Compte rendu du congrès de l'ASCRS C (Dallas, 8-13 mai 2004)

Compte rendu du congrès de l'ASCRS
(American College of Colon and Rectal Surg e o n s )
(Dallas, 8-13 mai 2004)
Y. Panis*
Cette année, le congrès annuel de
l’ASCRS s’est déroulé à Dallas.
Près de 1 000 participants, essentielle-
ment des chirurgiens colorectaux mais
aussi des pro c t o l og u e s , s’étaient dépla-
s dans la ville deve nue tri s t e m e n t
célèbre le 22 novembre 1963.
Comme chaque année,le congrès était
d i visé en présentations ori ginales ora l e s
( 8 6 c o m mu n i c a tions) ou sous fo rme de
posters (un peu plus de 110) et en con-
f é rences ou symposiums ab o rdant cette
année les sujets suivants :
quel est le meilleur traitement de la
re c t o c è l e ? (Où l’on ap p rend que les
t e c hniques sont nombre u s e s , q u ’ i l
s ’ a gisse de la voie transanale méca-
nique – technique proposée par le déjà
célèbre Longo– ou manuelle, ou de la
voie transpérinéale avec ou sans pro-
t h è s e , mais qu’aucune à ce jour n’a fa i t
la preuve de sa supériorité) ;
la ch i ru rgie colorectale lap a ro s c o-
pique (qui continue de s’imposer pro-
gressivement en chirurgie colorectale,
comme nous le reverrons);
la prise en ch a rge de l’iléus post-
opératoire après chirurgie colorectale
(avec la présentation d’un essai rando-
misé démontrant que la pre s c r i p t i o n
d ’ A l v i m o p a n , a n t agoniste opioïde, p e r -
met de réduire la durée de l’iléus post-
opératoire après chirurgie colorectale,
et donc pro b ablement aussi la durée
d ’ h o s p i t a l i s a t i o n , même si son effe t
s e m ble néanmoins modeste,avec réduc-
tion d’environ 14 heures de la durée de
l’iléus !).
Les commu n i c ations ora l e s , p u bl i é e s
l’année suivant le congrès dans D i s e a s e s
Colon Rectum,ab o r daient bien sûr
l ’ e n s e m ble des domaines de la colo-
p r o c t o l ogi e médicale et ch i ru rgi c a l e.
Pa rmi eux, nous avons sélectionné deux
t h è m e s : la lap a ros copie et les mala-
dies inflammatoires intestinales.
La laparoscopie
en chirurgie colorectale
Bien sûr,les résultats de l’essai améri-
cain randomisé présenté par H. Nelson
(Mayo Clinic) ont été l’événement du
congrès. Cette étude,qui a inclu plus
de 800 p atients avec cancer colique (les
cancers du rectum étant exclus), a per-
mis de confirmer les données déjà rap-
portées par les deux essais randomisés
ayant fait l’objet d’une publ i c a tion dans
le Lancet 2004;363:1187-92 :la lapa-
roscopie n’augmente pas la morbidité
postopératoire et permet de réduire la
durée d’hospitalisation. Mais le plus
important est bien sûr le résultat carci-
n o l o gi q u e : il n’existe aucune diff é-
rence entre lap a rotomie et l ap a ro s c o-
p i e , tant pour la survie globale à 5 ans
que pour la survie sans récidive, et ce
quel que soit le stade de la maladie (les
s t a d e s IV étant ex clus de l’essai).
Enfin, pour les derniers réfractaires, le
taux de récidive pariétale était identique
dans les deux groupes (2 p a t i e n t s ve rs u s
1patient). La messe semble donc dite.
La lap a roscopie dev rait par conséquent
d e venir progre s s ivement la voie d’ab o r d
de choix pour le traitement chirurgical
des cancers du côlon (en attendant un
essai sur le cancer rectal).
Plusieurs études ont confirmé les bons
r é s u l t ats de la lap a roscopie dans des
indications moins courantes comme la
re c t o p exie ou la colectomie totale pour
inertie colique. Plus intéressante est la
p r ogre s s i ve extension des indications de
la laparoscopie à des situations jugées
a n t é ri e u rement comme constituant des
c o n t r e - i n d i c ations. A i n s i , S t e rn et a l .
( B u r lington) ont rap p o r une étude
cas-témoins comparant la lap a ro s c o p i e
et la lap a rot omie chez 114 p at i e n t s
obèses (IMC > 30) ayant eu une colec-
tomie. Si la durée opératoire médiane
était supérieure de 35 minutes en lapa-
roscopie (p < 0 , 0 0 1 ) , la durée d’hospita-
l i s a tion était duite de 2 j o u r s (p < 0 , 0 1 )
et la morbidité postopérat o i re était iden-
tique (35 % ve rsus 43 %). Ces résul-
t a ts ont été confi rmés par une étude
s i m i l a i re chez 94 p atients rap p o re par
Fazio et al. (Cleveland). Enfi n , u n e
étude portant sur les adhérences post-
opératoires, présentée par Muller et al.
( O r l a n d o ) , a comparé 885 p a tients colec-
tomisés par laparotomie et 280 autres
colectomisés par laparoscopie, qui ont
été suivis en moyenne pendant 15 à
2 2 mois suivant les groupes. Le taux
d ’ o c c lusion sur bride était de 7 % ap r è s
laparotomie, contre 2 % après laparo-
scopie. Cette étude suggère ainsi une
p o s s i b le duction des adhérences post-
opératoires, et donc des occlusions sur
b r ide grâce à la lap a r o s c o p i e. Elle néces-
site bien sûr d’être confi r mée sur de plus
grands effectifs et avec un suivi beau-
coup plus long.
* Service de chirurgie digestive, hôpital
Lariboisière, Paris.
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Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
Écho des congrès
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Écho des congrès
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
Les maladies inflammatoires
de l’intestin
La surve nue d’une fistule iléo-vagi n a l e
après anastomose iléo-anale (AIA) est
un événement rare (3,9 % dans la série
d’anastomies iléo-anales de Toronto),
qui intervient après une médiane de
3 mois après l’intervention (pour
l’équipe de To ro n t o ) , et dont la pri s e
en ch a rge ch i ru rgicale est difficile et
i n e ffi cace dans 35 à 50 % des cas.
A i n s i , dans l’ex p é r ience du Saint Mark ’s
hospital de Londre s , qui porte sur
68 patientes avec fistule iléo-vaginale,
si le taux de succès de la réinterve n t i o n
ch i ru rgicale était globalement de 65 %
( avec un suivi médian de plus de 5 a n s ) ,
ce sultat va r iait considérabl e m e n t
selon la technique employée (0 % ave c
une stomie seule,3 5 % par voie vagi n a l e ,
et 67 % avec reprise par voie abdomi-
nale) et surtout selon le diag n o s t i c,
puisque les auteurs ont eu 0 %de suc-
cès en cas de maladie de Crohn (contre
40 % en cas de rectocolite ou de poly-
pose). L’équipe de Toronto confirme,
à partir d’une série de 29 patientes, le
meilleur sultat obtenu par la voie ab d o -
minale (avec re c o n f ection d’un nouve a u
réservoir), avec 50 % de succès contre
seulement 20 % pour la voie locale.
Fi n a l e m e n t , et souvent après de mu l-
tiples pro c é d u res chirurgicales, l’abla-
tion défi n i t ive du réservoir et le re c o u rs
à une iléostomie défi n i t ive re s t a i e n t
n é c e s s a i res chez 17 à 35 % des pat i e n t s
dans ces deux séries.
Le risque de complication sexuelle ch e z
l’homme après anastomose iléo-anale
est “ ve n d u ” comme très fa i b l e , pour ne
pas dire nul, et ce du fait d’une dissec-
tion rectale,au plus près de l’organe,
a f in de ne pas blesser les nerfs pelviens.
L’équipe de V. Fazio (Cleveland Clinic)
tempère un peu cet optimisme. Ainsi,
grâce à un questionnaire envoyé à plus
de 120 hommes opérés, une éjaculat i o n
r é t rograde était notée chez 8 % d ’ e n t re
eux (contre 2 %en préopératoire). Par
c o n t r e, et ce pro b ablement du fait de
l’existence avant l’intervention d’une
maladie inva l i d a n t e , la fonction sex u e l l e
( é valuée par un score validé) s’amé-
l i o rai t de manière signifi c at ive ap r è s
l’AIA.
L’ a c c o u c hement après anastomose iléo-
anale est une question qui a également
été abordée cette année. Une publica-
tion récente de l’équipe de To r onto sug-
g é rai t déjà que, si la fonction fécale
s’altérait pendant la grossesse chez les
femmes ayant une AIA (la très grande
majorité retrouvant leur fonction anté-
ri e u re quelques mois après l’accouch e-
ment), l’accouchement par voie basse
n’était par contre pas plus nocif que la
c é s a ri e n n e. L’équipe de V. Fazio pré-
sente une série de 124 patientes ayant
eu un accouchement après AIA qui va
un peu à l’encontre de cette idée. A i n s i ,
elle note une atteinte sphinctérienne (à
l ’ é c ho-endoscopie) chez 50 % d e s
femmes ayant accouché par voie basse,
c o n t re seulement 13 % après c é s a ri e n n e
( p <0 , 0 0 1 ) , et une altérat i o n significa-
t ive des données manométri q u e s .
N é a n m o i n s , la qualité de vie et la fo n c-
tion de défécation étaient sembl abl e s
après les deux modes d’accouch e m e n t .
Il est donc difficile aujourd’hui de
condamner systématiquement la voie
basse après anastomose iléo-anale.
Survenant chez 5 à 15 % des patients
environ, et justifiant pour beaucoup la
r é a l i s ation d’une iléostomie tempora i re
l o r s de la réalisation de l’AIA, la fi s t u l e
anastomotique après AIA reste un pro-
blème clinique important. Se pose
notamment la question de savoir si,ap r è s
quelques mois en iléostomie tempo-
raire, il est licite ou non de rétablir la
c o n t i nu i t é , même si une image de
“ s i n u s ” anastomotique persiste sur l’opa-
c i fi c a tion du réservo i r. Deux équipes
(celles de Beart, de Los Angeles, et de
Mellgren, de Minneapolis) ont essa
de répondre à cette question. Dans le
premier travail, cinq patients avec fis-
tule borgne asymptomatique ont eu,ave c
succès, une fermeture de leur stomie,
5mois en moyenne après l’AIA (dont
deux après “ m a r s u p i a l i s at i o n ” de l’ori-
fice fistuleux par voie tra n s a n a l e,a fin de
mieux drainer le trajet). Après 8 mois de
s u iv i , aucun patient n’a eu de sep s i s p e l-
vien ou de cidive de la fi s t u l e. L’ é q u i p e
de Mellgren a analy 22 p at i e n t s
( 8 % de leur série d’AIA) présentant
une fistule
a s y m p t o m a tique sur le lave-
ment hydr
osoluble. Celle-ci a cicatrisé
spontanément (chez des patients en
iléostomie tempora i re) dans un délai
m oyen de 3,5 mois pour 10 d ’ e n t r e
eux. Huit autres ont eu un geste de dra i-
n age par voie basse. Enfi n , q u a t re
a u t r es avaient un sinus persistant à
6mois. Tous ont eu une fermeture de
leur stomie,et un seul a développé par
la suite un sepsis pelvien. En conclu-
sion, ces fistules asymptomatiques ne
doivent pas trop inquiéter ni le patient
ni le chirurgien, car, si elles retardent
le plus souvent la fe r m e t u re de la
stomie (jusqu’à env i ron 6 mois ap r è s
l’AIA), elles n’empêchent pas celle-ci
d’être réalisée dans la grande majorité
des cas, et ce sans complication par-
ticulière.
À l’année prochaine pour le prochain
c o n g rès de l’ASCRS, qui aura lieu à
Philadelphie.
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