VO CABULAIR E Vocabu laire >> 6 R ÉCIDIVE* Par Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris e nombreux mots ont une double carrière. C’est le cas de récidiver et de récidive. Le début en ré- (ou re-) nous annonce une re-prise, une ré-pétition : avec la récidive, ça re-commence. Mais la suite est devenue obscure, alors que le mot latin auquel récidive est pris, pour un Romain, venait clairement de cadere, ennemi qu’on pensait avoir vaincu ; la contreattaque, car la médecine est un combat, avec ses tactiques et ses stratégies. “tomber”, modifié dans recidere. – car la religion est alors omniprésente – qui “remet ça”, dirions-nous aujourd’hui, et “réitère” (de iterare “marcher, avancer”). L’ordre d’apparition de ces deux emplois importe peu ; dix ans à peine les séparent, au XVe siècle. Même chose pour récidive, au XVIe siècle. En fait, récidive est un jumeau savant du mot populaire rechute. D’où la sélection qu’il fait dans ce qui recommence : une chose nuisible, désagréable, pénible. Le bonheur et le plaisir ne “récidivent” pas ; ils peuvent revenir, reprendre, et c’est rare. Tandis que la maladie, les ennuis, les malfaisants peuvent récidiver. C’est dans un domaine où l’on parlait encore latin qu’apparaît le mot français : la médecine. Et c’est précisément un savant qui préférait s’exprimer en français qui le fait exister : Ambroise Paré. La récidive est pour lui la réapparition des symptômes d’un mal qu’on croyait guéri : l’ennemi détestable du médecin et de sa médecine. Le retour de cet Ambroise Paré écrivait vers 1560. Depuis un siècle, on connaissait le verbe récidiver, à la fois pour une maladie qui réapparaît et, en droit pénal, pour un coupable ou un pécheur Bien qu’il s’agisse d’un mal, il n’y a guère d’ambiguïté avec ces deux récidives. Mais on peut penser que, symboliquement, le mal qui revient en force est assimilé à un criminel, et que la justice se voit volontiers en médecin de la société. De toutes façons, le jeu des dérivés fait le ménage : la maladie n’est pas récidiviste, mais récidivante. Le langage adore brouiller les cartes, mais il s’emploie aussitôt à les trier. * © Le Courrier de la Transplantation 2006;3:142. Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011