EVIDENCE-BASED MEDICINE Chirurgie Tableau. Taux d’infertilité après anastomose iléo-anale par laparotomie (méta-analyses) et laparoscopie. Méta-analyses Année Patientes (n) Voie d’abord Étiologie Tentatives de grossesse (n) Infertilité (%) Comparaison A. Waljee et al. (1) 2006 481 Laparotomie RCH + PAF – 48 RR = 3,2/PG J. Cornish et al. (2) 2007 650 Laparotomie RCH + PAF – 43 – S.G. Rajaratnam et al. (3) 2011 1 076 Laparotomie RCH + PAF 457 63 RR = 3,9/PG S.A. Bartels et al. (4) 2012 112 Laparoscopie RCH + PAF 27 26 FF > laparotomie (p = 0,023) L. Beyer-Berjot et al. (5) 2013 63 Laparoscopie RCH + PAF 15 27 ≃ PG (p = 0,397)* * Population de patientes appendicectomisées. FF : fertilité féminine ; PAF : polypose adénomateuse familiale ; PG : population générale ; RCH : rectocolite hémorragique ; RR : risque relatif. niveau de preuve 1/2 Niveau de preuve : AIA par laparotomie : 1 (méta-analyse) AIA par laparoscopie : 2 (étude comparative non randomisée, étude de cohorte) Il existait une FF supérieure dans le groupe laparoscopie (p = 0,023). Dans la seconde étude, portant sur 63 patientes opérées par laparoscopie, le taux d’infertilité était de 27 %, et il n’existait pas de différence de fertilité postopératoire avec des patientes ayant eu une appendicectomie (p = 0,397) [5]. Cette meilleure préservation de la fertilité peut s’expliquer, d’une part, par la diminution des adhérences pelviennes après AIA laparoscopique et, d’autre part, par la technique de dissection pelvienne, qui, en l’absence de dysplasie/cancer, est réalisée au Questions non résolues » La coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale est-elle responsable d’une infertilité féminine postopératoire ? » Peut-on proposer cette intervention aux femmes en âge de procréer ? contact du rectum, respectant ainsi l’anatomie tuboovarienne (en particulier les fossettes ovariennes). En cas d’atteinte rectale (rectite, microrectie) ou de dysplasie/cancer, l’AIA peut donc être réalisée, y compris chez la femme jeune, mais la voie d’abord ■ laparoscopique doit être privilégiée. Références bibliographiques 1. Waljee A, Waljee J, Morris AM, Higgins PD. Threefold increased risk of infertility: a meta-analysis of infertility after ileal pouch anal anastomosis in ulcerative colitis. Gut 2006;55(11):1575-80. 2. Cornish J, Tan E, Teare J et al. A meta-analysis on the influence of inflammatory bowel disease on pregnancy. Gut 2007;56(6): 830-7. 3. Rajaratnam SG, Eglinton TW, Hider P, Fearnhead NS. Impact of ileal pouch-anal anastomosis on female fertility: meta-analysis and systematic review. Int J Colorectal Dis 2011;26(11):1365-74. 4. Bartels SA, D’Hoore A, Cuesta MA et al. Significantly increased pregnancy rates after laparoscopic restorative proctocolectomy: a cross-sectional study. Ann Surg 2012;256(6):1045-8. 5. Beyer-Berjot L, Maggiori L, Birnbaum D et al. A total laparoscopic approach reduces the infertility rate after ileal pouch-anal anastomosis: a 2-center study. Ann Surg 2013;258(2):275-82. Réhabilitation précoce en chirurgie colorectale Frédéric Bretagnol, Suresnes. Ce qu’il faut retenir Les programmes de réhabilitation précoce permettent de diminuer significativement le risque de complications postopératoires et la durée d’hospitalisation en chirurgie colorectale programmée. Il semble que les programmes de réhabilitation précoce pourraient améliorer les résultats opératoires après chirurgie colorectale laparoscopique. Des recommandations françaises sur la réhabilitation précoce après chirurgie colorectale programmée sont en cours de publication. 54 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 L es programmes de réhabilitation précoce (RP), ou Fast Track Surgery pour les Anglo-Saxons, correspondent à une prise en charge multimodale du patient et de son environnement pendant toute la période péri-opératoire (pré-, per- et post-), avec, comme objectif le retour le plus rapide possible du patient à son état physique et psychique préopératoire. La chirurgie colorectale se prête particulièrement à l’application de tels programmes, avec un taux moyen de mortalité de 4 % et une morbidité globale non négligeable de 35 %. Par ailleurs, le développement de la laparoscopie en chirurgie colorectale a Chirurgie Réhabilitation précoce et chirurgie colorectale par laparotomie Cinq études contrôlées (2-6) et 2 méta-analyses (7, 8) ont montré que les programmes de RP permettaient une diminution significative de la durée d’hospitalisation, en moyenne de 2 jours, sans augmentation du taux de réadmission à 1 mois, et une diminution significative de la morbidité postopératoire, d’environ 20 %. Les tableaux I et II montrent les résultats opératoires (morbidité globale et durée d’hospitalisation) des patients inclus dans un programme de RP et avec une prise en charge standard. Par ailleurs, dans la méta-analyse de N. Gouvas et al. (7), l’introduction d’un programme de RP versus une prise en charge standard permettait une diminution significative de la morbidité globale (qui passait de 39,1 à 20,9 %) et un bénéfice en termes de durée d’hospitalisation de 2,4 jours. Mais toutes ces études concernent des résections colorectales par laparotomie. Il est donc logique de penser que l’apport de la laparoscopie couplée aux programmes de RP peut avoir un impact positif et améliorer de manière significative les résultats opératoires observés avec la laparotomie. niveau de preuve permis d’apporter, comparativement à la laparotomie, les avantages d’une chirurgie dite “mini-invasive” qui sont maintenant bien démontrés dans la littérature : reprise plus précoce du transit intestinal, diminution de la douleur postopératoire, durée d’hospitalisation plus courte et préservation pariétale. Dans la littérature, plusieurs études ont souligné les bénéfices des programmes de RP en termes d’amélioration des résultats opératoires lors de chirurgies colorectales par laparotomie. De plus, des recommandations françaises dirigées par 2 sociétés savantes (la Société française de chirurgie digestive [SFCD] et la Société française d'anesthésie et de réanimation [SFAR]) sont en cours de publication (1). EVIDENCE-BASED MEDICINE 1 Réhabilitation précoce et chirurgie colorectale par laparoscopie Il existe peu de données dans la littérature concernant l’impact de la laparoscopie dans les programmes de RP. De plus, la réponse n’est actuellement pas consensuelle dans la littérature : seules 2 études contrôlées (9, 10) sont disponibles, avec des résultats discordants. Ces 2 études contrôlées ont comparé, dans un programme de RP, les résultats opératoires après résection colorectale réalisée par laparotomie et laparoscopie. La première étude – contrôlée, unicentrique, anglaise – a rapporté le bénéfice de la résection colorectale par laparoscopie par rapport à la laparotomie, dans un programme de RP (9). La durée d’hospitalisation globale, incluant les réadmissions potentielles, était Tableau I. Morbidité globale. Études randomisées Anderson AD et al. (2) Delaney CP et al. (3) Groupe réhabilitation précoce Groupe prise en charge standard 29 45 22,5 30 Gatt M et al. (4) 47 75 Khoo CK et al. (5) 26 45 Muller S et al. (6) 21 49 29,1 48,8 Groupe réhabilitation précoce Groupe prise en charge standard 4 7 Delaney CP et al. (3) 5,2 5,8 Gatt M et al. (4) 6,6 9 Khoo CK et al. (5) 5 7 Muller S et al. (6) 5 9 5,1 7,5 Total (moyenne) [%] Tableau II. Durée d’hospitalisation. Études randomisées Anderson AD et al. (2) Total (moyenne) [jours] La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 55 EVIDENCE-BASED MEDICINE Question non résolue » Il reste à préciser l’impact de la laparoscopie dans les programmes de réhabilitation précoce. Références bibliographiques 1. Alfonsi P, Slim K, Chauvin M, Mariani P, Faucheron JL, Fletcher D ; the working group of the Société française d’anesthésie et réanimation (SFAR) ; the Société française de chirurgie digestive (SFCD). French guidelines for enhanced recovery after elective colorectal surgery. J Visc Surg 2013 (Dec 27 [Epub ahead of print]). 2. Anderson AD, McNaught CE, MacFie J et al. Randomized clinical trial of multimodal optimization and standard perioperative surgical care. Br J Surg 2003;90(12):1497-504. 3. Delaney CP, Zutshi M, Senagore AJ et al. Prospective, randomized, controlled trial between a pathway of controlled rehabilitation with early ambulation and diet and traditional postoperative care after laparotomy and intestinal resection. Dis Colon Rectum 2003;46(7):851-9. 4. Gatt M, Anderson AD, Reddy BS et al. Randomized clinical trial of multimodal optimization of surgical care in patients undergoing major colonic resection. Br J Surg 2005;92(11):1354-62. 5. Khoo CK, Vickery CJ, Forsyth N et al. A prospective randomized controlled trial of multimodal perioperative management protocol in patients undergoing elective colorectal resection for cancer. Ann Surg 2007;245(6):867-72. @ Retrouvez l’intégralité des références bibliographiques sur www.edimark.fr Chirurgie significativement plus courte après laparoscopie versus laparotomie : 5,5 versus 8,3 jours (p = 0,012). Il n’existait pas de différence significative en termes de morbidité majeure entre les groupes laparoscopie et laparotomie : 14 versus 26 % (p = 0,28). La seconde étude, danoise (10), concluait que, dans un programme de RP, la laparoscopie n’améliorait pas de manière significative les résultats opératoires. Les résultats étaient similaires dans les groupes laparoscopie et laparotomie en termes de morbidité globale (26 versus 20 %, non significatif) et de durée d’hospitalisation (2 jours). Une étude randomisée hollandaise récente a comparé la résection colique pour cancer par laparoscopie et laparotomie couplée à un programme de RP (11). Plus de 400 patients ont été randomisés entre 4 groupes : laparoscopie/réhabilitation ; laparoscopie/standard ; laparotomie/réhabilitation ; laparotomie/standard. Le critère principal était la durée d’hospitalisation. Les auteurs ont montré que la durée d’hospitalisation était significativement plus courte dans le groupe laparoscopie/réhabilitation (5 jours ; extrêmes : 4-8) versus groupe laparotomie/ réhabilitation (7 jours ; 5-11) versus groupe laparoscopie/standard (6 jours ; 4,5-9,5) versus groupe laparotomie/standard (7 jours ; 6-13) [p < 0,001]. Il n’existait pas de différence significative entre les groupes en termes de taux de morbidité postopératoire, de réopération, de réadmission, de qualité de vie à 2 et 4 semaines et de coûts hospitaliers. Recommandations françaises sur les programmes de réhabilitation précoce (SFCD-SFAR) Période préopératoire ➤ Lors d’une chirurgie colique, une préparation colique n’est pas recommandée de manière systématique (grade 1). Pour une chirurgie rectale, la littérature ne permet pas de conclure. Le seul essai randomisé conclut au bénéfice de la préparation colique en termes de morbidité globale et infectieuse, sans différence en termes de fistule anastomotique (12). ➤ Il est recommandé de donner une solution isotonique riche en carbohydrates aux patients ASA 1 ou 2 en préopératoire d’une chirurgie colorectale programmée (grade 1). ➤ Il est probablement recommandé de prescrire une immunonutrition la semaine précédant une chirurgie colorectale carcinologique programmée (grade 2). Période peropératoire ➤ Un apport excessif de solutés (perfusion intra- veineuse) n’est pas recommandé pendant le geste chirurgical (grade 1). ➤ La prévention de l’hypothermie peropératoire est recommandée pendant la chirurgie colorectale (grade 1). ➤ L’administration d’une antibioprophylaxie couvrant les germes aérobies et anaérobies est recommandée lors de la chirurgie colorectale (grade 1). Période postopératoire ➤ Il n’est pas recommandé de laisser une sonde nasogastrique après une chirurgie colorectale (grade 1). ➤ Il est recommandé de prescrire une technique d’analgésie multimodale privilégiant les agents antalgiques non morphiniques et/ou une technique d’analgésie locorégionale (grade 1). ➤ L’administration d’une héparine de bas poids moléculaire à dose prophylactique élevée est recommandée après une chirurgie colorectale (grade 1). ➤ Lors de la chirurgie colique, la mise en place d’un drainage n’est pas recommandée (grade 1). Lors d’une chirurgie avec anastomose sous-péritonéale, la présence d’un drainage aspiratif est probablement recommandée (grade 2). ➤ Le lever précoce (moins de 24 heures après l'intervention) est recommandé après une chirurgie colorectale (grade 1). ➤ Il est recommandé de mettre en place précocement (dans les 24 heures) une alimentation orale après chirurgie colorectale élective (grade 1). ➤ Après une chirurgie colique, la durée du sondage vésical ne doit pas excéder 24 heures (grade 1). ➤ Lors d’une chirurgie du bas rectum, requérant un drainage vésical de plus de 4 jours, il est recommandé de mettre en place un cathéter sus-pubien chez l’homme (grade 1). ➤ La mastication de gommes (chewing-gum) est probablement recommandée (grade 2). ■ 56 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 3G