10 Polynômes à une indéterminée à coe cients réels ou complexes

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10
Polynômes à une indéterminée à
coecients réels ou complexes
1
Pour les dénitions et premières propriétés, K est un corps commutatif qui peut être remplacé par R ou C quand les particularités de ces corps interviennent.
Pour tout couple d'entiers (n, k) ∈ N2 , on note :
{
1 si k = n
0 si k ̸= n
δn,k =
(symboles de Kronecker).
10.1 L'algèbre K [X] . Degré, valuation, opérations sur les
polynômes
On désigne par KN l'ensemble des suite a = (ak )k∈N d'éléments de K.
Muni des opérations d'addition et multiplication externe dénies par :
a + b = (ak + bk )k∈N et λa = (λak )k∈N
(où a, b sont dans KN et λ dans K) cet ensemble est un K-espace vectoriel.
On dénit une multiplication sur KN en posant pour a = (ak )k∈N , b = (bk )k∈N dans KN ,
ab = (ck )k∈N , où les ck sont dénis par :
∀k ∈ N, ck =
k
∑
aj bk−j =
j=0
k
∑
ak−j bj
j=0
et muni de cette multiplication, KN est un anneau commutatif, unitaire, le neutre pour le
produit étant P0 = (δ0,k )k∈N .
En dénitive, KN est une K-algèbre commutative et unitaire.
Remarque 10.1 La multiplication que nous avons déni dans KN n'est pas la multiplication
usuelle des suites (ab = (ak bk )k∈N ). Il s'agit en fait de la multiplication des séries formelles.
1. Version du 01 novembre 2011
213
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
214
Dénition 10.1 Le support d'une suite a = (ak )k∈N ∈ KN est l'ensemble :
Supp (a) = {k ∈ N | ak ̸= 0}
ce support pouvant être vide.
Dénition 10.2 On appelle polynôme toute suite P
= (ak )k∈N ∈ KN de support ni.
Un polynôme est donc une suite dont tous les termes, sauf un nombre ni d'entre eux, sont
nuls.
On peut aussi dire qu'un polynôme est une suite nulle à partir d'un certain rang, c'est-à-dire
telle qu'il existe un entier m ∈ N tel que ak = 0 pour tout k ≥ m.
On note 0 le polynôme nul, c'est-à-dire celui dont tous les termes sont nuls.
On note, temporairement, K(N) l'ensemble de ces polynômes.
Si P = (ak )k∈N est un polynôme non nul, il existe alors un nombre ni d'indices k ∈ N tels
que ak ̸= 0 et on peut noter :
deg (P ) = max {k ∈ N | ak ̸= 0}
val (P ) = min {k ∈ N | ak ̸= 0}
On dit que deg (P ) est le degré de P et val (P ) la valuation de P.
Par convention, on pose :
deg (0) = −∞ et val (0) = +∞
Un polynôme P non nul de degré n ≥ 0 peut être noté :
P = (a0 , · · · , an , 0, · · · , 0, · · · )
et on dit que an ̸= 0 est le coecient dominant de P.
Théorème 10.1
par :
K(N) est une sous-algèbre de KN et la famille (Pn )n∈N de polynômes dénie
∀n ∈ N, Pn = (δn,k )k∈N = (0, · · · , 0, 1, 0, · · · , 0, · · · )
est une base de K(N) .
Démonstration. Le polynôme nul 0 et le polynôme P0 sont dans K(N) et on vérie facilement
que si P, Q sont dans K(N) et λ dans K, alors P + λQ et P Q sont dans K(N) . Donc K(N) est une
sous-algèbre unitaire de KN .
Si P = (ak )k∈N est un polynôme non nul de degré n, il s'écrit :
P =
n
∑
ak Pk
k=0
donc la famille (Pn )n∈N engendre K(N) .
n
∑
Pour tout entier n, l'égalité
ak Pk = 0 équivaut à (a0 , · · · , an , 0, · · · , 0, · · · ) = 0, qui est
k=0
encore équivalent à ak = 0 pour tout k compris entre 0 et n. La famille (Pn )n∈N est donc libre
et c'est une base de K(N) .
L'application a0 ∈ K 7→ (a0 , 0, · · · , 0, · · · ) = a0 P0 ∈ K(N) réalise un morphisme d'anneaux
injectif de K dans K(N) , ce qui permet d'identier K au sous-anneau de K(N) formé du polynôme
nul et des polynômes non nuls de degré 0. Un polynôme a0 P0 , identié à a0 ∈ K, est appelé
polynôme constant.
En particulier l'unité P0 de l'anneau K(N) est noté 1.
L'algèbre K [X] . Degré, valuation, opérations sur les polynômes
215
Théorème 10.2 Pour tous P, Q dans K(N) , on a :
deg (P + Q) ≤ max (deg (P ) , deg (Q))
avec égalité si deg (P ) ̸= deg (Q) et :
val (P + Q) ≥ val (deg (P ) , deg (Q))
avec égalité si val (P ) ̸= val (Q) .
Pour tous P, Q dans K(N) , on a :
deg (P Q) = deg (P ) + deg (Q)
et :
val (P Q) = val (P ) + val (Q)
Démonstration. Pour P
= 0, on a deg (P ) = −∞ et P + Q = Q, P Q = 0, donc :
deg (P + Q) = deg (Q) = max (deg (P ) , deg (Q))
deg (P Q) = −∞ = deg (P ) + deg (Q)
Comme P et Q jouent des rôles symétriques, on a un résultat analogue dans le cas où Q = 0.
Pour P = (a0 , · · · , an , 0, · · · , 0, · · · ) et Q = (b0 , · · · , bm , 0, · · · , 0, · · · ) non nuls dans K(N)
avec n = deg (P ) ≤ m = deg (Q) , on a :
P + Q = (a0 + b0 , · · · , am + bm , 0, · · · , 0, · · · )
avec am + bm ̸= 0 si n < m, donc P + Q est de degré au plus égal à m, l'égalité étant réalisée
pour n < m, et :
P Q = (c0 , · · · , cn+m , 0, · · · , 0, · · · )
avec cn+m = an bm ̸= 0, donc P Q est de degré n + m.
On procède de manière analogue pour la valuation.
Remarque 10.2 Avec la démonstration qui précède, on aussi prouvé que l'anneau
intègre (on a vu que pour P, Q non nuls, P Q est de degré nm ̸= −∞, donc P Q ̸= 0).
K(N) est
On a noté 1 = P0 = (1, 0, · · · , 0, · · · ) le neutre de K(N) pour le produit et en notant X =
P1 = (0, 1, 0, · · · , 0, · · · ) , on a pour tout entier n ≥ 1, X n = Pn . En eet, c'est vrai pour n = 1
et supposant le résultat acquis pour n ≥ 1, on a :
X n+1 = X · X n = P1 Pn = (δ1,k ) (δn,k ) = (ck )k∈N
avec :
cn+1 =
n+1
∑
δ1,j δn,n+1−j = δn,n = 1
j=0
et pour k ̸= n + 1 :
ck =
k
∑
δ1,j δn,k−j = δn,k−1 = 0
j=0
soit ck = δn+1,k pour tout k et X n+1 = Pn+1 .
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
216
En dénitive, un polynôme non nul de degré n s'écrit P =
n
∑
ak X k , en convenant que
k=0
X 0 = 1.
On notera aussi P (X) =
n
∑
ak X k .
k=0
On dit alors que X est une indéterminée et on note K [X] l'algèbre des polynômes à coecients dans K.
Un monôme est un polynôme de la forme λX n où λ ∈ K et n ∈ N (pour n = 0, il s'agit d'un
polynôme constant).
Pour tout entier naturel n, on note Kn [X] le sous-ensemble de K [X] formé des polynômes
de degré au plus égal à n.
On vérie facilement que Kn [X] est un sous-espace vectoriel
( de
) K [X] .
k
Ce sous-espace Kn [X] est de dimension n + 1, la famille X 0≤k≤n en étant une base (la
base canonique de Kn [X]).
Un polynôme P (X) =
n
∑
ak X k de degré n ≥ 0 est dit unitaire (ou normalisé) si an = 1.
k=0
On peut dénir sur K [X] une autre opération interne qui est la composition de deux polynômes.
Dénition 10.3 Soient P
=
n
∑
ak X k et Q deux polynômes K [X] . La composée des polynômes
k=0
P et Q est le polynôme :
P ◦Q=
n
∑
ak Qk
k=0
avec la convention que Q0 = 1 pour tout polynôme Q.
Cette dénition a bien un sens puisque K [X] est une K-algèbre.
On note aussi P (Q) pour P ◦ Q. Pour Q = X, on retrouve le polynôme P (X) (ce qui justie
la notation P (X)).
Pour Q = X − α, où α ∈ K, on a le polynôme :
P (X − α) =
n
∑
ak (X − α)k
k=0
qui est de même degré que P.
Théorème 10.3 Si P, Q sont deux polynômes non nuls dans K [X] , on a alors :
deg (P ◦ Q) = deg (P ) deg (Q)
Démonstration. Pour
P =
n
∑
ak X de degré n ≥ 0 et Q =
k
m
∑
j=0
k=0
bj X j , le polynôme Qk
est de degré mk, donc an Q est de degré nm et les ak Q sont de degré inférieur ou égal à
(n − 1) m < nm pour tout k compris entre 0 et n − 1. D'où le résultat.
n
k
Dérivation des polynômes. Formule de Taylor
217
10.2 Dérivation des polynômes. Formule de Taylor
Une autre opération importante sur les polynômes est la dérivation.
Dénition 10.4 Soit
P ′ déni par :
P un polynôme dans K [X] . Le polynôme dérivé de P est le polynôme


 0 psi P = 0
p
∑
∑
P ′ (X) =
k−1
ka
X
si
P
(X)
=
ak X k est de degré p ≥ 1

k

k=1
(
k=0
)′
On a en particulier X k = kX k−1 pour tout entier k ≥ 1 et, pour tout polynôme P de
degré p ≥ 1, le polynôme P ′ est de degré p − 1, si le corps K est de caractéristique nulle (dans
ce cas, on aura pap−1 ̸= 0 si ap ̸= 0).
Si le corps K est de caractéristique p ≥ 2, on a alors (X p )′ = pX p−1 = 0 et le polynôme X p
n'est pas constant.
En caractéristique nulle, l'égalité P ′ = 0 équivaut à dire que P est constant (sinon P est de
degré p ≥ 1 et P ′ est de degré p − 1 non nul).
Théorème 10.4 L'application
P 7→ P ′ est linéaire de K [X] dans K [X] , de Kp [X] dans
Kp−1 [X] pour p ≥ 1 et pour tous polynômes P, Q dans K [X] , on a :
(P Q)′ = P ′ Q + P Q′ , (P ◦ Q)′ = (P ′ ◦ Q) Q′
Démonstration. La linéarité se vérie facilement.
Pour P = a0 ∈ K et Q ∈ K [X] , on a P ′ = 0 et (P Q)′ = a0 Q′ = P ′ Q + P Q′ .
Comme P et Q jouent des rôles symétriques, on a un résultat analogue pour P ∈ K [X] et
Q constant.
Pour P (X) =
p
∑
ak X k de degré p ≥ 1 dans K [X] et Q (X) = X q avec q ∈ N∗ , on a :
k=0
p
p
p
∑
∑
∑
k+q−1
q
k−1
−1
ak X k
(P Q) =
ak (k + q) X
=X
kak X
+ qX
′
k=0
k=0
k=0
= P ′ Q + P Q′
Par linéarité, on en déduit que (P Q)′ = P ′ Q + P Q′ pour tous (polynômes
P, Q.
)
k ′
De cette formule, on déduit par récurrence sur k ≥ 1 que Q = kQk−1 Q′ pour tout
polynôme Q. En eet, c'est vrai pour k = 1 et supposant le résultat acquis pour k ≥ 1, on a :
(
Qk+1
)′
)′
(
( )′
= QQk = Q Qk + Q′ Qk = kQQk−1 Q′ + Q′ Qk = (k + 1) Qk Q′
Pour P = a0 ∈ K et Q ∈ K [X] , on a :
(P ◦ Q)′ = (a0 )′ = 0 = (P ′ ◦ Q) Q′
Pour P (X) =
p
∑
ak X k de degré p ≥ 1 et Q ∈ K [X] , on a :
k=0
(P ◦ Q)′ =
p
∑
k=0
ak
(
)′
Qk =
( p
∑
k=0
)
kak Qk−1
Q′ = (P ′ ◦ Q) Q′
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
218
On dénit les dérivées successives d'un polynôme P, en les notant P (k) , par la relation de
récurrence :
{
P (0) = P,
)′
(
∀k ≥ 1, P (k) = P (k−1)
En particulier, on a :
(
X
)
k (p)


k!
X k−p si 0 ≤ p ≤ k
=
(k − p)!
 0 si p ≥ k + 1
Théorème 10.5 (Leibniz) Pour tous polynômes P, Q et tout entier naturel n, on a :
(n)
(P Q)
=
n
∑
Cnk P (k) Q(n−k)
=
k=0
n
∑
Cnk P (n−k) Q(k)
k=0
Démonstration. On procède par récurrence sur n ≥ 0, comme pour la formule du binôme
de Newton.
Théorème 10.6 (Taylor) On suppose que le corps K est de caractéristique nulle. Pour tout
polynôme P (X) =
p
∑
ak X k et tout scalaire a ∈ K, on a :
k=0
P (X) =
p
∑
P (k) (a)
k!
k=0
(X − a)k
Démonstration. Par linéarité, il sut de montrer le résultat pour P (X) = X n , où n ∈ N.
Dans ce cas, on a :
P (X) = (X − a + a) =
n
n
∑
Cnk an−k (X − a)k
k=0
et pour k compris entre 0 et n :
P (k) (a) =
n!
an−k = k!Cnk an−k
(n − k)!
d'où le résultat (comme K est de caractéristique nulle, on peut diviser par k!).
10.3 Polynômes étagés ou échelonnés en degrés ou en valuation
Nous allons décrire ici un moyen simple de construire des bases de K [X] ou de Kn [X] pour
tout entier naturel n.
( )
( )
On dispose déjà de la base canonique B = X k k∈N de K [X] . La famille Bn = X k 0≤k≤n
étant une base de Kn [X] pour tout entier naturel n.
Dénition 10.5 On dit qu'une famille de polynômes non nuls (Pk )k∈N est :
Polynômes étagés ou échelonnés en degrés ou en valuation
219
1. étagée en degrés [resp. en valuations] si on a deg (Pk ) < deg (Pk+1 ) [resp. val (Pk ) <
val (Pk+1 )] pour tout k ∈ N ;
2. échelonnée en degrés [resp. en valuations] si on a deg (Pk ) = k [resp. val (Pk ) = k ] pour
tout k ∈ N.
Une famille de polynômes échelonnée en degrés [resp. en valuations] est étagée en degrés
[resp. en valuations].
Théorème 10.7 Une famille (Pk )k∈N de polynômes non nuls étagée en degrés [resp. en valuations] est libre dans K [X] .
Démonstration. Soit
(Pk )k∈N une famille de polynômes étagée en degrés. On vérie par
récurrence sur n ≥ 0, que chaque famille (Pk )0≤k≤n est libre.
Pour n = 0, P0 est non nul, donc (P0 ) est libre.
n
∑
Supposons le résultat acquis pour n−1 ≥ 0 et soit (λk )0≤k≤n des scalaires tels que
λk Pk =
k=0
0. On a alors :
λn Pn = −
avec deg (Pn ) > deg
( n−1
∑
λk Pk
k=0
)
λk Pk
n−1
∑
, donc λn = 0 et
n−1
∑
λk Pk = 0, ce qui impose λk = 0 pour tout
k=0
k=0
k compris entre 0 et n − 1 puisque (Pk )0≤k≤n−1 est libre par hypothèse de récurrence.
On procède de manière analogue pour une famille de polynômes échelonnée en valuations.
Corollaire 10.1 Une famille
(Pk )k∈N [resp. (Pk )0≤k≤n ] de polynômes non nuls échelonné en
degrés [resp. en valuations] est une base de K [X] [resp. de Kn [X]].
Exemple 10.1 Pour tout scalaire a ∈ K, la famille
(
(X − a)
k
)
k∈N
est une base de K [X] puis-
qu'elle est échelonné en degrés.
Pour K de caractéristique nulle, l'écriture d'un polynôme P ∈ K [X] dans cette base est donnée par la formule de Taylor, ce qui peut se retrouver comme suit : pour P ∈ Kn [X] , on a
P =
n
∑
λk (X − a)k et par dérivation P (j) =
k=0
n
∑
k=j
λk
k!
(X − a)k−j , ce qui nous donne en
(k − j)!
P (j) (a)
évaluant en a, P (j) (a) = j!λj et λj =
, la division par j! étant autorisée dans K de
j!
caractéristique nulle.
Exemple 10.2 Si (le corps
)
degré n, la famille P (k)
K est de caractéristique nulle, pour tout polynôme P ∈ K [X] de
est étagée en degrés et c'est une base de Kn [X] .
0≤k≤n
Exercice 10.1 On suppose que le corps K est inni et n est un entier naturel non nul.
1. Montrer que si (Pk )0≤k≤n est une base de Kn [X] et a un scalaire, la famille (Pk (X + a))0≤k≤n
est alors une base de Kn [X] .
2. Soient n ∈ N∗ , a ̸= b dans K et (Pk )0≤k≤n la famille de polynômes dénie par Pk (X) =
(X − a)k (X − b)n−k pour tout k compris entre 0 et n. Montrer que (Pk )0≤k≤n est une
base de Kn [X] .
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
220
(
3. Donner la matrice de passage Pn de la base canonique Bn = X k
(
X k (1 − X)n−k
)
0≤k≤n
)
0≤k≤n
à la base Bn′ =
et son inverse Pn−1 .
Solution 10.1
1. Si (λk )0≤k≤n sont des scalaires tels que
0 pour tout x ∈ K, ce qui équivaut à
à dire, pour K inni, que
n
∑
n
∑
λk Pk (X + a) = 0, on a alors
k=0
n
∑
n
∑
λk Pk (x + a) =
k=0
λk Pk (y) = 0 pour tout y ∈ K, ce qui revient
k=0
λk Pk dans K [X] et les scalaires λk sont tous nuls puisque
k=0
(Pk )0≤k≤n est une base de Kn [X] .
(
)
2. Pour a = 0, on a b ̸= 0 et la famille X (X − b)
est échelonnée en valuations,
0≤k≤n
elle est donc libre et c'est une base de Kn [X] puisque
On en
( formée de n + 1 éléments.
)
k
n−k
est une
déduit que pour a quelconque et b ̸= a, la famille (X − a) (X − b)
0≤k≤n
base de Kn [X] .
3. Avec :
X (1 − X)
n−k
k
=
n−k
∑
n−k
k
j
Cn−k
(−1)j X k+j
j=0
n−k−1 n−1
1
2
= X k − Cn−k
X k+1 + Cn−k
X k+2 + · · · + (−1)n−k−1 Cn−k
X
+ (−1)n−k X n
pour 0 ≤ k ≤ n, on déduit que la matrice de passage Pn de Bn à Bn′ est donnée par :

Cn0
−Cn1
0
0
0
0

Cn−1


1
0

Cn2
−Cn−1
Cn−2
Pn = 
..
..
..

.
.
.


n−1 n−1
n−2 n−2
n−3 n−3
 (−1)
Cn
(−1)
Cn−1 (−1)
Cn−2
n n
n−1 n−1
n−2 n−2
(−1) Cn
(−1)
Cn−1 (−1)
Cn−2
···
···
0
0
...
...
...
···
···
C10
(−1) C11
0

0
0 


0 
.. 

. 

0 
C00
Avec det (Pn ) = 1 ̸= 0, on retrouve le fait que Bn′ est libre et que c'est une base de Rn [X] .
La matrice Pn−1 est la matrice de passage de Bn′ à Bn , qui s'obtient avec :
1 = (1 − X + X)n−k =
n−k
∑
j
Cn−k
(1 − X)j X n−k−j (0 ≤ k ≤ n)
j=0
qui donne :
k
X =
n−k
∑
j
Cn−k
(1 − X) X
j
j=0
=
0
Pk
Cn−k
n−j
=
n
∑
n−i
Cn−k
(1 − X)
n−i
X =
+
+ ··· +
n−k
Pn
Cn−k
n
∑
i=k
i=k
1
Pk+1
Cn−k
i
(0 ≤ k ≤ n)
i−k
Pi
Cn−k
Polynômes étagés ou échelonnés en degrés ou en valuation
et :

Pn−1
Cn0
 Cn1


 C2
=  .n
 ..

 C n−1
n
Cnn
0
0
Cn−1
..
.

0
0 

...

0
0 
. . . . . . .. 
. 

0
· · · C1 0 
· · · C11 C00
···
···
0
0
1
0
Cn−1
Cn−2
..
.
221
n−2
n−3
Cn−1
Cn−2
n−2
n−1
Cn−2
Cn−1
0
0
Exercice 10.2 On suppose que le corps K est inni de caractéristique nulle.
On dénit la suite (Hn )n∈N des polynômes de Hilbert par :
H0 (X) = 1, ∀n ∈ N∗ , Hn (X) =
X (X − 1) · · · (X − n + 1)
n!
et u : K [X] → K [X] est l'application linéaire dénie par :
∀P ∈ K [X] , u (P ) (X) = P (X + 1) − P (X)
(10.1)
On note u0 = Id et pour tout entier r ≥ 1, ur = u ◦ u ◦ · · · ◦ u (r fois).
1.
2.
3.
4.
5.
Montrer que, pour tout entier naturel n, (Hk )0≤k≤n est une base de Kn [X] .
Montrer que u (H0 ) = 0 et u (Hn ) = Hn−1 pour tout n ∈ N∗ .
Calculer uk (Hn ) pour tous k, n dans N.
Calculer uk (Hn ) (0) pour tous k, n dans N.
Montrer que :
∀P ∈ Kn [X] , P =
n
∑
λ k Hk
k=0
avec λk = u (P ) (0) .
k
Solution 10.2
1. (Hk )0≤k≤n est formée de n + 1 polynômes échelonnés en degrés dans Kn [X] , c'est donc
une base.
2. Comme H0 est constant, on a u (H0 ) = 0.
Pour n = 1, on a u (H1 ) = 1 = H0 .
Pour n ≥ 2 :
(n−1
)
n−1
∏
1 ∏
u (Hn ) (X) = Hn (X + 1) − Hn (X) =
(X + 1 − k) −
(X − k)
n! k=0
k=0
(n−1
)
n
∏
1 ∏
=
(X + 1 − k) −
(X − (j − 1))
n! k=0
j=1
(n−1
)
1 ∏
=
(X + 1 − k) (X + 1 − (X + 1 − n))
n! k=1
n−1
n−2
∏
∏
1
1
=
(X + 1 − k) =
(X − j) = Hn−1 (X)
(n − 1)! k=1
(n − 1)! j=0
On a donc u (Hn ) = Hn−1 .
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
222
3. Par récurrence, on vérie que uk (Hn ) = Hn−k pour 0 ≤ k ≤ n et en conséquence
uk (Hn ) = 0 pour k ≥ n + 1.
4. Ce qui donne uk (Hn ) (0) = δn,k puisque Hn−k (0) = 0 pour 0 ≤ k ≤ n − 1 et H0 = 1.
5. Si P est un polynôme non nul de degré p ≥ 1, il s'écrit P =
p
∑
λk Hk et pour 0 ≤ j ≤ p,
k=0
on a :
uj (P ) (0) =
∑
∑
λk uj (Hk ) (0) =
λk δk,j = λj
p
p
k=0
k=0
ce qui donne :
P =
p
∑
uj (P ) (0) Hj
j=0
(uj (P ) (0) = 0 pour j > p). Pour P = 0, cette relation est encore vériée.
10.4 Polynômes à coecients dans un anneau commutatif
unitaire
Dans les dénitions qui précèdent, le corps K peut être remplacé par un anneau commutatif et
unitaire A, ce qui permet de dénir la A-algèbre (i.e. anneau et A-module) A [X] des polynômes
à une indéterminée à coecients dans cet anneau A.
Pour un tel anneau unitaire, on suppose que 1 ̸= 0.
L'anneau A est identié au sous-anneau de A [X] formé du polynôme nul et des polynômes
de degré 0 (les polynômes constants).
On peut dénir le degré d'un polynôme à coecients dans A, mais pour le produit on a
seulement deg (P Q) ≤ deg (P ) + deg (Q) et val (P Q) ≥ val (P ) + val (Q) du fait qu'il peut y
avoir des diviseurs de 0 dans A.
Pour A intègre, on a deg (P Q) = deg (P ) + deg (Q) et val (P Q) = val (P ) + val (Q) pour
P, Q non nuls.
Théorème 10.8 Soit
A un anneau commutatif et unitaire. L'anneau A [X] est intègre si, et
seulement si, A est intègre.
Démonstration. Comme
A s'identie à un sous-anneau de A [X] , il est intègre si A [X]
l'est.
Réciproquement supposons que A soit intègre. Si P, Q sont deux polynômes non nuls, de
p
q
∑
∑
k
degrés respectifs p et q, soit P (X) =
ak X et Q (X) =
bk X k avec ap ̸= 0A , bq ̸= 0A , on
∑
k=0
k=0
p+q−1
a alors (P Q) (X) = ap bq X p+q +
ck X k avec ap bq ̸= 0A puisque A est intègre, donc P Q ̸= 0
k=0
dans A [X] et l'anneau A [X] est intègre.
En notant A× le groupe des éléments inversibles de l'anneau A, on a le résultat suivant.
Théorème 10.9 Si l'anneau A est intègre, le groupe des éléments inversibles de l'anneau A [X]
est A× (identié à A× P0 ).
Division euclidienne dans K [X]
223
Démonstration. Si P ∈ A [X] est inversible, il existe alors Q ∈ A [X] tel que P Q = P0 = 1,
donc P et Q sont non nuls et deg (P Q) = deg (P ) + deg (Q) = 0 (A est intègre), ce qui impose
deg (P ) = deg (Q) = 0 et P, Q sont des polynômes constants inversibles dans A.
Réciproquement P = λ = λP0 avec λ ∈ A× est inversible dans A [X] d'inverse λ−1 P0 .
En particulier, le groupe des éléments inversibles de l'anneau K [X] est K∗ .
10.5 Division euclidienne dans K [X]
Théorème 10.10 Pour tout couple (A, B) de polynômes à coecients dans K avec B ̸= 0, il
existe un unique couple (Q, R) de polynômes tel que A = BQ + R et deg (R) < deg (B) .
Démonstration. On montre tout d'abord l'existence du quotient Q et du reste R.
Pour A = 0, le couple (Q, R) = (0, 0) convient.
Pour A ̸= 0, on procède par récurrence sur n = deg (A) ≥ 0 (à B xé).
a
Si deg (A) = 0, on a alors A = a0 ∈ K∗ . Pour B = b0 ∈ K∗ , on écrit que a0 = b0 0 + 0 et le
b0
)
a0
couple (Q, R) =
, 0 convient. Pour B non constant, le couple (Q, R) = (0, a0 ) convient.
b0
Supposons le résultat acquis pour les polynômes de degré au plus égal n − 1 ≥ 0 et soit A
de degré n.
Si deg (A) < deg (B) , le couple (Q, R) = (0, A) convient.
m
n
∑
∑
k
bk X k avec n ≥ m et an ̸= 0, bm ̸= 0.
ak X et B (X) =
Sinon, on a A (X) =
(
k=0
On note A1 (X) = A (X) −
k=0
an n−m
X
B (X) .
bm
Si A1 = 0, on a alors une division euclidienne A = BQ + R avec Q =
an n−m
X
et R = 0.
bm
Sinon, on a deg (A1 ) < n = deg (A) et l'hypothèse de récurrence nous dit qu'il existe deux
polynômes Q1 , R1 tels que A1 = BQ1 + R1 et deg (R1 ) < deg (B) . Il en résulte que A = BQ + R
a
avec Q = Q1 + n X n−m et R = R1 .
bm
Si on a une autre division euclidienne A = BQ1 + R1 avec deg (R1 ) < deg (B) , on a alors
R − R1 = B (Q1 − Q) . Si Q1 ̸= Q, on a alors R1 ̸= R (B ̸= 0 et K [X] est intègre) et
deg (R − R1 ) ≥ deg (B) , ce qui n'est pas possible puisque R et R1 sont de degré strictement
inférieur à celui de B (éventuellement égal à −∞). On a donc Q = Q1 et R = R1 . Le reste et
le quotient dans une telle division euclidienne sont donc uniques.
Avec les notations du théorème, on dit que :
A est le dividende ;
B le diviseur ;
Q le quotient ;
R le reste ;
dans la division euclidienne de A par B.
Ce théorème se traduit en disant que l'anneau K [X] est euclidien et en conséquence, il est
principal (théorème 5.1), ce qui permet de dénir le pgcd et le ppcm d'une famille nie de
polynômes.
Nous allons retrouver ce fait au paragraphe 11.1.
Dénition 10.6 On dit qu'un polynôme non nul B divise un polynôme A dans K [X] , s'il
existe un polynôme Q tel que A = BQ.
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
224
Le polynôme B divise le polynôme A si, et seulement si, le reste dans la division euclidienne
de A par B est nul (unicité du quotient et du reste).
Exercice 10.3 Soient
P un polynôme de degré n ≥ 1, a un scalaire et m un entier compris
entre 1 et n. Déterminer le quotient et le reste dans la division euclidienne de P par (X − a)m .
Solution 10.3 On a la formule de Taylor :
P (X) =
=
n
∑
P (k) (a)
k=0
m−1
∑
k=0
k!
(X − a)k
n
∑
P (k) (a)
P (k) (a)
(X − a)k + (X − a)m
(X − a)k−m
k!
k!
k=m
donc le quotient et le reste dans la division euclidienne de P par (X − a)m sont donnés par :
n
m−1
∑
∑ P (k) (a)
P (k) (a)
k−m
(X − a)
et R (X) =
(X − a)k
Q (X) =
k!
k!
k=m
k=0
10.6 Division euclidienne dans
commutatif unitaire
A [X] ,
où
A
est un anneau
De manière plus générale, dans le cas où A est un anneau commutatif, unitaire et intègre,
on peut eectuer la division euclidienne d'un polynôme A ∈ A [X] par un polynôme non nul
B ∈ A [X] de coecient dominant inversible.
Théorème 10.11 Soit A un anneau commutatif, unitaire et intègre.
Pour tout couple (A, B) de polynômes à coecients dans A avec B ̸= 0 de coecient dominant
inversible, il existe un unique couple (Q, R) de polynômes tel que A = BQ + R et deg (R) <
deg (B) .
Démonstration. Si −∞ ≤ deg (A) < deg (B) , on a A = BQ + R avec Q = 0 et R = A qui
vérie bien deg (R) < deg (B) .
Supposons le résultat acquis pour tous les polynômes de degré strictement inférieur à n, où
n ≥ deg (B) et soit A de degré n.
On a A (X) =
n
∑
ak X k et B (X) =
k=0
m
∑
bk X k avec n ≥ m et an ̸= 0, bm ∈ A× . On note
k=0
n−m
n−m
B (X) . Si A1 = 0, on a alors A = BQ + R avec Q = an b−1
A1 (X) = A (X) − an b−1
m X
m X
et R = 0. Sinon, deg (A1 ) < deg (A) et l'hypothèse de récurrence nous dit qu'il existe deux
polynômes Q1 , R1 tels que A1 = BQ1 + R1 et R1 = 0A ou deg (R1 ) < deg (B) . Il en résulte que
n−m
et R = R1 .
A = BQ + R avec Q = Q1 + an b−1
m X
L'unicité se montre comme pour K [X] , où K est un corps. C'est l'intégrité de l'anneau A
qui permet de conclure.
Fonctions polynomiales, racines des polynômes
225
10.7 Fonctions polynomiales, racines des polynômes
À tout polynôme P (X) =
dénie par Pe (x) =
n
∑
n
∑
ak X k ∈ K [X] , on associe la fonction polynomiale Pe : K → K
k=0
ak xk pour tout x ∈ K.
k=0
L'application P 7→ Pe de K [X] dans KK est un morphisme de K-algèbres et son image est
l'algèbre des fonctions polynomiales à coecients dans K.
Z
, le polynôme P (X) =
2Z
Z
= {0, 1} .
X (X − 1) = X 2 − X est non nul, alors que Pe (x) = 0 pour tout x ∈
2Z
Ce morphisme n'est pas injectif a priori. Par exemple, pour K =
Nous verrons, en utilisant le théorème de division euclidienne, que dans le cas d'un corps
inni, ce morphisme est injectif.
n
∑
Pour α ∈ K, on notera P (α) =
ak αk l'évaluation de la fonction polynôme Pe en α (ce
k=0
qu'il faudrait noter en toute rigueur Pe (α)).
Cette évaluation en α est en fait la composition de P avec le polynôme constant α, qui est
bien un polynôme constant.
P (0) = a0 est le coecient constant de P.
Exercice 10.4 Soient n ∈ N∗ , θ ∈ R et An ∈ R [X] déni par An (X) = (cos (θ) + X sin (θ))n .
Déterminer le reste dans la division euclidienne de An par B = X 2 + 1.
Solution 10.4 On a An = BQn +an X +bn dans R [X] ⊂ C [X] avec (an , bn ) ∈ R2 . En évaluant
en i ∈ C, on a An (i) = einθ = an i + bn , ce qui donne :
an = sin (nθ) et bn = cos (nθ)
Lemme 10.1 Pour tout α ∈ K, l'application φα : P
de K [X] dans K.
7→ P (α) réalise un morphisme d'algèbres
Démonstration. On vérie tout d'abord que cette application est linéaire.
Pour P (X) =
n
∑
ak X k , Q (X) =
k=0
m
∑
bk X k et λ ∈ K, on a :
k=0
∑
max(n,m)
(λP + Q) (α) =
(λak + bk ) αk = λP (α) + Q (α)
k=0
donc λP + Q est linéaire.
Pour le produit, on a :
PQ =
n
∑
ak X k Q
k=0
et avec la linéarité de φα , on déduit que :
(P Q) (α) =
n
∑
n
m
∑
(
) ∑
ak φα X k Q =
ak
bj αk+j
k=0
=
∑
k=0
ak bj α
0≤k≤n
0≤j≤m
k+j
j=0
= P (a) Q (α)
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
226
La dernière égalité dans la démonstration précédente justie la façon de dénir le produit
de deux polynômes.
Le morphisme φα est l'application d'évaluation en α.
Dénition 10.7 Soit P
∈ K [X] . On dit que α ∈ K est racine de P, si P (α) = 0.
Pour P ∈ K [X] et α ∈ K, le reste dans la division euclidienne par X − α est un polynôme
de degré 0 ou −∞, c'est-à-dire une constante λ. On a donc P (X) = Q (X) (X − α) + λ et
l'évaluation en α nous donne λ = P (α) .
On en déduit que α est racine de P si, et seulement si, X − α divise P.
Dénition 10.8 Soient P
∈ K [X] \ {0} , α ∈ K et m ∈ N∗ . On dit que α est racine d'ordre
(ou de multiplicité) m de P si (X − α)m divise P et (X − α)m+1 ne divise pas P.
Pour m = 1, on dit que α est une racine simple, pour m = 2, qu'elle est racine double et
pour m ≥ 2, qu'elle est racine multiple.
Si α n'est pas racine de P, on peut dire que c'est une racine de multiplicité nulle.
Exercice 10.5 On suppose que le corps K est de caractéristique nulle.
Pour tout entier n ≥ 1, on note Pn (X) =
sont nécessairement simples.
n
∑
1
k!
k=0
X k dans K [X] . Montrer que les racines de Pn
Solution 10.5 Pour n = 1, P1 (X) = 1 + X et x = −1 est racine simple de P1 .
n
∑
1
X k−1 = Pn−1 (X) . Il en résulte que si α est une racine
(k
−
1)!
k=1
1
d'ordre au moins égal à 2 de Pn , on a alors Pn (α) = Pn−1 (α) = 0 et αn = Pn (α)−Pn−1 (α) =
n!
0, donc α = 0 et Pn (α) = 1 = 0, ce qui est absurde. Les éventuelles racines de Pn dans K sont
Pour n ≥ 2, on a
Pn′
(X) =
donc simples.
Sachant que C est algébriquement clos (voir le paragraphe 10.12.3), on en déduit que Pn ∈ C [X]
a n racines simples.
Théorème 10.12 On suppose que le corps K est de caractéristique nulle.
Soient P ∈ K [X] \ {0} , α ∈ K et m ∈ N∗ . Les assertions suivantes sont équivalentes :
1. α est racine d'ordre m ≥ 1 de P ;
2. il existe un polynôme Q ∈ K [X] tel que P (X) = Q (X) (X − α)m et Q (α) ̸= 0 ;
3. P (k) (α) = 0 pour k compris entre 0 et m − 1 et P (m) (α) ̸= 0.
Démonstration. (1) ⇒ (2) Supposons que α soit racine d'ordre m ≥ 1 de P. Il existe alors
un polynôme Q tel que P (X) = Q (X) (X − α)m et Q (α) ̸= 0 puisque (X − α)m+1 ne divise
pas P.
(2) ⇒ (3) Supposons que P (X) = Q (X) (X − α)m avec Q (α) ̸= 0. On a alors P (X + α) =
Q1 (X) X m , avec Q1 (0) = Q (α) ̸= 0, donc P (X + α) est de valuation égale à m et en utilisant
la formule de Taylor pour les polynômes, on en déduit que P (k) (α) = 0 pour k compris entre
0 et m − 1 et P (m) (α) = m!Q1 (0) ̸= 0.
Fonctions polynomiales, racines des polynômes
227
(3) ⇒ (1) Supposons que P (k) (α) = 0 pour k compris entre 0 et m − 1 et P (m) (α) ̸= 0. En
utilisant la formule de Taylor pour les polynômes, on déduit que P est de degré n ≥ m et :
n
∑
P (k) (a) k
X = X m Q1 (X)
P (X + a) =
k!
k=m
P (m) (a)
ou encore P (X) = Q (X) (X − α)m avec Q (α) = Q1 (0) =
̸= 0. De la division
m!
euclidienne Q (X) = Q2 (X) (X − α) + Q (α) , on déduit la division euclidienne de P par
(X − α)m+1 :
P (X) = Q (X) (X − α)m = Q1 (X) (X − α)m+1 + Q (α) (X − α)m
avec le reste Q (α) (X − α)m qui est non nul, donc (X − α)m+1 ne divise pas P.
Si α est racine de P ∈ K [X] \ {0} , il a nécessairement une multiplicité m comprise entre 1
et deg (P ) .
Théorème 10.13 Soient P
∈ K [X]\{0} , α1 , · · · , αr dans K deux à deux distincts et m1 , · · · , mr
des entiers naturels non nuls. Les deux assertions suivantes sont équivalentes :
1. pour tout k compris entre 1 et r, αk est racine de P de multiplicité mk ;
2. il existe un polynôme Q ∈ K [X] tel que P (X) = Q (X)
pour tout k compris entre 1 et r.
r
∏
(X − αk )mk et Q (αk ) ̸= 0
k=1
Démonstration. Pour r = 1 c'est vrai.
Supposons le résultat acquis pour r − 1 ≥ 1.
Si, pour tout k compris entre 1 et r, αk est racine de P de multiplicité mk , l'hypothèse de
récurrence nous dit alors qu'il existe un polynôme Q tel que P (X) = Q (X)
r−1
∏
(X − αk )mk
k=1
et Q (αk ) ̸= 0 pour tout k compris entre 1 et r − 1. Avec P (αr ) = Q (αr )
et
r−1
∏
r−1
∏
(αr − αk ) = 0
k=1
(αr − αk ) ̸= 0, on déduit que Q (αr ) = 0, donc αr est racine de Q et désignant par
k=1
m ≥ 1 sa multiplicité, on a Q (X) = Q1 (X) (X − αr )m avec Q1 (αr ) ̸= 0, donc P (X) =
r−1
r−1
∏
∏
m
mk
m
Q1 (X) (X − αr )
(X − αk ) = Q2 (X) (X − αr ) avec Q2 (αr ) = Q1 (αr )
(αr − αk ) ̸=
k=1
k=1
0, ce qui signie que m est la multiplicité de αr , soit que m = mr et P (X) = Q1 (X)
(X − αk )mk
k=1
avec Q1 (αk ) ̸= 0 pour tout k compris entre 1 et r.
Réciproquement, s'il existe un polynôme Q ∈ K [X] tel que P (X) = Q (X)
et Q (αk ) ̸= 0 pour tout k compris entre 1 et r, on a alors P (X) = Q1 (X)
r
∏
r−1
∏
k=1
r
∏
(X − αk )mk
k=1
(X − αk )mk avec
Q1 (αk ) = Q (αk ) (αr − αk ) ̸= 0 pour tout k compris entre 1 et r − 1, donc αk est racine de P
de multiplicité mk , pour tout k compris entre 1 et r − 1. L'égalité P (X) = Q2 (X) (X − αr )mr
r−1
∏
avec Q2 (αr ) = Q (αr ) (αr − αk ) ̸= 0 nous dit que αr est racine de P de multiplicité mr .
k=1
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
228
Corollaire 10.2 Si P ∈ K [X] \ {0} admet r ≥ 1 racines distinctes α1 , · · · , αr dans K de
multiplicités respectives m1 , · · · , mr , on a alors :
deg (P ) ≥
r
∑
mi
i=1
Démonstration. Conséquence immédiate du théorème précédent.
Corollaire 10.3 Un polynôme non nul P ∈ K [X] de degré n ≥ 1 admet au plus
distinctes dans K.
n racines
Démonstration. Conséquence immédiate du théorème précédent.
On peut aussi montrer directement ce résultat par récurrence sur le degré n du polynôme
P ∈ K [X] .
b
Pour n = 1, l'unique racine du polynôme aX + b avec a ̸= 0 est α = − . En supposant
a
le résultat acquis pour les polynômes de degré n − 1 ≥ 1, on se donne un polynôme P (X) =
n
∑
ak X k de degré n dans K [X] (on a donc an ̸= 0). S'il n'admet pas de racine dans K, c'est
k=0
terminé, sinon en désignant par α une racine de P, on a :
P (X) = P (X) − P (α) =
n
∑
(
)
ak X k − α k
k=1
avec X k − αk = (X − α)
k
∑
αj−1 X k−j dans K [X] pour tout k ≥ 1, ce qui donne P (X) =
j=1
(X − α) Q (X) , où Q est un polynôme de degré n − 1, il a donc au plus n − 1 racines dans K
et P a au plus n racines dans K.
Du corollaire précédent, on déduit que si deux polynômes P et Q dans Kn [X] coïncident en
au moins n + 1 points distincts, ils sont alors égaux.
Corollaire 10.4 Si
P ∈ Kn [X] \ {0} admet r ≥ 1 racines distinctes α1 , · · · , αr dans K de
r
∑
multiplicités respectives m1 , · · · , mr avec
mi > n, c'est alors le polynôme nul.
i=1
Démonstration. Conséquence immédiate du théorème précédent.
Remarque 10.3 Le résultat précédent n'est plus valable pour les polynômes à coecients dans
Z
, le polynôme 3X qui est de degré 1 a
un anneau commutatif unitaire. Par exemple dans
6Z
deux racines distinctes x1 = 0 et x2 = 2.
Corollaire 10.5 Si le corps K est inni, le morphisme de K-algèbres : P
P ∈ K [X] la fonction polynomiale Pe ∈ KK est injectif.
7→ Pe qui associe à
Démonstration. Si P
∈ K [X] est tel que Pe = 0, on a alors P (x) = 0 pour tout x ∈ K et
pour K inni, cela signie que P a une innité de racines, c'est donc le polynôme nul.
Pour K inni, on peut donc identier polynôme et fonction polynomiale, mais ce résultat
est faux pour un corps ni.
Si K est un corps ni (commutatif) à q = pn éléments, où p est un nombre premier et n un
entier naturel non nul, le groupe multiplicatif K∗ a q − 1 éléments et l'ordre de tout élément x
de K∗ divise q − 1 (théorème de Lagrange), donc xq−1 = 1. On a donc xq = x pour tout x ∈ K,
ce qui signie que la fonction polynôme Pe associée au polynôme P (X) = X q − X est la onction
nulle, alors que P n'est pas le polynôme nul.
Relations entre les racines et les coecients d'un polynôme scindé
229
Dénition 10.9 On dit qu'un polynôme P
∈ K [X] est scindé sur K, s'il est constant ou de
degré n ≥ 1 et admet r ≥ 1 racines distinctes α1 , · · · , αr dans K de multiplicités respectives
m1 , · · · , mr avec
r
∑
mi = n. Dans le cas où tous les mi sont égaux à 1, on dit que le polynôme
i=1
est scindé à racines simples.
Un polynôme scindé non constant est donc de la forme P (X) = λ
r
∏
(X − αk )mk , où λ est
k=1
une constante non nulle, les αk sont des scalaires deux à deux distincts et les mk des entiers
naturels non nuls.
Dénition 10.10 On dit que le corps K est algébriquement clos si tout polynôme P
est scindé sur K.
∈ K [X]
Exercice 10.6 Montrer qu'un corps ni (commutatif) ne peut être algébriquement clos.
Solution 10.6
∏ Si
K est un corps ni (donc commutatif) à q éléments, alors le polynôme
(X − λ) est de degré q dans K [X] et ne s'annule jamais sur K. En conséquence
P (X) = 1+
λ∈K
le corps K ne peut être algébriquement clos.
Les corps algébriquement clos sont particulièrement importants en algèbre linéaire. Voir en
particulier les théorèmes de trigonalisation, de Dunford-Schwarz et de Jordan pour les endomorphismes d'un espace vectoriel de dimension nie sur un corps algébriquement clos. On se
reportera au chapitre 17.
10.8 Relations entre les racines et les coecients d'un polynôme scindé
Pour tout entier naturel non nul n, on dénit les fonctions symétriques élémentaires σn,k :
K → K, l'entier k étant compris entre 0 et n, par :
n
{
∀α = (α1 , · · · , αn ) ∈ Kn , σn,k (α) =
1 si k∑= 0
1≤i1 <···<ik ≤n
αi1 αi2 · · · αik si k ∈ {1, · · · , n}
Pour k = 1 et k = n, on a :
σn,1 (α) =
n
∑
αi et σn,n (α) =
i=1
n
∏
αi
i=1
Ces expressions sont qualiées de symétriques, car pour toute permutation τ de {1, · · · , n} ,
on a :
(
)
σn,k ατ (1) , · · · , ατ (n) = σn,k (α1 , · · · , αn )
Théorème 10.14
n
n
∑
∏
k
Si P (X) =
ak X = an (X − αk ) ∈ K [X] est un polynôme de degré
k=0
n ≥ 1 scindé sur K, on a alors :
k=1
∀k ∈ {0, 1, · · · , n} , σn,k (α1 , · · · , αn ) = (−1)k
an−k
an
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
230
Démonstration. On procède par récurrence sur n = deg (P ) ≥ 1.
a0
a
et σ1,0 (α1 ) = 1 = 1 .
a1
a1
Supposons le résultat acquis pour les polynômes de degré n − 1 ≥ 1 et soit P (X) =
n
n
∑
∏
k
ak X = an (X − αk ) scindé de degré n.
Pour n = 1, on a P (X) = a0 + a1 X, α1 = σ1,1 (α1 ) = −
k=0
k=1
En notant α = (α1 , · · · , αn ) ∈ Kn , α′ = (α1 , · · · , αn−1 ) ∈ Kn−1 , on a :
σn,0 (α) = σn−1,0 (α′ )
σn,n (α) =
n
∏
αi = αn σn−1,n−1 (α′ )
i=1
et pour k compris entre 1 et n − 1 :
∑
σn,k (α) =
∑
αi1 · · · αik =
1≤i1 <···<ik ≤n
1≤i1 <···<ik ≤n−1
′
∑
αi1 · · · αik + αn
αi1 · · · αik−1
1≤i1 <···<ik−1 ≤n−1
′
= σn−1,k (α ) + αn σn−1,k−1 (α )
En utilisant l'hypothèse de récurrence, on en déduit alors que :
n−1
∏
n−1
∑
a′k X k
(X − αk ) =
k=0
k=1
avec σn−1,k (α′ ) = (−1)k
P (X) = an (X − αn )
an−1−k
= (−1)k an−1−k pour 0 ≤ k ≤ n − 1, ce qui nous donne :
an−1
n−1
∏
(X − αk ) = an (X − αn )
= an (X − αn )
(
= an X n +
a′n−1−k X n−1−k
k=0
k=1
n−1
∑
n−1
∑
(−1)k σn−1,k (α′ ) X n−1−k
k=0
n−1
∑
)
(−1)k (σn−1,k (α′ ) + σn−1,k−1 (α′ ) αn ) X n−k + (−1)n σn−1,n−1 (α′ ) αn
k=1
= an
n
∑
(−1)k σn,k (α) X n−k
k=0
et donc an−k = an (−1)k σn,k (α) pour tout k compris entre 0 et n.
Exercice 10.7 Soit P (X) =
n
∑
k=0
k
ak X =
n
∏
(X − αk ) ∈ K [X] un polynôme unitaire de degré
k=1
n ≥ 2 (donc an = 1) scindé sur K. On lui associe les fonctions (Sn,k )1≤k≤n dénies par :
∀α = (α1 , · · · , αn ) ∈ K , Sn,k (α) =
n
n
∑
αik (1 ≤ k ≤ n)
i=1
On notera σn,k pour σn,k (α) et Sk pour Sn,k (α) .
Pour tout entier i compris entre 1 et n on désigne par Pi le polynôme de degré n − 1 déni par :
P (X) = (X − αi ) Pi (X)
Relations entre les racines et les coecients d'un polynôme scindé
231
1. Montrer que pour tout entier i compris entre 1 et n et tout entier k compris entre 1 et
n − 1, le coecient de X n−1−k dans Pi est donné par :
ai,n−1−k =
αik
+
k
∑
(−1)j σj λk−j
i
j=1
2. En écrivant le polynôme dérivé de P sous la forme P ′ =
n
∑
Pi , montrer que pour tout
i=1
entier k compris entre 1 et n − 1 on a :
(−1)k (n − k) σk =
n
∑
ai,n−1−k
i=1
3. Déduire de ce qui précède que pour tout entier k compris entre 1 et n on a :
Sk − σ1 Sk−1 + · · · + (−1)k−1 σk−1 S1 + (−1)k σk k = 0
puis que :
Sk + an−1 Sk−1 + · · · + an−(k−1) S1 + an−k k = 0
(formules de Newton).
Solution 10.7
1. On a :
(X − αi ) Pi (X) = P (X) = P (X) − P (αi )
=X −
n
αin
+
= X n − αin +
n−1
∑
k=1
n−1
∑
(
)
ak X k − αik
(
)
(−1)n−k σn−k X k − αik
k=1
donc :
X n − αin ∑
X k − αik
Pi (X) =
(−1)n−k σn−k
+
X − αi
X − αi
k=1
n−1
chaque polynôme :
X k − αik
= X k−1 + X k−2 αi + · · · + Xαik−2 + αik−1
X − αi
étant de degré k − 1. Il en résulte que, pour tout entier k compris entre 1 et n − 1, le
coecient de X n−1−k dans Pi est donné par :
ai,n−1−k =
αik
+
k
∑
j=1
(−1)j σj λk−j
i
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
232
2. On a
P ′ (X) = nX n−1 +
= nX n−1 +
n−1
∑
k=1
n−2
∑
(−1)n−k kσn−k X k−1
(−1)n−k−1 (k + 1) σn−k−1 X k =
n
∑
Pi
i=1
k=0
et en identiant les coecients de X n−1−k , pour tout entier k compris entre 1 et n − 1,
on déduit que :
(−1)k (n − k) σk =
n
∑
ai,n−1−k
i=1
3. L'identité précédente peut s'écrire, pour tout entier k compris entre 1 et n − 1 :
(−1) (n − k) σk = Sk +
k
k−1
∑
(−1)j σj Sk−j + (−1)k nσk
j=1
ou encore :
Sk − σ1 Sk−1 + · · · + (−1)k−1 σk−1 S1 + (−1)k σk k = 0
En utilisant les égalités σk = (−1)k an−k , on déduit que, pour tout entier k compris entre
1 et n − 1, on a :
Sk + an−1 Sk−1 + · · · + an−(k−1) S1 + an−k k = 0
Pour k = n l'identité s'obtient en écrivant que pour tout entier i compris entre 1 et n on
a:
0 = P (αi ) = αin + an−1 αin−1 + ... + a1 αi + a0
et en faisant la somme de toutes ces égalités.
10.9 Polynômes irréductibles
Dénition 10.11 Un polynôme P
∈ K [X] \ {0} est dit irréductible s'il est non constant (ou
de manière équivalente non inversible) et n'est divisible que par les constantes non nulles ou les
polynômes λP avec λ ∈ K∗ .
Un polynôme non constant P est réductible s'il admet un diviseur P1 tel que 1 ≤ deg (P1 ) <
deg (P ) , ce qui impose que P est degré au moins 2 et s'écrit P = P1 Q, où les polynômes P1 et
Q sont non constants.
Exemple 10.3 Un polynôme de degré 1, P (X) = aX + b avec a ̸= 0, est irréductible.
Si le corps K est algébriquement clos, les polynômes de degré 1 sont alors les seuls polynômes
irréductibles.
Exemple 10.4 Un polynôme de degré 2 est réductible dans K [X] si, et seulement si, il admet
une racine double ou deux racines simples dans K. En eet, il est clair que la condition est
susante et pour P ∈ K [X] de degré 2 réductible, on a P = P1 Q avec P1 et Q de degré 1, soit
P1 (X) = a (X − α) et Q (X) = b (X − β) , donc P (X) = γ (X − α) (X − β) et le résultat suit.
Polynômes irréductibles
233
√
√
P (X) = X 2 − 2 est réductible dans R [X] avec − 2 et 2 comme racines
simples, mais il est irréductible dans Q [X] du fait que l'équation x2 − 2 = 0 n'a pas de racines
p
dans Q (si α = ∈ Q est une telle racine avec p ∈ Z∗ premier avec q ∈ N∗ , on a alors p2 = 2q 2 ,
q
donc 2 divise p, soit p = 2r et 2r2 = q 2 nous dit que q est aussi pair, ce qui contredit p ∧ q = 1).
Exemple 10.5
Exemple 10.6 Un polynôme de degré 1, 2 ou 3 est réductible dans K [X] si, et seulement si,
il admet au moins une racine dans K. En eet, il est clair que la condition est susante et si
P ∈ K3 [X] non constant est réductible, il s'écrit P = P1 Q avec P1 ou Q de degré 1, il admet
donc une racine.
Exemple 10.7 Un polynôme de degré au moins égal à 2 et irréductible dans K [X] n'a pas de
racines dans K (sinon il serait divisible par un polynôme de degré 1).
L'anneau K [X] étant principal, il est factoriel, ce qui signie que tout polynôme est produit
de polynômes irréductibles, cette décomposition étant unique à l'ordre près des facteurs.
Nous allons, dans le cas des polynômes, déduire ce résultat du théorème de division euclidienne (cette démonstration étant plus simple).
Théorème 10.15 (Euclide) Soient P
duit
r
∏
∈ K [X] un polynôme irréductible. Si P divise un pro-
Ak de r ≥ 2 polynôme non nuls, il divise alors l'un des Ak .
k=1
Démonstration. On procède par récurrence sur r ≥ 2.
Supposons que P irréductible dans K [X] divise le produit A1 A2 , où A1 , A2 sont deux polynômes non nuls.
Quitte à diviser par le coecient dominant, on peut supposer que P est unitaire.
Le pgcd ∆ de P et A1 étant un diviseur de P, il est égal à 1 ou à P, puisque P est irréductible.
Dans le cas où ∆ = P, P divise A1 . Dans le cas où P = 1, il existe deux polynômes U, V tels
que U P + V A1 = 1 et P divise A2 = U P A2 + V A1 A2 .
r
∏
Supposons le résultat acquis pour r − 1 ≥ 2 et soit P irréductible qui divise
Ak . Si P
divise Ar , c'est terminé, sinon il divise
de conclure.
r−1
∏
k=1
Ak (cas r = 2) et l'hypothèse de récurrence permet
k=1
Théorème 10.16 Tout polynôme non constant P
∈ K [X] est produit de polynômes irréduc-
tibles et une telle décomposition est unique à l'ordre près des facteurs, ce qui signie qu'il existe
une constante λ ∈ K∗ , un entier r ≥ 1, des polynômes unitaires P1 , · · · , Pr deux à deux distincts
et irréductibles et des entiers naturels non nuls m1 , · · · , mr tels que P = λ
signie que si on a une autre décomposition du même type P = µ
s
∏
r
∏
Pkmk . L'unicité
k=1
Qnk k , on a alors µ = λ,
k=1
s = r et il existe une permutation σ ∈ Sr telle que Qk = Pσ(k) et nk = mσ(k) pour tout k compris
entre 1 et r.
Démonstration. Pour l'existence d'une telle décomposition en facteurs irréductibles, on
procède par récurrence sur le degré n ≥ 1 de P.
Pour n = 1, on a vu que le polynôme P est irréductible.
234
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
Supposons le résultat acquis pour tous les polynômes de degré k compris entre 1 et n − 1 ≥ 1
et soit P ∈ K [X] de degré n. Si P est irréductible, c'est terminé, sinon il s'écrit P = AB
avec A, B non constants et de degré compris entre 1 et n − 1. Il sut d'utiliser l'hypothèse de
récurrence pour A et B.
Pour l'unicité à l'ordre près de cette décomposition, on procède également par récurrence
sur le degré n ≥ 1 de P.
Pour n = 1, on a P (X) = λ (X − α) avec λ ∈ K∗ et X − α irréductible uniquement
déterminés.
Supposons le résultat acquis pour tous les polynômes de degré k compris entre 1 et n − 1 ≥ 1
et supposons que P ∈ K [X] de degré n ait deux décompositions, soit :
P =
r
∏
λ Pkmk
k=1
=µ
s
∏
Qnk k
k=1
L'identication des coecients dominants nous dit que λ = µ est le coecient dominant de
P.
Comme Q1 irréductible divise le produit
r
∏
Pkmk , le lemme d'Euclide nous dit qu'il divise
k=1
l'un des Pj , il est donc égal à ce Pj puisque ces deux polynômes sont irréductibles.
j −n1
Supposons que n1 ≤ mj . En divisant par Qn1 1 , on a Qm
1
r
∏
Pkmk =
k=1
k̸=j
s
∏
Qnk k et nécessaire-
k=2
ment mj = n1 (sinon le lemme d'Euclide nous dit Q1 est égal à l'un des Qk avec k ≥ 2, ce qui
n'est pas).
On note j = σ (1) et on a
conclure.
r
∏
Pkmk
k=1
k̸=j
=
s
∏
Qnk k . L'hypothèse de récurrence permet alors de
k=2
Corollaire 10.6 Tout polynôme non constant P
tible.
∈ K [X] admet au moins un diviseur irréduc-
Corollaire 10.7 L'ensemble des polynômes unitaires irréductibles de K [X] est inni.
Démonstration. Cet ensemble est non vide puisqu'il contient les polynômes unitaires de
degré 1. Supposons que cet ensemble, qu'on note P, soit ni avec :
P = {P1 , · · · , Pr }
Le polynôme non constant P = P1 · · · Pr + 1 admet un diviseur premier Pk ∈ P. Le polynôme
Pk divise alors P et P1 · · · Pr , il divise donc la diérence qui est égale à 1, ce qui est impossible
à cause des degrés. En conclusion P est inni.
Aux paragraphes 10.12.3, 10.12.4 et 10.12.5 nous nous intéresserons aux polynômes irréductibles de C [X] , R [X] et Q [X] .
Exercice 10.8 Montrer que tout polynôme irréductible dans un corps de caractéristique nulle
est premier avec son polynôme dérivé.
Solution 10.8 Si P
∈ K [X] est irréductible, il est de degré n ≥ 1 et son polynôme dérivé P ′
est non nul puisque K est de caractéristique nulle. Si P ′ n'est pas premier avec P, il existe un
diviseur D ∈ K [X] de P qui est de degré d ≥ 1, ce qui contredit l'irréductibilité de P.
Idéaux de K [X] . Anneaux quotients
K [X]
(P )
235
Exercice 10.9 On suppose que le corps
K est de caractéristique nulle et contenu dans un
corps L algébriquement clos (par exemple Q ⊂ C ou R ⊂ C). Montrer que si P ∈ K [X] est
irréductible dans K [X] , toutes les racines de P dans L sont alors simples.
Solution 10.9 Le polynôme P qui est irréductible dans K [X] est premier avec son polynôme
dérivé P ′ , le théorème de Bézout nous dit qu'il existe deux polynômes U, V dans K [X] tels que
U P + V P ′ = 1 et un élément de L ne peut annuler simultanément P et P ′ . Le polynôme P n'a
donc que des racines simples dans L.
10.10 Idéaux de K [X] . Anneaux quotients
K [X]
(P )
K [X] étant un anneau commutatif unitaire, on peut y dénir la notion d'idéal.
Dénition 10.12 On appelle idéal dans K [X] , tout sous-ensemble I de K [X] tel que :
{
I est un sous-groupe additif de K [X]
∀ (P, Q) ∈ I × K [X] , P Q ∈ I
(la deuxième condition se traduit en disant que I est absorbant pour le produit).
Exemple 10.8 Pour tout polynôme A ∈ K [X] , l'ensemble :
(A) = {QA | Q ∈ K [X]}
est un idéal. On dit que c'est l'idéal engendré par A et on le note aussi A · K [X] . Un tel idéal
est dit principal.
En particulier, on a (1) = K [X] .
Pour vérier qu'un idéal I de K [X] est égal à K [X] , il sut de vérier que 1 ∈ K [X] ou
encore qu'il existe un scalaire non nul λ dans
En eet s'il existe λ ∈ K∗ tel que λ ∈ I, on a
( I. )
alors pour tout polynôme P ∈ K [X] , P =
1
P
λ
· λ ∈ I.
Exemple 10.9 Pour toute famille (Ak )1≤k≤p de polynômes dans K [X] , l'ensemble :
(A1 , · · · , Ap ) =
{ p
∑
}
Qk Ak | (Q1 , · · · , Qp ) ∈ (K [X])p
k=1
est un idéal. On dit que c'est l'idéal engendré par A1 , · · · , Ap .
On le note aussi :
p
(A1 , · · · , Ap ) =
∑
Ak · K [X]
k=1
Théorème 10.17 L'anneau K [X] est principal. Précisément, pour tout idéal I de K [X] non
réduit à {0} , il existe un unique polynôme unitaire A tel que I = (A) .
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
236
Démonstration. Soit I un idéal de K [X] . Si I = {0} , il est principal engendré par 0.
On suppose que I ̸= {0} et on pose :
n0 = min {deg (P ) | P ∈ I \ {0}}
(plus petit élément d'une partie non vide de N).
En désignant par A un polynôme unitaire dans I de degré n0 , la division euclidienne de
P ∈ I par A nous donne P = QA + R avec R = 0 puisque A est de degré minimal dans I \ {0} ,
donc P = QA et I ⊂ (A) . Comme par ailleurs (A) ⊂ I puisque I est un idéal, on a I = (A) .
Si B est un autre générateur de I, on a B qui divise A et A qui divise B, donc B = λA avec
λ ∈ K∗ et λ = 1 si B est unitaire. Le générateur unitaire de I est donc unique.
L'anneau K [X] étant principal, on peut dénir dans cet anneau les notions de pgcd, de
ppcm, de polynômes premiers entre eux et on a le théorème de Bézout. L'arithmétique des
polynômes est ici supposée acquise (cette étude sera menée au chapitre 11).
Exercice 10.10 L'anneau Z [X] est-il euclidien ?
Solution 10.10 En montrant que cet anneau n'est pas principal, on déduit qu'il n'est pas euclidien.
Considérons par exemple l'idéal I = (2, X) engendré par 2 et X dans Z [X] . S'il existe P ∈ Z [X]
tel que (2, X) = (P ) , on a alors P = 2A + XB avec A, B dans Z [X] , donc P (0) = 2A (0)
est un entier pair et 2 = QP, donc P est constant soit P = ±2. Mais l'égalité X = QP avec
Q ∈ Z [X] donne pour le coecient de X, 1 = 2a avec a ∈ Z, ce qui est impossible.
De manière plus générale, on a le résultat suivant.
Théorème 10.18 Soit A un anneau commutatif, unitaire et intègre. On a les équivalences :
(A [X] est euclidien) ⇔ (A [X] est principal) ⇔ (A est un corps)
Démonstration. On sait déjà qu'un anneau euclidien est principal (théorème 5.1).
Supposons que A [X] soit principal. Pour tout λ ∈ A∗ , l'idéal I = (λ, X) est alors engendré
par un polynôme P ∈ A [X] . De λ = QP, on déduit que P est constant (l'anneau A est intègre),
puis de X = RP, on déduit que 1 = αP dans A∗ et P est inversible, enn avec P = λA + XB,
on déduit que P = P (0) = λA (0) et λ (A (0) P −1 ) = 1, ce qui signie que λ est inversible dans
A∗ . En dénitive, A est un corps.
Enn, le théorème 10.17 nous dit que si A est un corps, alors A [X] est euclidien.
Exemple 10.10
K [X, Y ] = K [X] [Y ] n'est pas euclidien puisque K [X] n'est pas un corps (X
qui est non nul ne peut être inversible dans K [X] \ {0} à cause des degrés).
Dénition 10.13 Soient
P un polynôme unitaire de degré n ≥ 1 dans K [X] , et A, B deux
polynômes. On dit que A est congru à B modulo P si P divise A − B. On note
A ≡ B (P )
Dire que A est congru à B modulo P équivaut à dire que A et B ont le même reste dans la
division euclidienne par P.
Cette relation de congruence modulo P est une relation d'équivalence sur K [X] et pour tout
polynôme A, on note :
A = {B ∈ K [X] | B ≡ A (P )} = {B ∈ K [X] | P divise B − A}
= {B = A + P Q | Q ∈ K [X]} = A + P · K [X] = A + (P )
Idéaux de K [X] . Anneaux quotients
K [X]
(P )
237
sa classe d'équivalence modulo P.
L'ensemble de toutes ces classes d'équivalence modulo P est noté
On désigne par πP la surjection canonique de K [X] sur
K [X]
.
(P )
K [X]
, à savoir l'application qui
(P )
associe à tout polynôme A sa classe modulo P.
On vérie facilement que cette relation de congruence modulo P est compatible avec l'addition et la multiplication sur K [X] , ce qui signie que pour A, B, C, D dans K [X] , on a :
(A ≡ B (P ) , C ≡ D (P )) ⇒ (A + C ≡ B + D (P ) , AC ≡ BD (P ))
Cette compatibilité nous permet de transporter la structure d'anneau de K [X] à
tel prolongement étant unique.
Théorème 10.19 Il existe une unique structure d'anneau commutatif unitaire sur
que la surjection canonique πP soit un morphisme d'anneaux.
K [X]
, un
(P )
K [X]
telle
(P )
Démonstration. On vérie tout d'abord qu'on dénit deux opérations internes sur
avec :
(
∀ (A, B) ∈
K [X]
(P )
)2 {
A+B =A+B
,
AB = AB
K [X]
(P )
En eet, si A1 est un autre représentant de A et B1 un autre représentant de B, on a alors
A ≡ A1 et B ≡ B1 modulo P, ce qui entraîne A + B ≡ A1 + B1 et AB ≡ A1 B1 modulo P, soit
A + B = A1 + B1 et AB = A1 B1 , ce qui prouve que ces dénitions ne dépendent pas des choix
des représentants de A et B.
K [X]
On vérie ensuite facilement que ces deux lois confèrent à
une structure d'anneau
(P )
commutatif unitaire et que πP est bien un morphisme d'anneaux.
K [X]
Réciproquement s'il existe une structure d'anneau commutatif unitaire sur
qui fait de
(P )
K [X]
πP un morphisme d'anneaux, on a alors pour tous πP (A) et πP (B) dans
:
(P )
{
πP (A) + πP (B) = πP (A + B) = A + B
πP (A) πP (B) = πP (AB) = AB
ce qui prouve l'unicité.
On peut aussi dénir une opération externe sur
∀ (λ, A) ∈ K ×
K [X]
avec :
(P )
K [X]
, λA = λA
(P )
(si A ≡ A1 modulo P, on a alors λA ≡ λA1 modulo P ) et on vérie qu'on a ainsi une structure
de K-espace vectoriel sur
K [X]
.
(P )
K [X]
est une algèbre.
(P )
La démonstration de l'implication (c) ⇒ (a) du théorème qui suit utilise le théorème de
Bézout dans K [X] (voir le théorème 11.4).
En dénitive
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
238
Théorème 10.20 Soit P
∈ K [X] un polynôme unitaire de degré n ≥ 1.
( )
K [X]
1. L'algèbre
est de dimension n et X k
en est une base.
(P )
0≤k≤n−1
2. Les conditions suivantes sont équivalentes :
K [X]
est un corps ;
(P )
K [X]
(b) l'anneau
est intègre ;
(P )
(c) le polynôme P est irréductible.
(a)
Démonstration.
1. Par division euclidienne, tout polynôme A ∈ K [X] s'écrit A = P Q+R avec R ∈ Kn−1 [X]
et P = R =
n−1
∑
n−1
∑
αk
X k,
donc
k=0
(
)
Xk
0≤k≤n−1
est une famille génératrice de E. Dire que
= 0 dans E équivaut à dire que R =
n−1
∑
αk X k est multiple de P, donc nul à
k=0
k=0
( )
cause des degré, ce qui revient à dire que tous les αk sont nuls. La famille B = X k
αk
Xk
est donc une base de E et dim (E) = n = deg (P ) .
0≤k≤n−1
K [X]
est un corps, c'est alors un anneau intègre.
(P )
K [X]
Si l'anneau
est intègre, une égalité P = AB avec A, B non constants nous donnerait
(P )
AB = 0 avec A et B non nuls, ce qui n'est pas possible.
Si le polynôme P est irréductible, tout polynôme non nul A de degré strictement inférieur
à n est premier avec P et le théorème de Bézout nous dit qu'il existe deux polynômes
U, V tels que AU + P V = 1 et on a AU = A. Du premier point, on en déduit que tout
K [X]
élément non nul de l'anneau
est inversible, ce qui signie que c'est un corps.
(P )
{ n−1
}
∑
K [X]
k
Avec les notations du théorème précédent, on a
=
αk X | (α0 , · · · , αn−1 ) ∈ Kn ,
(P )
k=0
[ ]
K [X]
ce que l'on note
= K X (algèbre engendrée par X ).
(P )
2. Si
R [X]
est un corps
(X 2 + 1)
isomorphe à C. En notant i la classe de X modulo X 2 + 1, on a i2 + 1 = 0 dans le corps
R [X]
, c'est à dire que le polynôme X 2 + 1 a une racine dans ce ce corps.
(X 2 + 1)
Exemple 10.11 Dans
R [X] , le polynôme X 2 + 1 est irréductible et
Exemple 10.12 Dans
Q [X] , le polynôme X 2 − 2 est irréductible et
isomorphe au sous corps de R :
Q
[√ ] {
}
√
2 = a + b 2 | (a, b) ∈ Q2
Q [X]
est un corps
(X 2 − 2)
Idéaux de K [X] . Anneaux quotients
K [X]
(P )
Comme pour l'exemple précédent, le polynôme X 2 − 2 a une racine dans le corps
c'est X.
239
Q [X]
,
(X 2 − 2)
Dénition 10.14 Si K, L sont deux corps commutatifs tels que K ⊂ L, on dit alors que L est
une extension de K.
Une extension L d'un corps K est une algèbre sur K. Sa dimension en tant que K-espace
vectoriel est appelée degré de l'extension. Dans le cas où ce degré est ni, on dit que L est une
extension nie de K.
Lemme 10.2 Soient K, L deux corps commutatifs. Un morphisme de corps σ de K dans L est
toujours injectif.
Démonstration. On remarque tout d'abord que les seuls idéaux d'un corps K sont {0} et
K. En eet, si I est un idéal de K non réduit à {0} on alors pour tout x ̸= 0 dans I, 1 = xx−1 ∈ I
et I = K.
Si σ est un morphisme de corps de K dans L, son noyau ker (σ) est alors un idéal de K
distinct de K (σ (1) = 1 ̸= 0 implique que σ ̸= 0), c'est donc {0} , ce qui signie que σ est
injectif.
On déduit du lemme précédent que si L est une extension nie d'un corps K alors tout
morphisme de K-algèbre de L dans L est injectif (c'est un morphisme de corps) et c'est un
automorphisme puisqu'on est en dimension nie.
De manière plus générale, on appelle extension d'un corps commutatif K, tout couple (L, , σ)
formé d'un corps commutatif L et d'un morphisme de corps σ : K → L (un tel morphisme est
nécessairement injectif).
Théorème 10.21 Soit P (X) =
n
∑
ak X k un polynôme irréductible de degré n ≥ 1 dans K [X] .
k=0
K [X]
composée de l'injection canonique i : K → K [X] et
(P )
K [X]
de la surjection canonique πP : K [X] →
, soit :
(P )
En notant σ l'application de K dans
(
le couple
K [X]
,σ
(P )
)
σ : λ ∈ K 7→ πP (i (λ)) = λ
est une extension de K dans laquelle le polynôme P (X) =
une racine (on a identié tout élément λ de K à sa classe λ dans L).
n
∑
ak X k a
k=0
K [X]
est un corps et σ est une injection
(P )
qui permet d'identier tout élément λ de K à sa classe λ dans L.
En notant α = X dans L, de P = 0, on déduit que P (α) = 0.
[ ]
K [X]
= K X et on dit que L = est
Avec les notations du théorème précédent, on a L =
(P )
un corps de rupture de P.
De manière plus générale, si P ∈ K [X] est un polynôme non constant et P0 un facteur
K [X]
irréductible de P, alors le corps
est un corps de rupture de P, α = X étant une racine
(P0 )
K [X]
.
de P dans
(P0 )
Démonstration. Comme P est irréductible, L =
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
240
10.11 Polynômes d'interpolation de Lagrange
Pour tout entier naturel n, on se donne une famille (xi )0≤i≤n de n + 1 éléments de K deux
à deux distincts et à cette famille on associe la famille (Li )0≤i≤n de polynômes dénie par :
n
∏
X − xj
Li (X) =
(0 ≤ i ≤ n)
x − xj
j=0 i
j̸=i
On peut remarquer que :
Li (xj ) = δi,j (0 ≤ i, j ≤ n)
Théorème 10.22 Avec les notations qui précèdent, la famille de polynômes (Li )0≤i≤n est une
base de Kn [X] .
Démonstration. Comme on a n + 1 = dim (Kn [X]) polynômes, il sut de montrer que la
famille (Li )0≤i≤n est libre. Si
n
∑
λi Li = 0, l'évaluation en xj , pour j compris entre 0 et n, nous
i=1
donne λj = 0. La famille de polynômes (Li )0≤i≤n est donc libre et c'est une base de Kn [X] .
Tout polynôme P ∈ Kn [X] s'écrit donc, P =
n
∑
λi Li , l'évaluation en xj nous donnant
i=1
λj = P (xj ) , pour tout j compris entre 0 et n.
Théorème 10.23 Avec les notations qui précèdent, pour tous scalaires y0 , y1 , · · · , yn , il existe
un unique polynôme P ∈ Kn [X] tel que P (xj ) = yj pour tout j compris entre 0 et n. Ce
polynôme est donné par :
P =
n
∑
yi Li
i=1
Démonstration. L'application linéaire φ : Kn [X] → Kn+1 dénie par :
∀P ∈ Kn [X] , φ (P ) = (P (x0 ) , P (x1 ) , · · · , P (xn ))
est surjective. En eet, pour y = (y0 , · · · , yn ) ∈ K
n+1
, le polynôme P =
n
∑
yi Li est tel que
i=1
φ (P ) = y. Comme les espaces de départ et d'arrivé ont la même dimension, cette application
linéaire φ est un isomorphisme, donc pour tout y = (y0 , · · · , yn ) ∈ Kn+1 , il existe un unique
polynôme P est tel que φ (P ) = y.
Exercice 10.11 Avec les notations qui précèdent, montrer que, pour tout entier
entre 0 et n, on a :
n
∑
p compris
xpi Li (X) = X p
i=1
Solution 10.11 Le polynôme X p est l'unique polynôme P
∈ Kn [X] tel que P (xj ) = xpj pour
n
∑
xpi Li (X) .
tout j compris entre 0 et n, c'est donc le polynôme d'interpolation de Lagrange
i=1
Avec les notations du théorème précédent, on dit que P est le polynôme d'interpolation de
Lagrange associé à x = (xi )0≤i≤n et y = (yi )0≤i≤n .
Polynômes d'interpolation de Lagrange
241
Exercice 10.12 Montrer que si K est un corps ni (commutatif) alors toute application de K
dans K est polynomiale.
Solution 10.12 Soit
K = {λ1 , · · · , λq } un corps ni (commutatif) à q éléments et f une
application de K dans K. Si P est le polynôme d'interpolation de Lagrange déni dans K [X]
par P (X) =
q
∑
f (λj )
j=1
q X −λ
∏
k
, on a P (λ) = f (λ) pour tout λ ∈ K, ce qui signie que
λ
−
λ
k
k=1 j
k̸=j
f = P est une fonction polynomiale.
Pour K = R ou K = C, les polynômes d'interpolation de Lagrange ont des applications
intéressantes.
Par exemple, les méthode de quadrature de Newton-Cotes sont basées sur l'interpolation de
Lagrange. Le point de départ est le résultat suivant.
Théorème 10.24 Soient a < b deux réels, n un entier naturel non nul et (xk )0≤k≤n une suite
de points deux à deux distincts dans [a, b] . Il existe une unique suite de réels (µk )0≤k≤n telle que
pour tout polynôme P dans Rn [X] on a :
∫
b
P (x) dx =
a
n
∑
µk P (xk )
(10.2)
k=0
Démonstration. Soit (Lk )0≤k≤n la base de Lagrange de Rn [x] associée à la suite (xk )0≤k≤n .
Par linéarité, la propriété (10.2) est vériée pour tout P dans Rn [X] si, et seulement si, elle
est vériée pour tous les Lk , ce qui équivaut à :
∫
b
Lk (x) dx = µk
a
pour tout entier k compris entre 0 et n. On a donc ainsi prouvé l'existence et l'unicité des
coecients µk .
Pour plus de détails, sur les méthodes de Newton-Cotes, voir le paragraphe 46.4.
Exemple 10.13 Les polynômes d'interpolation de Lagrange peuvent être utilisés pour montrer
l'unicité de la racine carrée hermitienne positive d'une matrice hermitienne positive (voir le
corollaire 17.9).
Exemple 10.14 Les polynômes d'interpolation de Lagrange peuvent être utilisés pour obtenir
des résultats sur l'exponentielle matricielle comme le montrent les exercices qui suivent.
Exercice 10.13 On suppose que K = R ou K = C. Montrer que si A ∈ Mn (K) est diagonalisable, il existe alors un polynôme Q ∈ Kn−1 [X] (qui dépend de A) tel que eA = Q (A) .
Solution 10.13 Comme A est diagonalisable, il existe des scalaires λ1 , · · · , λn et une matrice
P ∈ GLn (C) tels que A = P diag (λ1 , · · · , λn ) P −1 .
Le théorème d'interpolation de Lagrange nous dit qu'il existe un polynôme Q ∈ Kn−1 [X] tel que
Q (λk ) = eλk pour tout k compris entre 1 et n (en fait Q ∈ Kp−1 [X] si on a p valeurs propres
distinctes) et on a :
−1
eA = eP diag(λ1 ,··· ,λn )P = P ediag(λ1 ,··· ,λn ) P −1
(
)
= P diag eλ1 , · · · , eλn P −1 = P diag (Q (λ1 ) , · · · , Q (λn )) P −1
(
)
= Q P diag (λ1 , · · · , λn ) P −1 = Q (A)
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
242
Exercice 10.14 Soient
A, B dans Mn (R) diagonalisables. Montrer que si eA = eB , alors
A = B.
Solution 10.14 Notons {λ1 , · · · , λp } l'ensemble des valeurs propres deux à deux
de
( distinctes
)
A et B et L ∈ Rp−1 [X] le polynôme d'interpolation de Lagrange déni par L eλk = λk pour
k compris entre 1 et p (les eλk sont deux à deux distincts puisque la fonction exponentielle est
injective sur R).
Comme A est diagonalisable, il existe une matrice P ∈ GLn (R) telle que :
P −1 AP = D = diag (µ1 , · · · , µn )
où les µk sont dans {λ1 , · · · , λp } . On a donc µk = L (eµk ) pour tout k compris entre 1 et n et :
( )
D = diag (L (eµ1 ) , · · · , L (eµn )) = L eD
( )
(
)
( )
A = P DP −1 = P L eD P −1 = L P eD P −1 = L eA
( )
De manière analogue, on voit que B = L eB et l'égalité eA = eB entraîne A = B.
Exercice 10.15 Soit
A ∈ GLn (C) une matrice diagonalisable. Il existe un polynôme Q ∈
Cn−1 [X] tel que Q (A) soit diagonalisable et eQ(A) = A.
Solution 10.15 Comme A est inversible, ses valeurs propres λ1 , · · · , λn sont toutes non nulles
et si de plus elle est diagonalisable, il existe alors une matrice P ∈ GLn (C) telle que A =
P diag (λ1 , · · · , λn ) P −1 .
Du fait de la surjectivité de l'exponentielle de C sur C∗ , il existe des nombres complexes
µ1 , · · · , µn tels que λk = eµk pour tout k compris entre 1 et n.
Le théorème d'interpolation de Lagrange nous dit qu'il existe un polynôme Q ∈ Cn−1 [X] tel que
µk = Q (λk ) pour tout k compris entre 1 et n (en fait Q ∈ Cp−1 [X] si on a p valeurs propres
distinctes).
La matrice diagonalisable ∆ = P diag (µ1 , · · · , µn ) P −1 est alors telle que :
e∆ = P ediag(µ1 ,··· ,µn ) P −1 = P diag (eµ1 , · · · , eµn ) P −1 = A
et :
(
)
∆ = P diag (Q (λ1 ) , · · · , Q (λn )) P −1 = Q P diag (λ1 , · · · , λn ) P −1 = Q (A)
Le résultat de l'exercice précédent peut être utilisé pour montrer que l'exponentielle matricielle réalise une surjection de Mn (C) sur GLn (C) .
10.12 Polynômes à coecients réels ou complexes
Pour K = R ou K = C, on peut identier polynôme et fonctions polynômes, ces fonctions
étant continues comme combinaisons linéaires de fonctions continues x 7→ xk (pour k ≥ 2, ce
sont des produits de la fonction continue x 7→ x). Cette continuité peut être utilisées pour
étudier les racines des polynômes.
Polynômes à coecients réels ou complexes
243
10.12.1 Racines n-ièmes d'un nombre complexe
On s'intéresse tout d'abord aux racines des polynômes X n − α, pour tout entier naturel non
nul n et tout nombre complexe α.
On rappelle que pour tout entier naturel non nul n, la fonction f : x √
7→ xn réalise une
1
bijection de R+ sur lui même. L'application réciproque de f est notée x 7→ n x ou x 7→ x n et
on l'appelle fonction racine
√ n-ième. Donc pour tout réel positif a, l'unique solution de l'équation
xn = a est le réel positif n a.
La représentation polaire des nombres complexes nous sera très utile pour résoudre des
équations de la forme z n = α dans C.
On rappelle que si z = ρeiθ avec ρ > 0 et θ ∈ R, on a pour tout entier relatif n, z n = ρn einθ
′
et pour z ′ = ρ′ eiθ avec ρ′ > 0 et θ′ ∈ R, l'égalité z = z ′ est réalisée si, et seulement si ρ = ρ′ et
θ ≡ θ′ modulo 2π.
Dénition 10.15 Étant donné un nombre complexe
α et un entier naturel non nul n, on
appelle racine n-ième de α tout nombre complexe z tel que z n = α.
Remarque 10.4 Si α = 0, l'équation z n = α équivaut à z = 0, c'est-à-dire que 0 est l'unique
racine n-ième de 0.
Si α ̸= 0, une racine n-ième de α est nécessairement non nulle.
Remarque 10.5 Si
α est un nombre complexe non nul, il s'écrit α = ρeiθ avec ρ > 0 et
√ θ
n
θ ∈ [−π, π[ et le nombre complexe z0 = n ρei n nous fournit une solution
( )n de l'équation z = α.
z
Pour tout autre solution z de cette équation on aura z n = z0n , soit
= 1 et la connaissance
z0
de toutes les racines n-ièmes de 1 nous fournira toutes les racines n-ièmes de α.
Dénition 10.16 Étant donné un entier naturel non nul n, on appelle racine n-ième de l'unité
toute racine n-ième de 1.
Théorème 10.25 Soit
n un entier naturel non nul. Il y a exactement n racines n-ièmes de
l'unité qui sont données par :
ωk = e
2ikπ
n
(
= cos
2kπ
n
)
(
+ i sin
2kπ
n
)
(0 ≤ k ≤ n − 1)
Démonstration. Si z n = 1, on a alors |z|n = |z n | = 1, donc |z| = 1 (c'est l'unique racine
n-ième réelle positive de 1) et z = eiθ avec θ ∈ R. L'équation z n = 1 équivaut alors à einθ = 1,
encore équivalent à nθ ≡ 0 modulo 2π. Les racines n-ièmes de l'unité sont donc les nombres
2ikπ
complexes e n où k décrit l'ensemble Z des entiers relatifs. En eectuant la division euclidienne
2irπ
2ikπ
par n, tout entier k s'écrit k = qn + r avec 0 ≤ r ≤ n − 1 et e n = e n = ωr . De plus pour
2i(j−k)π
j, k entiers compris entre 0 et n − 1, l'égalité ωj = ωk est équivalente à e n
= 1, encore
2 (j − k) π
≡ 0 modulo 2π, ce qui revient à dire que j − k est divisible par n, soit
équivalent à
n
j − k = qn et avec |j − k| ≤ n − 1 (puisque j et k sont dans l'intervalle [0, n − 1]), on déduit
que q = 0 est la seule possibilité, ce qui signie que j = k. On a donc bien le résultat annoncé.
Le théorème précédent peut aussi s'énoncer comme suit.
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
244
Théorème 10.26 Pour tout entier naturel non nul n et tout nombre complexe z, on a :
z −1=
n
n−1
∏
(z − ωk )
k=0
où les ωk = e
Remarque
, pour k compris entre 0 et n − 1, sont les racines n-ièmes de l'unité.
{
}
n
10.6 L'ensemble Γn = ωk = e 2ikπ
| 0 ≤ k ≤ n − 1 est un sous-groupe cyclique
2ikπ
n
de C∗ d'ordre n engendré par ω1 = e
2iπ
n
.
Exercice 10.16 Montrer que, pour tout entier n ≥ 1, il existe un unique sous-groupe de (C∗ , ·)
d'ordre n et que ce groupe est cyclique.
Solution 10.16 Voir l'exercice 2.3.
Corollaire 10.8 Soit n un entier naturel non nul. Tout nombre complexe non nul α = ρeiθ a
exactement n racines n-ièmes données par :
u k = u 0 ωk =
Exercice 10.17 Résoudre dans
tions ?
√
n
θ
ρei n e
2ikπ
n
(0 ≤ k ≤ n − 1)
C l'équation z 6 = (z) 2 . Combien l'équation a-t-elle de solu-
Solution 10.17 On voit que z = 0 est solution.
Si z 6 = (z) 2 avec z ̸= 0, on a alors |z| = 1, donc z = eiθ et ei8θ = 1, soit θ =
2kπ
avec k ∈ Z,
8
ce qui donne les 8 solutions ei 4 où k ∈ {0, 1, · · · , 7} . Donc 9 solutions au total.
kπ
Exercice 10.18 Résoudre dans C l'équation z 4 = (z) 4 .
Solution 10.18 On voit que z = 0 est solution.
Pour z ̸= 0, on écrit que z = ρeiθ avec ρ > 0 et θ ∈ [0, 2π[ et de z 4 = (z) 4 , on déduit que
2kπ
avec k ∈ {0, 1, · · · , 7} . Les solutions non nulles de cette équation sont
8
kπ
donc les nombres complexes de la forme ρei 4 où ρ est un réel strictement positif et k est un
entier compris entre 0 et 7. L'ensemble S des solutions est donc inni, c'est la réunion des
π
quatre droites Dk d'équation polaire θ = k où k est entier compris entre 0 et 3. D0 est l'axe
4
des x, D1 la diagonale d'équation y = x, D2 l'axe des y et D3 la diagonale d'équation y = −x.
ei8θ = 1, soit θ =
Exercice 10.19 Déterminer, pour n entier naturel non nul, toutes les racines n-ièmes de −1.
Solution 10.19 Il s'agit de résoudre l'équation z n = −1 = eiπ . Les solutions de cette équation
sont les :
iπ
uk = e(2k+1) n (0 ≤ k ≤ n − 1)
Exercice 10.20 On note, pour n entier naturel non nul, (ωk )0≤k≤n−1 la suite de toutes les
racines n-ièmes de l'unité.
(
) ∑
(
)
n−1
kπ
kπ
1. Calculer
ωk et
ωk et en déduire les valeurs de
cos 2
et
sin 2
.
n
n
k=0
k=0
k=0
k=0
n−1
∑
n−1
∏
n−1
∑
Polynômes à coecients réels ou complexes
245
2. Soient a un réel xé et P (X) = (X − 1)n − e2ina ∈ C [X] .
(a) Déterminer les racines complexes, z0 , · · · , zn−1 , du polynôme P.
(b) Calculer la somme
n−1
∑
zk et le produit
k=0
n−1
∏
zk de ces racines.
k=0
(c) En déduire la valeur du produit :
(
)
kπ
An =
cos a +
n
k=0
n−1
∏
Solution 10.20
) n−1
)
(
(
n−1
∏
∑
kπ
kπ
=
= 0.
1. Pour n = 1, on a
ωk = ω0 = 1 et
ωk =
sin 2
cos 2
n
n
k=0
k=0
k=0
k=0
n−1
∑
n−1
∑
Pour n ≥ 2, de X − 1 =
n
n−1
∏
(X − ωk ) , on déduit que :
k=0
n−1
∑
ωk = 0 et
k=0
n−1
∏
ωk = (−1)n−1
k=0
(
)
(
)
kπ
kπ
et en écrivant que ωk = cos 2
+ i sin 2
, on déduit que :
n
n
(
(
) ∑
)
n−1
n−1
∑
kπ
kπ
cos 2
sin 2
=
=0
n
n
k=0
k=0
2. Pour n = 1, on a P (X) = X − (1 + e2ia ) et z0 = 1 + e2ia est l'unique solution. Le reste
étant élémentaire.
On suppose que n ≥ 2.
2ina
(a) Comme P (1)
( = −e) ̸= 0, 1 n'est pas racine de P et l'équation P (x) = 0 équivaut
à x ̸= 1 et
x−1
e2ia
2ia
zk = 1 + e
n
= 1, ce qui nous donne n racines distinctes pour P :
ωk = 1 + e
2i(a+ kπ
n )
i(a+ kπ
n )
= 2e
(
)
kπ
cos a +
(0 ≤ k ≤ n − 1)
n
et on a ainsi toutes les racines de P, puisque ce polynôme est de degré n.
(b) De
P (X) = (X − 1) − e
n
2ina
=
n
∑
Cnj
(−1)
n−j
j=0
on déduit que :
X −e
j
2ina
=
n−1
∏
(X − zk )
k=0
n−1
∑
zk = n
k=0
(
n−1
∑
zk = n se déduit aussi de
k=0
n−1
∏
ωk = 0) et :
k=0
n
zk = (−1) P (0) = (−1)
k=0
n−1
∑
n
(
(−1) − e
n
2ina
)
{
=
1 − e2ina = −2ieina sin (na) si n = 2p
1 + e2ina = 2eina cos (na) si n = 2p + 1
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
246
(c) On en déduit que :
n−1
∏(
))
(
kπ
zk =
2e
cos a +
n
k=0
k=0
(
)
= (−1)n (−1)n − e2ina
n−1
∏
i(a+ kπ
n )
avec :
n−1
∏(
kπ
)
π
in
2ei(a+ n ) = 2n eina e
n−1
∑
k=0
k
π n(n−1)
2
= 2n eina ei n
= 2n eina eiπ
n−1
2
k=0
ce qui nous donne :
n ina iπ n−1
2
2 e
e
)
(
(
)
kπ
cos a +
= (−1)n (−1)n − e2ina
n
k=0
n−1
∏
Soit, pour n = 2p :
22p ei2pa eiπ
ou encore :
2p−1
2
(
)
A2p = 1 − e4ipa
−i22p (−1)p A2p = e−i2pa − ei2pa = −2i sin (2pa)
et :
∏
2p−1
A2p =
k=0
(
)
kπ
sin (2pa)
cos a +
= (−1)p
2p
22p−1
et pour n = 2p + 1 :
(
)
22p+1 ei(2p+1)a eipπ A2p+1 = 1 + e2i(2p+1)a
A2p+1 =
2p
∏
(
cos a +
k=0
kπ
2p + 1
)
= (−1)p
cos ((2p + 1) a)
22p
Pour n = 2, cela donne :
(
sin (2a)
π)
=−
cos (a) cos a +
2
2
et pour n = 3 :
(
(
π)
cos (3a)
π)
cos a + 2
=−
cos (a) cos a +
3
3
4
Prenant a = 0, on a :
∏
(
2p−1
k=0
cos
kπ
2p
)
= 0 et
2p
∏
k=0
(
cos
kπ
2p + 1
)
=
(−1)p
22p
(
la première formule étant évidente, puisque pour k = p, cos
Exercice 10.21
kπ
2p
)
= cos
(π )
2
= 0.
Polynômes à coecients réels ou complexes
247
1. Montrer que, pour tout entier n ≥ 1, l'ensemble des racines 2n-ièmes de l'unité est aussi
donnée par :
Γ2n
{ ikπ
} { −ikπ
}
n
n
= {−1, 1} ∪ e | 1 ≤ k ≤ n − 1 ∪ e
|1≤k ≤n−1
2. En déduire que, pour tout nombre complexe z, on a :
z
2n
(
( )
)
kπ
2
−1= z −1
z − 2 cos
z+1
n
k=1
(
∏
) n−1
2
3. En utilisant les sommes de Riemann, calculer :
∫
1
(
)
ln 1 − 2x cos (t) + x2 dt
0
pour tout réel x ∈
/ {−1, 1} .
Solution 10.21
1. Ces racines 2n-ièmes sont les :
ωk = e
2ikπ
2n
=e
ikπ
n
(0 ≤ k ≤ 2n − 1) .
Pour k = 0, on a ω0 = 1, pour k = n, on a ωn = eiπ = −1 et pour k = 2n − j compris
entre n + 1 et 2n − 1, on a :
ωk = e
i{2n−j}π
n
=e
−ijπ
n
ce qui donne le résultat attendu.
2. On a donc, pour tout nombre complexe z :
z 2n − 1 = (z − 1) (z + 1)
n−1
∏(
kπ
z − ei n
)(
z − e−i n
kπ
)
k=1
(
)
= z −1
(
2
)
= z −1
2
n−1
∏(
(
z − e
2
k=1
n−1
∏(
i kπ
n
(
z − 2 cos
2
k=1
3. On a, pour |x| ̸= 1 et t ∈ [0, 1] :
(
+e
f (x, t) = ln 1 − 2x cos (t) + x
2
)
−i kπ
n
kπ
n
)
)
z+1
)
)
z+1
(
)
it 2
= ln x − e
avec |x − eit | > 0. Les sommes de Riemann de t 7−→ f (x, t) s'écrivent :
Sn (x) =
=
=
=
(n−1
)
(
n−1
2 ) π
(
)(
)
∏
kπ
kπ
kπ
π∑
x − ei n
x − e−i n
ln x − ei n = ln
n k=0
n
k=0
(
)
n−1
)
(
)
(
∏
kπ
kπ
π
ln (x − 1)2
x − e−i n
x − ei n
n
k=1
(
)
2n
π
2 1−x
ln (x − 1)
n
1 − x2
(
)
{
)
π
1−x(
0 si |x| < 1
2n
ln
1−x
→
2π ln (|x|) si |x| > 1
n→+∞
n
1+x
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
248
donc :
∫
1
(
ln 1 − 2x cos (t) + x
2
)
{
dt =
0
0 si |x| < 1,
2π ln (|x|) si |x| > 1.
Exercice 10.22 Résoudre dans C l'équation z 8 + z 4 + 1 = 0.
Solution 10.22 Si z est solution de cette équation, alors t = z 4 est solution de t2 + t + 1 = 0,
t3 − 1
2iπ
= 0, donc t = j = e 3 ou t = j = j 2 .
t−1
Il s'agit alors de calculer les racines quatrièmes de j et de j, ces racines sont les :
ce qui donne t ̸= 1 et
zk = ei( 6 +k 2 ) et zk = e−i( 6 +k 2 ) (0 ≤ k ≤ 3)
π
soit :
z0 = e
i π6
π
π
π
√
√
3 i
1
3
2i π3
=
+ , z1 = e = j = − + i
2
2
2
2
π
π
z2 = e7i 6 = −z1 , z3 = e5i 3 = −z1
et leurs conjugués.
On peut aussi procéder
équation,
( comme)2suit. Si z est solution de cette (
)2 il est alors non nul et
1
1
1
1
z 4 + 1 + 4 = 0, soit z 2 + 2
= 1, donc z 2 + 2 = ±1, soit z +
− 2 = ±1, c'est-à-dire
z
z
z
z
(
)2
(
)2
1
1
z+
= 1 ou z +
= 3.
z
z
)2
(
1
z3 ± 1
1
= 1, on a alors z + = ±1, soit z 2 ± z + 1 = 0 avec z ̸= ±1 ou encore
= 0,
Si z +
z
z
z±1
ce qui donne les 4 solutions, j, j, −j, −j.
(
√ )2
(
)2
√
√
1
3
1
1
Si z +
= 3, on a alors z + = ± 3, soit z 2 ± 3z + 1 = 0 ou encore z ±
=− ,
z
z
2
4
√
3 i
ce qui donne les 4 autres solutions, z0 =
+ , z0 , −z0 , −z0 .
2
2
10.12.2 Les équations complexes de degré 2 et 3
Une équation de degré 2 :
P (z) = az 2 + bz + c = 0
où a, b, c sont des nombres complexes avec a ̸= 0, se ramène facilement au calcul d'une racine
carrée. Il sut d'écrire que :
((
P (z) = a
b
z+
2a
)2
b2 − 4ac
−
4a2
δ
)
et on est ramené au calcul des racines carrées de 2 où δ = b2 − 4ac est le discriminant de P.
4a
Considérons une équation polynomiale de degré 3 :
P (z) = z 3 + az 2 + bz + c = 0
où a, b, c sont des nombres complexes.
Polynômes à coecients réels ou complexes
249
Dans un premier temps, on eectue une translation en vue de supprimer le terme en z 2 de
cette équation, c'est-à-dire qu'in cherche λ ∈ C qui permette de supprimer z 2 dans :
P (z − λ) = (z − λ)3 + a (z − λ)2 + b (z − λ) + c
En développant, on a :
(
)
(
)
P (z − λ) = z 3 + (a − 3λ) z 2 + λ2 − 2aλ + b z + c − bλ + aλ2 − λ3
Le choix de λ =
a
donne :
3
(
a2
P (z − λ) = z + b −
3
3
)
(
)
ab 2a3
z+ c−
+
3
27
On est donc ramené à l'équation :
Q (z) = z 3 + pz + q = 0
a2
ab
2a3
où on a noté p = b −
et q = c −
+
. Si z est solution de Q (z) = 0, alors z − λ est
3
3
27
solution de P (t) = 0.
Si p = 0, alors les solutions de Q (z) = 0 sont les racines cubiques de −q.
Si p ̸= 0, on cherche alors les solutions sous la forme z = u + v en imposant une condition
supplémentaire à u et v. En développant :
P (u + v) = u3 + v 3 + (3uv + p) (u + v) + q
on est amené à imposer 3uv + p = 0, ce qui donne le système de deux équations à deux
inconnues :
{ 3
3
u + v = −q
3uv = −p
Les nombres complexes u3 et v 3 sont alors solutions de : :

 u3 + v 3 = −q
p3
 u3 v 3 = −
27
ce qui revient à dire que ce sont les solutions de l'équation de degré 2 :
x2 + qx −
p3
=0
27
Le discriminant de cette équation est :
δ=
4p3 + 27q 2
27
Notant ω une racine carrée de δ (ω 2 = δ ), on a :
u3 =
−q + ω
−q − ω
et v 3 = u3 =
2
2
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
250
−q − ω
, les deux autres sont jw et jw. Enn la relation
2
p
3uv = −p avec p =
̸ 0, donne u =
̸ 0, v ̸= 0 et v = − . On a donc ainsi trouvé trois solutions
3u
(u, v) , à savoir :
(
) (
)
(
) (
)
(
p )
p
pj
p
pj
w, −
, jw, −
= jw, −
et jw, −
= jw, −
3w
3jw
3w
3w
3jw
En désignant par w une racine cubique
ce qui donne trois solutions pour l'équation Q (z) = 0 :
z1 = w −
p
pj
pj
, z2 = jw −
, z3 = jw −
3w
3w
3w
et on les a toutes.
Exercice 10.23 Résoudre dans C l'équation :
P (z) = z 3 − 3z 2 + 4z − 4 = 0
Solution 10.23 On élimine tout d'abord le terme en z 2 . On a :
P (z − λ) = (z − λ)3 − 3 (z − λ)2 + 4 (z − λ) − 4
(
)
(
)
= z 3 − 3 (λ + 1) z 2 + 4 + 6λ + 3λ2 z − λ3 + 3λ2 + 4λ + 4
et λ = −1 donne :
Q (z) = P (z + 1) = z 3 + z − 2
Cherchant les solutions sous la forme z = u + v, on aboutit à :
{
u3 + v 3 = 2
1
u3 v 3 = −
27
qui nous conduit à résoudre :
x2 − 2x −
de solutions :
Ce qui donne :
et v = −
1
avec :
3u
1
=0
27
√
2
7
u3 = 1 + √ et v 3 = 1 −
3 3
√

3
u∈
1+

√
√
2 7 3
√ ,j 1 +
3 3
√
2 7
√
3 3
√
√
2 7 3
√ ,j 1 +
3 3

√ 
2 7
√
3 3
√ √
7
3 2
√ √
√ −1
3 3
1
1
7
3 2
√ −1
= √
=3
= √
√
u
3 3
3 28
2 7
3
−1
1+ √
27
3 3
Polynômes à coecients réels ou complexes
251
D'où les solutions de Q (z) = 0 :
√ √
√ √
7
2 7
3 2
√ +1− 3 √ −1
z1 =
3 3
3 3
√ √
√ √
7
2 7
3 2
√ +1−j 3 √ −1
z2 = j
3 3
3 3
√ √
√ √
7
2 7
3 2
√ +1−j 3 √ −1
z2 = j
3 3
3 3
Comme 1 est racine évidente de Q (z) = 1 et que z1 est la seule solution réelle, on a nécessairement :
√ √
√ √
3
2 7
√ +1−
3 3
3
2 7
√ −1=1
3 3
ce qui peut se vérier en élevant au carré.
Les solutions de P (z) = 0 sont alors :
z1 + 1 = 2, z2 + 1, z3 + 1.
10.12.3 Le théorème de d'Alembert-Gauss
En utilisant les propriétés des fonctions continues sur un compact, nous allons montrer le
théorème fondamental de l'algèbre qui nous dit que tout polynôme complexe non constant a
au moins une racine. Ce théorème se traduit en disant que le corps C des nombres complexes
est algébriquement clos.
Théorème 10.27 Soit P (X) =
donc an = 1).
1. On a lim |P (z)| = +∞.
n
∑
ak X k ∈ C [X] un polynôme unitaire de degré n ≥ 1 (on a
k=0
|z|→+∞
2. Il existe z0 ∈ C tel que |P (z0 )| = inf |P (z)| .
3. z0 est une racine de P.
z∈C
Démonstration. Le polynôme P est identié à la fonction polynomiale z 7→ P (z) .
1. Pour tout z ∈ C∗ , on a :
a
an−1
0
+ 1
|P (z)| = |z|n n + · · · +
z
z
a
n−k avec lim k = 0 pour k = 1, · · · , n. On a donc lim |P (z)| = +∞.
|z|→+∞
|z|→+∞
z
2. De lim |P (z)| = +∞, on déduit qu'il existe R > 0 tel que :
|z|→+∞
|z| > R ⇒ |P (z)| > |P (0)|
Su le compact K = {|z| ≤ R} , la fonction continue |P | est minorée et atteint sa borne
inférieure, il existe donc z0 ∈ K tel que |P (z0 )| = inf |P (z)| . On a alors, pour tout z ∈ C,
z∈K
soit z ∈ K et |P (z)| ≥ |P (z0 )| , soit z ∈
/ K, donc |z| > R et |P (z)| > |P (0)| ≥ |P (z0 )| .
Dans tous les cas, |P (z)| ≥ |P (z0 )| et |P (z0 )| = inf |P (z)| .
z∈C
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
252
3. En supposant que P (z0 ) ̸= 0, on dénit le polynôme Q par Q (z) =
Pour tout z ∈ C, on a |P (z + z0 )| ≥ |P (z0 )| , donc |Q (z)| ≥ 1.
On a donc Q ∈ C [X] avec Q (0) = 1 et deg (Q) = n, soit :
P (z + z0 )
.
P (z0 )
Q (X) = 1 + bp X p + · · · + bn X n
avec 1 ≤ p ≤ n et bp ̸= 0, ce qui s'écrit :
Q (X) = 1 + bp X p (1 + ε (X))
avec lim ε (z) = 0. Il existe donc un réel r > 0 tel que |ε (z)| <
z→0
|z| < r.
1
pour tout z ∈ C tel que
2
On note bp = rp eiθp avec rp > 0 et 0 ≤ θp < 2π et pour z = ρe−i
θp +π
p
, on a :
|Q (z)| = |1 + bp z p (1 + ε (z))|
≤ |1 + bp z p | + rp ρp |ε (z)|
Si de plus 0 < ρ = |z| < r, on a alors |ε (z)| <
1
et :
2
|Q (z)| ≤ |1 + bp z p | + rp ρp
avec :
1
2
)p
(
θp +π
= rp ρp e−iπ = −rp ρp
bp z p = rp eiθp ρe−i p
soit :
|Q (z)| ≤ |1 − rp ρp | + rp ρp
1
2
Comme lim (1 − rp ρp ) = 1, on a 1 − rp ρp > 0 pour ρ assez petit et pour un tel choix, on
ρ→0
a:
1
1
|Q (z)| ≤ 1 − rp ρp + rp ρp = 1 − rp ρp < 1
2
2
ce qui est contradictoire avec |Q (z)| ≥ 1. On a donc P (z0 ) = 0.
Théorème 10.28 (d'Alembert-Gauss) Le corps
ment clos.
C des nombres complexes est algébrique-
Démonstration. Soit P ∈ C [X] non constant de degré n ≥ 1. Le théorème précédent nous
dit que P a au moins une racine complexe α. Il existe donc un polynôme Q de degré n − 1 tel
que P (X) = (X − α) Q (X) . On conclut alors par récurrence sur le degré n du polynôme.
On déduit de ce théorème que les polynômes irréductibles de C [X] sont de degré 1.
10.12.4 Polynômes irréductibles dans R [X]
On sait déjà que les polynômes de degré 1 sont irréductibles.
Un polynôme à coecients réels étant aussi un élément de C [X] , il est scindé dans cet
anneau de polynômes.
Polynômes à coecients réels ou complexes
253
Lemme 10.3 Soit P (X) = aX 2 + bX + c un polynôme de degré 2 dans R [X] . Ce polynôme
est irréductible si, et seulement si, δ = b2 − 4ac < 0.
Démonstration. On a :
((
b
X+
2a
P (X) = a
)2
b2 − 4ac
−
4a2
)
((
=a
b
X+
2a
)2
δ
− 2
4a
)
(
)2
b
Si δ = 0, on a alors P (X) = a X +
qui est réductible.
2a
(
√ )(
√ )
b
b
δ
δ
X+
qui est réductible.
Si δ > 0, on a alors P (X) = a X +
−
+
2a
2a
2a
2a
Si δ < 0, on a alors P (x) > 0 pour tout x ∈ R et P n'a pas de racines réelles, il est donc
irréductible.
Lemme 10.4 Soit P un polynôme non constant dans R [X] . Si α ∈ C est une racine de P de
multiplicité m ≥ 1, alors son conjugué α est aussi racine de P avec la même multiplicité.
Démonstration. Dans
C [X] , on a P (k) (α) = 0 pour tout entier k compris entre 1 et
m − 1 et P (m) (α) ̸= 0. Comme P et tous ses polynômes dérivés sont à coecients réels, on a
P (k) (α) = P (k) (α) = 0 pour tout entier k compris entre 1 et m − 1 et P (m) (α) = P (m) (α) ̸= 0,
ce qui revient à dire que α est racine de P avec la même multiplicité m.
Théorème 10.29 Les polynômes réels irréductibles sont les polynômes de degré 1 et les polynômes de degré 2, P (X) = aX 2 + bX + c tels que b2 − 4ac < 0.
Démonstration. On sait déjà que ces polynômes sont irréductibles.
Si P de degré supérieur ou égal à 2 dans R [X] est irréductible, il n'a pas de racines réelles et
sa décompositions en facteurs irréductibles dans C [X] est nécessairement de la forme P (X) =
r
∏
(X − αk )mk (X − αk )mk , où r ≥ 1, les αk sont complexes non réels et les mk entiers naturels
k=1
non nuls. Comme :
(
)mk
(X − αk )mk (X − αk )mk = X 2 − 2ℜ (αk ) X + |αk |2
∈ R [X]
on a nécessairement r = m1 = 1 et P (X) = X 2 − 2ℜ (α1 ) X + |α1 |2 avec (ℜ (α1 ))2 − |α1 |2 =
(ℑ (α1 ))2 > 0 puisque α1 est non réel.
Le théorème de décomposition en facteurs irréductibles prend donc la forme suivante dans
R [X] .
Théorème 10.30 Tout polynôme non constant
P ∈ R [X] est produit de polynômes irréductibles de degré 1 ou 2, c'est-à-dire qu'il existe une constante λ ∈ R∗ , deux entiers naturels r
et s, des réels a1 , · · · , αr deux à deux distincts, des entiers naturels non nuls n1 , · · · , nr , des
couples de réels (b1 , c1 ) , · · · , (bs , cs ) deux à deux distincts tels que b2k − 4ck < 0 pour tout k et
des entiers naturels non nuls m1 , · · · , ms tels que :
P =λ
r
∏
k=1
(X − ak )nk
s
∏
(
X 2 + bk X + ck
)mk
k=1
une telle décomposition est unique à l'ordre près des facteurs.
Le théorème précédent est utile pour la décomposition en éléments simples des fractions
rationnelles réelles.
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
254
10.12.5 Polynômes irréductibles dans Z [X] et Q [X]
Si P est un polynôme dans Q [X] , par réduction au même dénominateur de ses coecients,
on peut l'écrire P = λQ avec Q ∈ Z [X] , ce qui nous ramène à étudier les polynômes de Z [X]
qui sont irréductibles dans Q [X] .
Dénition 10.17 Le contenu d'un polynôme P (X) =
n
∑
ak X k ∈ Z [X] \ {0} est l'entier :
k=0
c (P ) = pgcd (a0 , a1 , · · · , an )
Dénition 10.18 On dit qu'un polynôme P
∈ Z [X] \ {0} est primitif si son contenu vaut 1.
Z
On rappelle que pour tout nombre premier p, l'ensemble
des classes résiduelles modulo
pZ
p est un corps.
n
∑
ak X k dans Z [X] , on note :
Pour tout polynôme P (X) =
k=0
P (X) =
n
∑
ak X k
k=0
dans
Z
Z
[X] , où pour tout entier relatif a, a désigne la classe de a dans
.
pZ
pZ
Lemme 10.5 Soit p un nombre premier.
1. Si A1 , · · · , Ak sont des polynômes dans Z [X] et A =
k
∑
Aj , on a alors l'égalité dans
j=1
Z
[X] :
pZ
Ap
=
k
∑
Apj
j=1
2. Si A est un polynôme dans Z [X] et B = Ap , on a alors l'égalité dans Fp [X] :
B (X) = A (X p )
Démonstration.
1. En raisonnant par récurrence, il nous sut de considérer le cas où k = 2.
Si p est premier, on sait alors qu'il divise tous les Cpj pour j compris entre 1 et p − 1 (le
nombre premier p divise p! = j! (p − j)!Cpj et est premier avec j! (p − j)!, on déduit alors
du théorème de Gauss qu'il divise Cpj ) et en conséquence, on a dans
p
(A1 + A2 ) =
p
∑
j=1
Cpj Aj1 A2p−j = Ap1 + Ap2
Z
[X] :
pZ
Polynômes à coecients réels ou complexes
2. Soient A (X) =
dans
Z
[X] :
pZ
n
∑
255
ak X k dans Z [X] et B = Ap . En utilisant le résultat précédent, on a
k=0
(
B (X) =
n
∑
)p
ak
Xk
k=0
avec apk = ak p = ak dans
qui donne :
=
n
∑
apk X kp
k=0
Z
pour tout k compris entre 0 et n (théorème de Fermat), ce
pZ
B (X) =
n
∑
ak X kp = A (X p )
k=0
Lemme 10.6 Le produit de deux polynômes primitifs dans Z [X] \ {0} est primitif.
Démonstration. Soient P (X) =
primitifs dans Z [X] et R (X) =
n+m
∑
n
∑
ak X k et Q (X) =
k=0
m
∑
bk X k deux polynômes non nuls
k=0
ck X leur produit. Si R n'est pas primitif, son contenu
k
k=0
admet un diviseur premier p qui divise tous les ck pour k compris entre 0 et n + m. Dans
Z
[X] , on a :
pZ
R (X) =
n+m
∑
ck X k = 0
k=0
Z
[X] est intègre, ce qui signie
pZ
que p divise tous les coecients de P ou tous les coecients de Q, en contradiction avec P et
Q primitifs.
En dénitive, le produit de deux polynômes primitifs dans Z [X] est primitif.
ce qui implique P = 0 ou Q = 0 puisque R = P · Q et l'anneau
Lemme 10.7 (Gauss) Pour tous polynômes P, Q dans Z [X]\{0} , on a c (P Q) = c (P ) c (Q) .
Démonstration. On a :
P · Q = c (P ) c (Q)
(
1
P
c (P )
)(
1
P
c (Q)
)
1
1
P et
P primitifs, c'est-à-dire que P · Q = c (P ) c (Q) R avec R primitif dans
c (P )
c (Q)
Z [X] . Avec l'homogénéité du pgcd (à savoir pgcd (λa0 , · · · , λan ) = λ pgcd (a0 , · · · , an ) pour
tout λ ∈ N∗ ), on en déduit que c (P ) c (Q) est le contenu de P · Q.
avec
Lemme 10.8 Soit P un polynôme non constant dans Z [X] . Si P est réductible dans Q [X] ,
on peut alors l'écrire sous la forme P = QR avec Q et R non constants dans Z [X] .
Démonstration. On a P
= c (P ) P1 avec P1 primitif dans Z [X] . Si P est réductible dans
Q [X] , il en est alors de même de P1 qui va donc s'écrire P1 = Q1 R1 avec Q1 et R1 non constants
256
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
1
q
1
r
non constants dans Z [X] , ce qui donne qrP1 = Q2 R2 , qr = c (qrP1 ) = c (Q2 ) c (R2 ) et :
dans Q [X] . On peut écrire Q1 = Q2 , R1 = R2 avec q, r entiers naturels non nuls et Q2 , R2
P = c (P ) P1 =
c (P )
Q2 R2 = QR
c (Q2 ) c (R2 )
Lemme 10.9 Si
P, Q sont deux polynômes unitaires dans Q [X] tels que le produit P Q soit
dans Z [X] , P et Q sont alors dans Z [X] .
Démonstration. Après réduction au même dénominateur des coecients de
P et Q, on
1
1
peut écrire que P = P1 , Q = Q1 , avec m dans N∗ et P1 , Q1 dans Z [X] de coecient
m
m
dominant égal à m (P et Q sont unitaires). On a alors m2 P Q = P1 Q1 dans Z [X] et on peut
écrire :
(
)
c m2 P Q = m2 c (P Q) = c (P1 ) c (Q1 )
avec c (P Q) = 1 puisque P Q est unitaire dans Z [X] . On a donc m2 = c (P1 ) c (Q1 ) avec c (P1 )
et c (Q1 ) qui divisent m (m est le coecient dominant de ces polynômes), ce qui implique que
1
c (P1 ) = c (Q1 ) = m, c'est-à-dire que m divise tous les coecients de P1 et Q1 et donc P = P1 ,
m
1
Q = Q1 sont dans Z [X] .
m
Théorème 10.31 (Eisenstein) Soit P (X) =
n
∑
ak X k un polynôme non constant dans Z [X] .
k=0
S'il existe un nombre premier p tel que :
p divise les coecients a0 , a1 , · · · , an−1 ;
p ne divise pas an ;
p2 ne divise pas a0 ;
le polynôme P est alors irréductible dans Q [X] .
Démonstration. Si P est réductible dans Q [X] , il l'est alors dans Z [X] , c'est-à-dire qu'il
s'écrit P = QR avec Q et R non constants dans Z [X] . On note :
Q (X) =
q
∑
k=0
bk X k , R (X) =
r
∑
ck X k
k=0
avec Q, R à coecients entiers relatifs de degrés respectifs q, r compris entre 1 et n − 1. Dans
Fp [X] on a :
P (X) = Q (X) R (X) = an X n ̸= 0.
Comme an = bq cr , on en déduit que bq et cr sont non nuls dans Fp , c'est-à-dire que Q est de
degré q et R de degré r dans Fp [X] . L'unicité de la décomposition en facteurs irréductibles
dans Fp [X] et l'égalité P = Q · R = an X n entraînent que Q (X) = bq X q et R = cr X r , c'està-dire que tous les bk pour k compris entre 0 et q − 1 et tous les cj pour j compris entre 0 et
r − 1 sont divisibles par p. En particulier p va diviser b0 et c0 , ce qui implique que p2 va diviser
a0 = b0 c0 en contradiction avec l'une des hypothèses de départ. En dénitive P est irréductible
dans Q [X] .
En prenant P (X) = X n − p où p est un nombre premier et n ≥ 1, on voit que dans Q [X] on
a des polynômes irréductibles de tout degré n ≥ 1 contrairement à ce qui se passe dans R [X]
ou C [X] .
Polynômes à coecients réels ou complexes
Exercice 10.24 Soit
257
p un nombre premier. Montrer que le polynôme Φp (X) =
p−1
∑
X k est
k=0
irréductible dans Q [X] .
Solution 10.24 On a Φp (X) =
Xp − 1
et :
X −1
(X + 1)p − 1 ∑ k+1 k
Φp (X + 1) =
=
Cp X
X
k=0
p−1
avec p premier qui divise les Cpk+1 pour tout k compris entre 0 et p − 2, p qui ne divise pas le
coecient dominant ap−1 = 1 et p2 qui ne divise pas le coecient constant a0 = p. On déduit
alors du critère d'Eisenstein que le polynôme Φp (X + 1) est irréductible dans Q [X] et il en est
de même de Φp (X) .
10.12.6 Les polynômes cyclotomiques
On utilise les notations, dénitions et résultats du paragraphe précédent.
Pour tout entier naturel non nul n, on note Dn l'ensemble des diviseurs de n dans N∗ et :
Γn = {z ∈ C | z n = 1}
le groupe multiplicatif des racines
( n-èmes
) de l'unité. On rappelle que ce groupe est cyclique
2iπ
.
n
Une racine n-ème de l'unité ωk = ω1k engendre Γn si, et seulement si, l'entier k est premier
avec n (théorème 2.5), ce qui revient à dire que ωk est d'ordre n.
d'ordre n engendré par ω1 = exp
Dénition 10.19 On appelle racine primitive n-ème de l'unité tout générateur de Γn .
On note Rn l'ensemble de toutes les racines primitives n-èmes de l'unité et on a :
card (Rn ) = φ (n) = card {k ∈ {1, · · · , n} | k ∧ n = 1}
où φ est la fonction indicatrice d'Euler dont les propriétés sont supposées connues (voir le
paragraphe 9.3).
Dénition 10.20 On appelle polynôme cyclotomique le polynôme :
Φn (X) =
∏
(X − z)
z∈Rn
Le degré du polynôme Φn est deg (Φn ) = card (Rn ) = φ (n) .
Si p est premier, tout entier k compris entre 1 et p − 1 est alors premier avec p, de sorte que :
}
{
Rp = ω1k | 1 ≤ k ≤ p − 1 = Γp \ {1}
et :
Φp (X) =
∏
z∈Γp \{1}
Xp − 1 ∑ k
=
X
X −1
k=0
p−1
(X − z) =
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
258
Lemme 10.10 Les ensembles Rd , où d parcourt Dn , forment une partition de Γn .
Démonstration. Un élément z de Rd est d'ordre d dans∪C∗ et pour d ∈ Dn , ,on a z n =
( d ) nd
= 1, ce qui signie que z ∈ Γn . On a donc l'inclusion
Rd ⊂ Γn .
z
d∈Dn
n
Un élément z de Γn s'écrit z =
avec k compris entre 1 et n et il est d'ordre d =
, il
n∧k
∪
est donc dans Rd avec d ∈ Dn . On a donc l'égalité
Rd = Γn et il est clair que cette réunion
ω1k
d∈Dn
∗
est disjointe (Rd est l'ensemble des éléments
∑ d'ordre d dans C ).
L'égalité des cardinaux, card (Γn ) =
card (Rd ) nous donne alors la formule de Möbius :
d∈Dn
n=
∑
φ (d)
d∈Dn
Théorème 10.32 Pour tout n ∈ N∗ on a :
Xn − 1 =
∏
Φd (X)
d∈Dn
Démonstration. Pour n = 1, on a Γ1 = R1 = D1 = {1} et Φ1 (X) = X − 1.
Pour n ≥ 2, les Rd , où d décrit Dn , forment une partition de Γn , et :
Xn − 1 =
∏
(X − z) =
z∈Γn
∏ ∏
(X − z) =
d∈Dn z∈Rd
∏
Φd (X) .
d∈Dn
Corollaire 10.9 Si p est un nombre premier et r un entier naturel non nul, on a alors :
Φpr (X) =
p−1
∑
r−1
X k·p
( r−1 )
= Φp X p
k=0
Démonstration. Pour r = 1 le calcul est déjà fait. On suppose donc que r ≥ 2.
Avec :
X
pr
−1=
r
∏
Φpk (X) = Φpr (X)
k=0
on déduit que :
r−1
∏
(
Φpk (X) = Φpr (X) X
pr−1
)
−1
k=0
( r−1 )
∑
Xp − 1
r−1
Φpr (X) = pr−1
=
X k·p = Φp X p
X
− 1 k=0
r
p−1
En égalant les degrés dans l'égalité du corollaire précédent, on retrouve la relation :
φ (pr ) = (p − 1) pr−1
Théorème 10.33 Pour tout entier n ∈ N∗ , Φn est un polynôme unitaire dans Z [X] .
Polynômes à coecients réels ou complexes
259
Démonstration. On procède par récurrence sur n ≥ 1.
Pour n = 1, on a Φ1 (X) = X − 1.
Supposons le résultat acquis jusqu'au rang n − 1 ≥ 1. Pour n ≥ 2, on a :
Xn − 1 =
∏
Φd (X) = P (X) Φn (X)
d∈Dn
avec P unitaire dans Z [X] puisque c'est un produit de Φd avec d ≤ n − 1.
Dans Z [X] , on a la division euclidienne de X n −1 par P unitaire non constant, soit X n −1 =
P Q+R avec Q, R dans Z [X] et deg (R) < deg (P ) , ce qui nous donne l'égalité R = P (Φn − Q)
dans C [X] et à cause des degrés, on a nécessairement R = 0 et Φn = Q ∈ Z [X] . Les polynômes
X n − 1 et Q étant unitaires dans Z [X] , il en est de même de Φn .
Les résultats qui suivent nous donnent des moyens de calculer les polynômes Φn .
Lemme 10.11 Si n, m sont deux entiers naturels non nul, le polynôme Φn (X m ) n'a alors que
des racines simples dans C.
Démonstration. Comme 0 n'est pas racine de Φn , il n'est pas racine de Ψn (X) = Φn (X m )
et pour toute racine z ∈ C∗ de Ψn , en notant ζ = z m , on a Φn (ζ) = 0 et Ψ′n (ζ) =
mz m−1 Φ′n (ζ) ̸= 0 puisque toutes les racines de Φn sont simples et z est non nul. En conclusion
Ψn n'a que des racines simples dans C.
Lemme 10.12 Si n ∈ N∗ et p est un nombre premier ne divisant pas n, on a alors :
Φn (X p ) = Φn (X) Φp·n (X)
Démonstration. Les polynômes Ψn (X) = Φn (X p ) et Ωn (X) = Φn (X) Φp·n (X) sont uni-
taires à racines simples (pour tout m ≥ 1 les racines de Φm sont d'ordre m dans C∗ , donc les
polynômes Φn et Φp·n n'ont pas les mêmes racines pour p ≥ 2) de même degré égal à :
pφ (n) = φ (n) + φ (pn) = φ (n) + φ (p) φ (n) = φ (n) + (p − 1) φ (n)
(p est premier ne divisant pas n). Pour montrer que ces polynômes sont égaux il nous sut
donc de montrer que toute racine de Ωn est racine de Ψn .
Si z ∈ C est racine de Φn (X) , c'est un générateur de Γn et il en est de même de z p puisque
p est premier avec n, ce qui signie que z est aussi racine de Φn (X p ) .
Si z ∈ C est racine de Φp·n (X) , il est d'ordre p · n dans C∗ et z p est d'ordre n dans C∗ , ce
qui signie que z p est générateur de Γn et Φn (z p ) = 0.
On a donc bien Φn (X p ) = Φn (X) Φp·n (X) pour p premier ne divisant pas n.
Si n = p1 · · · pk est un entier sans facteurs carrés (les pj étant des nombres premiers deux à
deux distincts), le résultat précédent nous fournit un procédé de calcul de Φn (X) : on écrit :
Φn (X) = Φp1 (p2 ···pk ) (X) =
Φp2 ···pk (X p1 )
Φp2 ···pk (X)
et on itère le procédé.
Exercice 10.25 Calculer Φ14 (X) .
Solution 10.25 On a :
1 + X7 ∑
Φ2 (X 7 )
=
=
(−1)k X k
Φ14 (X) = Φ7·2 (X) =
Φ2 (X)
1+X
k=0
6
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
260
Lemme 10.13 Si l'entier n est impair supérieur ou égal à 3, on a alors :
Φ2n (X) = Φn (−X)
Démonstration. Si n est impair supérieur ou égal à 3, sa décomposition en facteurs premiers
mk
1
est de la forme n = pm
1 · · · pk , où les pj sont des nombres premiers impairs deux à deux distincts
et les mj des entiers naturels non nuls, ce qui entraîne que l'ensemble des diviseurs de 2n est :
D2n = Dn ∪ {2d | d ∈ Dn }
et :
∏
X 2n − 1 =
Φd (X) =
d∈D2n
∏
Φ2d (X)
d∈Dn
∏
Φd (X)
d∈Dn
D'autre part, en écrivant que :
X 2n − 1 = − (X n − 1) ((−X)n − 1)
(n est impair), on a aussi :
X 2n − 1 =
∏
Φd (X)
∏
Φ2d (X) = −
d∈Dn
Pour d = 1, on a :
{
et donc :
Φd (−X)
d∈Dn
d∈Dn
et donc :
∏
∏
Φd (−X)
d∈Dn
Φ2 (X) = 1 + X
Φ1 (−X) = −1 − X = − (1 + X)
∏
Φ2d (X) =
d∈Dn \{1}
∏
(10.3)
Φd (−X)
d∈Dn \{1}
tous les diviseurs de n dans Dn \ {1} étant des entiers impairs supérieurs ou égaux à 3. Ce
dernier résultat nous conduit à raisonner par récurrence.
Pour n = 3, on a :
Φ2 (X 3 )
1 + X3
=
Φ2 (X)
1+X
2
= 1 − X + X = Φ3 (−X)
Φ6 (X) = Φ3·2 (X) =
et en le supposant vrai pour les entiers impairs de la forme d = 2j + 1 avec j compris entre 1
et p − 1, l'égalité (10.3) pour n = 2p + 1 s'écrit :
Φ2n (X)
∏
Φ2d (X) = Φn (−X)
d∈Dn \{1,n}
∏
Φd (−X)
d∈Dn \{1,n}
ce qui entraîne Φ2n (X) = Φn (−X) avec l'hypothèse de récurrence.
Exemple 10.15 Pour n = 7, on a :
Φ14 (X) = Φ7 (−X) =
6
∑
k=0
(−1)k X k
Polynômes à coecients réels ou complexes
261
Lemme 10.14 Soit n = pm1
k
· · · pm
dans N∗ où les pj sont des nombres premiers deux à deux
k
distincts et les mj des entiers naturels non nuls. En notant m = p1 · · · pk , on a :
( n)
Φn (X) = Φm X m
(
)
Démonstration. Les polynômes Φn (X) et Φm X mn sont unitaires à racines simples de
1
même degré égal à :
)
)
k (
k (
∏
1
n ∏
1
n
φ (n) = n
1−
= m
1−
= φ (m)
pj
m j=1
pj
m
j=1
Pour montrer l'égalité de( ces )polynômes il nous sut donc de montrer que toute racine de
n
Φn (X) est racine de Φm X m . Dire que z ∈ C est racine de Φn (X) équivaut à dire qu'il est
n
d'ordre n dans C∗ et en( conséquence
z m qui est d'ordre m est racine de Φm (X) ce qui signie
)
n
que z est racine de Φm X m .
Le résultat précédent ramène le calcul des Φn (X) au cas où n est sans facteurs carrés.
Exercice 10.26 Calculer Φ3240 (X) .
Solution 10.26 Avec la décomposition en facteurs premiers 3240 = 23 34 5 on obtient :
(
)
Φ3240 (X) = Φ30 X 108
avec :
Φ30 (X) =
et :
Φ10 (X) =
Φ10 (X 3 )
Φ10 (X)
Φ2 (X 5 )
1 + X5
=
Φ2 (X)
1+X
ce qui donne :
3
1 + X 15 1 + X
1 + (X 5 ) 1 + X
=
1 + X3 1 + X5
1 + X5 1 + X3
= 1 + X − X3 − X4 − X5 + X7 + X8
Φ30 (X) =
et :
Φ3240 (X) = 1 + X 108 − X 324 − X 432 − X 540 + X 756 + X 864
Remarque 10.7 Les coecients des polynômes cyclotomiques ne sont pas tous dans {−1, 0, 1}
comme le laisseraient penser les exemples traités jusqu'à présent. Par exemple pour n = 105 =
3 · 5 · 7, on a :
Φ105 (X) =
Φ15 (X 7 )
= 1 + · · · + (−2) X 7 + · · · + (−2) x41 + · · ·
Φ15 (X)
Précisément le logiciel Maple nous donne :
Φ105 (x) = 1 + x + x2 − x5 − x6 −2x7 − x8 − x9 + x12 + x13 + x14 + x15
+ x16 + x17 − x20 − x22 − x24 − x25 − x26 + x31 + x32 + x33 + x34
+ x35 + x36 − x39 − x40 −2x41 − x42 − x43 + x46 + x47 + x48 .
262
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
Les résultats qui suivent nous donnent quelques propriétés des coecients des polynômes
Φn .
Théorème 10.34 Pour tout n ∈ N∗ , on a :

 0 si n = 1
p si n = pk avec p premier et k ≥ 1
Φn (1) =

1 sinon
{
−1 si n = 1,
Φn (0) =
1 si n ≥ 2.
et le coecient αn de X φ(n)−1 dans Φn (X) est :

 −1 si n = 1
αn =
(−1)k+1 si n est produit de k premiers distincts

0 si n a des facteurs premiers
Démonstration. Pour n = 1, on a Φ1 (X) = X − 1 et Φ1 (1) = 0.
Pour n ≥ 2, on a Φn (1) ̸= 0, puisque 1 n'est pas dans Rn .
Si n est un nombre premier alors Φn (1) = n.
Si n = p1 · · · pk est sans facteurs premiers avec k ≥ 2, alors :
Φn (1) =
Φp2 ···pk (1)
=1
Φp2 ···pk (1)
mk
1
Enn pour n = pm
1 · · · pk où les pj sont des nombres premiers deux à deux distincts et les mj
des entiers naturels non nuls, on a en posant m = p1 · · · pk :
{
Φn (1) = Φm (1) =
En résumé, on a :
1 si k ≥ 2
m si k = 1

 0 si n = 1
p si n = pk avec p premier et k ≥ 1
Φn (1) =

1 sinon
Φn étant unitaire de degré φ (n) , il s'écrit :
∏
Φn (X) =
(X − z) = X φ(n) + αn X φ(n)−1 + · · · + βn
z∈Rn
Pour n = 1 et n = 2, on a Φ1 (X) = X − 1 et Φ2 (X) = X + 1.
Pour n ≥ 3, le coecient constant est donné par :
Φn (0) = (−1)φ(n)
∏
z∈Rn
l'entier :
z=
∏
z
z∈Rn
) ∏
k (
k
k
∏
∏
1
mj −1
φ (n) = n
1−
=
pj
(pj − 1)
pj
j=1
j=1
j=1
étant pair. En considérant que les z ∈ Rn sont complexes∏non réels deux à deux conjugués et
de module égal à 1 pour n ≥ 3, on déduit que Φn (0) =
z = 1.
z∈Rn
Polynômes à coecients réels ou complexes
En résumé :
263
{
Φn (0) =
−1 si n = 1
1 si n ≥ 2
Le calcul de αn se fait en utilisant les relations entre les racines et les coecients d'un
polynôme qui donnent en particulier :

 −1 si n = 1,
αn = −
z = −µ (n) =
(−1)k+1 si n est produit de k premiers distincts,

z∈Rn
0 si n a des facteurs premiers.
∑
Théorème 10.35 Pour tout entier n ≥ 3 on a :
Φn (X) = X
(
φ(n)
Φn
1
X
)
Démonstration. En posant m = φ (n) , on a :
Φn (X) =
m
∑
ak X k
k=0
les coecients ak étant entiers relatifs avec am = a0 = 1 pour n ≥ 3. Le polynôme :
(
m
Ψn (X) = X Φn
1
X
)
=
m
∑
am−k X k
k=0
est aussi unitaire de degré m avec son coecient constant égal à 1. Comme les racines de Φn
sont non nulles et d'ordre 1, il en est de même de celles de Ψn et pour montrer l'égalité de ces
polynômes, il nous sut de montrer que toute racine de Φn est racine de Ψn .
Les racines de Φn sont les z ∈ Rn (
avec
) Rn qui est stable par conjugaison, donc Φn (z) = 0
entraîne Φn (z) = 0 avec z =
1
et Φn
z
1
z
= 0.
( )
1
φ(n)
De l'égalité des polynômes Φn et X Φn
, on déduit la propriété de symétrie suivante
X
des coecients du polynôme Φn :
aφ(n)−k = ak (0 ≤ k ≤ φ (n))
On retrouve en particulier a0 = 1.
En utilisant les polynômes cyclotomiques, on peut montrer le cas particulier suivant d'un
théorème de Dirichlet : pour tout entier m ≥ 2 il existe une innité de nombres premiers de la
forme λm + 1 avec λ ∈ N∗ .
Lemme 10.15 Soient n un entier naturel au moins égal à 2 et a un entier relatif. Si p est un
nombre premier qui divise Φn (a) mais aucun des Φd (a) pour tout d dans Dn \ {n} , p est alors
de la forme λn + 1 avec λ ∈ N∗ .
Démonstration. Si
p est un nombre premier qui divise Φn (a) , il divise alors(an −
)∗1 =
∏
Z
Z
, donc l'ordre de a dans le groupe multiplicatif
est
Φd (a) et an = 1 dans Fp =
pZ
pZ
d∈Dn
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
264
(
un diviseur de n. Si a est d'ordre d ∈ Dn \ {n} dans
Z
pZ
)∗
, on a alors
∏
Φδ (a) = ad − 1 = 0
δ∈Dd
et l'un des Φδ (a) est nul avec δ ∈ Dd ⊂ Dn(\ {n}
) , ce qui contredit le fait que p ne divise pas
Φδ (a) . En dénitive, a est d'ordre n dans
Z
pZ
∗
et le théorème de Lagrange nous dit alors
que n est un diviseur de l'ordre de ce groupe multiplicatif, c'est-à-dire que n divise p − 1 et il
existe λ ∈ N∗ tel que p = λn + 1.
Lemme 10.16 Soient n un entier naturel au moins égal à 2 et Ψn =
∏
d∈Dn \{n}
Φd (X) . Il existe
deux polynômes U, V à coecients entiers relatifs et un entier relatif a tels que :
{
U Φn + V Ψn = a
Φn (a) ∈
/ {−1, 0, 1}
Démonstration. Les polynômes Φn et Ψn sont à racines simples dans C sans racines com-
munes, ils sont donc premiers entre eux dans Q [X] (si D est un diviseur non constant dans
Q [X] de Φn et Ψn , toute racine de D dans C est racine commune à Φn et Ψn ) et le théorème de
Bézout nous dit alors qu'il existe deux polynômes U1 et V1 dans Q [X] tels que U1 Φn +V1 Ψn = 1.
En réduisant au même dénominateur les coecients de Φn et Ψn , on peut trouver un entier
1
1
naturel non nul a tel que U1 = U et V1 = V avec U, V dans Z [X] . De plus, quitte à changer
a
a
a en k · a avec k ∈ N∗ , on peut supposer que Φn (a) ∈
/ {−1, 0, 1} puisque le polynôme Φn n'est
pas constant pour n ≥ 2. D'où le résultat.
Théorème 10.36 Pour tout entier
forme λm + 1 avec λ ∈ N .
∗
m ≥ 2 il existe une innité de nombres premiers de la
Démonstration. Supposons qu'il n'existe qu'un nombre ni d'entiers premiers de la forme
λm + 1. On note p1 , · · · , pk tous ces nombres premiers et on pose n = m · p1 · · · pk . Le lemme
précédent nous dit qu'il existe a ∈ N∗ tel que Φn (a) ∈
/ {−1, 0, 1} et des polynômes U, V dans
Z [X] tels que :
a = U (a) Φn (a) + V (a) Ψn (a) .
(10.4)
Si p est un diviseur premier de Φn (a) , il divise an − 1, ce qui signie que an = 1 dans
Z
et a
pZ
ne peut être multiple de p, il est donc premier avec p et avec (10.4) on déduit que p ne divise
aucun des Φd (a) pour tout d dans Dn \ {n} . On est donc dans la situation du lemme 10.15 et
en conséquence p est de la forme λn + 1 = λ · p1 · · · pk · m + 1 distinct de tous les pj , ce qui est
contradictoire avec l'hypothèse de départ.
De manière plus générale le théorème de Dirichlet nous dit que si a, b sont deux entiers
premiers entre eux, il existe une innité de nombres premiers de la forme λa + b (voir l'épreuve
d'E.N.S. 1993 pour une démonstration).
Avec l'exercice 10.24 nous avons montré que, pour tout nombre premier p, le polynôme Φp
est irréductible dans Q [X] .
De manière plus générale, nous allons voir que les polynômes cyclotomiques Φn sont irréductibles dans Q [X] .
Pour tout ω dans Γn , on désigne par Pω le polynôme minimal sur Q de ω, c'est-à-dire le
polynôme unitaire de Q [X] de degré minimal qui annule ω. Ce polynôme est irréductible dans
Q [X] .
Lemme 10.17 Pour tout ω dans Γn , le polynôme minimal Pω est dans Z [X] .
Polynômes à coecients réels ou complexes
265
Démonstration. Le polynôme
X n − 1 annule ω ∈ Γn , donc l'ensemble Iω des polynôme
de Q [X] qui annulent ω n'est pas réduit à {0} et c'est un idéal de Q [X] de générateur Pω
unitaire de degré minimum. Comme X n − 1 est dans Iω il existe Q dans Q [X] tel que X n − 1 =
Q (X) Pω (X) . Les polynôme X n − 1 et Pω étant unitaires, il en est de même de Q et le lemme
10.9 nous permet de conclure que les polynômes Pω et Q sont dans Z [X] .
Pour montrer l'irréductibilité de Φn dans Q [X] , nous allons montrer que Φn est égal au
polynôme minimal sur Q de n'importe quelle racine primitive n-ème de l'unité.
Théorème 10.37 Pour tout n ∈ N∗ le polynôme Φn est irréductible dans Q [X] .
Démonstration. On se donne ω dans Rn , un nombre premier p ne divisant pas
n et on
note Qω le polynôme minimal sur Q de ω .
Si Qω est diérent de Pω , comme ces polynômes sont irréductibles dans Q [X] , on en déduit
qu'ils sont premiers entre eux. Il en résulte que le polynôme X n − 1 qui s'annule en ω et ω p est
multiple de Pω et Qω , donc du produit Pω Qω . On a donc :
p
X n − 1 = Pω (X) Qω (X) Q (X)
avec Q dans Z [X] (lemme 10.9).
Le polynôme Qω (X p ) s'annule en ω, il est donc multiple de Pω et il s'écrit Qω (X p ) =
Pω (X) R (X) avec R dans Z [X] . Dans
Z
[X] on a alors :
pZ
p
Qω (X) = Qω (X p ) = Pω (X) · R (X)
(lemme 10.5).
Si S divise Pω dans
Z
p
[X] , il divise alors Qω = Pω · R et si de plus il est irréductible
pZ
Z
2
[X] , il doit diviser Qω . En conséquence S divise X n − 1 = Pω (X) Qω (X) Q (X) . On
pZ
Z
2
a donc X n − 1 = S (X) T (X) dans
[X] . En dérivant formellement, on obtient nX n−1 =
pZ
S (X) U (X) , c'est-à-dire que le polynôme irréductible unitaire S divise nX n−1 avec n ̸= 0
puisque p ne divise pas n. La seule possibilité est donc S (X) = X, ce qui est en contradiction
avec S divise X n − 1.
L'hypothèse de départ Pω ̸= Qω n'est donc pas possible et on a Pω = Qω .
On prend ω = ωn dans Rn .
On sait déjà que Pω est unitaire dans Z [X] et divise Φn . Pour montrer que ces deux polynômes sont égaux il nous sut de montrer que Pω s'annule sur tout Rn .
m
∏
Si k compris entre 1 et n − 1 est premier avec n, il s'écrit k = pi où les pi sont premiers
dans
i=1
(non nécessairement distincts) ne divisant pas n. En utilisant l'égalité Pω = Pωp un nombre ni
de fois, on a :
(
On a donc Pω ω
Φn dans Q [X] .
)
k
Pω = Pωp1 = Pωp1 p2 = · · · = Pωk
pour tout ω k dans Rn , ce qui implique que Pω = Φn et l'irréductibilité de
Exercice 10.27 Montrer que pour tout ω dans Rn l'ensemble :
Q [ω] = {P (ω) | P ∈ Q [X]}
est un corps et déterminer sa dimension en tant que Q-espace vectoriel. On dit que Q [ω] est
un corps cyclotomique.
266
Polynômes à une indéterminée à coecients réels ou complexes
Solution 10.27 Il est facile de vérier que Q [ω] est une sous-Q-algèbre de C.
Le polynôme Φn est de degré φ (n) et s'annule en tout ω ∈ Rn . En eectuant la division
euclidienne de P ∈ Q [X] par Φn on en déduit que :
P (ω) = P (ω) Φn (ω) + R (ω) = R (ω)
(
)
avec R ∈ Qφ(n)−1 [X] , ce qui implique que B = 1, ω, · · · , ω φ(n)−1 est un système générateur
de Q [ω] . De plus en considérant que Φn est le polynôme minimal sur Q de ω, on déduit que le
système B est libre et donc que c'est une base de Q [ω] .
En dénitive Q [ω] est un Q-espace vectoriel de dimension φ (n) − 1.
Le polynôme Φn qui est irréductible de degré φ (n) dans Q [X] est premier avec tout polynôme
R ∈ Qφ(n)−1 [X] , il existe donc U, V dans Q [X] tels que U R + V Φn = 1 et l'égalité 1 =
U (ω) R (ω) + V (ω) Φn (ω) = U (ω) R (ω) nous montre que tout R (ω) de Q [ω] est inversible.
L'anneau Q [ω] est donc un corps.
10.12.7 Résolution approchée des équations polynomiales
Voir le paragraphe 45.6 pour la recherche de valeurs approchées des solutions complexes
d'une équation polynomiale (ou algébriques) de la forme P (z) = 0, où P est un polynôme non
constant dans R [X] ou C [X] .
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