C O N G R È S Congrès de l’ASCRS American College of Colon and Rectal Surgeons Chicago, 3-8 juin 2002 ● Y. Panis* C ette année, le congrès annuel de l'ASCRS s’est déroulé à Chicago. Plus de 1 000 participants, essentiellement des chirurgiens colorectaux mais aussi des proctologues s’étaient déplacés dans la “windy city”. Comme chaque année, le congrès était divisé en présentations originales orales (70 communications), sous forme de posters (un peu plus de 100) et en conférences et symposiums abordant, pour cette édition, les sujets suivants : comment réduire la durée d’hospitalisation en chirurgie colorectale ? (où l’on apprend que la cause majeure de prolongation de l’hospitalisation est l’iléus postopératoire qui est donc la cible à privilégier) ; la prise en charge de la fissure anale (où la chirurgie garde, semble-t-il, en 2002 une part de marché que l’on croyait définitivement perdu) ; bien sûr la laparoscopie en chirurgie colorectale (bien présente aussi dans les communications orales, comme nous le reverrons) ; et enfin, un débat contradictoire entre deux experts sur des controverses à propos de l’iléo-anale : faut-il la faire chez le sujet âgé et dans la colite indéterminée ? Les 70 communications orales, publiées dans l’année suivant le congrès dans Dis Colon Rectum, abordaient l’ensemble des domaines de la coloproctologie médicale et chirurgicale. Nous avons sélectionné deux thèmes : le cancer colorectal et les maladies inflammatoires intestinales. DANS LE TRAITEMENT DU CANCER COLORECTAL Un débat revient chaque année à l’ASCRS : faut-il ou non faire des exérèses transanales en cas de “petits” cancers du rectum, c’est-à-dire classés T1 ? D’après l’équipe de Fazio de la Cleveland Clinic, la réponse est probablement non. En effet, l’analyse de 52 patients ayant une tumeur T1 du rectum, respectant les critères classiques d’exérèse transanale (taille, différentiation, etc.) montre qu’avec un suivi de 65 mois, on observait 17 % de récidive locale, 4 % de métastases à distance, et 6 % de double réci- * Service de chirurgie digestive, hôpital Lariboisière, Paris. La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. V - juillet-août 2002 dive. La survie était de 88 %. Enfin, la chirurgie de rattrapage ne donnait qu’une survie à 5 ans de 37 % ! Ces résultats, un peu surprenants, conduisent les auteurs non pas à abandonner totalement cette technique mais plutôt à la réserver aux patients refusant ou ne pouvant pas supporter l’amputation abdomino-périnéale. Une étude randomisée d’une équipe de Milan, portant sur 170 patients avec cancer colorectal (82 opérés par laparoscopie et 88 par laparotomie), a montré que la morbidité postopératoire était significativement plus faible dans le groupe laparoscopie (44 versus 23 % ; p < 0,001). De plus, le retour à une activité sociale et professionnelle normale était significativement plus rapide après laparoscopie (31 jours versus 73 jours ; p < 0,0001). Le nombre de ganglions prélevés était similaire dans les deux groupes (14 versus 15). Avec un suivi médian de 14 mois, aucune récidive tumorale dans les trajets de trocarts n’était observée. Bien qu’il ne s’agisse que d’un résultat intermédiaire, cette étude confirme la faisabilité de la laparoscopie dans le cancer colorectal et ses excellents résultats à court terme, meilleurs que ceux de la laparotomie. Reste à attendre les résultats carcinologiques à 5 ans des études en cours, avant d’être (si nécessaire...) définitivement convaincu. Pour patienter encore un peu, une équipe d’Orlando a présenté sa série de 172 cancers colorectaux opérés par laparoscopie et comparés à 190 patients opérés par laparotomie, avec une analyse du résultat carcinologique faite après un suivi moyen tout à fait satisfaisant, puisque de 52 mois. Une seule récidive sur le trajet de trocart était observée (0,6 %). Les taux de récidive locale (2,9 versus 3,1 %) et à distance (9,5 versus 12 %) étaient similaires dans les deux groupes. Enfin, la survie à 5 ans était équivalente, et ce pour l’ensemble des patients mais aussi pour les sous-groupes en fonction du TNM, ou du siège colique ou rectale de la lésion. Plusieurs communications ont concerné le problème de la radiochimiothérapie préopératoire dans le cancer du rectum. Une équipe d’Omaha a montré qu’en cas de réponse anatomopathologique complète sur la pièce de proctectomie, après radio-chimiothérapie, comme cela était le cas chez 24 % de leurs patients, la survie et le taux de récidive étaient meilleurs qu’en cas de réponse incomplète : 5 % de récidive locale (versus 10 %). Enfin, opérer 6 à 8 semaines après la fin de la radiothérapie préopéra205 C O N G R È toire ou au contraire attendre plus de 10 semaines ne modifie ni la morbidité ni la réponse tumorale, comme le montre une étude de Philadelphie portant sur 35 patients ayant eu une radiochimiothérapie préopératoire. Cette étude justifie donc a posteriori l’attitude actuelle : attendre seulement 6 à 8 semaines après la fin du traitement néoadjuvant. Une étude de l’équipe de Minneapolis confirme que l’évaluation préopératoire par l’échoendoscopie des cancers du rectum ne retrouve pas, dans 40 % des cas, un envahissement ganglionnaire bien présent sur la pièce opératoire. De plus, parmi 130 tumeurs classées uT3N0, le taux de récidive, tant locale (4 versus 12 %) qu’à distance (9 versus 15 %), était plus faible avec radiothérapie préopératoire que sans traitement adjuvant, après un suivi moyen de 3 ans. Cette étude confirme donc que l’échoendoscopie, probablement du fait de son caractère opérateur-dépendant, est parfois peu fiable notamment pour le diagnostic d’atteinte ganglionnaire, et qu’il faut proposer une radiothérapie préopératoire systématique aux cancers du rectum uT3N0. Dans le difficile problème du traitement des récidives locales de cancer du rectum, des auteurs japonais ont eu l’idée de proposer un traitement par radiofréquence percutanée chez 5 patients (4 à visée antalgique et 1 à visée curative). Un contrôle satisfaisant de la douleur était obtenu chez les trois quarts des patients. Pour le dernier patient, aucun signe de récidive n’était noté après un an de suivi. La simplicité de la radiofréquence et sa faible morbidité suggèrent d’évaluer maintenant la radiofréquence sur une série plus importante de patients afin de confirmer ces résultats encourageants. DANS LE CADRE DES MALADIES INFLAMMATOIRES DE L’INTESTIN Il est habituel de réaliser une iléostomie temporaire lors d’une anastomose iléo-anale (AIA), afin de limiter les conséquences S d’une éventuelle fistule anastomotique. La lourdeur de ce schéma thérapeutique a suggéré à l’équipe de Fazio d’évaluer les résultats de l’AIA sans iléostomie faite dans 228 cas sélectionnés, et de les comparer à ceux de 1 772 AIA avec iléostomie. Bien que comportant les biais d’une étude rétrospective (les patients obèses, ayant suivi une corticothérapie au long cours, à haut risque de complications septiques postopératoires, ayant tous une iléostomie...), la morbidité était significativement plus faible en cas d’AIA sans iléostomie pour le taux d’occlusion sur bride (10 versus 20 %), de sténoses anastomotiques (9 versus 22 %), de sepsis pelvien (3 versus 7 %), et de perte du réservoir (0,5 versus 2 %). Attendons néanmoins une étude randomisée avant de s’enflammer (comme les réservoirs...) ! Une équipe de Louisville a analysé les résultats de l’AIA dans la maladie de Crohn en fonction de la présence ou non de granulome sur la pièce de colectomie. Parmi les 22 patients opérés, 42 % présentaient lors du suivi une récidive de la maladie de Crohn sur l’intestin restant (dont 3 nécessitaient, à terme, une iléostomie définitive : 1 avec granulome et 2 sans). Les auteurs concluaient que l’AIA peut être réalisée dans des cas sélectionnés de maladie de Crohn sans atteinte de l’anus ou du grêle (satisfaction du rédacteur...), sans que la présence d’un granulome ne modifie l’histoire de la maladie. L’AIA mécanique continue à rogner des parts de marché à l’anastomose manuelle. On savait déjà qu’elle était plus facile à réaliser. À partir d’une série de 426 AIA manuelles comparée à 1 756 AIA mécaniques, l’équipe de Fazio a montré que le résultat fonctionnel à 5 et 10 ans était significativement meilleur en cas d’AIA mécanique (moins d’incontinence, de fuites diurnes et nocturnes, et de selles nocturnes), mais la qualité de vie était équivalente entre les deux techniques. À l’année prochaine à la Nouvelle-Orléans pour un autre congrès de l’ASCRS (à nous le jambalaya...) ! ■ Imprimé en France - EDIPS Paris - Dépôt légal : à parution. Les articles publiés dans La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue le sont sous la seule responsabilité de leur auteurs. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés pour tous pays. 206 La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. V - juillet-août 2002