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Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011
VOCABULAIRE
Vocabulaire
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RÉCIDIVE*
e nombreux mots ont une double
carrière. C’est le cas de récidiver et
de récidive. Le début en ré- (ou re-)
nous annonce une re-prise, une ré-pétition :
avec la récidive, ça re-commence. Mais la
suite est devenue obscure, alors que le
mot latin auquel récidive est pris, pour
un Romain, venait clairement de cadere,
“tomber”, modié dans recidere.
En fait, récidive est un jumeau savant du
mot populaire rechute. D’où la sélection
qu’il fait dans ce qui recommence : une chose
nuisible, désagréable, pénible. Le bonheur
et le plaisir ne “récidivent” pas ; ils peuvent
revenir, reprendre, et c’est rare. Tandis que la
maladie, les ennuis, les malfaisants peuvent
récidiver.
C’est dans un domaine où l’on parlait encore
latin qu’apparaît le mot français : la méde-
cine. Et c’est précisément un savant qui
préférait s’exprimer en français qui le fait
exister : Ambroise Paré. La récidive est pour
lui la réapparition des symptômes d’un mal
qu’on croyait guéri : l’ennemi détestable du
médecin et de sa médecine. Le retour de cet
ennemi qu’on pensait avoir vaincu ; la contre-
attaque, car la médecine est un combat, avec
ses tactiques et ses stratégies.
Ambroise Paré écrivait vers1560. Depuis un
siècle, on connaissait le verbe récidiver, à la
fois pour une maladie qui réapparaît et, en
droit pénal, pour un coupable ou un pécheur
–car la religion est alors omniprésente–
qui “remet ça”, dirions-nous aujourd’hui,
et “réitère” (de iterare “marcher, avancer”).
L’ordre d’apparition de ces deux emplois
importe peu ; dix ans à peine les séparent,
au XVesiècle. Même chose pour récidive, au
XVIesiècle.
Bien qu’il s’agisse d’un mal, il n’y a guère
d’ambiguïté avec ces deux récidives. Mais
on peut penser que, symboliquement, le
mal qui revient en force est assimilé à un
criminel, et que la justice se voit volontiers
en médecin de la société.
De toutes façons, le jeu des dérivés fait le
ménage : la maladie n’est pas récidiviste,
mais récidivante. Le langage adore brouiller
les cartes, mais il s’emploie aussitôt à les trier.
* © Le Courrier de la Transplantation 2006;3:142.
Par Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris