CAS CLINIQUE
468 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010
Prise en charge médicamenteuse
d’un épisode dépressif :
cas d’une patiente déprimée sous
tamoxifène
Wich treatment for a patient treated with tamoxifen
and presenting a major depressive disorder?
J. Barrière*, F. Cherikh**, J.M. Ferrero*
* Département d’oncologie médicale, centre Antoine-Lacassagne, Nice.
** Service de psychiatrie de liaison, centre Antoine-Lacassagne, Nice.
U
ne patiente de 40 ans est traitée depuis 4 mois par
tamoxifène en traitement adjuvant d’un cancer du sein
droit, pour lequel elle a bénéficié d’une tumorectomie
puis de chimiothérapie et de radiothérapie. Elle est vue, en
présence de son conjoint, en consultation de surveillance avec
une mammographie de contrôle. Celle-ci est normale, de même
que l’examen clinique. Son conjoint nous rapporte que, depuis
1 mois, sa femme n’a plus envie de rien et reste confinée au lit
toute la matinée. La patiente explique qu’elle a perdu espoir en
l’avenir et se sent coupable de représenter un poids pour son mari.
La tolérance du tamoxifène est bonne, en dehors de bouffées de
chaleur d’intensité modérée, 2 à 3 fois par jour. Comment prendre
en charge cette patiente ?
Le syndrome dépressif
caractérisé
Comme 10 à 20 % des patients atteints d’un cancer ou en cours de
traitement adjuvant, cette femme présente un épisode dépressif
caractérisé (1). Celui-ci se définit selon des critères précis, à savoir
la présence d’au moins 5 symptômes parmi 9 à rechercher depuis
au moins 2 semaines : humeur dépressive, diminution marquée de
l’intérêt à réaliser les activités de la vie quotidienne (anhédonie),
perte ou gain de poids significatifs, insomnie ou hypersomnie,
agitation ou ralentissement psychomoteur, fatigue ou perte
d’énergie, sentiment de dévalorisation ou de culpabilité, troubles de
la concentration, pensées de mort récurrentes. Trois axes principaux
sont concernés : l’axe psychique, l’axe comportemental et l’axe
somatique. La difficulté de poser le diagnostic formel d’épisode
dépressif en cancérologie réside dans le fait que la symptomato-
logie somatique peut également être confondue avec une sympto-
matologie cancéreuse (fatigue, anorexie et perte de poids liées à
une cachexie, etc.) ou à un effet secondaire lié au traitement (2).
Certains ont proposé de substituer les 4 symptômes physiques
par des critères psychocomportementaux (3). Malgré tout, aucune
approche diagnostique ne s’est révelée supérieure à une autre,
et le diagnostic de dépression repose sur l’analyse clinique et
l’étroite collaboration entre oncologues et psychiatres. Ainsi, une
fatigue ou une anorexie chez un patient métastatique en cours de
chimiothérapie, ne présentant pas d’autre symptôme évocateur
d’épisode dépressif, ne devront pas être considérées comme faisant
partie de la symptomatologie dépressive.
Raisons de la prise
en charge de l’épisode
dépressif
Prendre en charge l’épisode dépressif de cette patiente nous
semble essentiel, pour diminuer l’intensité de ses troubles et
réduire le risque d’une aggravation, voire d’une chronicisation
des symptômes. Lenjeu principal que l’oncologue doit avoir à
l’esprit dans la situation clinique proposée, outre d’éviter un risque
suicidaire augmenté inhérent à tout syndrome dépressif, est de
chercher à obtenir une compliance optimale à l’hormonothérapie
adjuvante. La littérature atteste que, dans un groupe de patients
Mots-clés
Tamoxifène - CYP2D6 - Dépression - Antidépresseurs - Bouffées de chaleur
Keywords
Tamoxifen - CYP2D6 - Depression - Antidepressants - Hot flashes
CAS CLINIQUE
La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 | 469
déprimés, l’acceptation du projet oncologique est moindre que
dans un groupe contrôle indemne de symptômes dépressifs (4).
Cette donnée représente à nos yeux la raison principale pour
laquelle plusieurs études ont été menées chez des patients atteints
de cancer. Les résultats suggèrent en effet que la présence d’un
trouble dépressif confère un risque de mort significativement
plus élevé comparativement à un groupe contrôle indemne (5-8).
D’autres raisons peuvent en outre être avancées ici :
un risque suicidaire augmenté. Même si un tel risque a été
rapporté, un risque relatif inférieur à 2 et l’absence de mortalité
par suicide dans les études précédemment citées doivent faire
envisager d’autres causes (9-10) ;
des néoplasies plus avancées dans le groupe de patients
déprimés avec un pronostic plus sombre et une symptomato-
logie plus riche, notamment douloureuse, plus susceptible de
favoriser la survenue de symptômes dépressifs. Cela ne semble
pas être le cas dans les études de survie évoquées précédemment
(5-8), en particulier pour l’étude concernant une population de
femmes en situation adjuvante d’une néoplasie mammaire (5)
ou encore les patients traités par autogreffe de moelle osseuse
pour une hémopathie (6) ;
une immunité diminuée. Il existe plusieurs données, à la fois
précliniques et cliniques, objectivant une baisse de l’immunité,
en particulier de la fonctionnalité de certaines cellules effectrices
de l’immunité innée comme les cellules tueuses naturelles ou
cellules NK (7-11). Le lien entre dépression, ou stress accru, et
immunité reste hypothétique, mais continue à être exploré par
plusieurs équipes de recherche dans le monde.
La présence d’un épisode dépressif chez notre patiente l’expose
à un haut risque d’arrêt du tamoxifène, son traitement hormonal
devenant désormais secondaire à ses yeux ou dans le contexte
anhédonique global, et ce d’autant plus qu’elle a des bouffées
de chaleur potentiellement imputables au traitement. Ainsi, le
traitement de cet épisode dépressif s’inscrit non seulement dans
l’optique d’une prise en charge globale de la qualité de vie de
cette patiente, mais aussi dans un projet oncologique optimal
garantissant l’absence de perte de chance en termes de résultat
oncologique (12).
Les obstacles
à la prise en charge
du syndrome dépressif
Ils sont de plusieurs types. Le premier vient de la difficulté nosolo-
gique de la dépression en oncologie et de la tendance au sous-
diagnostic émanant des oncologues médicaux (13). Certains ont,
en effet, du mal à évoquer les problèmes d’ordre psychique avec
leurs patients, soit par manque de temps, soit par manque de
compétence. D’autres voient les symptômes dépressifs comme une
réaction “normale” à cette pathologie grave impliquant des traite-
ments lourds, mais confondent alors les vrais troubles dépressifs
avec les troubles de l’adaptation, qui ne nécessitent pas forcément
de prise en charge médicamenteuse s’ils ne persistent pas ou s’ils
sont d’intensité plus faible et sans retentissement sur les activités
quotidiennes. Enfin, la perspective de l’utilisation possible d’un
antidépresseur, ajouté aux traitements anticancéreux et de support
déjà en place (antinauséeux, corticothérapie), ralentit certains
thérapeutes, rapidement suivis dans leur attitude minimaliste
par le patient, qui perçoit souvent négativement la consultation
psychiatrique et la prise d’un antidépresseur, la dépression étant
encore trop largement considérée comme anormale, honteuse
et signe de faiblesse.
Le dernier obstacle que nous relevons est la difficulté, encore
très fréquente, d’obtenir rapidement un avis psychiatrique. Il
nous semble essentiel de développer l’accès aux soins psychia-
triques, au moins en favorisant un accès rapide à un psychologue
spécialisé afin d’orienter vers un psychiatre les seuls patients
qui présentent une forte suspicion de dépression. Cela passe
également par un effort nosologique de la part de l’oncologue,
par la réflexion sur le recours à un outil de dépistage simple de
la détresse ou de la dépression et par une meilleure connaissance
des antidépresseurs, de leurs propriétés thérapeutiques et de
leurs effets secondaires. C’est alors que l’oncologue pourra au
mieux être l’instigateur indispensable d’une prise en charge de la
dépression, en introduisant précocément un traitement d’épreuve
par antidépresseur en évitant de surutiliser des traitements anxio-
lytiques au risque de masquer des symptômes dépressifs, en
orientant enfin son patient vers une consultation spécialisée afin
d’envisager une éventuelle psychothérapie de soutien associée. S’il
n’instaure pas lui-même un traitement antidépresseur, il devrait
pour le moins savoir expliquer au patient déprimé l’intérêt d’une
prise en charge spécialisée, en précisant qu’il adhère au projet
thérapeutique de son confrère psychiatre en qui il a idéalement
toute confiance.
Les antidépresseurs :
une thérapeutique
de niveau I
Les antidépresseurs ont un niveau de preuve I dans la prise en charge
d’un syndrome dépressif caractérisé modéré à sévère, avec une
diminution significative de 50 à 60 % environ des troubles, contre un
effet placebo de 20 à 30 % (14, 15). Les molécules les plus utilisées
actuellement en première intention (tableau, p. 470) sont :
les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ;
les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de
la noradrénaline (IRSNa) ;
les antidépresseurs de la classe “autres antidépresseurs”, qui ont
une efficacité comparable à celle des antidépresseurs imiprami-
niques, mais présentent cependant un meilleur profil de tolérance.
Certaines molécules seront préférentiellement choisies selon la
symptomatologie associée. Ainsi, s’il s’agit d’une dépression à
prédominance anxieuse, on pourra proposer un antidépresseur
sédatif comme la paroxétine ou la venlafaxine. En cas de troubles
du sommeil au premier plan, on préférera la mirtazapine ou
encore la miansérine. Enfin, s’il s’agit d’une dépression avec
ralentissement, apragmatisme, le choix se portera plutôt vers
des désinhibiteurs de type citalopram, escitalopram ou encore
le milnacipran.
CAS CLINIQUE
470 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010
De manière générale, après environ 8 semaines de traitement
bien conduit, un tiers des patients traités est en rémission des
symptômes dépressifs, un tiers présente une réponse partielle et
un tiers ne répond pas au traitement (16). La phase de consoli-
dation nécessite au moins 6 mois de traitement afin de diminuer
le risque de rechute(s) dépressive(s).
Peu d’études d’efficacité des antidépresseurs versus placebo ont
été menées chez des patients déprimés atteints de cancer, et
c’est par extension que l’efficacité des antidépresseurs est admise
(2, 17, 18). Une étude américaine contrôlée de phase III, débutée
en mars 2006, qui devra inclure 220 patients atteints d’un cancer
du poumon avancé et présentant un épisode dépressif majeur, est
en cours, avec l’escitalopram versus placebo (promoteur : Massa-
chussets General Hospital, www.clinicaltrials.gov, NCT00387348).
C’est le premier essai avec un nombre de patients suffisant dans
une population homogène qui permettra de préciser l’effet d’un
antidépresseur sur les troubles dépressifs majeurs en cancérologie.
Efficacité de certains
antidépresseurs sur
les bouffées de chaleur
L’amélioration des troubles climatériques hormono-induits par
certains antidépresseurs, en particulier les ISRS, a fait l’objet de
plusieurs publications ces dernières années. La molécule la plus
étudiée est la venlafaxine, qui a montré une diminution d’environ
50 % du score composite de bouffées de chaleur, calculé sur la
fréquence et l’intensité des symptômes, comparé à un effet placebo
autour de 25 % (19). La paroxétine, la fluoxétine, le citalopram ou
encore la sertraline ont également une efficacité modérée. Chez
cette patiente, qui présente des bouffées de chaleur fréquentes,
la prescription d’un ISRS permettrait non seulement d’envisager
l’amélioration de la symptomatologie dépressive, mais aussi
la diminution des bouffées de chaleur, ce qui garantirait une
compliance optimale au traitement par tamoxifène.
Malgré tout, comme nous allons le voir, certaines de ces molécules
ont un profil inhibiteur enzymatique tel qu’elles ne doivent en
aucun cas être utilisées en association avec le tamoxifène, au
risque d’une inefficacité du traitement hormonal adjuvant.
Interactions
médicamenteuses et risque
de diminution d’efficacité
du tamoxifène
Avant toute prescription d’un antidépresseur, les interactions
médicamenteuses significatives doivent être prises en compte.
Nous laissons au lecteur le soin de consulter le dictionnaire
Vidal® afin de prendre connaissance de l’ensemble des interac-
tions d’intérêt selon les thérapeutiques coadministrées. Nous
insisterons sur deux points essentiels en cancérologie.
Le premier est le risque augmenté de survenue de syndrome
sérotoninergique en cas de coprescription d’un ISRS ou d’un IRSNa
avec du tramadol, antalgique susceptible d’être utilisé comme
dans le cas présent en cas de symptomatogie articulaire doulou-
reuse associée à un traitement par tamoxifène ou inhibiteur de
l’aromatase.
Le second est la prise en compte du profil d’inhibition de certains
antidépresseurs sur le système enzymatique des cytochromes p450,
et en particulier du CYP2D6, isoforme qui joue un rôle essentiel
dans la formation du principal métabolite actif du tamoxifène,
l’endoxifène. Le gène du CYP2D6 est polymorphe, avec plus de
80 allèles différents connus. Parmi les différents allèles, certains
ont un impact sur la fonctionnalité de la protéine et donc sur
l’activité enzymatique et la capacité à produire l’endoxifène (20).
Une étude rétrospective a recherché le lien entre la présence
de l’allèle CYP2D6*4 (d’une fréquence d’environ 20 % dans une
population caucasienne et codant pour une protéine inactive) et
la réponse au tamoxifène (190 patientes traitées par tamoxifène
en adjuvant pour un cancer du sein avec récepteurs homonaux
positifs). Les patientes avec le génotype *4/*4 présentaient des
durées de survie sans événement diminuées, mais initialement de
manière non significative comparativement aux hétérozygotes à
activité enzymatique diminuée (*4/wt) et aux homozygotes (wt/
wt) avec activité enzymatique normale (21). La prise en compte
de la coprescription d’inhibiteurs du CYP2D6 couplée au génotype
a permis de préciser cette différence, significative cette fois, avec
des survies sans récidive très nettement diminuées après plus de
12 ans de suivi pour les patientes *4/*4 et/ou traitées avec un
Tableau. Quelques antidépresseurs avec leur profil d’inhibition du CYP2D6
(2, 23, 29).
Classe et
molécule
Dose thérapeutique
(fourchette thérapeutique)
Profil d’inhibition
du CYP2D6
Inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine
Fluoxétine
Prozac®
Paroxétine
Deroxat®
Citalopram
Seropram®
Escitalopram
Seroplex®
Sertraline
Zoloft®
20 mg (1 prise/j)
(10-60 mg)
20 mg (1 prise/j)
(10-50 mg)
20 mg (1 prise/j)
(10-60 mg)
10 mg (1 prise/j)
(5-20 mg)
50 mg (1 prise/j)
(25-200 mg)
Fort
Fort
Faible à nul
Faible à nul
Modéré à faible
Inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
Venlafaxine
Effexor®,
Effexor LP®
Milnacipran
Ixel®
Duloxétine
Cymbalta®
Mirtazapine
Norset®
75 mg (2 à 3 prises/j, 1 prise/j
pour la forme LP)
(37,5-150 voire jusqu’à 375 mg
en milieu hospitalier)
100 mg (1 prise matin et soir)
(25-100 mg)
60 mg (1 prise/j)
(30-120 mg)
15 mg (1 prise/j)
(15-45 mg)
Faible
Nul
Modéré
Faible à nul
Autres antidépresseurs
Miansérine
Athymil®
Tianeptine
Stablon®
30 mg (1 prise/j)
(30-90 mg)
37,5 mg (3 prises/j)
?
?
CAS CLINIQUE
La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 | 471
inhibiteur fort (environ 40 % de patientes sans récidive versus
plus de 80 % pour les patientes à activité enzymatique normale
ou sans coprescription d’inhibiteurs) [22]. Les inhibiteurs forts
à prendre en compte chez notre patiente sont la fluoxétine,
la paroxétine et, dans une moindre mesure, la sertraline et la
duloxétine (tableau) [23].
Une étude portant sur 80 femmes traitées pour un cancer du
sein par tamoxifène en adjuvant a rapporté prospectivement
les taux plasmatiques des différents métabolites du tamoxifène
en fonction de différents génotypes et inhibiteurs coprescrits
(24). Les patientes traitées par paroxétine (n = 6) et à activité
enzymatique normale (wt/wt) ont présenté des taux nettement
diminués, comparables à ceux des patientes à activité enzyma-
tique nulle (*4/*4).
Une étude, en cours de recrutement aux États-Unis, cherche à
préciser l’influence d’ISRS faiblement inhibiteurs du CYP2D6
(comme la venlafaxine, le citalopram, l’escitalopram et la
sertraline) sur les taux plasmatiques d’endoxifène (NCT00667121).
En attendant, il existe des données suggérant un risque de toxicité
accrue chez les patients traités par venlafaxine et à activité
enzymatique nulle pour le CYP2D6 (25). Ainsi, il n’est pas exclu
qu’une perte d’efficacité du tamoxifène puisse exister en cas de
coadministration de la venlafaxine, en particulier chez les patientes
à activité enzymatique nulle.
Points à connaître
avant la prescription
d’un antidépresseur
Les derniers points à aborder sont les principaux effets secondaires
des antidépresseurs de type ISRS ou IRSNa afin d’en informer
les patients, de manière à favoriser une bonne observance de
la thérapeutique (2). Les effets indésirables mineurs les plus
fréquents, comme les nausées, surviennent généralement en
début de traitement, sont transitoires et régressent après une
à deux semaines de traitement. Les autres effets indésirables
sont une prise de poids, des troubles sexuels, une diarrhée, des
céphalées, une somnolence, des vertiges, une asthénie, des
tremblements… Même si la liste est longue, le risque de survenue
hypothétique et imprévisible, qui, généralement, nexcède pas un
grade 2 de toxicité, ne doit aucunement être un prétexte au refus
de prescription des antidépresseurs dont le rapport bénéfice/
risque reste largement en leur faveur en cas de trouble dépressif
caractérisé.
Les imipraminiques sont actuellement utilisés en seconde intention
en raison des effets anticholinergiques, antihistaminiques et
cardiaques (effet quinidine-like) qui sont absents des autres classes.
Toutes les classes d’antidépresseurs comportent un risque de
syndrome sérotoninergique, lequel est augmenté en cas d’asso-
ciation avec certaines molécules. Ainsi, on évitera, répétons-le,
toute spécialité à base de tramadol chez un patient douloureux
sous ISRS.
Enfin, certains effets indésirables bien connus sont liés à la nature
même de la maladie dépressive : levée de l’inhibition psycho motrice
(avec risque suicidaire), inversion de l’humeur avec apparition
d’épisodes maniaques, réactivation d’un délire chez les psycho-
tiques, manifestations paroxystiques d’angoisse. Un traitement
de courte durée par anxiolytique pourra être coprescrit utilement
selon le terrain, notamment lorsque la composante anxieuse est
au premier plan. Toutefois, les anxiolytiques ne protègent pas
forcément de la levée de l’inhibition, bien qu’il n’existe aucun
cas retrouvé dans la littérature faisant état d’un passage à l’acte
suicidaire après prescription d’un antidépresseur en cancérologie.
Sur le plan biologique, on surveillera tout particulièrement la
natrémie, notamment chez le sujet âgé ou chez un patient sous
diurétique, en raison du risque accru d’hyponatrémie sous ISRS par
sécrétion inappropriée d’hormones antidiurétiques pouvant être
prises à tort pour un syndrome paranéoplasique. En cas d’insuf-
fisance rénale ou hépatique modérée, on débutera par des doses
diminuées, généralement réduites de moitié. En cas d’insuffisance
hépatique sévère, la perscription de tianeptine ou de milnacipran
reste possible.
Comment traiter
la patiente ?
Alors que le choix d’une molécule comme la venlafaxine pouvait
s’imposer dans un premier temps compte tenu de son efficacité
prouvée dans la prise en charge des bouffées de chaleur, l’absence
de détermination du profil enzymatique pour le CYP2D6 en pratique
courante doit nous faire préférentiellement utiliser une autre
molécule au profil d’inihibition nul pour le CYP2D6, au risque de
ne pas être efficace sur les bouffées de chaleur (ex : milnacipran [26] ;
réboxétine [27], ce dernier nétant pas commercialisé en France), en
attendant les résultats d’études de pharmacocinétique en cours. Une
nouvelle molécule récemment approuvée par la FDA, pas encore
disponible en France, la desvenlafaxine, qui est le métabolite actif
O-déméthylé de la venlafaxine, ne semble pas présenter d’inter-
actions avec le CYP2D6 et pourrait alors bientôt se révéler être une
alternative de choix (27). Dans le cas le syndrome dépressif et/ou
les bouffées de chaleur représentent un risque de non-observance
de l’hormonothérapie, un antidépresseur faiblement inhibiteur du
CYP2D6 avec une efficacité retrouvée dans un essai comparatif sur
le traitement des symptômes climatériques, tels que le citalopram
ou son dérivé, l’escitalopram, peut selon nous représenter une
option. Une étude récente cas-témoins de 184 patientes ayant
présenté un cancer du sein localisé ou localement avancé traitées
par tamoxifène et ayant récidivé, comparé à 184 patientes nayant
pas récidivé a retrouvé 17 cas (9 %) de patientes ayant utilisé le
citalopram et 21 cas (11 %), dans le groupe contrôle (différence
non significative) [28]. Ces résultats suggèrent que l’utilisation
concomitante du citalopram (et par extension l’escitalopram) ne
réduirait pas l’efficacité du tamoxifène pour la prévention de la
cidive d’un cancer du sein et rend licite, selon nous, son utilisation.
Dans tous les cas, la patiente devra être orientée rapidement vers un
psychiatre afin de vérifier les profils de tolérance et d’efficacité du
traitement instauré et commencer une psychothérapie de soutien
avec un psychologue. Loncologue pourra la revoir de manière plus
rapprochée (3 mois plus tard) afin de vérifier la bonne observance
du tamoxifène.
CAS CLINIQUE
472 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010
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Retrouvez l’intégralité
des références bibliographiques
sur notre site : www.edimark.fr
Références bibliographiques
Lyon
LES RENCONTRES DE
LA CANCÉROLOGIE FRANÇAISE
2010
RCFr
PARTENARIATS ORGANISATION
PROGRAMME ET INSCRIPTION : www.rcfr.eu
Photo : © Vincent Kowalski
Le rendez-vous de l’innovation
et de l’organisation en cancérologie
JEUDI 4& VENDREDI 5NOVEMBRE 2010
Davouth Op
Tel. : 01 73 28 16 22
Fax : 01 73 28 16 11
Virginie Bigalli -Tel. : 01 73 28 16 24 / Fax. : 01 73 28 16 11 /virginie.bigalli@decision-sante.com
Anne Lafond - Tel. : 01 73 28 16 14 / Fax. : 01 73 28 16 11 / [email protected]
Centre de
Congrès de
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