Anne Lesur-Schwander*, B. De Lafontan**
epuis quelques mois, l’univers sénologique
s’interroge à la suite de la publication des résul-
tats de plusieurs études concernant l’utilisation
du tamoxifène. Le congrès de l’ASCO a permis de découvrir
les résultats de la méta-analyse concernant les études de traite-
ment adjuvant du cancer du sein par tamoxifène. D’autre part,
l’étude du NSABP de chémoprévention du cancer du sein par
tamoxifène a largement été évoquée dans les médias du fait
des espoirs qu’elle suscite.
Ces résultats, bien que préliminaires, remettent en cause les
pratiques courantes et soulèvent d’innombrables questions.
Alors qu’apparaît la possibilité de prévenir le cancer du sein
par la prescription d’anti-estrogènes à une femme saine, l’idée
de réintroduire des estrogènes après traitement d’un cancer du
sein fait de plus en plus son chemin dans l’esprit des cancéro-
logues. Paradoxalement, deux attitudes extrêmes sont ainsi
envisagées : prescrire des anti-estrogènes pour éviter un cancer
et permettre des estrogènes après le traitement de celui-ci
(voire les deux simultanés).
Ce dossier comporte deux volets :
Le premier est consacré au tamoxifène.
Henri Roché commente les apports de la nouvelle méta-
analyse d’Oxford concernant le traitement adjuvant par
tamoxifène, plus particulièrement chez la femme non méno-
pausée. Ce qui apparaissait comme une hérésie endocrinolo-
gique devient une réalité oncologique tangible. En effet, le
tamoxifène reste carcinologiquement efficace bien qu’il induise,
de par son action “clomid-like”, sur un axe hypothalamo-hypo-
physo-ovarien fonctionnel, une hyperestrogénie majeure. Dans
l’application pratique de cette hypothèse, le problème de la
contraception de ces patientes non ménopausées resterait entier
(induction d’ovulation, tératogène).
Bruno Cutuli a revu la littérature quant aux effets throm-
boemboliques du tamoxifène. Il propose une utilisation adap-
tée au terrain en évitant de le prescrire au sous-groupe de
femmes à risque de complications.
Enfin, Moïse Namer analyse les données actuelles sur la
chémoprévention à partir de quatre études récentes. Plutôt
qu’une démarche de prévention, il s’agit peut-être du traite-
ment ultraprécoce de microcancers non détectables ou d’un
retard à l’émergence de la maladie. Quoi qu’il en soit, c’est en
terme de réduction de mortalité que le bénéfice réel sera éva-
lué après un recul suffisant.
Le second volet est consacré au traitement hormonal
substitutif après cancer du sein.
Pour l’heure, force est d’admettre que l’incidence des petits
cancers augmente chez la femme jeune, ménopausée précoce-
ment de par son traitement. Chez elle, se pose la question de la
réintroduction hormonale qui reste un des derniers bastions des
contre-indications formelles, opposables sur le plan médico-
légal.
Ce débat a été réactivé il y a quelques mois par les déclarations
de certaines équipes lors de la cession consacrée à ce sujet à
Paris (EUROCANCER 98). La presse en a retenu une progres-
sion des idées, peut-être un futur amendement à l’interdiction
classique. Néanmoins, pour médiatique que soit le sujet, les
assertions des médias demeuraient prudentes.
En pratique, la réponse ne pourra qu’être personnalisée en rai-
son de la multiplicité des cas de cancers tous différents, eu
égard à la psychologie féminine et au vécu infiniment varié de
l’état de ménopause, eu égard enfin à la personnalité et aux
convictions des thérapeutes.
Vous trouverez ci-joint un certain nombre de réflexions, de
suggestions, de propositions des différentes équipes préoccu-
pées par ce problème, rendant compte des interrogations de
tous. Nous soumettons toutes ces démarches intellectuelles à
votre sagacité et attendons vos réactions.
DOSSIER THÉMATIQUE
6
La Lettre du Sénologue - n° 2 - octobre 1998
HORMONES ET CANCER DU SEIN
D
*Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-lès-Nancy.
**Institut Claudius-Regaud, Toulouse.
261133F/n°2 20/04/04 17:15 Page 6
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