiques sont les
mêmes et que, à l’évidence, leur efficacité, en général, en ce qui
concerne l’épisode dépressif majeur, est sensiblement identique,
quel que soit l’antidépresseur, du moins reconnu comme tel.
La dépression, sur un plan neurobiologique, ne peut se résumer
qu’au déficit d’un ou de plusieurs neuromédiateurs.
De nombreux facteurs, principalement issus de la recherche
et d’une meilleure connaissance de la pathologie, ont permis
d’affiner les connaissances et de préciser certains modèles. L’observation clinique des patients, l’épidémiologie, les molécules
psychotropes, la neurobiologie et la génétique ont montré qu’il
existait des rationnels physiopathologiques.
Il est probablement nécessaire d’envisager la dépression par une
approche plus globalisante, à la fois nosologique, pharmacologique, comportementale et environnementale, pour considérer
le malade dans son ensemble, et pas uniquement sur tel ou tel
symptôme pris dans son unicité.
La synthèse de nouvelles molécules non toxiques ayant un
impact sur les rythmes biologiques, et la place de ces rythmes
dans une implication thérapeutiques ouvrent des perspectives
de réflexions éthiopathologiques, neuropharmacologiques et
cliniques permettant de mieux appréhender la prise en charge
des patients souffrant de syndrome dépressif, probablement
sur un plan à la fois dimensionnel et catégoriel.
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La Lettre du Psychiatre - Vol. IV - n° 1 - janvier-février 2008
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