36 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012
MISE AU POINT Dépression du sujet âgé : quelles perspectives pourindividualiser
letraitement antidépresseur ?
Peut-on individualiser
la prescription ?
L’individualisation du traitement dans le but d’opti-
miser son efficacité et d’en diminuer les effets indé-
sirables prend tout son sens chez la personne âgée.
La première approche concernant l’individualisation
du traitement en caractérisant le métabolisme du
patient s’est faite par le dosage plasmatique des
médicaments (Therapeutic Drug Monitoring [TDM]).
Le dosage plasmatique cherche à évaluer la posologie
médicamenteuse individuelle après instauration du
traitement (7). Dans les années 1990, la pharmaco-
génétique est venue compléter le TDM (8).
La pharmacogénétique est un aspect de la pharma-
cologie clinique qui vise à évaluer les implications
de la variabilité du génome humain dans les diffé-
rents aspects de la réponse à un traitement tant en
termes d’efficacité, de délai d’action que d’effets
indésirables. Elle est particulièrement indiquée chez
les patients de plus de 65 ans, puisqu’elle prend en
compte les facteurs de variabilité de la pharmaco-
cinétique et de la pharmacodynamique spécifiques
à cette population.
Différentes études menées spécifiquement chez la
personne âgée s’intéressent aux gènes candidats de
la pharmacogénétique de la dépression du sujet âgé.
Les cytochromes P450 (CYP), dont le CYP2D6, ont
été les premiers étudiés : l’objectif était de mettre
en relation leurs polymorphismes et l’efficacité des
antidépresseurs (tableau, page 35). Les résultats de
la plupart des études montrent que le lien entre la
concentration plasmatique d’antidépresseur et le
génotype CYP2D6 est conservé chez les personnes
âgées, mais peut être modifié par les thérapeutiques
concomitantes. Actuellement, cependant, l’étude du
génotype CYP2D6 ne permet pas de prédire les effets
indésirables et la discontinuation du traitement ni
de déterminer des indications thérapeutiques (9-12,
17, 18).
Les autres polymorphismes étudiés chez les sujets
âgés concernent principalement le transporteur de la
sérotonine (5HTT) [11, 13-16]. Les liens concernent
principalement les antidépresseurs de la catégorie
des IRS qui agissent en effet via l’inhibition du trans-
porteur de la sérotonine (5HTT). Ainsi, les variations
génétiques de 5HTT ont été considérées comme une
cible évidente de l’étude de la pharmacogénétique
de la dépression. Le polymorphisme le plus étudié
est celui du promoteur (5HTTLPR) du gène du trans-
porteur de la sérotonine. Les résultats montrent
un lien entre le nombre d’allèles s du 5HTTLPR, le
nombre d’allèles C du 5HTR2A et les effets indési-
rables ainsi que l’efficacité du traitement par certains
IRS (tableau, page 35).
Il apparaît alors, comme dans les études sur le
CYP2D6, que l’antidépresseur considéré conditionne
le résultat obtenu et que l’on ne peut pas établir de
loi générale concernant l’implication d’un génotype
dans la réponse individuelle à un traitement antidé-
presseur quel qu’il soit, chaque molécule ayant des
particularités pharmacologiques et des affinités pour
des sites et des transporteurs différentes.
Conclusion
Les études effectuées chez les personnes âgées
sont moins avancées que celles effectuées dans la
population générale et ne permettent pas encore
l’instauration d’un traitement “sur mesure” pour
les patients âgés dépressifs. Les études en cours
montrent quelques résultats encourageants, mais
de nombreux paramètres sont à améliorer afin
d’augmenter la pertinence des études fondées sur
la pharmacogénétique.
Il semble en effet intéressant de considérer l’en-
semble des caractéristiques génétiques d’un patient
et donc de prendre en compte son génotype pour
différents gènes cibles, mais aussi le phénotype,
résultant des interactions gènes-gènes et gènes-
environnement (19).
Ces résultats restent cependant préliminaires et
exigent d’être approfondis, même s’ils laissent
entrevoir de nombreuses possibilités d’étude de la
pharmacogénétique de la dépression, en particulier
chez la personne âgée.
Enfin, il faut également envisager l’utilisation
d’autres méthodes associées à la génétique comme
F. Holsboer le suggère dans son article publié dans
Nature en 2008 (20). Il propose, entre autres, de
rechercher des biomarqueurs (c’est-à-dire des méta-
bolites) qui permettraient de classer les individus
par sous-groupes pour un même diagnostic et qui
représenteraient leur capacité à répondre aux diffé-
rents traitements. ■
Conflit d’intérêts. L’auteur déclare avoir un conflit d’intérêts :
honoraires, financements de congrès et subventions de recherche
reçus de différents laboratoires pharmaceutiques (Bristol-Myers
Squibb, GlaxoSmithKline, Wyeth, Servier, Janssen, Sanofi, Biocodex,
Pfizer, Lundbeck, Lilly) depuis 10ans pour conférences, coordination
d’études et conseil ou expertise scientifique.