Synthèse Bibliographique en Biologie et Biotechnologie Janvier 2013 Polymorphisme génétique du cytochrome P450 2D6 Intérêt du génotypage pour les patients traités par le tamoxifène Auteur : Héloïse Bougères Master 2 Biologie Gestion Université de Rennes 1, UFR Sciences de la vie et de l’environnement Tutrice : Marie-Clémence Verdier MCU-PH, Service de Pharmacologie Clinique, Unité de Pharmacologie Biologique et Pharmacogénétique Remerciements Je tiens à remercier Marie-Clémence Verdier pour ses conseils, sa disponibilité et son encadrement durant ce travail ce qui m’a permis de rendre ce travail mais également de découvrir ce sujet passionnant. Note des responsables du diplôme : «Le tuteur chercheur a pour rôle de conseiller l'étudiant, l'orienter dans ses recherches bibliographiques, l'aider à comprendre les articles, en faire une synthèse de manière logique et rigoureuse. Il ne peut vérifier toutes les citations et interprétations de l'étudiant. Il ne peut donc s'engager vis à vis d'éventuelles erreurs ». Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 1 Polymorphisme génétique du cytochrome P450 2D6. Intérêt du génotypage pour les patients traités par le tamoxifène H. Bougères Résumé : Le tamoxifène joue un rôle important dans le traitement adjuvant ou des formes métastatiques du cancer du sein chez les femmes présentant des tumeurs possédant des récepteurs aux œstrogènes. Le cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) participe au métabolisme du tamoxifène en assurant notamment la formation de l’endoxifène, principal métabolite actif. Le CYP2D6 est étudié car il possède un polymorphisme génétique élevé. De nombreuses études suggèrent que des mutations génétiques ponctuelles du CYP2D6 peuvent diminuer voire annuler l’activité de l’enzyme. L’objectif de cet article est mettre en évidence les répercussions cliniques engendrées par ces variations alléliques. Un lien devra être effectué entre les différents polymorphismes génétiques du CYP2D6 et les concentrations en endoxifène mais aussi avec l’efficacité du traitement. I) Le Tamoxifène : ............................................................................................................................... 4 A. Mécanisme d’action et Métabolisme.......................................................................................... 4 B. Indication sur le cancer du sein ................................................................................................... 7 II) Les Cytochromes P450 (CYP) ........................................................................................................... 8 A. Présentation : .............................................................................................................................. 8 B. Le CYP 2D6 ................................................................................................................................. 10 C. Les autres CYP450 ..................................................................................................................... 12 C. Polymorphisme du CYP2D6 : ..................................................................................................... 13 D. Méthodes de génotypage du CYP2D6 ....................................................................................... 15 III) Répercussions cliniques............................................................................................................. 16 A. Lien entre le génotype et la concentration en endoxifène : influence de la dose .................... 16 B. Lien entre les polymorphismes génétiques et l’efficacité du traitement ................................. 19 Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 2 Introduction : Il existe un lien entre la génétique et la pharmacocinétique et/ou la pharmacodynamique d’un médicament se traduisant par des variations interindividuelles de concentrations et/ou d’efficacité du médicament. La pharmacocinétique étudie l’influence de l’organisme sur le devenir du médicament tandis que la pharmacodynamique étudie l’influence du médicament sur l’organisme : la réponse thérapeutique et la toxicité du médicament. L’une des causes de variabilité se trouvant au niveau génétique, la pharmacogénétique qui est l’étude de l’impact de la génétique sur le devenir du médicament dans l’organisme ou sur la réponse à un traitement, se développe. La pharmacogénétique étudie plus particulièrement les polymorphismes génétiques susceptibles d’avoir des conséquences sur l’efficacité et/ou la tolérance des médicaments. Cet article est basé sur l’étude des cytochromes P450 (CYP450) et plus particulièrement du CYP450 2D6, impliqué dans le métabolisme de nombreux médicaments dont le tamoxifène, les cliniciens et pharmacologues s’étant aperçus de l’influence des polymorphismes du CYP2D6 sur les concentrations plasmatiques de tamoxifène et donc sur l’efficacité thérapeutique du traitement. Cette synthèse débutera par la présentation du métabolisme du tamoxifène et son mode d’action. Après avoir présenté le cytochrome CYP2D6, son polymorphisme du CYP2D6 sera étudié ainsi que les méthodes de génotypage. Pour finir, les répercussions cliniques du polymorphisme du CYP2D6 sur le tamoxifène seront présentées, mettant en évidence le lien entre le génotype et la concentration en endoxifène d’une part, et l’efficacité du traitement d’autre part. Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 3 I) Le Tamoxifène : Le Tamoxifène est un antinéoplasique de la classe des anti-oestrogènes, indiqué dans le traitement du cancer du sein hormonodépendant. Il est indiqué soit dans les formes évoluées avec progression locale ou métastatique, soit en traitement adjuvant (prévention des récidives). Le tamoxifène est présenté sous forme d’un comprimé pelliculé composé de citrate de tamoxifène. La dose recommandée est de 20 à 40 mg par jour en une ou deux prises selon le traitement. Le tamoxifène fut découvert par ICI Pharmaceuticals, aujourd’hui appelé AstraZeneca, et commercialisé en 1987 sous la dénomination NOLVADEX. L’allaitement ainsi que la grossesse sont contre-indiqués lors d’un traitement par le tamoxifène. Divers effets indésirables peuvent être observés chez les patientes traitées tels que des bouffées de chaleur, des manifestations cutanées (éruption, urticaire), des céphalées ou encore une aggravation transitoire des symptômes du cancer (douleur, augmentation de la tumeur). Après administration orale, le pic de concentration sérique de tamoxifène est atteint en 4 à 7 heures. La demi-vie du tamoxifène est de 7 jours et l'équilibre pharmacocinétique est donc atteint après 5 à 6 semaines de traitement. L'excrétion se fait principalement dans les fécès après un cycle entéro-hépatique. Après arrêt du traitement, le tamoxifène est encore présent dans l'organisme pendant 5 à 6 semaines en raison de sa longue demi-vie. A. Mécanisme d’action et Métabolisme a) Métabolisme Le tamoxifène est un promédicament (Dezentje et al., 2009) qui doit subir un métabolisme pour être actif et ainsi avoir une activité pharmacologique (Singh et al., 2011) (Figure 1). Les CYP sont les principales enzymes impliquées dans le métabolisme et l’activation du tamoxifène permettant ainsi l’obtention de métabolites primaires et secondaires (Dezentjé et al., 2009). La première étape du métabolisme du tamoxifène permet l’obtention de deux métabolites primaires, le N-desmethyl-tamoxifène (métabolite le plus abondant dans le plasma) et le 4-hydroxytamoxifen. Ces deux composés sont en partie transformés en 4-hydroxy-N-desmethyl-tamoxifen (appelé endoxifène), métabolite secondaire le plus abondant (Goetz et al., 2005; Dezentjé et al., 2009). Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 4 La formation du N-desmethyltamoxifène est principalement catalysée par les CYP3A4 et CYP3A5 (en moindre mesure par CYP1A1, CYP1A2, CYP1B1, CYP2C9, CYP2C19 et CYP2D6). L’hydroxylation en 4-hydroxytamoxifène est majoritairement catalysée par le CYP2D6 bien que d’autres CYP agissent sur cette conversion (CYP2B6, CYP2C9, CYP2C19). L’endoxifène est obtenu par hydroxylation du N-desmethyltamoxifène par le CYP2D6 et par la transformation du 4hydroxytamoxifène sous la dépendance des CYP3A4 et CYP3A5 (Dezentje et al., 2009; Singh et al., 2011). Figure 1 : Métabolisme du tamoxifène Le CYP2D6 assure ainsi la formation de l’endoxifène (métabolite le plus abondant) et du 4hydroxy-tamoxifène, métabolites actifs issus du tamoxifène (Irvin et al., 2011). Ce cytochrome a donc un impact majeur sur le métabolisme du tamoxifène et sur son efficacité contrairement aux autres CYP impliqués (Singh et al., 2011). b) Mode d’action Le tamoxifène est un anti-estrogène, il agit par inhibition compétitive de la liaison de l'œstradiol avec ses récepteurs (récepteurs aux œstrogènes) (Damodaran et al., 2012). Il agit essentiellement en régulant les gènes (blocage de la transcription des gènes) qui stimulent la réplication des cellules cancéreuses par les mécanismes paracrine et autocrine. Le tamoxifène induit ainsi la mort cellulaire (Singh et al., 2011). Il sera efficace dans les cancers dits Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 5 « hormonodépendants », c’est-à-dire dont la tumeur possède des récepteurs aux œstrogènes. Il se fixe ainsi sur les récepteurs aux œstrogènes alpha et béta des cellules cancéreuses (Figure 2). Figure 2 : Mode d'action du Tamoxifène Les métabolites obtenus possèdent un pouvoir anti-oestrogènes plus important que le tamoxifène lui-même. Le 4-hydroxytamoxifène représentant moins de 10% de l’oxydation primaire du tamoxifène, joue un rôle anti-cancéreux important. En effet, il possède 100 fois plus d’affinité pour le récepteur aux œstrogènes et de 30 à 100 fois plus de potentiel dans la suppression de la prolifération des cellules œstrogènes dépendantes que le tamoxifène (Dezentjé et al., 2009 ; Singh et al., 2011) (Tableau 1). L’endoxifène est cependant plus efficace que le 4-hydroxytamoxifène dans sa contribution à l’effet anti-cancéreux. En effet L’endoxifène possède les mêmes propriétés que le 4hydroxytamoxifène en termes d’affinité avec les récepteurs aux œstrogènes et de potentiel dans la suppression de la prolifération des cellules stimulés aux œstradiols mais ses concentrations dans le plasma sont 5 à 10 fois plus importantes que le 4-hydroxytamoxifène. Ceci rend le blocage du récepteur hormonal plus efficace (blocage 30 à 100 fois plus efficace que le tamoxifène). De ce fait, l’endoxifène est considéré comme le principal métabolite actif du tamoxifène. L’endoxifène étant un métabolite issu du tamoxifène, il faut également tenir compte de la variabilité interindividuelle quant à la production de ce métabolite (Dezentjé et al., 2009 ; de Souza et al., 2011). Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 6 Tableau 1 : Comparaison des concentrations plasmatiques moyennes et de l'affinité pour les récepteurs aux œstrogènes des principaux métabolites par rapport au tamoxifène (Goetz et al., 2005) Métabolites Concentration plasmatique (nmol/L) Affinité pour les récepteurs aux oestrogènes Tamoxifène 190 – 420 2% Endoxifène 14 – 130 188% 4-hydroxytamoxifène 3 – 17 188% Une fois métabolisé et en se fixant sur les récepteurs aux oestrogènes, le tamoxifène joue un rôle clé dans le traitement des cancers du sein hormonodépendants. B. Indication sur le cancer du sein Le cancer du sein est le cancer le plus commun qui affecte les femmes. Le tamoxifène est un des médicaments d’hormonothérapie le plus utilisé pour le traitement du carcinome mammaire soit en traitement adjuvant (traitement préventif des récidives), soit en traitement des formes évoluées avec progression locale et/ou métastatique (pour ralentir ou arrêter la croissance des cellules cancéreuses). Il existe différentes classes de médicaments d’hormonothérapie : les anti-oestrogènes (dont le tamoxifène), les inhibiteurs d’aromatase et les suppresseurs d’activité ovarienne. Le tamoxifène est le médicament de référence pour les femmes non ménopausées. En ce qui concerne les femmes ménopausées, il est préférable d’utiliser des inhibiteurs d’aromatase en traitement adjuvant ou après un traitement au tamoxifène (Brauch et al., 2009 ; Goetz et al., 2007). L’utilisation du tamoxifène sur le cancer du sein repose sur ses propriétés inhibitrices au niveau du récepteur aux oestrogènes des cellules cancéreuses mammaires hormonosensibles. Actuellement 70% des cancers du sein sont des cancers hormonodépendants pour leur prolifération (récepteurs aux oestrogènes). Le tamoxifène se fixe sur les récepteurs aux œstrogènes (le récepteur béta préférentiellement) empêchant l’œstrogène de se fixer, bloquant ainsi la croissance cellulaire. Son activité est vingt fois supérieure à celle de l’oestradiol. Le traitement est utilisé à une dose de 20mg à 40 mg par jour pendant 5 ans suivant le phénotype des patientes (Irvin et al., 2011). Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 7 Nous venons de présenter le métabolisme et le mode d’action du tamoxifène, présentons maintenant les mécanismes impliqués, les cytochromes P450. II) Les Cytochromes P450 (CYP) A. Présentation : Les cytochromes P450 (CYP) sont un système d’enzymes possédant différentes fonctions de détoxification de l’organisme. Ces enzymes sont, pour la plupart, localisées dans le réticulum endoplasmique des cellules hépatiques. Elles jouent un rôle important dans le métabolisme des médicaments (notamment), en rendant ces substances lipophiles exogènes plus polaires (hydrophiles), facilitant ainsi leur élimination dans les urines (Singh et al., 2011). Il existe des centaines de cytochromes P450 (CYP) différents répartis en familles (CYP1, CYP2, CYP3, CYP4) ellesmêmes répartis en sous-familles (CYP1A, CYP2D …) et en iso-enzymes (CYP2D6 …) (Tableau 2). Seuls les CYP1, CYP2, CYP3 et CYP4 sont majoritairement impliqués dans le métabolisme des médicaments. Les autres cytochromes interviennent dans différents métabolismes tels que le métabolisme ou la synthèse du cholestérol (CYP39, CYP46 et CYP51), le métabolisme de la Vitamine D (CYP24) ou encore le métabolisme de l’acide rétinoïque (CYP26) (McKinnon et al., 2008). Tableau 2: Présentation des différents cytochromes P450 existants Famille de CYP Sous familles Enzymes obtenus CYP1 1A CYP2 1B 2A CYP1A1 CYP1A2 CYP1B1 CYP2A6 CYP2A7 CYP2A13 CYP2B6 CYP2C8 CYP2C9 CYP2C18 CYP2C19 CYP2D6 CYP2E1 CYP2F1 CYP2J2 CYP2R1 CYP2S1 CYP2U1 2B 2C 2D 2E 2F 2J 2R 2S 2U Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 8 CYP3 2W 3A CYP4 4A 4B 4F CYP5 CYP7 CYP8 CYP11 CYP17 CYP19 CYP20 CYP21 CYP24 CYP26 CYP27 CYP39 CYP46 CYP51 4V 4X 4Z 5A 7A 7B 8A 8B 11A 11B 17A 19A 20A 21A 24A 26A 26B 26C 27A 27B 27C 39A 46A 51A CYP2W1 CYP3A4 CYP3A5 CYP3A7 CYP3A43 CYP4A11 CYP4A22 CYP4B1 CYP4F2 CYP4F3 CYP4F8 CYP4F11 CYP4F12 CYP4F22 CYP4V2 CYP4X1 CYP4Z1 CYP5A1 CYP7A1 CYP7B1 CYP8A1 CYP8B1 CYP11A1 CYP11B1 CYP11B2 CYP17A1 CYP19A1 CYP20A1 CYP21A2 CYP24A1 CYP26A1 CYP26B1 CYP26C1 CYP27A1 CYP27B1 CYP27C1 CYP39A1 CYP46A1 CYP51A1 Parmi les cytochromes P450 existants, six enzymes sont prédominantes (métabolisme majoritaire) dans le métabolisme des médicaments. Ces enzymes appartiennent aux familles 1, 2 et 3 de CYP450. Il s’agit des cytochromes P450 suivants : CYP1A2, CYP2C9, CYP2C19, CYP2D6, CYP2E1 et CYP3A4 (Tableau 2) (McKinnon et al., 2008). Les études de variabilité génétique dans le métabolisme des médicaments se concentrent sur ces six enzymes. Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 9 Parmi les cytochromes P450, le CYP2D6 est celui qui est le plus impliqué dans le métabolisme des médicaments et ainsi du tamoxifène. B. Le CYP 2D6 a) Présentation du cytochrome : Le CYP2D6, appelé anciennement débrisoquine 4-hydroxylase, appartient à la sous-famille 2D des CYP (Cytochrome P450, famille 2, sous-famille D, polypeptide 6). Cette enzyme, présente en faible quantité (2%) dans le foie, joue un rôle déterminant dans l’élimination ou l’activation des médicaments tels que les antidépresseurs, les béta-bloquants, les neuroleptiques ou encore les opiacés (Brauch et al., 2009 ; Barrière et al., 2010 ; Ingelman-Sundberg, 2005). Le CYP2D6 est un des cytochromes P450 les plus étudiés car il possède un polymorphisme génétique élevé (nombreuses variations pharmacogénétique). L’étude du polymorphisme d’une enzyme est important pour apprécier l’efficacité d’un traitement. Les variations génétiques affectent l’expression du gène et ainsi la fonction de l’enzyme. On peut donc observer une activité diminuée (voire nulle) où augmentée de l’enzyme (Ingelman-Sundberg, 2004; Singh et al., 2011) . Le locus du gène CYP2D6 (qui code pour l’enzyme CYP2D6) est situé sur le bras long du chromosome 22 (22q13,1). Le gène du CYP2D6 comporte 9 exons et 8 introns (Brauch et al., 2009 ; Damodaran et al., 2012). Les fréquences des différents allèles du gène varient en fonction des populations. Dans la population caucasienne, population de l’étude, les allèles CYP2D6*2,*3,*4,*5,*6,*10 & *41 sont les plus observés (Kiyotani et al., 2010 ; Barrière et al., 2010). b) Les médicaments substrats : Bien que le CYP2D6 représente seulement 2% des cytochromes hépatiques, cette enzyme métabolise 20% des médicaments (Figure 3) dont certains avec une marge thérapeutique étroite (Brauch et al., 2009). Il s’agit de médicaments pour lesquels l'intervalle de concentrations plasmatiques (ou sanguines) permettant un traitement à la fois efficace et bien toléré est faible. Une variation de la concentration même faible peut donc avoir des conséquences cliniques importantes. Figure 3 : Proportion des médicaments métabolisés par les cytochromes P450 Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 10 CYP2E1 4% CYP2C19 8% CYP2B6 CYP2A6 3% 3% CYP2D6 19% CYP2C8/9 16% CYP3A4/5 36% CYP1A1/2 11% Il existe 6 principales catégories de médicaments métabolisés par le CYP2D6 : les antidépresseurs, antipsychotiques, antiarythmiques, béta-bloqueurs, analgésiques opioïdes, agents anti-cancéreux (Tableau 3) (Barrière et al., 2010). Tableau 3 : Liste des principaux médicaments métabolisés par le CYP2D6 Catégorie Médicaments Antidépresseurs Amitriptyline, Citalopram, Clomipramine, Desipramine, Doxepin, Fluvoxamine, Imiprimine, Maprotiline, Mianserin, Nortriptyline, Fluoxetine, Paroxetine Antipsychotiques Chloropromazine, Clozapine, Haloperidol, Perphenazine, Risperidone, Thioridazine, Zuclopenthixol Antiarythmiques Flecainide, Mexiletine, Proafenone Béta-bloqueurs Carvedilol, Metoprolol, Yohimbine, Timolol Analgésiques opioïdes Codéine, Dihydrocodéine, Morphine, Tramadol Agents anti-cancéreux Debrisoquine, Gefitinib, Spartéine, Tamoxifène Le CYP2D6 est le cytochrome P450 le plus important dans le métabolisme du tamoxifène, cependant il n’est pas seul à intervenir. D’autres cytochromes agissent sur ce métabolisme. Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 11 C. Les autres CYP450 Outre le CYP2D6, d’autres cytochromes P450 possèdent un polymorphisme ayant des conséquences cliniques. Il s’agit des cytochromes CYP1A2, CYP2B6, CYP2C19, CYP3A5, CYP2C9 et CYP2C8 (Tableau 4). Ces enzymes font également partie, pour la plupart, des six enzymes prédominantes dans le métabolisme des médicaments (Tableau 2) (Singh et al., 2011). Tableau 4 : Les principaux cytochromes P450 possédant un polymorphisme et leurs substrats associés Cytochrome P450 Principaux substrats CYP1A2 Théophylline, Tacrine, Tizanidine, Olanzapine et Clozapine (antipsychotique de référence) CYP2B6 Cyclophosphamide, Efavirenz, Bupropion/ZYBAN mais aussi des psychostimulants tels que l’Ecstasy CYP2C19 Inhibiteurs de pompe à protons, de nombreux antidépresseurs, Proguanil (anti-malarien), Diazépam, Voriconazole et activation du Clopidrogel en son métabolite actif CYP3A5 Les immonusuppresseurs (Tacrolimus) CYP2C9 La plupart des anti-inflammatoires non stéroïdiens (Diclofénac), les sulfamides hypoglycémiants, des anticoagulants oraux (Acénocoumarol, Warfarine), de la Phénytoïne (anticonvulsivant) CYP2C8 Paclitaxel (anticancéreux), des antidiabétiques oraux (Repaglinide, Rosiglitazone, Pioglitazone), des antipaludéens (Amodiaquine, Chloroquine), des antiarythmiques (Amiodarone), des antiinflammatoires non stéroïdiens (Ibuprofène), l’acide transretinoique et une statine (la Cerivastatine) Parmi les polymorphismes existant présentés ci-dessus, trois exemples peuvent être décrits : Tout d’abord, un polymorphisme est connu pour le CYP3A5, avec des conséquences sur le métabolisme du Tacrolimus, médicament immunosuppresseur utilisé chez les patients transplantés. Il s’agit d’une mutation génétique ponctuelle (SNP : single nucleotid polymorphism) dont l’allèle muté responsable de la variabilité des concentrations sanguines chez les caucasiens est noté CYP3A5*3 (allèle sauvage noté CYP3A5*1). Cette mutation de l’allèle du CYP3A5 est située sur l’intron 3 du gène entraînant la formation d’une protéine tronquée. Ce polymorphisme entraîne une Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 12 modification du métabolisme intestinal et hépatique de certains médicaments métabolisés par le CYP3A5, dont le tacrolimus. La posologie doit alors être plus faible chez les patients portant cet allèle *3 de façon à maintenir des concentrations sanguines non toxiques (Thervet et al., 2010) . Un polymorphisme est également connu pour le CYP2C9 avec la warfarine, médicament antithrombotique de la classe des anti-vitamines K. Une diminution de l’activité de l’enzyme est observée. Il existe deux principaux polymorphismes génétiques à l’origine de cette diminution. Cette diminution est de 20% pour le CYP2C9*2 et de 5% pour le CYP2C9*3. Les conséquences fonctionnelles sont plus importantes pour le CYP2C9*3, avec un risque de surdosage et d’accident hémorragique accru (Aithal et al., 1999). Un polymorphisme existe pour le CYP2C19 avec le clopidogrel (Simon et al., NEJM 2008). Le CYP2C19 active le clopidrogel en son métabolite actif. Il existe trois principaux polymorphismes génétiques, le variant CYP2C19*2 (uniquement présent chez les sujets Asiatiques), le variant CYP2C19*3 et la variant CYP2C19*17. Le polymorphisme du CYP2C19 *2 diminue de façon très importante l’activité de la protéine, celui du CYP2C19*3 conduit à une absence de détection de la protéine et l’allèle CYP2C19*17 conduit à une augmentation de l’expression de la protéine et à un phénotype métaboliseur rapide (Simon et al., 2009). Le CYP2D6, cytochrome le plus important dans le métabolisme du tamoxifène, possède un polymorphisme élevé. Il est donc nécessaire de s’y intéresser afin d’adapter le traitement des patientes. C. Polymorphisme du CYP2D6 : a) Allèles concernés : Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 13 Le CYP2D6 possède un polymorphisme élevé, il existe de très nombreux variants référencés (plus de 100 allèles variants) (Damodaran et al., 2012). Les variants sont désignés par un astérisque suivi d’un chiffre. Les enzymes ne sont pas toutes exprimées de la même façon dans la population. Certains polymorphismes génétiques sont responsables de l’inactivité (allèles déficients) ou de l’hyperactivité de ces cytochromes (allèles dupliqué voir répliqué). On observe ainsi une activité augmentée ou diminuée. Les duplications de gènes provoquent l’apparition de duplicata, elles entraînent la modification quantitative et la complexification du génome. Dans la population caucasienne on observe un polymorphisme génétique pour les allèles CYP2D6*3, *4, *5, *6, * 9, * 10, * 17 et * 41 (Barrière et al., 2010). L’allèle CYP2D6*1 étant l’allèle sauvage également noté CYP2D6wt (Tableau 5). Les génotypes CYP2D6*3, *4, *5, *6 mènent à une absence de la fonctionnalité de l’enzyme. Les génotypes CYP2D6 * 9, * 10, * 17, * 41 mènent à une activité réduite de l’enzyme. L’allèle variante la plus commune chez les caucasiens, population de l’étude, est l’allèle *4 (allèle non fonctionnel due à une mutation) (Damodaran et al., 2012). Tableau 5 : Activité et proportion des allèles dans la population Caucasienne Allèles Proportion dans Caucasienne (%) CYP2D6*1 CYP2D6*2 CYP2D6*3 CYP2D6*4 CYP2D6*5 CYP2D6*6 CYP2D6*9 CYP2D6*10 CYP2D6*17 CYP2D6*41 30% 25-35% 1-5% 12-21% 2-7% 1% 2% 1-2% Rare 20% la population Activité Normale (allèles fonctionnels) Nulle (allèles non-fonctionnels) Diminuée (allèles réduits) b) Groupes métaboliques : Phénotypes - Génotypes L’activité enzymatique du CYP2D6 est mesurée, pour déterminer le phénotype du patient, en Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 14 quantifiant la concentration d’un médicament administrée (débrisoquine) et ses métabolites dans le sérum ou l’urine (Brauch et al., 2009). Un ratio métabolique est établi : permettant le classement en quatre phénotypes (Dezentje et al., 2009) (Figure 4) : - Les métaboliseurs ultrarapides (noté UM pour ultrarapid metaboliser) qui ont une activité enzymatique augmenté. Ils représentent 3% de la population caucasienne. - Les métaboliseurs rapides (noté EM, extensive metaboliser) qui ont une activité enzymatique normale. Ils représentent 80% de la population caucasienne. - Les métaboliseurs intermédiaires (noté IM, intermediate metaboliser) qui ont une activité enzymatique diminuée. Ils représentent 10% de la population caucasienne. - Les métaboliseurs lent (noté PM, poor metaboliser) qui ont une activité enzymatique nulle. Ils représentent 7% de la population caucasienne. On peut ainsi en déduire les génotypes à partir des phénotypes et des allèles. Les patients UM possèdent des duplications (uniques ou multiples) du gène normal CYP2D6*1. Les patients EM ont deux génotypes possibles : homozygotes pour un allèle fonctionnel (CYP2D6*EM/*EM) ou hétérozygotes (CYP2D6*EM/*IM) avec un allèle réduit. Les patients IM ont également deux génotypes possibles : homozygotes pour l’allèle réduit (CYP2D6*IM/*IM) ou hétérozygote avec un allèle non-fonctionnel (CYP2D6*IM/*PM). Les patients PM sont homozygotes pour1 allèle nonfonctionnel (CYP2D6*PM/*PM). Le génotype du CYP2D6 est prédictif du phénotype, bien qu’il existe de fortes variabilités de réponse des individus face à l’administration d’une même dose de tamoxifène. Ces variabilités s’expliquent par des différences génétiques interindividuelles (pharmacogénétique) mais également des interactions médicamenteuses (Fleeman et al., 2011). En effet, certains médicaments peuvent inhiber l’activité du CYP2D6 (inhibiteurs du CYP2D6) (Dezentje et al., 2008) . Un polymorphisme important existe pour le CYP2D6 engendrant des différences interindividuelles dans la formation et l’élimination des différents métabolites actifs. Il est ainsi nécessaire de déterminer le génotype des patients. D. Méthodes de génotypage du CYP2D6 Le génotypage vise à déterminer la nature d’une variation génétique (telle que la recherche Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 15 de mutations génétiques ponctuelles) à une position spécifique dans le génome, pour un individu donné. L’analyse est faite sur un échantillon d’ADN (prélèvement sanguin ou frottis buccal) d’un patient. Cette technique non invasive ne nécessite pas l’absorption de substrat. Elle permet de déterminer le génotype de l’individu et ainsi son appartenance à un des quatre phénotypes (Damodaran et al., 2012). Les différentes techniques existantes permettent de caractériser ces polymorphismes ou ces duplications, dérivent toutes de la technique PCR qui produit rapidement et sélectivement de grandes quantités du gène étudié (CYP2D6). Il existe des kits, tel que l’utilisation des sondes Taqman qui permettent la caractérisation de cinq allèles (CYP2D6*3,*4, *6, *10 et *41) (Lammers et al., 2010). Il est également possible de développer sa propre technique en utilisant des techniques d’extension d’amorces (SBE, single base extension appelé aussi mini-séquençage) qui permettent de caractériser une dizaine de polymorphismes. Enfin, l’étude de l’ensemble des variants du gène peut s’effectuer grâce à l’hybridation de l’ADN du patient sur une puce à ADN, sur laquelle ont été préalablement fixées des séquences d’ADN caractéristiques de chacun des variants (AmpliChip CYP450). L’AmpliChip CYP450 est le test de génotypage le plus utilisé pour détecter les génotypes de CYP2D6. Il peut détecter 27 génotypes du CYP2D6 (Singh et al., 2011). Après extraction de l’ADN du patient, les gènes du CYP2D6 sont amplifiés, puis une hybridation est réalisée. Ce test, certifié par la FDA (Food and Drug Administration), va aider les médecins à adopter une approche thérapeutique beaucoup plus personnalisée, c'est-à-dire adapter au mieux la posologie et diminuer les effets secondaires (Beverage et al., 2007). Les différents polymorphismes ainsi que les différents génotypes des patients permettent de mettre en évidence les variabilités individuelles face au traitement. Ces variabilités influençant la réponse au traitement. III) Répercussions cliniques A. Lien entre le génotype et la concentration en endoxifène : influence de la dose Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 16 La concentration en endoxifène du plasma est influencée par le génotype du CYP2D6 (Singh et al., 2011). Ainsi, selon si le patient est PM, IM, EM ou UM, les concentrations du médicament (en endoxifène essentiellement) seront différentes (Fleeman et al., 2011). L’étude d’Irvin en 2011 (Irvin et al., 2011), réalisée sur 89 patientes, établie le lien entre la concentration en métabolites actif et l’augmentation des doses pour les patients possédant un métabolisme réduit. Un déficit en CYP2D6 entraîne un ralentissement du métabolisme du tamoxifène, soit un ralentissement dans la formation des métabolites et une concentration en métabolites diminuée. Actuellement, on estime à 25% le nombre de patients Caucasiens possédant un métabolisme diminué qui bénéficient d’un traitement au tamoxifène et qui nécessitent une adaptation de la posologie. Un génotypage est tout d’abord réalisé afin de déterminer le phénotype des patients. On obtient 72% des patients de l’étude qui possèdent un phénotype PM ou IM, qui ont donc une déficience dans le métabolisme du tamoxifène (présence d’au moins un allèle inactif, l’allèle CYP2D6*4). Concernant les résultats, on observe une concentration en endoxifène plus élevée chez les patients EM de 46% par rapport aux patients IM et 88% plus élevé par rapport aux patients PM. La concentration en endoxifène des patients PM est 77% plus faible que celle des patients IM. On observe donc une différence significative entre les trois génotypes. La dose de tamoxifène a été augmentée (passage de 20mg/jour à 40mg/j) pour les patientes possédant un phénotype IM ou PM. On observe au bout de quatre mois une augmentation (significative) des concentrations en endoxifène pour les phénotypes PM (augmentation de 88% avec P < 0.001) et IM (augmentation de 46% avec P = 0.004), seules les concentrations en endoxifène des patients EM restent inchangé (augmentation non significative). Au bout des quatre mois on ne constate pas de différence significative entre les concentrations en endoxifène des patients IM (prenant 40mg/jour) et EM (prenant 20mg/jour). La concentration en endoxifène pour les patients PM, après quatre mois de traitement à 40mg/jour est encore nettement inférieure aux concentrations des patients EM et IM. Les résultats montrent une augmentation significative de la concentration en endoxifène de 7,6 ng/mL pour les patients EM et de 6,1 ng/mL pour les patients PM au bout de quatre mois. Dans le tableau ci-dessous (tableau) sont répertoriés les concentrations obtenues pour la ligne de base et après quatre mois de traitement (augmentation ou non de la dose de tamoxifène). Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 17 Tableau 6 : Concentration moyenne des trois génotypes après quatre mois de traitement (Irvin, 2011) Génotype Nombre de Ligne de base Concentration en Evolution patientes moyenne évaluées endoxifène (ng/mL) de traitement (ng/mL) EM 32 34.9 29.2² -1.5 IM 74 19.9 21.8 +7.6 PM 11 4.6 12.9 +5.1 moyenne en endoxifène après 4 mois (ng/mL) Les résultats suggèrent que le doublement de la dose de tamoxifène peut augmenter les concentrations en endoxifène chez les patients IM dans la mesure où les différences de concentrations entre les patients EM et IM ne sont pas statistiquement significatives. Les concentrations en endoxifène des patients PM ont elles aussi été augmenté en augmentant la dose mais cette augmentation est plus faible que le groupe IM. La concentration en endoxifène est plus faible que pour les deux autres groupes (EM et IM). On observe donc qu’il est possible de compenser le déficit de l’activité enzymatique des patients IM en augmentant la dose de tamoxifène. Il est donc conseillé aux patients IM et PM d’augmenter la dose de tamoxifène à 40 mg/jour. Les patients EM, eux, conserveront leur traitement à une dose de 20 mg/jour. Après extrapolation des résultats et en supposant une relation linéaire entre les doses de tamoxifène et les concentrations en endoxifène, une dose supérieure à 100 mg/jour de tamoxifène pourrait être administrée aux patients PM. Or avec des doses élevées de tamoxifène on observe une augmentation des effets indésirables de type rétinopathie. Des études ont également observé une saturation des récepteurs aux estrogènes (chez les femmes ménopausées) ou une activité de l’endoxifène moins pertinente. Il existe des limites à cette étude comme le manque des données cliniques. Actuellement, il n’existe pas d’essai clinique à grande échelle pour étudier le lien entre le génotype des patients (polymorphismes génétiques) et la pharmacocinétique du médicament. De plus il n’existe pas d’étude clinique concernant les patients UM. D’après les conclusions de cette étude, les patients UM voient, quant à eux, leur concentration en endoxifène augmentée (Fleeman et al., 2011). Cela suppose également le problème des effets secondaires engendrés par ce fort taux d’endoxifène. Les concentrations en endoxifène sont donc liées au génotype des patients et ainsi à l’activité du CYP2D6. Cependant, le CYP2D6 ne peut pas être le seul responsable du résultat thérapeutique obtenu. D’autres protéines ou enzymes intervenant dans le métabolisme du tamoxifène peuvent Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 18 être impliquées telles que des protéines intervenant dans le transport ou dans l’élimination de ces molécules (ABCC2, SULTA1A ou encore UGT). Les récepteurs aux oestrogènes peuvent également être impliqués dans la modification de la dose de tamoxifène et ainsi d’endoxifène (modulation de la réponse). Nous avons donc établi un lien entre le génotype des patients et la concentration en endoxifène. A présent examinons le lien existant entre les polymorphismes génétiques et l’efficacité du traitement. B. Lien entre les polymorphismes génétiques et l’efficacité du traitement Beaucoup d’études s’intéressent au lien entre les polymorphismes du CYP2D6 et l’efficacité du tamoxifène. Dans cet article, seuls six études sont présentées. Ces études s’intéressent au polymorphisme de différents variants. Dans la population Caucasienne, le variant CYP2D6*4 est le variant le plus étudié, tandis qu’il s’agit du CYP2D6*10 dans la population Asiatique (Tableau 7). Les études de Goetz et al de 2005 et 2007 (essai NCCTG 89-30-52) s’intéressent au polymorphisme du CYP2D6*4 sur l’efficacité du traitement par le tamoxifène. L’objectif était de déterminer la relation entre le génotype et le temps de rechute ou de survie de la maladie mais également d’évaluer la biotransformation du tamoxifène. L’étude portait sur des femmes Caucasiennes ménopausées atteinte du cancer du sein présentant des tumeurs porteuses de récepteurs aux œstrogènes traités par tamoxifène à la dose de 20 mg par jour sur une période de 5 ans (durée habituelle de traitement). L’étude de l’allèle CYP2D6*4 portait sur 190 patientes. Un génotypage est effectuée sur les 190 patients avec le kit Taqman. On obtient les génotypes suivants : 137 patientes du type wt/wt, 40 patientes du type wt/*4 et 13 patientes du type *4/*4 (Goetz et al., 2005). Il a été démontré que les patientes atteints d’une déficience du métabolisme du CYP2D6 (patientes présentant le génotype PM) ont un risque deux fois plus élevé de récidive du cancer du sein par rapport au génotype « normal » et même trois fois plus élevé par rapport aux métaboliseurs rapides. Le taux de survie sans rechute est estimé à 68% pour les patientes PM contre 98% pour les patientes EM. Cette étude permet ainsi de démontrer que les patients considérés comme métaboliseurs lent, ayant donc une défaillance vis-à-vis de l’activité du CYP2D6, ne peuvent pas activer les métabolites du tamoxifène (en particulier la formation de l’endoxifène) de façon optimale ce qui conduit à une diminution de la quantité d’endoxifène pouvant se fixer sur les récepteurs aux œstrogènes des cellules cancéreuses et empêche moins efficacement la récidive du cancer du sein. Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 19 La fréquence du génotype homozygote pour l’allèle *4 est plus important chez les femmes qui ont développé un cancer du sein (et traités par le tamoxifène) que les femmes qui n’ont pas développé de cancer du sein (Goetz et al., 2007). Une étude complémentaire a été réalisée en intégrant au traitement du tamoxifène des inhibiteurs du CYP2D6 (agissent sur les effets secondaires du tamoxifène : bouffées de chaleur essentiellement). L’étude conclut que les patientes possédant le génotype PM (homozygotes pour l’allèle *4) et sous inhibiteurs du CYP2D6 ont une chance de survie sans rechute significativement plus courte par rapport aux génotypes EM (CYP2D6wt/wt) et IM (CYP2D6*4/wt) (Goetz et al., 2007, 2005). Une étude allemande s’est intéressée à des patientes de type Caucasien atteintes d’un cancer du sein traitées ou non par le tamoxifène. Les patientes étaient réparties en 2 groupes : le premier groupe était traité par tamoxifène (206 femmes) et le second sans tamoxifène, groupe témoin, (280 femmes). Dans cette étude, seuls les allèles CYP2D6*1 (wt), *4, *5, *10 et *41 ont été étudiés. Pour les patientes qui n’étaient pas traitées au tamoxifène, les résultats ne montrent pas de différence significative suivant les allèles étudiés, à la différence des patientes traités au tamoxifène. Les patientes sous tamoxifène qui présentent des allèles mutés du CYP2D6 *4, *5, *10 et *41 ont plus de risques de récidives du cancer du sein et un taux de survie plus faible comparés aux patientes porteuses de l’allèle fonctionnel (CYP2D6*1 (wt)) (Schroth et al., 2007). Une étude Coréenne s’est centrée sur l’analyse de l’allèle CYP2D6*10, variant majoritaire de la population Asiatique. Un génotypage a été réalisé sur 202 patientes coréennes bénéficiant d’une thérapie par le tamoxifène à la dose de 20 mg par jour. Une corrélation avec le génotype a été réalisé sur 12 patientes (sur les 202 patientes de l’étude) atteintes d’un cancer métastasique du sein et traitées au tamoxifène. Cette étude a démontré que chez les patientes ayant un génotype CYP2D6*10/*10 les taux plasmatique de métabolites étaient significativement diminué (endoxifène et 4-hydroxytamoxifène). Concernant l’efficacité du traitement, les patientes homozygotes pour l’allèle CYP2D6*10 ont une période sans rechute de la maladie plus courte que les patientes hétérozygotes. Cette analyse permet de comprendre les variations d’efficacité du tamoxifène chez les patientes asiatiques (Lim et al., 2007). Une étude Japonaise a été réalisée sur 67 patientes japonaises traitées par tamoxifène à une dose de 20 mg par jour pendant 5 ans afin d’analyser l’impact du variant CYP2D6*10. Un génotypage est réalisé. Trois génotype sont obtenus : les patientes homozygotes pour l’allèle sauvage Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 20 (CYP2D6wt/wt), les patients homozygotes pour l’allèle muté (CYP2D6*10/*10) et les patientes hétérozygotes (CYP2D6wt/*10). L’étude conclut que les patientes au génotype CYP2D6wt/*10 ont un risque quatre fois plus élevé de rechuter de la maladie par rapport au génotype « normal » (CYP2D6wt/wt). Les patientes possédant le génotype CYP2D6*10/10 ont, quant à elles, une survie sans progression de la maladie plus courte (Kiyotani et al., 2008). Une étude chinoise a été menée sur 293 patientes chinoises. Les patientes ont été réparties en 2 groupes : les patientes recevant du tamoxifène (152 patientes) et celles non traitées par le tamoxifène (141 patientes). Cette étude vise comme les deux précédentes à étudier l’impact de l’allèle CYP2D6*10. Les concentrations en métabolites actifs (plus précisément en 4hydroxytamoxifène) sont significativement plus basses chez les patients homozygotes pour l’allèle CYP2D6*10 que chez les patients homozygotes pour l’allèle normal. Concernant l’efficacité du traitement, les patientes possédant le génotype CYP2D6*10/*10 ont une survie sans progression de la maladie plus courte que les patients hétérozygotes CYP2D6*1/*10 et homozygotes CYP2D6wt/wt. Le génotype CYP2D6*10/*10 affecte donc l’efficacité du tamoxifène pour les patientes chinoise (Xu et al., 2008). Les six études présentées démontrent un lien entre le génotype du patient et l’efficacité du traitement. Ils existent également beaucoup d’études qui n’ont pas trouvé ce lien entre le polymorphisme du CYP2D6 et l’efficacité du tamoxifène. Deux études sont présentées dans cet Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 21 article (Tableau 7). Une étude Américaine a été réalisée sur des patientes Caucasiennes (81%) et Afroaméricaines (19%). Ces patientes ont été réparties en deux groupes : les patientes traitées sous tamoxifène (162 femmes) et les patientes non traités par le tamoxifène représentant ainsi le groupe témoin (175 femmes). L’objectif de l’étude était d’apprécier l’efficacité du traitement avec le tamoxifène suivant le génotype des patientes et ainsi de comparer les génotypes CYP2D6*4/4 avec les génotypes CYP2D6wt/wt et CYP2D6wt/*4. Contrairement aux autres études, il n’y a pas d’association du génotype CYP2D6*4 avec la survie au cancer du sein chez les patientes recevant le tamoxifène et celle n’en recevant pas. L’association entre le génotypage du CYP2D6 et la survie sans rechute du cancer du sein n’est pas significative. Selon l’étude, le génotype des patientes n’est pas un critère influençant la survie ou non au cancer du sein lorsque les patientes sont traitées au tamoxifène (Nowell et al., 2005). Une étude suédoise s’intéresse à 677 patientes Caucasiennes traitées à l’aide du tamoxifène (pendant 2 et 5 ans) comme traitement adjuvant. Dans cette étude, l’impact des variants CYP2D6*4 et CYP2D6*3 sur l’efficacité du traitement a été évalué. Les résultats obtenus sont contradictoires avec les résultats des études précédentes. Dans cette étude, les patientes portant le génotype CYP2D6*4/*4 présentaient une meilleure survie sans maladie en comparaison aux patientes CYP2D6wt/wt ou CYP2D6wt/*4 pour un traitement de 5 ans de tamoxifène bien que le nombre de patientes est limité pour CYP2D6*4/*4. Cette étude étant réalisé sur un faible nombre de patientes les résultats obtenus peuvent être discutés (Wegman et al., 2007). Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 22 Tableau 7 : Tableau récapitulatif des études positives et négatives Population Nombre de patientes Allèle(s) étudiée concerné(s) Etudes positives Goetz et al, 2005 et 2007 Schroth et al., 2007 Population 190 patientes ménopausées, caucasienne atteintes du cancer du sein Population 206 caucasienne tamoxifène et 280 patientes patientes traitées par CYP2D6*4 CYP2D6*1 (wt), *4, *5, *10 et *41 non traitées par tamoxifène Lim et al., 2007 Population 202 patientes traitées par Asiatique tamoxifène atteinte d’un cancer CYP2D6*10 métastasique du sein Kiyotani et al., 2008 Xu et al., 2008 Population 67 japonaises traitées par CYP2D6*10 japonaise tamoxifène Population 293 patientes chinoises : 152 CYP2D6*10 Asiatique traitées par tamoxifène et 141 non traitées Etudes négatives Nowell et al., 2005 Population 337 patientes : 162 patientes caucasienne traitées par tamoxifène et 175 (81%) et CYP2D6*4 non traités par tamoxifène Afroaméricain e (19%). Wegman et al., 2007 Population 677 patientes caucasienne tamoxifène traitées par CYP2D6*3 et *4 Après la présentation et l’analyse des résultats de ces huit études, certaines limites peuvent nuancer les résultats obtenus. Les études dites « négatives », ne montrant pas de lien entre la génotype et l’efficacité du traitement donnent des résultats même quand le nombre de patientes n’est pas significatif pour que le résultat soit acceptable et n’ont pas pris en compte la co-admninistration du tamoxifène avec des inhibiteurs du CYP2D6. Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 23 Ainsi, les études dites « positives », montrant le lien entre le génotype et l’efficacité du traitement, s’intéressent essentiellement à des patientes ménopausée en traitement adjuvant ou à des patientes présentant un cancer du sein métastatique. Or, aujourd’hui l’indication est principalement pour les femmes non ménopausées, aucune étude ne s’intéresse donc à la cible principale de ce traitement. Les paramètres physiologiques (augmentation du taux d’endoxifène avec l’âge) variant de façon importante selon si une femme est ménopausée ou non les données obtenues pour des femmes ménopausées ne peuvent pas être extrapolées aux femmes qui ne le sont pas. Héloïse Bougères - Synthèse bibliographique 24 Conclusion : Actuellement le tamoxifène est le médicament le plus adapté au traitement du cancer du sein hormonodépendant (essentiellement chez les femmes non ménopausées). Le tamoxifène est essentiellement métabolisé par le CYP2D6. Cette enzyme joue un rôle important notamment dans la formation de l’endoxifène, métabolite actif le plus important issu du tamoxifène. L’endoxifène agit sur les récepteurs aux œstrogènes en se fixant sur le récepteur à la place de l’œstradiol, c’est un inhibiteur compétitif de ces récepteurs. De nombreuses variations génétiques interindividuelles affectent le CYP2D6 et ainsi l’efficacité du tamoxifène. Le but de cette étude était d’étudier l’impact des polymorphismes génétiques sur la dose à administrer aux patients et sur l’efficacité clinique du traitement. D’après les résultats de différentes études, certains variants affectent le métabolisme du tamoxifène en endoxifène (essentiellement les allèles CYP2D6*4 et *10) et diminue l’efficacité du traitement, nécessitant une augmentation des doses (passage de 20 mg par jour à une dose de 40 mg par jour). Cependant, il reste encore bien des incertitudes sur l’intérêt du génotypage ou non. Le génotypage est important dans la mesure où il permet de déterminer le génophénotype d’un individu, ce qui permet une d’adapter le traitement et d’augmenter les chances de guérison. Or, selon certaines études, le génotypage n’a pas lieu d’être car d’autres facteurs influent sur l’efficacité du traitement et la concentration en endoxifène (nombreux paramètres environnementaux). Le génotype seul ne peut pas prédire ces variations. 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