Chirurgie En fait, la sigmoïdectomie préventive ne peut se justifier que si, comparée à la surveillance médicale, elle est plus efficace en termes de récidive locale, de récidive chirurgicale (chirurgie en urgence) et de douleurs chroniques. À ce titre, une étude observationnelle italienne multicentrique de l’histoire naturelle de la diverticulite est intéressante (3). Sept cent quarante-trois patients (dont 242 ont été opérés) ont été suivis sur une période de 10 ans en moyenne. Les patients opérés présentaient significativement moins de récidives que les patients traités médicalement (5,8 versus 17,2 %), moins de cas de chirurgie en urgence pour récidive (1,3 versus 6,9 %), une moindre mortalité (0,6 versus 2,5 %) et moins de symptômes chroniques (16,2 versus 21,9 %). EVIDENCE-BASED MEDICINE Questions non résolues » Faut-il avoir les 2 facteurs de risque de récidive présents chez un même patient (âge ≤ 50 ans et signes scanographiques de gravité) ou 1 seul est-il suffisant pour proposer une chirurgie prophylactique après la première crise ? » Ne faut-il pas ajouter comme indication chirurgicale la notion de douleurs abdominales persistantes ? On retiendrait alors comme indication les patients jeunes souffrant d’une crise non compliquée avec une symptomatologie douloureuse persistante sous traitement médical. Références bibliographiques 1. Buc E, Mabrut JY, Génier F, Berdah S, Deyris L, Panis Y. Question 4. Scheduled surgery for sigmoid diverticulitis. Gastroenterol Clin Biol 2007;31(8-9 Pt 2):3S35-46. 2. Hall JF, Roberts PL, Ricciardi R et al. Long-term follow-up after an initial episode of diverticulitis: what are the predictors of recurrence? Dis Colon Rectum 2011;54(3):283-8. 3. Binda GA, Arezzo A, Serventi A et al. Multicentre observational study of the natural history of left-sided acute diverticulitis. Br J Surg 2012;99(2):276-85. 4. Chautems RC, Ambrosetti P, Ludwig A et al. Long-term follow- up after first acute episode of sigmoid diverticulitis: is surgery mandatory?: a prospective study of 118 patients. Dis Colon Rectum 2002;45(7):962-6. 5. Klarenbeek BR, Veenhof AA, Bergamaschi R, Van der Peet DL, Van den Broek WT, de Lange ES. Laparoscopic sigmoid resection for diverticulitis decreases major morbidity rates: a randomized control trial: short-term results of the Sigma Trial. Ann Surg 2009;249(1):39-44. 6. Siddiqui MRS, Sajid MS, Khatri K et al. Elective open versus laparoscopic sigmoid colectomy for diverticular disease: a meta-analysis with the Sigma Trial. World J Surg 2010;34(12):2883-901. Place de la laparoscopie dans la chirurgie rectale pour cancer Frédéric Bretagnol, Suresnes. L a littérature dispose d’études et de revues de haut niveau de preuve, incluant 4 principales études randomisées (en ne prenant en compte que les actualisations des résultats à moyen et à long terme de chaque étude) et 4 méta-analyses (1-8). Résultats oncologiques On dispose des résultats de survie à long terme pour 3 études randomisées (1-3). Toutes ces études ne montrent aucune différence en termes de survie globale et de survie sans récidive selon que la résection rectale a été réalisée par laparoscopie ou par laparotomie. Ce qu’il faut retenir La résection rectale laparoscopique pour cancer est validée par des travaux de haut niveau de preuve. Les résultats oncologiques en termes de survie et de récidive locale sont similaires à ceux obtenus avec la laparotomie. Il n’existe pas de consensus sur les risques de la conversion en termes de morbidité et de qualité de l’exérèse oncologique. Dans l’étude anglaise CLASICC (3), la survie globale et la survie sans récidive à 5 ans étaient comparables après laparoscopie et laparotomie : respectivement La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 51 EVIDENCE-BASED MEDICINE niveau de preuve 1 Chirurgie 60,3 % versus 52,9 % (p = 0,13) et 53,2 % versus 52,1 % (p = 0,95). Il est à noter que la conversion en laparotomie constituait un facteur prédictif négatif significatif en matière de survie globale : 49,6 % versus 62,4 % (p = 0,005). Ces derniers résultats ne sont pas consensuels dans la littérature et sont en contradiction avec d’autres études. Dans la méta-analyse de H. Ohtani et al. (7), incluant plus de 2 000 patients, il n’existait pas de différence significative entre les patients opérés par laparoscopie et ceux opérés par laparotomie, en termes de récidive locale (6,1 % versus 6,6 %, p = 0,41) et de récidive à distance (13,8 % versus 13,9 %, p = 0,52). Qualité de l’exérèse chirurgicale oncologique Il n’existe pas de différence significative concernant la qualité de l’exérèse macroscopique du mésorectum. S.B. Kang et al. (4) avaient montré que l’exérèse était considérée comme macroscopiquement complète dans 72,4 % des cas après laparoscopie et dans 74,7 % des cas après laparotomie (p = 0,41). Il n’existe pas non plus de différence significative selon le nombre de ganglions réséqués, excepté dans une étude, qui montrait un avantage pour la laparoscopie (13,6 % versus 11,6 %) [2]. Toutes les méta-analyses confirment l’absence de différence significative. Il n’y pas de différence significative en termes de marges de résection envahies. Dans l’étude CLASICC (3), les auteurs ont montré un taux d’envahissement des marges circonférentielles 2 fois supérieur après laparoscopie, sans que ce résultat soit significatif (12 % versus 6 %). Parmi les biais de cette étude figurent probablement le manque de sélection préopératoire des patients et le taux de conversion élevé (34 %). La méta-analyse de M.J. Huang et al. (8) confirmait l’absence de différence significative, avec 7,9 % de marges envahies dans le groupe laparoscopie versus 5,4 % dans le groupe laparotomie (p = 0,63). colorectale, nous avons montré, pour la première fois, que l’abord laparoscopique était associé de manière indépendante à une diminution de la mortalité péri-opératoire (OR : 0,59 [0,54-0,65] ; p < 0,001) [9]. Concernant la morbidité, il n’existe pas de différence significative, avec un taux diminué dans le groupe laparoscopie dans 2 études (1, 4), mais sans différence significative dans les méta-analyses. Il n’existe pas non plus de différence significative concernant le taux de fistule anastomotique. Dans l’étude COLOR, le taux de fistule anastomotique global était de 13 % dans le groupe laparoscopie versus 10 % après laparotomie (p = 0,46). Dans l’étude CLASICC, ce taux était de 8 % après laparoscopie et de 15 % après conversion. Concernant les pertes sanguines, toutes les études montrent qu’elles sont significativement réduites dans le groupe laparoscopie. Enfin, la laparoscopie diminue de manière significative la durée d’hospitalisation dans toutes les études, ce que confirme la méta-analyse de H. Ohtani et al. (OR = 3,61 [5,45-1,77] ; p = 0,001) [7]. Séquelles génito-urinaires Deux études (3, 4) ont analysé les séquelles génitourinaires. Il y avait plus de cas de dysfonction sexuelle chez les hommes que chez les femmes 3 mois après la chirurgie, mais il n’y avait pas de différence significative selon la voie d’abord. Les scores de fonction mictionnelle étaient meilleurs après laparoscopie (p = 0,002). Dans l’étude CLASICC, la fonction sexuelle des hommes était altérée après laparoscopie (p = 0,06), de même que la fonction érectile (p = 0,06). Il n’existait cependant pas de différence en termes de qualité de vie (questionnaire QLQ-CR38). Enfin, en analyse multivariée, une conversion en laparotomie et une exérèse totale du mésorectum étaient associées à une altération de la fonction sexuelle chez les hommes. Résultats opératoires et durée d’hospitalisation Morbidité pariétale et occlusions à long terme Il n’y a pas de différence significative en termes de mortalité selon la voie d’abord. Pourtant, dans une étude réalisée à partir du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et incluant près de 84 000 patients ayant eu une résection Les données sont contradictoires et n’indiquent pas de bénéfice clair de l’abord laparoscopique, contrairement à ce à quoi l’on pouvait s’attendre. À partir des données de l’étude CLASICC, une étude a montré, avec un suivi moyen de 3,4 ans, un taux 52 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 Chirurgie plus élevé d’occlusions (3,1 % versus 2,5 %) ainsi que d’éventrations (9,2 % versus 8,6 %) après laparotomie, sans différence significative (10). Une proportion importante (28 %) des éventrations survenaient sur les orifices de trocart, et non pas du site d’extraction de la pièce opératoire. Par ailleurs, les patients convertis avaient un risque supérieur, par rapport à ceux ayant subi une laparoscopie ou une laparotomie, en termes d’occlusions (6 % versus 2 % versus 2,3 %) et d’éventrations (11 % versus 7,4 % versus 8,6 %). H. Ohtani et al. ont montré que le taux de morbidité global à long terme était signifi cativement plus bas après laparoscopie (OR = 0,31 [0,14-0,67] ; p = 0,003), mais il n’existait pourtant pas de différence entre les 2 groupes en termes d’éventrations et d’occlusions. ■ EVIDENCE-BASED MEDICINE 2. Lujan J, Valero G, Hernandez Q et al. Randomized clinical trial comparing laparoscopic and open surgery in patients with rectal cancer. Br J Surg 2009;96(9):982-9. 3. Jayne DG, Thorpe HC, Copeland J et al. Five-year follow-up of the Medical Research Council CLASICC trial of laparoscopically assisted versus open surgery for colorectal cancer. Br J Surg 2010;97:1638-45. 4. Kang SB, Park JW, Jeong SY et al. Open versus laparoscopic surgery for mid or low rectal cancer after neoadjuvant chemoradiotherapy (COREAN trial): short-term outcomes of an open-label randomised controlled trial. Lancet Oncol 2010;11(7):637-45. 5. Van der Pas MH, Haglind E, Cuesta MA, Fürst A, Lacy AM et al. 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Adhesions and incisional hernias following laparoscopic versus open surgery for colorectal cancer in the CLASICC trial. Br J Surg 2010;97(1):70-8. Références bibliographiques 1. Ng SS, Leung KL, Lee JF et al. Long-Term Morbidity and Oncologic Outcomes of Laparoscopic-Assisted Anterior Resection for Upper Rectal Cancer: Ten-Year Results of a Prospective Randomized Trial. Dis Colon Rectum 2009;52(4):558-66. Questions non résolues » Le bénéfice de la laparoscopie en termes de diminution de la morbidité tardive (morbidité pariétale et adhérences intraabdominales) doit être confirmé par des études à long terme. » L’impact de la conversion en laparotomie doit être précisé en termes de morbidité opératoire et de résultats oncologiques. Anastomose iléo-anale et infertilité Laura Beyer-Berjot, Stéphane Berdah, Marseille. L a coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale (AIA) est une intervention réalisée le plus souvent chez l’adulte jeune, de manière prophylactique. Ses conséquences fonctionnelles, notamment sur la fertilité féminine (FF), sont donc à considérer avec soin. Le taux d’infertilité après AIA par laparotomie varie beaucoup d’une série à l’autre (de 17 % à 93 %) du fait de plusieurs facteurs : définition de l’infertilité (globale ou à 1 an), indication opératoire (rectocolite, polypose ou autre), âge des patientes, faibles effectifs de certaines études. Malgré ces variations, toutes les études montrent une FF inférieure à celle de la population générale, et 3 méta-analyses abondent dans ce sens, avec une infertilité de 43 % à 63 % et un risque relatif de 3,2 à 3,9 (tableau, p. 54) [1-3]. L’AIA était donc jusqu’à présent contre-indiquée de manière relative chez la femme jeune désireuse de grossesse. Ce qu’il faut retenir La fertilité féminine (FF) est diminuée après anastomose iléo-anale (AIA) quand elle est réalisée par laparotomie. L’AIA laparoscopique est associée à une meilleure FF que l’AIA par laparotomie. La FF semble conservée après AIA laparoscopique. Une AIA peut être proposée aux femmes en âge de procréer en cas d’atteinte rectale (rectite, microrectie) ou de dysplasie/cancer, mais la voie d’abord laparoscopique doit être privilégiée. Deux études prospectives récentes ont cependant remis en question cette attitude en évaluant l’infertilité après AIA laparoscopique. S.A. Bartels et al. ont comparé 27 tentatives de grossesse après AIA laparoscopique et 23 après AIA par laparotomie (4). La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 53