C O N G R È S Compte rendu du congrès de l’ASCRS (American College of Colorectal Surgeons) San Diego, 2-7 juin 2001 ! Y. Panis* C ette année, l’ASCRS s’est arrêté à San Diego pour son congrès annuel. Plus de 1 000 participants s’étaient déplacés, et toujours aussi peu de Français (le chapitre français de l’ASCRS pouvant tenir meeting dans une cabine téléphonique...). Comme chaque année, ce congrès qui rassemble l’ensemble des médecins et chirurgiens intéressés par la proctologie (un peu) et la chirurgie colo-rectale (beaucoup) était divisé en présentations originales orales et sous forme de posters (175 communications) et en conférences et symposiums abordant, cette année, les sujets suivants : la prise en charge périopératoire en chirurgie colo-rectale, l’écho-endoscopie, le rôle de la génétique en pratique clinique, les adhérences postopératoires (où on a senti que le laboratoire organisateur - Genzyme - contrôlait très bien les intervenants, qui ont tous défendu avec brio le Seprafilm de Genzyme...), la chirurgie colo-rectale laparoscopique (qui continue de prendre des parts de marché dans cette chirurgie), le traitement de l’incontinence, et enfin le rôle de la radiothérapie dans le cancer rectal à l’heure de l’exérèse totale du mésorectum (où l’invité n’a donné aucun résultat de l’étude hollandaise du fait d’un embargo imposé par le New England Journal of Medicine !). Les 67 communications orales, publiées au cours de l’année suivant le congrès dans Diseases Colon Rectum, abordaient bien sûr l’ensemble des domaines de la coloproctologie médicale et chirurgicale. Parmi eux, noux avons sélectionnés deux thèmes : le cancer du rectum et les maladies inflammatoires intestinales. ! Dans le traitement du cancer du rectum, une grande nouveauté, une inquiétude, et une information (ou une confirmation ?) importante. La grande nouveauté a été présentée par une équipe brésilienne (Habr-Gama et al., Sao Paulo) qui a traité par radio-chimiothérapie néoadjuvante 147 patients avec cancer infiltrant du rectum. En fin de traitement, 47 d’entre eux (32 %) avaient une réponse jugée complète (biopsies négatives). Ces 47 patients – et c’est bien sûr là l’originalité – n’ont pas eu de proctectomie secondaire et ont été simplement surveillés de manière très rapprochée. Parmi eux, 9 ont récidivé dans la première année et ont eu une protectomie. Les 38 res- * Service de chirurgie digestive, hôpital Lariboisière, Paris. 222 tants ont été suivis en moyenne plus de 3 ans : 34 sont sans récidive. Au total, à partir de la population de départ, le taux de récidive locale dans cette série était seulement de 3,4 %. Ces résultats, à la fois encourageants et surprenants, doivent sûrement être confirmés, mais ils ouvrent peut-être une piste très intéressante dans le traitement du cancer du rectum. L’inquiétude concerne les exérèses transanales des petits cancers du rectum. Il y a quelques années, les tumeurs de moins de 3 cm, classées T1 voire T2 en écho-endoscopie étaient considérées comme des bonnes indications. Récemment, plusieurs papiers ont rapporté des taux rédhibitoires de récidive locale en cas de tumeurs T2, et aujourd’hui il est raisonnable de ne plus proposer dans ces cas d’exérèse transanale (sauf cas très particuliers de patients très âgés, au terrain altéré contre-indiquant la laparotomie). En cas de tumeurs T1, l’enthousiasme vient d’être refroidi par l’équipe de Nivatvongs (Mayo Clinic, Rochester) qui a analysé le risque d’atteinte ganglionnaire chez 351 patients avec cancer du rectum T1 opérés par proctectomie : 13 % avaient un envahissement ganglionnaire. En analyse multivariée, ce risque de N+ était augmenté en cas d’atteinte vasculaire, de tumeurs T1 sm3 (atteignant le tiers interne de la sous-muqueuse, près de la musculeuse), et de tumeur du tiers inférieur du rectum. En conclusion, faire une exérèse transanale pour une tumeur T1 pourrait être palliatif chez 13 % des patients, mais ce qui est critiquable et augmente forcément ce taux de 13 % de N+, c’est que des contre-indications classiques à l’exérèse transanale ont aussi été inclus (taille > 3 cm, envahissement vasculaire, tumeur de haut grade). Elle a en revanche le mérite de pouvoir sélectionner chez les patients T1 ceux à haut risque d’atteinte ganglionnaire, pour lesquels il faut préférer la proctectomie radicale. La confirmation importante est venue d’une méta-analyse des 5 essais contrôlés publiés portant sur l’intérêt éventuel d’une surveillance carcinologique après colectomie pour cancer colorectal (Renehan AG et al., Bristol, Royaume-Uni). On observe ainsi de manière significative une réduction du risque de décès par cancer à 5 ans de 6 % en cas de surveillance intensive, réduction qui passe à 10 % si l’échographie est remplacée par un scanner abdominal. ! Dans le cadre des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI), l’équipe de Fazio de la Cleveland Clinic a rapporté une étude comparative chez 45 patients ayant une résection iléo-caecale : 21 par laparoscopie et 24 par laparotomie. L’étude confirme l’absence de surmorbidité de la laparoscopie. De plus, une La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001 réduction de l’iléus postopératoire, de la durée d’hospitalisation, et de l’arrêt de travail était notée chez les patients opérés par laparoscopie. Cette étude confirme le bénéfice apparemment très clair obtenu par la laparoscopie dans la chirurgie des MICI. Ce bénéfice de la laparoscopie persiste même dans les cas les plus complexes de maladie de Crohn avec fistules internes ou en cas de réintervention pour récidive, comme l’ont montré Watanabe et al. (Tokyo) sur une série de 37 patients opérés. L’équipe de la Mayo Clinic (Rochester) a étudié 49 accouchements (25 voies basses et 24 césariennes) survenus chez des femmes ayant eu antérieurement une anastomose iléo-anale (AIA) pour lesquelles la crainte d’une dégradation du résultat fonctionnel par traumatisme sphinctérien fait redouter à tort ou à raison à certains l’accouchement par voie basse, voire même toute grossesse, ce qui pose évidemment un problème car il s’agit de femmes souvent très jeunes. En fait, cette étude importante par le nombre de patientes incluses et par sa qualité est totalement rassurante. Le premier message important est que le résultat fonctionnel va certes s’altérer surtout pendant le troisième trimestre et après la grossesse chez la majorité des patientes, mais de manière non significative, et, de plus, de manière transitoire, 83 % des patientes retrouvant une continence équivalente à celle observée avant leur grossesse dans les mois suivant l’accouchement. Enfin, et c’est plus surprenant, la voie basse n’aggrave pas plus cette fonction fécale que l’accouchement par césarienne. Enfin, si après anastomose iléo-anale (AIA) manuelle, la section du rectum sur la ligne pectinée, ou après mucosectomie, élimine en principe le risque de laisser en place de la muqueuse transitionnelle, ce n’est pas le cas après AIA mécanique, technique le plus souvent utilisé, où 1 à 2 cm de muqueuse transitionnelle subsiste. Dans la rectocolite hémorragique, cette muqueuse peut potentiellement être le siège d’une récidive de la maladie (ou “cuffite”), mais surtout peut elle être le siège d’une dysplasie, voire d’un cancer. Ce problème potentiel justifie pour de nombreux auteurs de ne pas réaliser d’AIA mécanique. Afin d’évaluer l’importance de ce problème, l’équipe de Fazio a revu 178 patients avec AIA mécanique faite pour RCH et ayant plus de 10 ans de suivi. En fait, seuls 8 patients (4,5 %) ont présenté dans le suivi une dysplasie sur cette muqueuse (dont une seule de haut grade). Ce risque de dysplasie, très faible, était augmenté en cas de dysplasie ou de cancer sur la pièce de coloprotectomie totale. De plus, cette dysplasie apparaissait le plus souvent très tôt après l’AIA, et pouvait disparaître lors du suivi (chez 4/8 patients). Enfin, aucun cas de cancer n’était observé chez ces 178 patients. On peut donc conclure de cette très importante série que l’AIA mécanique est une technique sûre, pour laquelle le risque de dégénérescence sur la muqueuse transitionelle est plus théorique que réel, mais que, en cas de dysplasie persistante, une mucosectomie complémentaire est indiquée. À l’année prochaine, à Chicago, pour le prochain congrès de " l’ASCRS ! Nos Lettres écrivent le présent et l’avenir @ www.edimark.fr 2001 : un engagement humanitaire Edimark, 62-64, rue Jean-Jaurès 92800 Puteaux Tél. : 01 41 45 80 00 - Fax : 01 41 45 80 01 223 E-mail : [email protected] - Site Internet : http://www.edimark.fr