Conclusion J. COGNEAU (1) On sait que la dépression est un phénomène fréquent, puisque la prévalence de l’épisode dépressif majeur, en France, est d’environ 20 % pour toute la durée de vie et 10 % à six mois (1). Les dépressions sont traitées par les médecins généralistes surtout depuis l’apparition d’antidépresseurs plus maniables : ceci est donc relativement récent dans notre pratique. En pratique, les patients déprimés présentent souvent des pathologies somatiques associées, parfois graves, importantes, et qui ne permettent donc pas, dans le cours de la consultation, de donner toute sa place aux éléments d’appréciation de la santé psychique du patient. Or les patients qui sont en mauvaise santé physique courent plus de risques de devenir déprimés que ceux qui sont en bonne santé (1). Les trois cas cliniques que nous venons de voir ont bien souligné l’importance d’une approche clinique structurée. Il ne s’agit pas nécessairement d’utiliser une échelle, mais de faire un bilan symptomatique précis. Le diagnostic clinique se porte sur des éléments connus, la référence étant le DSM-IV. Il est nécessaire également de faire ce bilan initial pour suivre l’évolution des patients, et en particulier évaluer la réponse au traitement. La rigueur clinique est autant nécessaire dans le diagnostic des troubles psychiques que pour les troubles somatiques. L’intérêt d’un diagnostic clinique structuré est également lié au fait que l’expression de la plainte, de la souffrance, est très différente selon les personnes. Il est par exemple beaucoup plus difficile de faire parler un homme, surtout jeune, de sa souffrance, de ses symptômes, et de lui faire comprendre qu’il a une dépression, parce que la dépression est vécue comme culpabilisante : les patients se sentent responsables de leur état psychique. En faisant ce diagnostic et en leur expliquant le but de la démarche psycho-éducative, on aide les patients à se déculpabiliser, à dédramatiser, à comprendre. Il faut également insister sur l’importance de l’évaluation systématique du risque suicidaire (1) : ce n’est pas parce que le patient n’en parle pas qu’il n’y a pas de risque suicidaire, et ce n’est pas parce que le médecin en parle qu’il augmente ce risque (2). Autre point majeur dans les états dépressifs, celui de l’observance : en ce qui concerne les nouvelles prescriptions, trop nombreux sont les patients qui ne prennent qu’une seule boîte et n’ont recours à aucun médecin ou aucun soignant dans les trois à six mois qui suivent. Il ne faut pas craindre de médicaliser la prise en charge de la souffrance psychique : lorsqu’un diagnostic précis est porté, il ne faut pas hésiter à convoquer le patient, à l’évaluer à courte échéance en début de traitement, et à lui fixer des rendez-vous réguliers. Si l’on relâche cette surveillance, les patients ont tendance à penser qu’on les convoque seulement après trois mois parce qu’ils vont mieux et qu’ils n’ont plus besoin de voir le médecin, et donc plus besoin de prendre leur traitement. Enfin, les relations médecins généralistes/psychiatres sont des relations parfois difficiles qu’il faut améliorer : la prise en charge avec le psychiatre devrait être une collaboration réelle pour le médecin généraliste, dans laquelle il soit possible de se parler, de se comprendre et d’évaluer le devenir du patient, pour lui donner les meilleurs soins possibles. Références 1. AFSSAPS octobre 2006, Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l’adulte http://agmed.sante.gouv.fr/htm/5/rbp/indrbp.htm 2. ANAES octobre 2000, La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. http : //www.has-sante.fr/portail/display.jsp?id=c_271964 (1) Médecin généraliste à Tours. 852 L’Encéphale, 2007 ; 33 : Octobre, cahier 2